Chapitre 8 : Serment sacré

Quelque chose vint taper doucement son visage. Raiyo reprit doucement conscience, en même temps que ses sens. Le contact qui l'avait réveillé se fit plus fort. Au même moment, une odeur de bois brûlé vint chatouiller ses narines, irritant un peu ses bronches. Il toussa un peu et ouvrit les yeux. Aveuglé par une vive lueur, il referma les paupières.

— Allez, réveille-toi, andouille, grommela la voix, irritée.

— Ce qui est bien avec toi, Fubuki, c'est que je sais toujours que je ne suis pas au paradis lorsque je me réveille, railla Raiyo, un immense sourire aux lèvres.

Il décida de placer sa main entre lui et les rayons irradiants. Voyant que son amie s'était un peu reculée pour lui laisser la place de se redresser, il s'assit et observa les alentours.

Ils se trouvaient dans une plaine calcinée, où des flammes isolées dansaient au gré du vent. En observant plus attentivement, le garçon se rendit compte qu'il n'était pas dans une zone fermée comme pouvait l'être une clairière, mais plutôt dans un couloir immense. En effet, à cinquante mètres de lui, sur sa gauche et sur sa droite, des arbres se dressaient encore, majestueux.

— Mais où est-ce qu'on est ? finit-il par marmonner, l'air ahuri.

— Toujours dans la forêt, ou plutôt ce qu'il en reste. J'aurais aimé que tu nous expliques mais je suppose que, comme les autres, tu n'as aucune idée de ce qu'il s'est passé...

— Les autres ? Il n'y avait que moi et Genkaï, non ? répliqua le jeune homme en se redressant.

— Je me vois fort marri de vous contredire, sieur Raiyo, mais lorsque je fus arrivé dans la clairière, il y avait déjà ce jeune homme en train de batailler pour sa vie.

Se tournant vers le colosse qui venait de s'exprimer, Raiyo détailla l'individu qui se tenait encore la tête, l'air déboussolé. Il semblait faire la même taille que l'adolescent de la foudre et même si quelques cicatrices vieillissaient son visage, ils paraissaient du même âge. Tout comme l'enfant divin, sa chevelure était longue et ébouriffée. Néanmoins, elle grisonnait bien plus que le blanc presque immaculé de ce dernier. Cependant, Fubuki aurait trouvé à redire sur sa tenue.

En effet, le jeune homme portait des guenilles si abîmées qu'on pouvait voir son corps meurtri par la malnutrition. Par endroits, ses os saillaient sous sa peau mais Raiyo nota l'épaisseur des muscles qui trahissaient des habitudes guerrières. Le garçon sembla noter l'intérêt qu'on lui portait car il braqua son regard dans celui de son observateur. Ce dernier fut frappé un instant par la beauté de ses iris. Elles semblaient changer de couleur avec la luminosité ambiante, offrant un superbe dégradé de verts à quiconque plongeait dans ses yeux.

Soudain, l'inconnu se tendit et, alarmé, se mit à crier.

— Len ! Len ! Où es-tu ?

Un silence de mort lui répondit. Genkaï, voyant la cage thoracique du garçon se soulevait de manière anarchique, décida d'intervenir discrètement.

Il plaça ses mains contre le sol et ferma les yeux. Surpris, Raiyo l'observa en silence, n'osant pas le déranger. Au bout de quelques secondes, le colosse se redressa d'un bond. Il courut en direction d'une souche calcinée où il s'agenouilla. Le reste du groupe s'approcha de lui tandis qu'il arrachait à mains nues les racines noircies. Lorsqu'ils furent à son niveau, l'enfant divin de la terre fit volte-face. Tous purent voir qu'il portait un petit garçon aux cheveux aussi gris que l'inconnu. Ce dernier, les larmes aux coins des paupières, s'approcha en tremblant.

— Len... Ne me dîtes pas qu'il est...

— Ne vous en faîtes point, messire. Ce jeune garçon est simplement dans le monde de l'inconscience. Il fut protégé par les racines des arbres entre lesquelles il s'était dissimulé. Je suis confus de ne pas l'avoir protégé en même temps que vous mais je dois avouer que j'étais ignorant de son existence.

Soulagé, l'adolescent tomba à genoux et, tremblant, récupéra dans ses bras l'enfant en pleurant de joie. Les larmes finirent par réveiller le petit garçon qui l'étreignit.

— Tout va bien, grand frère. Je vais bien, murmura-t-il entre deux sanglots.

Un hoquet discret sur sa droite éveilla la curiosité de Raiyo. En voyant Fubuki, il comprit. La jeune femme avait perdu son petit frère et, même si elle n'avait pas eu l'air affecté, l'émotion des deux frères ne la laissait pas indifférente. Les jumelles, sensibles à la tristesse de leur amie, lui prirent les mains et les serrèrent en signe de réconfort. Ils attendirent que l'aîné se reprenne puis, une fois les émotions passées, ils firent les présentations.

— Je tenais à vous remercier sincèrement de nous avoir sauvé la vie, s'inclina poliment le plus grand des deux. Je me nomme Kyoseï et voici mon petit frère, Len.

— Vous n'avez point à nous remercier, répondit Genkaï en imitant le geste de son interlocuteur. Nous n'avons fait que notre devoir. Cependant, nous ne sommes en rien responsables de la défaite de nos oppresseurs félins.

— Je me demande bien quel genre de monstre est capable de faire ça, grommela le dénommé Kyoseï.

— Ce n'est pas un monstre qui a fait ça !

Tous pivotèrent vers Len qui rougit en se sentant au cœur de l'attention.

— Qu'est-ce que tu racontes ? l'interrogea son frère en s'accroupissant à son niveau.

— C'était un homme qui a brûlé la forêt, reprit le petit garçon avant de pointer Genkaï. Il avait des pouvoirs, comme ce monsieur.

Le colosse se mordit la lèvre. Il avait réagi à l'instinct en sentant la vague d'énergie lui foncer dessus. De plus, lorsqu'il s'était réveillé, il avait espéré que Kyoseï avait été suffisamment sonné par sa charge pour ne pas se souvenir du dôme de terre. Cependant, il ne pouvait pas se douter que Len était caché entre les racines de la souche. Malheureusement, il semblait avoir tout vu. Il allait ouvrir la bouche mais Fubuki fut plus rapide.

— Tu as certainement rêvé ! s'exclama-t-elle en s'avançant vers eux. Je pense qu'un gros monstre a dû passer par là et à tout saccager sur son chemin. On a eu de la chance qu'il ne nous remarque pas.

Malheureusement, le petit ne voulait pas en démordre.

— Non, je vous assure que j'ai bien vu deux personnes encapuchonnées passer après les flammes. L'un d'entre eux était grand comme Kyoseï et l'autre était encore plus grand mais moins que le monsieur, dit-il en pointant de nouveau Genkaï.

Le colosse essaya de ne rien laisser paraître.

— Puis après, il a vérifié si vous alliez bien, continua le petit. Il a dit qu'ils devaient se dépêcher pour retrouver le saint du feu ou un truc du genre à Asterlia. L'autre lui a demandé ce qu'ils faisaient de Kyoseï. Et le grand allait dire quelque chose. Mais il s'est tourné vers moi et pouf ! Plus rien. Après, je me suis réveillé dans les bras du monsieur et Kyoseï pleurait.

Tous l'avaient écouté sans le couper, abasourdi par son témoignage, à l'exception de son frère qui le grondait en lui disant qu'il ne devait pas inventer des histoires. Ils s'étaient regardés lorsque Len avait parlé du Saint du feu. Discrètement, Fubuki fit un signe aux autres mais l'aîné de la fratrie les interrompit.

— Je suis désolé de la gêne que vous cause mon frère. Cependant, j'ai une requête à vous faire. Nous aimerions nous rendre à Asterlia pour participer au Grand Tournoi. Si c'est votre destination, pourrais-je vous demander si nous pouvons vous accompagner ? Je crains que de nouveaux monstres nous attaquent en route et je ne suis clairement pas assez fort pour protéger Len seul.

Et il s'inclina poliment, son frère faisant de même. Les deux semblaient attendre leur réponse. Profitant du fait que les deux garçons ne les regardaient pas, Fubuki fit signe aux autres de refuser. Mais Raiyo avait une sorte de... d'intuition ? Non. Ça venait plutôt de Camolauss. Ce dernier, sentant l'intérêt de son maître pour lui, répondit à sa question informulée.

— Je pense que nous devrions nous rendre nous aussi à Asterlia pour retrouver le Saint qui s'y trouve ainsi que l'enfant divin des flammes.

Comme l'adolescent s'en était douté, celui qui avait détruit la forêt ne pouvait être que son homologue du feu.

— De plus, je pense que ces deux garçons ne sont pas de simples humains. Je ne m'avancerai pas à dire qu'ils sont des Saints mais ils me semblent spéciaux, ajouta l'esprit lupin à son maître.

Voyant que tout le monde le regardait, Raiyo s'éclaircit la gorge.

— Ce serait un plaisir de voyager avec vous. Cependant, j'aimerais tout d'abord éclaircir un point avec vous. Votre frère a raison.

Et il leur expliqua tout. Fubuki voulut intervenir à plusieurs reprises mais Rubia et Saphira lui firent signe de ne pas prendre la parole. Offusquée, elle finit par s'enfermer dans un mutisme borné, croisant les bras et défiant quiconque de lui adresser un mot. Les deux garçons écoutèrent l'enfant divin de la foudre, leurs visages exprimant les différentes émotions qu'ils ressentaient. En revanche, polis, ils ne le coupèrent à aucun moment. Arrivant à la fin de son explication, Raiyo décida de conclure en ajoutant :

— Si je vous ai raconté tout ça, c'est parce que, moi et l'esprit de mon arme, nous pensons que vous n'êtes pas n'importe qui. J'aimerais donc que vous nous accompagniez durant notre voyage.

Un silence ponctua sa déclaration. Les deux frères se regardèrent et soupirèrent de concert. Ils avaient vu les pouvoirs des adolescents. Ces derniers avaient joint l'exemple à la parole lorsque Raiyo avait expliqué qu'ils étaient les enfants divins. Ils leur étaient difficiles de ne pas croire à leur discours. Néanmoins, même avec cette démonstration, ils avaient dû mal avec l'idée d'être importants.

— Je vais être honnête, décida de répondre Kyoseï. Vous êtes, depuis la mort de nos parents, les premiers à faire preuve d'intérêt pour nous. Alors, même si nous ne sommes pas des Saints comme vous dîtes, nous allons vous accompagner où vous voudrez. En revanche, je souhaite poser deux conditions.

Surpris par le ton solennel du jeune homme, l'adolescent de la foudre se renfrogna, prêt au pire.

— Je vous écoute.

— Je souhaite que vous nous traitiez en égal, pas en tant que serviteur. De plus, si jamais je venais à mourir, je veux que vous preniez soin de Len.

Cette déclaration choqua le groupe, y compris le plus jeune des frères.

— Comment ça ? s'écria-t-il en saisissant le bas de la chemise de son frère.

— Len, j'ai promis à papa et maman de veiller sur toi et c'est ce que je compte faire. Mais si jamais je disparais, je veux que quelqu'un puisse assurer ta survie.

— Mais... continua Len.

Son frère le repoussa doucement et lui adressa un signe de la main.

— Le sujet est clos. Alors, reprit Kyoseï en défiant du regard Raiyo, votre réponse ?

— Et bien, pour la première partie, nous n'avons jamais eu l'idée de vous traiter comme des êtres inférieurs, alors il n'y a pas de soucis. Pour la deuxième...

— Je m'y engage ! le coupa Fubuki.

De nouveau prise au dépourvu, la troupe pivota vers l'adolescente qui faisait tourner machinalement une mèche de cheveux entre ses doigts.

— Je peux avoir votre parole ? insista Kyoseï.

— Sur Ghibli, dieu de la parole, je m'y engage, s'écria la jeune femme en plaçant sa main sur son coeur. Si Kyoseï ici présent venait à mourir, j'adopterai Len, son frère, comme mon propre frère et lui apporterait la meilleure éducation et les meilleurs soins qui seront à la mesure de mes moyens.

Raiyo écarquilla les yeux. Fubuki venait d'attirer l'attention du dieu des contrats et des échanges oraux sur elle tout en faisant une promesse. Peu de personnes avaient le courage de donner leur parole en invoquant la divinité que l'on qualifiait souvent de malicieuse. Surtout que, si elle n'était pas sincère en faisant cela, elle perdrait aussitôt la vie et c'était sa famille qui prendrait sur eux les conséquences et les obligations de son acte.

Tous retinrent leurs souffles quelques instants, choqués par le geste de l'adolescente. Mais, voyant qu'elle ne mentait pas, Kyoseï sourit et s'inclina.

— Je vous remercie, dame Fubuki.

— De rien. Par contre, et ça vaut pour vous deux, il n'y a pas de dame ou quoique ce soit. Vous nous appelez par nos prénoms, un point c'est tout !

Amusés par la réaction de leur amie, le reste du groupe sourit et ils partirent en direction de la capitale de Maversia, Asterlia.

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