Chapitre 9 : Asterlia la magnifique

Ils mirent presque trois semaines pour parvenir jusqu'à Asterlia. Au début, ils marchaient seuls, discutant de tout et de rien, ne s'arrêtant que pour manger. Ils avaient dû trouver une solution pour permettre aux petits de suivre le rythme car, à cause de leur jeune âge, Len et les jumelles ne pouvaient parcourir autant de distance que leurs aînés. Heureusement, Genkaï avait fini par porter à tour de rôle les enfants sur ses épaules lorsqu'ils se sentaient fatigués, permettant à la troupe de ne pas perdre des heures à attendre que les petits se reposent.

Cependant, à partir du quinzième jour, ils rencontrèrent des caravanes entières de voyageurs qui se rendaient à Asterlia « la magnifique », comme ils la qualifiaient. Un marchand, les apercevant isolés de la colonne, leur avait proposé de profiter de sa carriole presque vide pour continuer leur périple. Cela avait enchanté Fubuki qui avait immédiatement accepté. Elle en avait profité pour questionner le commerçant sur les raisons de sa présence sur les routes.

— Et bien, pour le Grand Tournoi. Ses Majestés Royales invitent toujours les marchands du monde entier à venir vendre leurs produits. Je ne vais pas faire exception à la règle. En revanche, j'avoue que sans elle, je n'aurais peut-être pas fait le déplacement. Elle ne dit pas grand-chose mais c'est une excellente guerrière, avait-il répondu à l'adolescente en lui pointant une femme qui marchait devant les zlatorogs de la charrette.

Surprise, Fubuki avait alors détaillé la guerrière. Elle ne semblait pas venir des pays proches car elle portait une tenue traditionnelle de l'ouest du continent, un kimono rose saumon. Perchée sur des getas en bois, elle avançait d'une démarche si élégante que, si elle ne portait pas de sabre à la ceinture, on aurait pu la prendre pour une simple beauté de l'occident. Sentant l'attention qu'on lui portait, la dame pivota la tête en direction de son admiratrice, balayant l'air de ses longs cheveux rouge sang. Elle planta son regard d'un noir si profond dans celui de l'adolescente que cette dernière eut l'impression de se noyer dans les ténèbres. Cependant, elle ne ressentit pas d'angoisse, seulement une grande quiétude. Elle adressa un sourire amical à la guerrière. Cette dernière l'ignora, détournant les yeux pour observer l'horizon.

Ce geste indigna profondément Fubuki qui rumina pendant toute la journée. Raiyo, qui marchait non loin d'elle, jura entendre les mots « ferait bouffer », « ceinture » et « idiote ». Il dut réprimer le fou rire qui montait en lui. Son euphorie cessa à l'instant précis où il se rendit compte que la garde du corps l'observait. Il essaya de garder son calme, mais il sentait très bien que les yeux experts le détaillaient avec précision. Heureusement pour lui, ils finirent par monter la dernière colline qui les séparait d'Asterlia, obligeant la femme à détourner son attention.

Le groupe ne put s'empêcher de pousser un soupir d'admiration devant la beauté de la ville. Le qualificatif « magnifique » était si faible... L'appeler ainsi, c'était l'insulter.

Construite sur une colline, la métropole était formée de quatre cercles de murailles, chacun d'une couleur différente. En partant du bas, le premier paraissait absorber la lumière, donnant un aspect sinistre aux portes d'entrées. Ces dernières étaient bondées à cause de l'arrivée d'autant de voyageurs. Derrière cette enceinte, plus de la moitié des habitations grimpaient jusqu'au deuxième mur. Étonnement, les bâtisses avaient toutes été peintes en rouge, mais la couleur était dégradée de mille et une façons. Rehaussée par la lueur écarlate émanant des constructions inférieures, la muraille supérieure avait été fabriquée à partir d'une pierre aux reflets verdâtres. Elle entourait quelques demeures, plus espacées que celles inférieures. Les matériaux de ces habitations semblaient suivre la même logique que ceux du cercle précédent, à l'exception que la teinte était jaune. Étonné par le choix de la couleur, Raiyo voulut demander à Genkaï s'il connaissait l'origine des pierres qui avaient été utilisées pour la construction. Seulement, ses yeux, entraînés par le dégradé, se posèrent sur les deux derniers murs d'enceinte.

Il soupira d'émerveillement. Une dizaine de manoirs aux parois bleutées étaient cerclés par l'antépénultième mur d'un rose clair ainsi que de la dernière muraille. Cette dernière, d'un beige si léger qu'il paraissait blanc, auréolait la pâleur immaculée du château royal. Et ce ne fut qu'après avoir vu que la base de l'édifice était moins claire que son toit que l'adolescent comprit la prouesse architecturale qu'offrait la capitale à ses visiteurs. La ville entière avait été construite de manière à créer le plus grand dégradé de couleurs qu'il puisse exister sur cette planète.

Notant l'admiration dans les yeux des adolescents, le marchand s'amusa de l'effet produit par la capitale. Cependant, il ne brisa pas la magie du lieu. Lui-même avait ressenti la même chose la première fois qu'il avait aperçu les murs d'Asterlia. Lui aussi touché par la beauté de la ville, il ne fit pas attention à l'homme encapuchonné. Alors qu'il observait les réactions de ses compagnons de voyage, l'individu s'était rapproché de sa calèche. Naturellement, il avait grimpé aux côtés du commerçant. Au moment où ce dernier allait comprendre ce qu'il s'était passé, l'étranger dégaina une dague. Il la plaça sous la gorge du marchand.

— Tu bouges, tu meurs. Tu ouvres la bouche, tu meurs, chuchota-t-il à l'oreille du marchand.

Complètement pris au dépourvu, la victime se figea, ses yeux implorant pour avoir la vie sauve. Il se laissa fouiller, sentant les doigts habiles du voleur lui retirer sa bourse. L'individu s'ôta à terre. Aussitôt, une violente bourrasque s'éleva de l'avant de la charrette. Bousculé par la puissance du vent, l'encapuchonné tourna la tête en direction des bêtes de somme. Un liquide chaud éclaboussa son visage. Il voulut porter sa main jusqu'à sa joue. Cette dernière ne répondait pas à ses désirs. Curieux, il baissa la tête.

Derrière lui, les adolescents venaient de se rendre compte de ce qu'il se passait. Genkaï eut tout juste le temps de bondir pour se placer entre le reste du groupe et le voleur que ce dernier hurlait à s'en déchirer les cordes vocales. Il bascula de la charrette. L'individu encapuchonné roula au sol, se tenant l'avant-bras. Surpris, le marchand baissa les yeux sur la main qui reposait désormais sur ses genoux. Elle tenait encore fermement le poignard qui avait menacé quelques secondes plus tôt le commerçant. Paniqué, ce dernier repoussa le membre en criant. A l'avant du véhicule, la guerrière pivotait sur elle-même. Trois nouvelles silhouettes sous cape l'encerclaient. Raiyo, pressentant le danger, avait eu juste le temps de bondir de la charrette. Il allait venir en aide à la garde du corps lorsqu'il se figea.

Le monde autour de lui sembla ralentir. Les cris du voleur disparurent. Les sens de l'adolescent s'affinaient. Il pouvait détailler la scène qui se déroulait image par image devant ses yeux ébahis. Il vit la femme bouger à vitesse normale. En un seul geste parfaitement effectué, elle dessina un arc de cercle vertical avec son sabre encore rengainé devant elle. Aussitôt, l'adolescent de foudre vit trois entailles fleurirent sur les corps des agresseurs. Le temps reprit son cours. Les trois individus s'écroulèrent d'un même mouvement. Leur sang se répandit sur le sol avec quelques secondes de retard. Majestueuse, la femme replaça son arme dans sa ceinture. Elle s'approcha de l'homme amputé de sa démarche chaloupée. Comprenant quel sort l'attendait, l'homme commença à ramper pour fuir. A bout de forces, il n'alla pas bien loin. Tout autour d'eux, la colonne s'était arrêtée pour observer la guerrière en pleine action.

Cette dernière finit par arriver au niveau de l'estropié. Elle posa son pied sur son dos, le stoppant net.

— Est-ce que quelqu'un t'a envoyé ? demanda-t-elle d'une voix si douce.

Le ton de la jeune femme donna à Raiyo l'impression qu'il venait de rêver.

Le voleur voulut répondre, mais, exsangue, il mourut avant d'avoir pu prononcer le moindre mot. Ennuyée, la femme s'avança vers le marchand. Détaillant rapidement les occupants de la charrette, elle s'inclina.

— Je m'excuse pour le désagrément. Cet homme n'aurait jamais dû vous approcher d'aussi prêt. Je n'ai pas été assez vigilante. Vous pouvez retirer une partie de mon salaire, cela me servira de punition.

Abasourdi, le commerçant cligna plusieurs fois des paupières avant de se gratter la tête.

— Non, je ne ferai pas ça. Sans toi, cet homme serait parti avec tout mon argent et aurait ruiné ma visite d'Asterlia. J'aurais seulement préféré que tu ne tues pas devant des enfants.

— Veuillez m'excuser, je n'ai pas réfléchi, simplement agi. Pardon, les enfants !

Et elle s'inclina à nouveau. Raiyo nota la complète indifférence dans sa voix. Cela l'abasourdit.

Comment peut-elle tuer sans ressentir la moindre émotion ?

Après avoir attrapé la bourse qu'avait prise le voleur et l'avoir rendu à son propriétaire, il décida de confronter la garde du corps.

— Excusez-moi... commença-t-il.

— Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, gamin. Retourne sur la charrette.

Devant le caractère têtu de la guerrière, l'adolescent grommela mais ne s'avoua pas vaincu. Il accéléra le pas pour ne pas se faire distancer.

— Je ne veux pas vous faire perdre votre temps. J'aimerais simplement savoir comment vous avez fait pour toucher trois individus avec une seule frappe oblique et verticale ?

Sa question fut si précise qu'il réussit à désarçonner le moral stable de la femme. Elle parut abasourdie quelques instants. Elle prit ensuite un air intéressé.

— Ainsi donc, tu as réussi à voir mon coup ? le questionna-t-elle.

Raiyo déglutit. Elle arborait l'expression du loup qui analysait les mouvements de sa proie avant de la dévorer.

— Je n'ai pas réussi à cerner les deux autres mouvements mais il me semble que vous avez fait comme ça.

Il dégaina son sabre, qu'il portait lui aussi à la taille. Après avoir pris quelques pas d'avance pour ne pas se faire percuter par les zlatorogs encore en marche, il refit le mouvement de la guerrière. Impressionnée, celle-ci lui adressa un sourire. Ce geste déstabilisa tellement l'adolescent qu'il faillit en lâcher son arme.

— Intéressant. Cependant, tu n'as pas reproduit mon geste parfaitement.

— Oui, vous avez raison. J'ai dégainé alors que vous, vous aviez votre sabre encore dans son fourreau, lui répondit du tac au tac le garçon.

— En effet, mais ce n'est pas ce que je voulais dire.

Elle passa dans son dos et l'aida à se replacer.

— Tes pieds étaient mal positionnés. Ton buste n'était pas assez droit. Tu tenais mal la poignée de ton sabre. Mais c'était déjà correct, pour une première fois. Où as-tu appris le maniement de l'arme ?

— En autodidacte, à partir de livres et en imitant d'autres gens.

Admirative, la garde du corps haussa un sourcil.

— Tu es vraiment une perle rare. J'espère pouvoir te retrouver dans l'arène durant le Grand Tournoi. Tu as suffisamment éveillé ma curiosité pour me donner envie de te combattre.

Elle lui tendit la main.

— Mon nom est Eldrick, mon prénom est Zoldia, se présenta-t-elle d'un ton solennel.

Le garçon hésita à répondre au geste de l'escrimeuse, décontenancé. Il finit néanmoins par lui rendre sa poignée de main.

— Enchanté, moi c'est Raiyo Askénar. J'espère aussi avoir la chance de me mesurer à toi.

Ils durent mettre fin aux politesses. En effet,ils arrivaient à la porte sud d'Asterlia. Après que les gardes eurent vérifié l'attelage du commerçant, ce dernier les abandonna. Il leur indiqua que les qualificatifs du Grand Tournoi avaient certainement commencé. Ils se rendirent donc au dôme où ils se séparèrent en deux groupes. Fubuki, accompagnée des jumelles et de Len, se dirigea comme elle put jusqu'aux tribunes. De leur côté, les trois adolescents prirent la direction des bureaux d'inscription. Comme ils devaient attendre tant l'afflux de participants était important, Kyoseï en profita pour détailler l'arène d'où s'échappaient des cris enjoués. D'une teinte proche du noir, la pierre qui avait servi de matériau à la construction de l'édifice lui donnait l'impression d'un avertissement. Il déglutit en essayant de balayer le sentiment de non-retour qu'il ressentait. Il finit par donner son prénom à la guichetière. Cependant, il ne s'attendait pas à la déclaration de la jeune femme.

— Il me faudrait aussi votre nom de famille.

Interdit, le garçon se figea. Voyant son embarras, Raiyo intervint rapidement.

— Frangin, fais pas attendre la dame. Askénar, madame, qu'on s'appelle, inventa-t-il en prenant l'accent du commerçant avec lequel ils avaient voyagé.

Il ne savait pas pourquoi il avait pris le soin de modifier le ton de sa voix. En effet, depuis qu'ils faisaient la queue, il lui semblait ressentir l'attention de regards braqués sur lui. Il avait beau regarder dans tous les sens, la foule le compressait trop. Il lui était impossible de discerner quoi que ce soit. Ce fut pour ça que, peu serein, il avait rabattu le capuchon de sa cape de voyage et avait usé de ce subterfuge.

Si ses amis lui lancèrent un regard surpris, la guichetière, elle, ne fit aucune réflexion. Elle leur donna un ticket. Ce dernier indiquait aux garçons qu'ils allaient combattre en même temps, mais dans des rings différents. Heureux de ne pas avoir à se confronter à ses camarades, Raiyo avança. Il profita de la cohue pour que son sabre reprenne son apparence de médaillon. Il avait lu sur le tract qui était distribué que les armes étaient fournies, dans un souci d'éviter les blessures graves. De leurs côtés, Genkaï et Kyoseï allèrent déposer les leurs. L'orphelin grimaça lorsqu'on lui retira sa rapière un peu brusquement. Ce fut alors qu'ils arrivèrent à un embranchement, indiquant quatre lettres.

Chacune représentait le nom du terrain où ils combattraient. Ce fut avec un pincement au cœur que l'adolescent de la foudre laissa ses amis partir tandis qu'il prenait le couloir menant à la zone C. Il fut accueilli avec une quarantaine d'autres participants par un homme mûr. Ce dernier portait ses cheveux grisonnants tressés sur son épaule dénudée. De lui émanait une sorte d'aura qui fit frissonner la foule. Tout le monde comprit qu'il était celui qui donnait les directives. Ils attendirent donc son discours.

— Bonjour messieurs et mesdames. Bienvenue à l'arène Pierce. Vous allez devoir attendre que le prochain combat se termine . Ensuite, vous pourrez accéder au terrain. Sachez que ce sera un un contre tous pendant dix minutes ou jusqu'à ce qu'il ne reste que deux d'entre vous dans la zone délimitée. Vous avez ici des armes en bois à votre disposition afin que vous ne blessez pas trop vos adversaires. Il est interdit de frapper un homme ou une femme à terre sinon c'est la porte. Maintenant, allez choisir vos armes et asseyez-vous en attendant votre tour, clama le vieil homme.

Il leur désigna les râteliers ainsi que les bancs. Tous se précipitèrent vers les armes, jouant des coudes pour obtenir le plus vite leurs armes de prédilection. Mais étonnement, il y en avait de tous les types et en quantité suffisante pour que personne ne se plaigne. Raiyo nota que deux garçons de son âge s'étaient immédiatement dirigés vers les bancs. Cela étonna l'adolescent. Après avoir trouvé son bonheur, ce dernier s'approcha de l'un des deux. Il ne sut pas vraiment pourquoi il avait choisi celui-là plutôt que l'autre. Il sentit une certaine proximité avec le jeune homme. Il possédait une crinière bien moins longue que la sienne. Ses cheveux étaient d'un noir si profond que l'enfant divin de la foudre eut l'impression de voir un ciel nocturne dénué d'étoiles. Voyant que l'on s'asseyait à côté de lui, le garçon releva la tête. Ses yeux d'ébènes se plantèrent dans ceux de Raiyo. Aussitôt, il lut une franchise si pure dans ce regard que l'adolescent oublia complètement ce qu'il se passait autour de lui.

— Salut, déclara l'inconnu en lui souriant. Tu viens ici pourquoi ?

— Oh... Euh... Pour voir mes progrès. Et toi ?

— Idem, même si je ne dirais pas non à la récompense. Mais bon, je suis réaliste, je n'ai aucune chance.

— Faut pas te dénigrer ainsi... commença Raiyo.

Mince... Comment il s'appelle ?

Voyant que son interlocuteur semblait gêné, le jeune homme intervint.

— Derek, moi c'est Derek. Et toi ?

— Raiyo.

— Enchanté alors. Et merci de ton soutien, Raiyo.

Il lui tendit la main et l'adolescent aux cheveux blancs la lui serra.

— On ne se connaît pas. Pourtant tu viens me réconforter. C'est gentil de ta part. Par contre, si c'est un stratagème de ta part pour m'amadouer, saches que c'est raté.

— Pas du tout ! s'indigna l'enfant divin de la foudre. Mais si tu le prends comme ça, alors je te ferai aucun cadeau !

Une légère tension flotta dans l'air quelques instants. Soudain, les deux garçons éclatèrent de rire, faisant sursauter la plupart des autres candidats. Ils se cognèrent le poing, se vouant un respect mutuel. Ils se levèrent quand le vieil homme déclara que c'était au tour de leur groupe d'entrer dans l'arène. Les quarante participants passèrent la porte de bois qui les séparait de leur lieu de confrontation. Raiyo dut se protéger les yeux tant le soleil semblait irradié. En effet, si l'extérieur des murs de l'édifice était sombre, les gradins avaient été construits en marbre étincelant. Ce dernier réverbérait avec encore plus de puissance les rayons de lumière déjà réfléchis par le sable fin qui recouvrait le sol. Des acclamations ponctuèrent leur entrée. Ils pénétrèrent tous ensemble dans le cercle peint sur la texture granuleuse. Raiyo nota alors les regards des autres participants. Ils se souriaient et se faisaient des signes discrets.

Évidemment, ils vont se liguer contre les plus jeunes...

Il observa rapidement Derek ainsi que l'autre adolescent aux cheveux roux. Si le premier semblait avoir compris ce qui se tramait, le deuxième ne le lâchait pas des yeux, ignorant les autres concurrents. Perplexe, le jeune homme essaya de lui faire un signe, mais il n'eut comme réponse qu'un étrange sourire. Aussi, tous furent pris au dépourvu lorsque, au top départ, il s'élança en un bond sur Raiyo. Ce dernier dévia son coup de justesse. Abasourdis, la foule et les participants restèrent immobiles quelques secondes. Seul Derek en profita pour assommer ses deux voisins.

Pendant ce temps, l'adolescent de la foudre faisait de son mieux pour contrer les assauts répétés de son adversaire. Ce dernier semblait s'en donner à cœur joie. Un peu plus petit que lui, il frappait sans montrer le moindre signe de faiblesse. Heureusement, Camolauss veillait. Il s'exécuta à corriger les parades imprécises de son porteur, leur permettant de tenir le rythme. Un homme, voulant certainement profiter de la faiblesse de Raiyo, se décida à agir. Il asséna un coup de masse. Cependant, son attaque ne toucha jamais. Vif, le rouquin avait crocheté la jambe de celui qui le dérangeait. Tandis que ce dernier chutait, il lui asséna une talonnade si violente que l'adolescent aux cheveux blancs jura entendre des os craquer.

Surpris par ce geste, l'adolescent aux cheveux blancs observa son ennemi qui se releva en s'époussetant.

— Je vois qu'on ne sera pas tranquille tant qu'on n'aura pas éliminé les autres. Je te propose de remettre ça à plus tard car je veux continuer notre petite danse, Raiyo, ricana-t-il.

Et sans laisser le temps à son interlocuteur d'en placer une, il se jeta sur un autre participant le désarmant avec une simplicité déconcertante.

Raiyo voulut le rattraper pour lui demander comment il pouvait connaître son prénom. Il n'en eut pas le temps. Il dut lutter contre trois adultes qui cherchèrent à le faire sortir du cercle. Cependant, agacé, l'adolescent expédia son combat en leur assénant à chacun un coup de sabre en bois sur le crâne.

Pendant ce qui lui sembla être des heures, il vainquit une dizaine de personnes. Il ne cherchait plus qu'à se retrouver en tête à tête avec le rouquin, lui faire ravaler son ton narquois. Ce fut alors que ce dernier revint à la charge. Il n'avait laissé que deux autres concurrents en proie l'un à l'autre. Cette fois-ci, Raiyo était prêt.

Il abattit son arme à l'instant même où son adversaire prenait appui sur le sable. Surpris, ce dernier eut tout juste le temps de frapper la lame en bois avec la paume de sa main. Il dévia l'assaut, mais le choc qui résonna dans son épaule l'empêcha d'asséner le coup qu'il prévoyait de placer.

Arborant une expression se voulant provocante, l'adolescent de la foudre ravala son commentaire désobligeant. Il venait de recevoir une talonnade. Profitant de la force de son adversaire, le rouquin s'était laissé tomber pour mieux asséner sa frappe. Tous les deux vexés que l'attaque de l'autre les aient atteints, les deux garçons reculèrent afin de mieux se jauger.

La foule hurla littéralement d'euphorie. Les deux adversaires se lancencèrent dans un ballet splendide, échangeant à chaque fois un coup qui leur arrachait un grognement de douleur. Après une énième tentative pour en finir, Raiyo décida de briser l'échange pour mieux se préparer. Son corps, meurtri par les assauts violents de son adversaire, tremblait. Mais il voyait bien que le rouquin n'était pas mieux loti. Il aperçut le garçon prendre une étrange posture. Il venait de se ramasser sur lui-même tout en armant son bras.

Il lance l'assaut final !

Son adversaire venait de bondir sur lui, exactement comme la première fois.

Attends... Je ne peux pas gagner ?

Cette pensée le tétanisa l'espace d'un instant.

Non... Hors de question de ne pas essayer !

Au lieu de baisser les bras et de se rendre, son orgueil le poussa à modifier sa position, levant son sabre au-dessus de sa tête. Tout comme il avait vu Zoldia faire, il asséna une frappe verticale oblique. Son geste fut dénué de toute force excédentaire.

Aussitôt, il lui sembla sentir un étrange courant d'énergie le parcourir.

Tiens, on dirait mon arme divine...

Deux lames électriques se manifestèrent de part et d'autre de son sabre, reproduisant à la perfection l'attaque de Zoldia. Mais son adversaire avait réagi à temps.

Mû d'une force surnaturelle, le garçon pivota dans les airs, comme s'il avait pris appui sur un mur invisible. Il évoluait dans un monde ralenti. Raiyo aurait pû le discerner s'il n'était pas en proie à une concentration extrême. L'adolescent aux cheveux roux passa sous la véritable lame de son adversaire. Il se figea devant ce dernier. Le bras formant un angle droit avec son avant-bras, les doigts frôlant le torse de l'enfant divin, le jeune homme referma la main pour former un poing. Sans élan, il asséna un coup sans recul. Il ne se rendit même pas compte que la foudre qu'avait créé Raiyo lui découpait proprement la chair de son épaule.

Une violente explosion retentit. Elle envoya voler les deux garçons au moment où l'arbitre annonçait la fin du temps réglementaire. L'action s'était déroulée si vite que personne dans le public ne comprit ce qu'il venait de se passer. Heureusement, pour la plupart des membres de l'audience, les événements surnaturels furent assimilés à des reflets de lumière sur le sable ou à des hallucinations dues à l'atmosphère étouffante de l'arène.

Au centre de l'édifice, Derek se précipitait vers Raiyo. Des guérisseurs s'affairaient déjà autour du corps inconscient. L'adolescent aux cheveux noirs avait réussi à assommer son dernier adversaire et avait voulu affronter le rouquin avec son nouvel ami. Cependant, l'échange avait été si brutal qu'il s'était rendu compte de son inutilité. Lorsqu'il avait vu le dernier coup, ses yeux s'étaient écarquillés. Ces derniers avaient vu la scène en détail. Pourtant, son cerveau, ne comprenant pas, essayait de trouver une explication rationnelle. Il avait beau se forcer, il ne trouvait rien. En pilote automatique, son corps suivit la civière que portaient deux des guérisseurs. Il but ce qu'on lui donnait. Il était devenu sourd au monde qui l'entourait. Une main se posa sur son épaule. Il sursauta, la main sur le cœur.

— Je vous prie de m'excuser, mais allez-vous bien, messire ? Dois-je faire venir un chaman pour qu'il vous administre quelques potions ou breuvages ? Vous me semblez bien souffrant...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top