Chapitre 3Le grimoire d'Oraclos
Raiyo prit une profonde inspiration en se réveillant. Il bondit sur ses pieds. Un instant pris de vertiges, il tituba un peu avant que sa tête ne cesse de tourner. Il chercha des yeux Akumu, mais il était simplement de retour dans la salle où l'ombre les avait attaqués. Ce fut alors qu'il se rendit compte que, avec l'inspiration qu'il avait prise juste avant, il avait avalé une énorme quantité de poussières. Il toussa un petit moment avant de, enfin, pouvoir respirer correctement.
En tournant la tête sur sa gauche, il soupira en découvrant son amie. Elle commençait tout juste à émerger du sommeil dans lequel ils semblaient avoir été plongés. L'adolescent se précipita à son chevet, l'aidant à s'asseoir. Fubuki parut un instant perdu, mais son esprit vif analysa rapidement la situation. Elle se remit debout à son tour.
— Raiyo, j'avais raison pour la déesse Asalia, s'écria-t-elle en l'attrapant par les épaules et en le secouant. Nous sommes bien des élus. L'ombre nous a appelés Enfants divins.
— Je n'ai jamais douté de toi, répondit Raiyo en souriant.
Il repoussa délicatement son amie. Cette dernière poursuivit ses explications.
— J'ai affronté l'enfant divine de l'eau pour l'épreuve d'Akumu. Tu en as affronté un aussi, n'est-ce pas ?
— Oui. Je dirais celui du feu, vu qu'il a pas arrêté d'utiliser des flammes pour m'attaquer.
Puis, après un temps de pause, son sourire s'élargit.
— Par contre, calme-toi un peu ou tu vas nous faire de l'hypertension si tu continues à t'agiter ainsi.
La jeune femme le foudroya du regard avant de soupirer. Elle prit une profonde inspiration et fit redescendre le rythme de son cœur. Au bout d'une trentaine de secondes, elle finit par se retourner en direction du piédestal où reposait le grimoire d'Oraclos. L'adolescente s'en approcha. Elle écarquilla les yeux lorsqu'elle observa les dessins à l'intérieur.
— Impossible...
Raiyo, vint précipitamment se placer à côté d'elle et sursauta. L'illustration actuelle les représentait tous les deux en train de consulter l'ouvrage. Fubuki se mit à tourner les pages. Ils furent surpris d'y trouver des moments particuliers de leurs vies. Raiyo revit l'épisode de sa cicatrice tandis que sa camarade aperçut un dessin montrant la naissance de son frère.
Curieuse, la jeune femme se plaça alors au début du grimoire. Ils retrouvèrent la frise qu'ils avaient contemplée en amont. Elle parcourut les feuilles jusqu'à trouver la partie manquante des peintures rupestres. Ils purent alors observer les huit enfants divins confrontés à des hordes de monstres. En arrière-plan, un regard reptilien observait la scène. Il dominait le ciel pourpre. Soudain, Raiyo les pointa.
— Attends ! J'ai vu ces yeux ! Juste après mon combat contre l'ombre ! s'écria l'adolescent.
Fubuki le dévisagea.
— Pardon ?
— Oui, j'en suis certain. C'est le même regard ! Tu sais ce que ça représente ?
Fubuki tourna de nouveau la page. Aussitôt, les adolescents frémirent. Une silhouette à la fois humanoïde et monstrueuse y était dessinée. Le seul détail visible sur son corps était son regard reptilien. A côté d'elle, se trouvait une triskèle noire.
— Qu'est-ce que c'est ? murmura Raiyo.
— La déesse renégate, Astrid, lui répondit Fubuki d'une voix apeurée. Elle était la déesse de la vengeance et est la fille d'Amadeus. Dans les légendes, il est dit qu'elle s'est opposée à Hiannaho après que ce dernier ait banni du panthéon le dieu des morts.
Le jeune homme se frappa le poing sur la paume.
— L'épisode où elle s'est rendue sur Avana pour trouver de quoi renverser son oncle ? Je m'en souviens ! Mais pourquoi elle est dessinée dans ce livre ?
Fubuki parcourut des yeux la page et grimaça.
— D'après ce qui est écrit ici, elle est retenue prisonnière quelque part sur Avana.
Raiyo ne put s'empêcher d'esquisser un pas en arrière.
— Quoi ? Une déesse déchue vit sur Avana ?! s'étrangla-t-il.
Cependant, il avait oublié qu'il était sur une estrade. Son mouvement l'entraîna en arrière. Il tomba sur les fesses. Son amie, trop anxieuse à cause de ce qu'ils venaient de découvrir, ne prêta pas attention à ses grommellements indignés et sa toux.
— Oui, mais elle ne peut strictement rien faire. Maintenant, j'en suis sûre.
— De quoi tu parles ? demanda à nouveau le garçon en époussetant ses vêtements.
— Tu ne comprends vraiment rien à rien. Ce livre est un grimoire qui nous est destiné. Il est là pour nous guider dans notre quête ! Nous devons retrouver Astrid et la vaincre ! affirma Fubuki en s'appuyant sur les dessins du grimoire. Il faut qu'on rentre au village et rapidement se mettre en route.
Le jeune homme se rapprocha d'elle pour mieux voir ce dont elle parlait.
— Mais comment on peut battre une déesse ? rétorqua-t-il, complètement perdu.
— Nos pouvoirs, gros bêta ! On a enfin notre réponse ! Nous avons des pouvoirs afin de vaincre cette déesse renégate. Maintenant, il nous faut nous mettre en route !
Complètement perdu, Raiyo papillonna des yeux.
— En route ? Pour aller où ?
— Regarde ça !
Elle lui montra une carte du monde où avait été placée des croix. L'une d'entre elles se situait proche de leur archipel, au milieu de l'océan.
— Je ne sais pas ce qu'il y a là-bas, mais on doit aller voir ça ! Et vite !
Son ami posa sa main sur son bras pour essayer de la calmer.
— Attends deux secondes Fubuki ! Je te crois sur parole, mais tu oublies nos parents. On va leur dire quoi ?
L'interpellée haussa les épaules.
— Qu'on souhaite simplement se rendre sur le continent et qu'on reviendra vite, répondit la fille, exaspérée.
Elle récupéra le grimoire, le fourrant brutalement dans sa besace. Elle commença à rebrousser chemin.
— Tu veux leur mentir ? lui demanda son ami d'un ton désemparé.
— Raiyo, arrête d'être stupide ! hurla Fubuki en faisant volte-face. Nous avons été choisis pour sauver le monde ! On ne va pas rester bêtement sur cette île pour les beaux yeux de nos parents. Alors cesse de faire l'enfant. Dépêche-toi !
Un peu désarçonné par le caractère de son amie, l'enfant divin de la foudre soupira. Il préféra se taire. Il avait bien compris qu'il jouait un rôle important. Mais tout était si nouveau. Il avait un peu de mal à digérer le flot d'informations.
Pendant que Raiyo était en proie à ses doutes, Fubuki pesta contre lui et sa lenteur. Mais elle rangea sa colère dans un pan de sa tête. Elle prit une nouvelle inspiration, grommelant contre l'odeur ignoble de renfermé régnant dans la pièce.
— Allez, on ne va pas rester ici toute la journée. Je sais que ça te perturbe. Dis-toi que, au moins, tu pourras y réfléchir chez toi. Le prochain bateau en provenance du continent n'arrive pas avant la semaine prochaine.
La déclaration de la jeune femme parut convaincre le garçon. Ce dernier opina avant de la suivre en silence. Ils finirent par sortir des ruines et se retrouvèrent devant l'immense gouffre qui les séparait de leur île.
— On fait comment pour rentrer ? demanda l'adolescent en s'approchant du vide.
— Je ne peux pas réitérer l'exploit de tout à l'heure, c'est clair.
Elle s'amusa quelques instants en voyant Raiyo chercher une autre voie avant de le rassurer, non sans un sourire aux lèvres.
— Mais j'ai une solution ! Mon oncle m'a dit qu'il y avait un autre passage. Suis-moi.
Fubuki prit de nouveau la tête de leur duo. Ils descendirent une pente légèrement escarpée qui donnait sur la mer. L'eau battait doucement le rivage. Les vagues venaient lécher les rochers, créant de doux clapotis. Raiyo sourit. Ce cadre idyllique l'inspirait.
Ça fait longtemps que je n'ai pas pêché... Je ferai ça en rentrant !
Un peu plus loin, ils découvrirent une barque qui avait été placée sur le sable, certainement pour éviter qu'elle parte à la dérive. Malgré l'usure du bois, elle semblait encore capable de flotter.
Les deux adolescents la remirent à l'eau. Ils grimpèrent dessus, manquant de chavirer. Une fois stabilisés, le jeune homme se saisit de la seule rame et commença à les mener chez eux. De son côté, son amie se plongea dans la lecture de l'ouvrage qu'elle venait d'acquérir.
Ils contournèrent les falaises rocailleuses de leur île. Après une bonne heure, l'adolescent put enfin apercevoir la plage en contrebas de leur village. Il allait ouvrir la bouche, mais il se releva soudainement, faisant tanguer l'embarcation. Fubuki, surprise par l'agitation, lâcha le grimoire d'Oraclos, le faisant tomber au fond de l'embarcation. Elle s'apprêtait à lâcher un flot d'injures sur son camarade lorsqu'elle vit son expression horrifiée. Elle tourna la tête et se figea. Si elle avait observé le grimoire à ce moment, elle aurait très certainement été encore plus terrifiée.
En effet, la page autrefois vierge sur laquelle était restée ouverte l'ouvrage dépeignait un village en proie aux flammes, surplombé par une auréole de lumière d'où s'échappaient des rayons destructeurs. Mais l'enfant divin de la glace n'avait pas besoin de voir cette image. Car, devant leurs yeux impuissants, leur village brûlait.
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