CHAPITRE 5
Présence de TW
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[Dossier sous scellé]
Lord Orpheus: Il est l'un des trois lords qui règne sur le commerce dans la cité Emris. Il est une créature de forme humaine, généralement plus grande et robuste. Il est de sexe masculin et a une peau entièrement blanche. La seule chose qui le différencie des autres lords est le sourire qui est ancré dans la peau de son visage. Il aime se donner en spectacle. Intelligent et malveillant, il est considéré comme potentiellement dangereux. Il joue d'une réputation de meurtrier et vole les âmes humaines et autres faibles créatures. Son niveau de danger s'élève à 6.
Ses doigts s'enroulaient autour de la nuque d'Esmee. Son geste me réveillait enfin de ma transe. Je me penchais vers elle. Une prise sur mon cou m'arrêtait net. Le collier venait d'être resserré. La pression me fit grimacer. Esmee s'inquiéta de mon changement d'expression.
« — Eleanor ? Eleanor ?
Je ne parvenais presque plus à respirer. Je voulais lui répondre, mais le manque d'oxygène m'empêchait de penser à autre chose qu'à la douleur de mes voies compressées.
— Laissez-la !
Lord Orpheus planta l'embout de sa canne sur le sol.
Je suffoquais pendant que Esmee tentait de se débattre contre ses oppresseurs. En même temps que son sourire, sa nature joviale avait disparu. Son inquiétude remplaçait ses pommettes relevées. Je rêvais d'un monde dans lequel on pourrait vivre toutes les deux dans une campagne à l'est du continent. Ma seule préoccupation aurait été de savoir s'il restait de la farine pour faire du pain en accompagnement d'un bon repas. Je regardais enfin Lord Orpheus. Sa vicieuse expression m'horrifia et me fit détourner le regard. Les deux extrémités qui lui servaient de bouche s'étendaient jusqu'à ses tempes. Ce n'était même pas une bouche, mais une fente obscure.
— Ça suffit. Il décréta d'une main vers les coulisse.
Je respirais directement après sa déclaration. La pression sur ma tranchée disparut d'un coup. Je me saisissais d'une bouffée d'air. Je toussais la quantité trop importante qui embrasa ma gorge. Nous nous observions avec Esmee. Aucune de nous ne savait comment réagir face à cette situation qui nous enveniment de crainte et de doute.
— Vous n'êtes pas amusantes les filles. Il protesta, un peu déçu.
Il changea de cible. D'un revers brusque de la tête, il me fixait mécaniquement. Il réduit la distance entre nous et se saisit de mon menton, maintenant planté entre le lin de ses gants.
— Je vais te montrer quelque chose, Eleanor.
Il claqua à ses doigts deux fois avant qu'une ombre aux membres crochus et fins n'apparaisse d'un coin derrière les rideaux. Ses membres, exprimés en deux pattes distinctes, laissaient une trace indélébile sur le sol, derrière leur passage. La créature avança sur la scène. Ses longs cheveux d'une angoisse teinte de violet, pénétraient dans mon champ de vision. Ses ailes étaient rétractées derrière son dos, même si elles traînaient toujours par terre en raison de leur taille.
C'était elle, la femme chauve-souris qui accompagnait les gobelins et les femmes de chambre. La femme qui m'avait sans doute endormi.
J'osais un regard que je regrettais aussitôt. Elle me dévisagea comme si elle savait que je l'avais reconnu.
Elle détournait son attention pour la porter à Lord Orpheus. Il présenta sa main vers elle. Sans engager la discussion, elle déposa un gant noir dont la lumière reflétait des contours ornés de métal.
Il me relâchait et recula plus près du centre de la scène.
Il fit tomber sa canne au sol et remplaça son gant droit et examina le nouvel ornement.
— Vois-tu... Cet objet s'appelle un Dark Fingers. C'est une arme redoutable, discrète et sophistiquée. Son air plus lugubre rendait ma poitrine lourde d'appréhension.
J'observais l'objet qui n'avait rien de dangereux. Le public pensait autrement. D'un revers de la tête, je pouvais voir que cet objet attisait l'effroi, la convoitise et une peur générale.
— Une petite démonstration ?
Je croisais les yeux d'Esmee. Sa peau ébène, douce au toucher me manquais. Ils ne l'avaient pas abîmé et pourtant elle était terrifiée. Elle me regardait toujours, s'inquiétait de l'abîme à mon cou. Elle qui avait l'habitude de s'inquiéter de nous plus que d'elle-même, me fixait avec une peine qui m'attristait plus que tout le reste. Comme moi, elle ne comprenait pas le danger qui nous menaçait toutes les deux. Je captais sa figure qui fouillait dans sa poche. Puis, il présentait au public les quelques billes qu'il ait extrait de sa poche. Les petites boules défiaient la surface claire de son gant. Je me penchais vers eux. Une ghoule m'attrapa le bras d'une force inhumaine.
Je me débattais, en vain, sans doute parce que j'étais la plus faible des créatures, la plus pathétique.
Lord Orpheus fit glisser l'objet entre ses doigts. Ce n'est que lorsqu'il se détourna du public que je compris trop tard que c'était fini.
Ce n'était plus pluvieux, mais un voile plus sombre que les ténèbres qui recouvraient ma vue. Avant que je ne comprenne, la cape me dévoilait une tout autre scène.
Esmee demeurait dans une autre époque, pétrifiée, les traits arrondis et horrifiés. Elle l'admirait d'un regard lointain. Lord Orpheus pressait un doigt sur le front de mon amie. Empêchant un contact direct, l'une des billes se maintenait en équilibre entre la peau de l'esclave et le gant noir de son bourreau.
Sans un signe, ni même un avertissement, la bille mue en une forme plus hasardeuse, plus incertaine.
Elle prenait vie, caressant le gant comme pour prendre racine, pour reprendre ses droits. Dans un bruissement, l'entité forma une lame qui trancha le crâne de mon amie.
L'effroi déforma ma bouche.
Le sang presque noir d'Esmee traversa les courbes de sa joue pour venir se loger dans le creux de son cou.
« Es...Esmee... »
La bille était redevenue un liquide visqueux. Un trou béant, partiellement caché par ses cheveux fins, se trouvait entre les deux yeux d'Esmee.
Enfin, son visage commença à se creuser. Sa peau fumait et cette vision m'obligeait à détourner le regard.
Le bruit de son corps qui s'écrasait sur le sol fut le dernier rempart de mes entraves.
Inexorablement, je la regardais à nouveau. Une flaque s'étendait en dessous d'elle. Pendant que le public se réjouissait, je hurlais de désespoir. Mes larmes n'étaient plus qu'un flot d'effroi et d'incompréhension.
« Esmee ! Réponds-moi ! »
Mon corps, guidé d'un instinct primaire, trainait vers elle. Avec prudence, je me saisissais de son épaule pour pouvoir la regarder, m'assurer qu'elle allait bien.
Oui, m'assurer qu'elle allait bien.
« Esmee... »
La vue de son crâne affaissée par la substance qui l'avait tué me prenais de court. Je reculais, c'était insupportable.
Je criais jusqu'à me briser les cordes vocales, ma gorge s'asséchait, suppliait à ma tête d'arrêter.
Quant à mes larmes, elles brûlaient la robe coûteuse sur ma peau, créant des petits trous sur mes jambes. La douleur n'était rien à côté du poids qui menaçait de me briser.
— Je vous ai promis du spectacle. Notre grand final marque la mise en enchère d'Eleanor, l'humaine aux larmes destructrices. »
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Mon cerveau faisait abstraction des prix démesurés qui chatouillaient l'entrée de mes oreilles sans aller plus loin.
Esmee était allongé, inerte, le visage méconnaissable. J'étais parvenu à la retourner pour la prendre dans mes bras. Je posais mon front sur ce qu'il lui restait de peau. Je me redressais, me rappelant que mes larmes pourraient l'abîmer.
Un gros bruit alarma les foules, probablement l'une des portes. Les autres se retournaient tous dans la même direction. Un garde, puant la sueur, s'agrippa à l'embrasure. L'agitation grandissait quand il se rapprocha de la foule silencieuse. Il se dirigea vers nous, essoufflé, le visage plein d'effroi.
Sa voix saccadée, raisonnait entre les murmures du public.
« L'armée...l'armée impériale est en... ! »
Ses paroles furent interrompues par le déchirement d'une lame qui traversa sa poitrine. Il tomba, privé de toute force. Sa chute révéla l'auteur de sa mort.
Une stupeur éveilla les esprits de ceux qui profitaient encore du spectacle morbide dont nous étions toutes les deux les acteurs.
Je ne cachais pas ma surprise. En clignant plusieurs fois des yeux, je dissipais le sang qui gâchait ma vue.
L'individu se penchait pour retirer la lame du corps du malheureux.
Les traits de son visage étaient déformés par une expression en constante désapprobation. Il était paré d'un sourire inversé. Ses yeux exprimaient une tristesse profonde.
Vêtu d'une veste très sombre, suffisamment grande pour frôler le sol, il faisait preuve d'une présence dominante. Des chaînes embellissaient sa clavicule d'une teinte argentée.
Il détacha un morceau de dentelle de sa poche intérieure pour essuyer sa larme de sa souillure. Il levait les yeux vers le pupitre central.
« Mon oncle, tu devrais savoir qu'aller à l'encontre de la couronne est un crime puni de mort. » Déclara l'ombre.
Lord Orpheus éclata de rire en réponse. L'inconnu se redressa, sa main couverte d'un gant, commençait à devenir vaporeux d'une brume nocturne. Puis, en quelques secondes seulement, il détenait trois petits couteaux grisâtre. Il les amena près de ses yeux.
D'un mouvement précis, il les projeta vers Lord Orpheus.
Je fermais instinctivement les paupières, craignant que cette attaque ne me touche par accident.
Il ne se passait rien, alors j'ouvrais les yeux.
« Quelle époque... Les jeunes ne savent plus respecter leur aîné. » Ironisa Lord Orpheus qui jouait avec les mêmes larmes dans sa main qui redevenaient en état de fluide.
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