Chapitre 5L'île où la foudre se lamente
Tandis que le vaisseau fendait les vagues avec aisance, Raiyo et Fubuki essayèrent de s'occuper du mieux qu'ils le pouvaient afin de ne pas laisser leurs esprits se remémorer les évènements qu'ils avaient vécu. Malheureusement, si l'adolescente paraissait peu affectée, l'enfant divin de la foudre ne pouvait s'empêcher de pleurer tous les soirs dans sa couchette. Il n'arrivait pas encore à réaliser que tous ceux qu'il avait connus n'étaient plus de ce monde. De plus, une pensée ne cessait de le harceler.
D'après Fubuki, Konraï et son père n'étaient qu'une illusion et ce serait Hiannaho lui-même qui serait venu à mon secours. Mais pourquoi m'a-t-il uniquement aidé moi et pas Fubuki ?
Il avait bien essayé d'aborder le sujet avec son amie d'enfance mais cette dernière ne cessait de clore le sujet d'un cinglant :
— Il l'a fait car tu étais le plus blessé, c'est tout. Il n'y a pas d'autres explications.
Cela exaspérait un peu l'adolescent qui aurait bien aimé que la jeune femme prenne le temps d'en discuter avec lui. Cependant, depuis leur départ de l'archipel du Léodaro, elle passait la plupart de son temps sur le pont à lire le grimoire d'Oraclos. Lorsqu'il arrivait à lui faire décrocher un mot, elle se contentait de lui dire qu'elle cherchait des informations.
Ainsi, pour la première fois de sa vie, Raiyo se retrouvait seul. En effet, au village, le jeune homme jouait toujours avec les autres enfants ou secondait les adultes dans leurs tâches quotidiennes. Ce fut d'ailleurs pour cela qu'il essaya rapidement de venir en aide aux marins qui l'inclurent dans leur équipage. Évidemment, le premier jour, le capitaine se contenta simplement de lui faire laver le pont mais, voyant que le garçon ne flanchait pas, il lui donna rapidement d'autres consignes et il finit même par le laisser participer aux combats amicaux que se lançaient les marins. Évidemment, lors de son premier duel, Raiyo fut défait mais il n'abandonna pas aussi facilement. Ainsi, à force d'observer les matelots, il commença à mémoriser leur style et, toutes les nuits, il s'entraînait à reproduire leurs mouvements. C'est ainsi qu'il finit même par rivaliser avec le capitaine, à la surprise générale.
Le temps fila ainsi et six jours passèrent. L'enfant divin de la foudre fut réveillé par une étrange sensation. Il se leva machinalement et alla se placer sur le pont. Il se surprit à observer avec envie une île à l'horizon, surmontée par un amoncellement de nuages noirs. Tout à sa contemplation, il ne se rendit même pas compte que Fubuki s'était appuyée à côté de lui et sursauta violemment lorsque cette dernière lui asséna une claque derrière la tête.
— Tu pourrais répondre quand on te parle, grommela-t-elle en se massant la main.
— Certes mais ce n'est pas une raison pour me frapper ! se plaignit l'adolescent en se frottant les côtes.
— Fais pas ta pleureuse. Bon, cessons les enfantillages. Tu regardais quoi ?
— Cette île, indiqua Raiyo en pointant l'objet de son ancienne contemplation.
— L'île Kaminari ? Ça tombe bien, c'est notre destination.
— Sérieusement ?
Le jeune homme avait sursauté violemment, manquant de passer par-dessus bord.
— Oui, c'est la croix que j'ai repérée dans le grimoire d'Oraclos. D'ailleurs, en parlant de ça, j'en ai discuté avec le capitaine et il a accepté de nous en approcher. Cependant, il refuse d'amarrer et nous donnera simplement une barque pour qu'on rejoigne la terre par nos propres moyens. Et avant que tu me demande pourquoi, il m'a dit que l'île était entourée de récifs impossibles à esquiver en galion.
Bouche bée, Raiyo soupira avant d'esquisser un sourire. Pour rien au monde, il ne l'aurait avoué mais il était content de pouvoir reparler avec Fubuki. Voyant que le Fendoir avait mis le cap vers l'île Kaminari, les adolescents allèrent regrouper leurs effets personnels et aidèrent l'équipage à naviguer. Lorsqu'ils furent à une centaine de mètres de la plage, le capitaine largua les amarres et ses matelots mirent à la mer la barque promise. Après avoir salué l'équipage, Raiyo se tourna vers l'île et ne put s'empêcher de se figer en observant le spectacle qui s'offrait à lui.
L'île se découpait en trois cercles étonnement concentriques, entourant une montagne dont le sommet avait certainement été coupé par un dieu à l'aide d'une épée géante tant il était horizontal. Sur les flancs de cette dernière, une forêt d'arbres rouges avait poussé, séparant la roche escarpée des champs qui s'étendaient jusqu'à la plage. Mais le détail qui choqua le plus le garçon était l'orage. En effet, au sommet de la paroi rocheuse, une pluie d'éclairs cramoisis s'abattait sans interruption, créant une musique qui se répandait dans l'air ambiant. Raiyo ne put s'empêcher de ressentir une étrange nostalgie en entendant cette mélodie et crût même discerner des lamentations.
Fubuki, le voyant verser une larme, écarquilla les yeux mais ne dit rien. Ils finirent par commencer à ramer, s'éloignant doucement du Fendoir. Ce fut alors qu'un bruit étrange vint rompre le doux rythme des éclairs. Derrière eux, un immense tentacule venait de sortir de l'onde autrefois paisible. Cette dernière se déchaîna alors, obligeant les adolescents à se cramponner du mieux qu'ils le pouvaient pour ne pas chavirer. Cependant, ils ne purent qu'observer avec horreur le bras gargantuesque s'abattre sur le Fendoir, le sectionnant promptement. Des hurlements retentirent lorsque de nouveaux appendices percèrent la surface de la mer, soulevant des vagues immenses qui finirent par renverser la chaloupe des enfants divins. Tandis que Raiyo passait par-dessus bord, il lui sembla, entre deux remous violents de l'onde, observer huit lumières rouges qui le contemplaient. Malheureusement pour lui, le choc de son corps sur l'eau lui fit perdre connaissance.
Lorsque des cris retentirent, la tirant de son sommeil, Fubuki ne put s'empêcher de ressentir une sensation de déjà-vu. Cependant, à la différence de la première fois, la surface sur laquelle elle était couchée était plus dure que le doux matelas de l'infirmerie. De plus, elle ne reconnaissait aucune des voix qui lui vrillaient les tympans. Elle finit par ouvrir les yeux et constata qu'elle était sur le sable fin d'une plage. Elle commença à se lever lorsque ses souvenirs lui revinrent en bloc. Le départ du navire, les tentacules, la tempête, les vagues, tout lui revint d'un seul coup, manquant de lui faire perdre à nouveau conscience. Alors que son corps affaibli se laissait retomber, un bras puissant vint la soutenir et une ombre occulta un instant la lumière étrangement écarlate qui commençait à faire naître en elle un mal de tête. Elle leva les yeux et les écarquilla en se rendant compte qu'un colosse aux cheveux bruns courts et aux pupilles d'un marron clair la tenait contre elle. Ses traits, légèrement joufflus, donnaient l'impression que son enfance luttait contre sa maturité qui cherchait à s'exprimer sous la forme d'une barbe de quelques jours. L'expression de l'individu fit froid dans le dos à la jeune femme qui voulut le rejeter lorsqu'elle nota le filet de sang qui lui coulait du front. Aussitôt, son cerveau analysa attentivement les cris.
— Dégagez, étrangers !
— On ne veut pas de vous sur notre île !
— Il a essayé de vous tuer donc cela veut dire que vous êtes mauvais !
Tandis qu'elle cherchait des yeux Raiyo, Fubuki fut surprise de le trouver encore inconscient derrière elle. C'est alors que son protecteur ouvrit la bouche.
— Damoiselle, comment vous portez-vous ? Je suis fort marri du traitement que vous subissez mais n'ayez crainte, je vous protégerai de mon corps car il appert qu'un protecteur vous soit nécessaire.
Abasourdie par le langage employé par le jeune homme, l'enfant divin de la glace se contenta simplement d'un haussement de tête.
— Vous m'en voyez fort aise. Je ne saisis point pourquoi ces braves vous cherchent querelle mais il m'appert qu'ils doivent faire amende honorable.
— Certes, le coupa Fubuki en plaçant sa main entre elle et son protecteur. Mais nous ferions peut-être mieux de ne pas rester ici. Pouvez-vous porter mon ami ?
— Soit, gente dame. J'aurais aimé faire dire merci à ces manants et les bouter mais je ne peux m'y contraindre tout en vous protégeant.
De plus en plus déroutée, Fubuki décida de ne pas chercher à comprendre ce que lui racontait l'étrange garçon. Aussi, dès qu'elle vit que ce dernier tenait Raiyo, elle s'élança sur la plage, rapidement suivi par le colosse. Ils réussirent à échapper aux habitants courroucés et se réfugièrent dans la forêt. Là, après s'être bien assurée qu'ils avaient semé leurs agresseurs, l'enfant divin de la glace poussa un soupir de soulagement et prit enfin le temps d'observer le nouveau venu.
La dépassant d'au moins une tête et demie, l'individu était si large qu'il paraissait impossible à dissimuler dans une armoire. Ses bras et ses jambes, si musclés qu'on les aurait cru taillés par un sculpteur, lui donnaient une carrure si impressionnante que Fubuki se surprit à rougir. Cependant, un ventre légèrement bedonnant et des joues encore un peu molles trahissaient un caractère porté sur la bonne nourriture.
Un gémissement sortit l'adolescente de sa rêverie et elle se jeta aux côtés de Raiyo qui émergeait enfin.
— Ouah... Ma tête... Qu'est-ce qui nous est encore arrivé ? grommela-t-il en se grattant la tête.
— Trois fois rien, ricana son amie en l'aidant à s'adosser contre un arbre. Mais heureuse de voir que tu vas bien.
— Il en va de même pour moi, commenta l'homme. Je suis fort aise de voir que nous avons pu nous esbigner de la sorte. Votre audace est superbe, gente dame.
Voyant l'air désemparé de son ami, Fubuki prit les devants.
— Merci. Raiyo, cet homme nous a protégés des villageois en colère. Je n'ai d'ailleurs pas eu le temps de vous demander votre nom.
— Point ne connaît les us et coutumes de votre pays natal. Or, vous m'en voyez fort marri, j'ai manqué à mon devoir en omettant de vous donner mon patronyme. Je me vergogne. Mon nom est Genkaï Ogawa, expliqua le colosse en s'inclinant devant eux.
— J'ai absolument rien compris mais moi c'est Raiyo Askénar, lui répondit le garçon en lui adressant un signe de main.
— Quant à moi, je suis Fubuki Werbia. Je vous remercie de votre aide, Genkaï.
— Tout le plaisir est pour moi. Il m'était impossible d'assister à pareil spectacle sans intervenir. Je n'ai malheureusement pas eu le loisir de guerroyer contre ses manants.
— Je suis désolée de vous demander cela mais pourquoi parlez-vous ainsi ?
Le colosse pencha la tête sur le côté, semblant ne pas comprendre.
— Vous ai-je outragé d'une quelconque manière, dame Werbia ?
— Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, s'excusa Fubuki en balbutiant. Je voulais juste dire que votre manière de parler n'est pas courante par chez nous.
— Mon idiome a toujours dérangé autrui mais je n'y puis rien. Je ne sais point comment communiquer autrement.
— Il suffit que tu copies notre manière de parler. Par exemple, essaies déjà de nous tutoyer et non de nous vouvoyer, ce sera un début, lui expliqua Raiyo en souriant.
Le garçon acquiesça pour exprimer son avis lorsqu'il vacilla. Il se retint de justesse au tronc où était adossé l'enfant divin de la foudre. Ce dernier essaya de l'aider à s'asseoir et sursauta en sentant un liquide chaud poisser le dos du colosse. Il détailla sa main et écarquilla les yeux en voyant ses doigts recouverts de sang. Fubuki comprit immédiatement et passa dans le dos de Genkaï. Elle appliqua ses mains contre les blessures que portaient l'adolescent et, activant son pouvoir, essaya de soulager la douleur qu'il ressentait. Un soupir de soulagement répondit à ses attentes et elle sortit de son sac encore humide de son séjour dans l'eau des bandages.
— Je m'excuse pour ce que je vais faire mais le sel de la mer a imbibé les bandages. Ça risque de vous faire souffrir mais ça empêchera les plaies de suppurer, expliqua l'adolescente.
— Ne vous faîtes point de tort pour ma part. Je m'en remets à tes bons soins, lui répondit Genkaï en s'essayant au tutoiement tout en retirant son haut.
Le colosse réprima un sifflement de douleur lorsque l'enfant divin de la glace lui appliqua les bandes de tissus sur lui mais il n'ajouta rien. Lorsqu'elle eut fini de le panser, il remit sa chemise trouée et se releva.
— Je vo... te remercie pour les soins, gente dame Werbia, se corrigea l'adolescent en s'inclinant. Puis-je vous poser une question si vous n'y voyez point d'inconvénients ?
— Non, non, tu peux.
— Qu'êtes-vous venu faire sur cette bande de terre au large du continent ? demanda Genkai en se massant l'arrière de la tête.
Fubuki voulut répondre mais Raiyo fut plus rapide qu'elle.
— Au début, nous souhaitions juste visiter l'île. Mais maintenant, j'avoue avoir envie de l'explorer plus en détail, notamment le lieu où tombent ces étranges éclairs.
— Le temple ? Diantre, votre quête me paraît bien intéressante ! s'exclama l'homme en écarquillant les yeux. Puis-je me joindre à votre groupe afin de pouvoir vous soutenir et vous aider à passer les obstacles auxquels vous feriez face ? Je souhaite moi aussi me rendre en ces lieux.
— Ah bon ? Je peux te demander pourquoi ?
— Il y a de cela quelques lunes, j'ai découvert un étrange objet proche de mon village natal. Il faisait référence à ce lieu et je suis donc parti en quête de réponses. Cependant, lorsque mon embarcation s'est échouée sur la plage, les habitants m'ont formellement interdit de me rendre à l'intérieur de la bâtisse sacrée. Je ne souhaite point souiller un lieu religieux mais je dois à tout prix en découvrir plus sur ma personne.
Durant sa déclaration, Fubuki et Raiyo avaient échangé des regards, communiquant silencieusement. Avant de quitter le Fendoir, ils avaient convenu de ne pas parler de leur titre d'enfant divin. Cependant, l'histoire de Genkaï ressemblait étonnamment à la leur. L'adolescent souhaitait lui demander s'il était l'un des élus de la déesse Asalia mais son amie d'enfance refusait catégoriquement. Heureusement pour eux, le principal concerné ne s'était pas rendu compte de l'échange silencieux. Aussi fut-il déçu lorsque la jeune femme refusa poliment son offre.
— Je suis désolée mais nous ne souhaitons pas que tu nous accompagnes. Tu es encore blessé et nous ne pouvons-nous permettre de perdre du temps à attendre que tu sois guéri. Merci encore de nous avoir aider mais nous devons y aller.
Raiyo essaya de ne pas regarder le colosse tandis qu'il se relevait et, lorsque lui et Fubuki furent assez loin, il s'arrêta.
— Il aurait pu venir...
— S'il avait été avec nous, nous aurions dû veiller sur lui.
— Pas forcément. S'il est comme nous...
— Il ne l'est pas, c'est évident. Tu crois qu'un type comme lui pourrait être un élu ? conclut-elle en faisant volteface.
Raiyo eut beau argumenter, il se heurta à un mur de silence et finit par abandonner. Cela lui faisait de la peine de laisser le colosse qui les avait aidés mais il ne pourrait faire entendre raison à son amie. Il se promit de s'excuser auprès de Genkaï lorsqu'ils auraient trouvé ce que cherchait Fubuki.
Le duo finit par découvrir un tunnel et, après l'avoir arpenté, ils débouchèrent dans un cratère formé à l'intérieur de la montagne. Devant eux, un temple soutenu par des colonnes sculptées en forme d'éclairs se dressait. L'air ambiant était tellement chargé d'électricité statique que Raiyo sentit ses cheveux longs se relever au-dessus de lui. Il pouffa légèrement en remarquant que la coiffure de Fubuki rappelait désormais un champ de blé mais il fut rappelé à l'ordre par un regard inquisiteur. Les deux adolescents approchèrent de l'édifice et la jeune femme en profita pour le détailler.
Si on omettait la structure particulière des colonnes, le bâtiment paraissait normal. Cependant, elle se mit aussitôt sur ses gardes lorsqu'elle vit l'étrange coffre qui reposait devant les portes. Ce dernier, noir, dénotait de la bâtisse en marbre blanc et, en s'approchant, Fubuki remarqua qu'il était entrouvert. Elle allait ouvrir la bouche lorsque Raiyo la plaqua au sol.
Ne comprenant pas le geste de son ami, elle se dégagea et ouvrit la bouche pour vociférer lorsqu'elle vit le monstre. Entièrement composé d'électricité, un serpent de la taille d'un arbre avait frappé l'endroit où elle se tenait quelques instants plus tôt. Voyant que la bête se contentait d'attendre en oscillant sur place, les deux enfants divins se relevèrent. Lorsque Raiyo dégaina son arme, ils entendirent une voix sifflante résonner dans leurs têtes.
— Larmes d'Asalia, vous qui osez pénétrer ce lieu sacré, attendez-vous à subir la colère de Pandore, le serpent gardien de la demeure de la foudre.
Aussitôt, le monstre bondit sur l'adolescent qui voulut parer l'assaut avec son épée. Le serpent le toucha et le garçon hurla. Surprise, Fubuki ne comprit pas pourquoi son ami s'était effondré. Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps que Pandore s'intéressait à elle. Il profita de sa taille gigantesque pour encercler la jeune femme avant de plonger ses crocs droits sur elle. Mais son adversaire n'était pas en reste. Dès l'instant où elle avait compris qu'elle n'avait pas d'échappatoire, elle avait immédiatement psalmodié.
— Par ma voix, je te convoque. Toi qui peux blesser par la morsure de ton froid, je te prie de devenir une lance. Arme de glace !
Elle eut tout juste le temps de planter son arme nouvellement conçue dans la gueule de la bête, juste avant que cette dernière ne l'atteigne. Cependant, tout comme Raiyo, elle hurla en sentant l'électricité traverser son corps et s'effondra, inconsciente.
De son côté, l'enfant divin de la foudre commença à se relever. Il avait, pour la première fois, ressentit les effets de son élément. Mais, à la différence de son amie d'enfance, il y résistait bien mieux.
Lorsqu'il vit sa camarade en danger, il voulut bondir sur le monstre mais quelque chose le dépassa. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit Genkaï frapper Pandore d'un violent uppercut dans la mâchoire, le faisant s'écrouler de tout son long loin de Fubuki. Mais ce qui surprit surtout Raiyo, ce fut le fait que le colosse reçut la décharge électrique sans broncher. Abasourdi, il le vit frapper de nouveau le monstre et il comprit.
La foudre traversait bien son corps mais, au lieu de s'échapper par ses extrémités, elle semblait se diriger au niveau de ses pieds où elle se perdait dans le sol. Voyant que Fubuki était encore inconsciente, l'enfant divin la saisit et l'éloigna du combat. Mais un gémissement lui fit faire volte-face.
Voyant que ses chocs ne blessaient plus son adversaire, Pandore venait de l'étreindre dans ses anneaux élémentaires et s'apprêtait à le mordre. Raiyo essaya de bondir pour lui venir en aide mais il était trop loin.
— Par ma voix, je te convoque. Terre protectrice, je t'ordonne de changer de forme et de copier mon corps. Frappe rocheuse !
Le sol sous Genkaï parut fondre un instant avant de jaillir tel un geyser sur le monstre pour lui asséner un violent coup. La frappe parut sonner la bête électrique qui desserra son emprise sur le colosse. Ce dernier atterrit lourdement mais ne perdit pas une seconde. Il bondit en direction de la boîte d'où sortait le corps épais du serpent et arma son poing. Malheureusement, Pandore reprit conscience à temps et le percuta juste avant qu'il ne parvienne à frapper le coffre.
Genkaï fut violemment projeté contre l'une des colonnes qui se brisa promptement sous la violence du choc. Un peu sonné, il se leva tant bien que mal et vit la mort fondre sur lui. Cependant, au moment où la morsure du serpent allait se refermer, la bête se figea avant de disparaître. Surpris, le colosse cligna des yeux et put discerner Raiyo qui avait planté son épée dans le coffre. En effet, lorsqu'il avait vu que le nouveau venu avait essayé de l'attaquer et que Pandore avait défendu l'objet, l'adolescent s'était précipité afin de vaincre le monstre.
Profitant du répit, l'enfant divin de la foudre s'approcha de Genkaï qui se redressait en grimaçant.
— Tout va bien ? s'inquiéta-t-il.
— Je te remercie de ton inquiétude mais tu n'as point de tort à t'infliger. Je peux facilement endurer pareil assaut, expliqua-t-il en faisant craquer son dos. Je suis d'ailleurs navré d'avoir dérogé à vos intentions. J'espère que vous saurez me pardonner mon geste déplacé.
— Honnêtement, sans toi, je n'aurais jamais pu sauver Fubuki alors je te remercie sincèrement de lui avoir désobéi, ricana le jeune homme en croisant les bras derrière à sa tête. Mais, il faut que je te le demande car c'est très important. Genkaï, es-tu un enfant divin, élu de la déesse Asalia ?
Le colosse sursauta en entendant la question de celui qu'il venait de sauver. Cependant, il n'hésita pas une seule seconde et s'inclina.
— Je suis, en effet, l'un des êtres choisis par la divinité de la vie. Je suppute que, si tu détiens pareille connaissance, cela signifie que tu fais parti des élus. Est-ce aussi le cas de Dame Fubuki ?
Raiyo soupira de soulagement en se rendant compte qu'il avait eu raison.
— Oui, je suis l'enfant divin de la foudre et elle, celle de la glace. Vu ce que j'ai aperçu, tu manies la terre.
— C'est en effet le cas. Votre perspicacité est fascinante, gent Raiyo.
— C'est pas dur de le deviner lorsque l'on t'a vu te battre avant.
Tandis qu'ils sympathisaient, ils ne firent pas attention à Fubuki qui commença doucement à émerger. Dès qu'elle vit Genkaï, elle essaya de se lever pour le chasser mais le monde bascula devant ses yeux et elle tomba. Le bruit de sa chute alerta les deux adolescents qui se précipitèrent à son secours. Raiyo allait la toucher lorsque des éclairs s'échappèrent de ses doigts et blessèrent son amie d'enfance. Abasourdi, le garçon se figea, n'osant pas s'approcher plus près.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il au colosse qui auscultait la jeune femme.
— J'ai l'impression que la foudre n'a pas quitté complètement son corps et agit comme un poison qui la tourmente. Mais, si je ne m'abuse, nous pouvons la délivrer de cette malédiction.
— Comment ?
— Vous pouvez commander le mal et le faire sortir de son enveloppe charnelle, seigneur Raiyo, expliqua Genkaï en se redressant. Mais ne le laissait point nuire à l'air libre. Implantez-le en moi et je me chargerai de l'anéantir.
L'adolescent allait refuser lorsqu'il lut la détermination dans les yeux de son nouvel ami. De plus, un gémissement sortit de la bouche de Fubuki et son cœur rata un battement. Voir celle qu'il aimait ainsi souffrir ne le faisait que plus souffrir. Il grimaça avant de se résigner.
— Très bien ! Je vais le faire !
— Par ma voix, je te convoque ! Toi qui serpentes tel un poison, je te soumets à ma volonté ! Résigne-toi car ton libre arbitre n'est plus ! Contrôle de la foudre !
Toute sa frustration suintait de son incantation mais celle-ci ne parut pas faiblir. Au contraire, comme si son pouvoir se nourrissait de ses émotions, l'énergie qui se déploya se métamorphosa en une main électrique qui plongea dans Fubuki. Cette dernière, inconsciente, s'éleva du sol, portée par l'apparition élémentaire. Elle parut se débattre un instant, comme secouée de l'intérieur. Mais, soudain, la création de Raiyo s'échappa de son corps tout en tenant un immense serpent électrique.
Tandis que son amie retombait doucement au sol, l'enfant divin de la foudre suait à grosses gouttes. Le poison élémentaire ne se laissait pas faire et ne cessait de chercher à échapper à son contrôle. Mais, dans un ultime effort désespéré, il réussit à planter la créature dans le corps de Genkaï.
Ce dernier poussa un hurlement de douleur mais résista. À bout de souffle, Raiyo vit les veines du colosse se dessiner sous sa peau, parcourues par un courant électrique. Après plusieurs secondes où il retint son souffle, priant pour qu'il s'en sorte indemne, le garçon vit les éclairs se disperser dans le sol. Son nouvel ami vacilla légèrement mais tint bon. Il paraissait épuisé mais, tandis qu'il reprenait son souffle, les stigmates qu'avait laissé le poison disparurent. Émerveillé par sa capacité de régénération, l'enfant divin s'approcha de lui.
— Comment as-tu fait ? demanda-t-il.
— Et bien, j'ai laissé la malédiction circuler en moi tout en la guidant vers la terre.
— Non, je voulais dire, comment peux-tu te soigner aussi vite ? se reprit le jeune homme en vérifiant comment se portait son amie d'enfance.
Heureusement pour lui, la chute qu'elle avait faite ne semblait pas l'avoir blessé.
— Oh... Et bien, lorsque je consultais l'objet dont je vous ai relaté l'existence il y a de cela quelques minutes, j'ai vu un dessin montrant un corps où l'énergie circulait. En voulant m'essayer à l'exercice, j'ai compris qu'en touchant la terre, je pouvais restaurer mon corps des stigmates qu'il portait.
— J'en déduis donc que, du moment que nous sommes en contact avec notre élément, nous sommes dans la capacité de nous régénérer aussi. Intéressant...
La déclaration de Fubuki avait fait sursauter les deux enfants divins qui firent volte-face pour la voir debout, les bras croisés.
— Fubuki... commença Raiyo en s'avançant vers elle, espérant pouvoir calmer la fureur qu'il lisait dans ses yeux.
— Oui, je sais, c'est un élu, tout comme nous, soupira-t-elle en se détendant. Et je dois le remercier pour m'avoir sauvé la vie deux fois de plus. Donc, Genkaï, je te remercie pour ce que tu as fait et et je m'excuse pour mon comportement de tout à l'heure.
— Vous n'avez point à vous perdre en excuse à mon égard, gente dame. Je suis au contraire enchanté d'avoir pu vous être utile dans votre quête et j'espère pouvoir continuer de l'être. Enfin, si vous voulez bien tolérer ma présence dans votre groupe, ajouta le colosse d'un air timide.
— Je ne t'ai pas vu à l'œuvre mais si Raiyo affirme qu'il t'a vu utiliser le pouvoir de la terre, je te crois. Tu peux donc voyager avec nous.
Genkaï sourit, heureux de voir qu'il était enfin accepté. Alors qu'il allait remercier Fubuki, un grincement retentit.
Non loin d'eux, les portes du temple étaient en train de s'ouvrir tandis qu'un air chargé de mélancolie s'échappait de son intérieur. Les trois adolescents se concertèrent du regard avant d'avancer en direction de l'édifice. Au moment où ils passèrent l'arche principale, ils purent tous entendre son hurlement.
Un hurlement qui les frappa tous tant il était empli de tristesse. Son origine se tourna vers eux et ils ne purent que se figer en voyant l'auteur des lamentations.
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