Chapitre 17 : Le village de Shura
L'île d'Ambryn portait très mal son nom. Malgré le volcan qu'avaient vu les enfants divins après que Rubia et Saphira aient utilisé leurs pouvoirs, ils avaient pensé que les plages seraient certainement recouvertes de sable fin. Cependant, la réalité était bien différente. L'entièreté du sol du petit lopin de terre était fait de pierres noires veinées de minces traits rappelant la couleur de la lave. A l'endroit où leur navire allait amarrer, les adolescents pouvaient voir un petit hameau dont les maisons étaient faites du même matériau qui semblait recouvrir l'île, se fondant dans le décor environnant. Et, au-dessus des toits de briques noires, ils purent tous voir la colonne de fumée menaçante qui s'échappait du cratère bouillonnant. Fubuki, qui sentait comme les autres l'air se réchauffer au fur et à mesure qu'ils approchaient de la montagne de feu, ressentait autre chose. Son énergie semblait se consumer petit à petit, comme si l'élément du feu faisait fondre celui de la glace qu'elle possédait. Elle décida de se taire, ne voulant pas être mise de côté à cause de sa faiblesse naissante.
Lorsque le "Céleste" eut accosté, les adolescents descendirent par le ponton de bois que les marins avaient placé et les aidèrent à descendre leurs marchandises. Sonia, ravie de retrouver la terre ferme, s'étira en posant pied sur la roche basaltique. Mais le plus ravi d'entre tous fut Genkaï. En effet, la traversée avait été pour lui un enfer. Visiblement pris de mal de mer, il avait dû passer énormément de temps allité, ruinant une grande partie de sa routine d'entraînement. Tous s'amusèrent de le voir reprendre des couleurs et ce fut alors que Raiyo remarqua quelque chose qu'il n'avait encore jamais vu.
Tandis que tous regardaient le colosse, Hono posa pied à terre. Aussitôt, le sol rocailleux se mit à trembler et des scories enflammées se mirent à chuter du ciel, tombant autour du navire, crépitant au contact de l'eau salée.
— Bon sang, pourquoi est-ce qu'on manque de mourir à peine arrivés ? s'écria Sonia, apeurée.
Asura, le plus proche d'elle, posa une main sur son épaule et, usant discrètement de son pouvoir, il absorba les émotions négatives de la commerçante tout en la rassurant à voix haute. Le subterfuge fonctionna car la jeune femme ne sembla même pas remarquer que sa peur naissante avait complètement disparu lorsque des villageois apparurent. Les voyant équipés d'armes en tout genre, Raiyo ne put s'empêcher de grommeler.
— Fubuki, tu crois qu'un jour, nous pourrons échapper à l'accueil avec les fourches ?
— Il faut dire que nous faisons des entrées remarquées à chaque fois, ricana-t-elle pour dissimuler que ses forces lui manquaient.
— De quoi vous parlez ? demanda Hono, ennuyé de ne pas être celui qui avait déclenché le rire des autres.
— Je t'expliquerai, murmura Raiyo en voyant que la foule en face d'eux se scindait pour laisser avancer deux adolescents.
Surpris de voir que les adultes semblaient vouer un grand respect pour les deux nouveaux arrivants, Fubuki essaya de focaliser son attention sur eux.
Le duo était composé d'un homme et d'une femme. Le premier était un garçon plus âgé qu'eux, l'enfant divin de la glace lui donnant vingt-cinq ans. Il possédait des cheveux gris presque blancs qu'il coiffait en piques, comme ceux de Hono, à l'exception près qu'une de ses mèches retombait devant son œil droit. En se basant sur l'autre pupille, la jeune femme en déduisit qu'il avait les iris colorées en bleu. Cependant, la chose la plus étrange chez ce garçon était la tenue qu'il portait. Tout de blanc vêtu, sa tenue rappelait celle des hommes d'églises, notamment ceux à la gloire de Hiannaho. Lorsqu'il remarqua que Fubuki l'observait avec attention, il s'inclina devant eux.
A ses côtés, arborant un marteau à deux mains, la femme, du même âge que son camarade, les regardait d'une étrange manière. Elle avait de longs cheveux ambrés qu'elle coiffait en deux queues de cheval. Sa chevelure était si touffue qu'elle formait une véritable crinière autour de son visage fin. Ses yeux marrons luirent pendant un instant et l'adolescente au pouvoir de glace fut surprise d'apercevoir le reflet d'une flamme danser à l'intérieur. Elle portait un pantalon large et une brassière dévoilant son ventre musclé. De plus, des gants de protection pendaient à sa ceinture.
Au vu de ses muscles et de son équipement, je dirai que c'est une forgeronne.
Toute à ses pensées, elle ne se rendit pas compte que la nouvelle venue s'était approchée d'elle.
— Et bien, qu'est-ce qui t'arrive, petite ? Tu es toute pâle. Mal de mer ? lui demanda-t-elle d'une voix un peu rauque, celle qu'on imagine peu pour une demoiselle.
Prise au dépourvu, l'adolescente balbutia que c'était bien cela. Son mensonge sembla fonctionner car ses camarades lui lancèrent un regard qui ne traduisait pas l'inquiétude.
— T'inquiète, ça va vite passer. Au fait, moi c'est Charlotte. Et le gars avec moi, c'est Alexeï, notre prêtre.
— Charlotte, tu pourrais faire des présentations plus correctes tout de même. Messieurs, mesdames, je vous prierai de bien vouloir me suivre jusqu'à ma demeure. Elle vous servira de foyer d'accueil le temps que vous ayez fini de faire ce que vous avez à faire sur notre île. Si vous voulez bien me suivre.
Le petit groupe s'exécuta et, alignés pour pouvoir circuler sur le ponton d'amarrage, les adolescents suivirent sans discuter l'étrange duo. Seule Sonia resta au port pour discuter commerce avec les habitants de l'île qui, une fois la surprise passée, avait rengainé leurs armes. A l'avant de leur procession, Zoldia et Kobura s'entretenaient avec le dénommé Alexeï mais, d'après ce que pouvait voir Raiyo qui se trouvait derrière, le prêtre semblait refuser de parler tant qu'ils ne seraient pas tous arrivés à sa maison. Derrière lui, il écoutait Charlotte qui discutait avec chacun d'entre eux.
— Et donc, vous êtes quoi ? Des mercenaires ? Des marchands ? Des voyageurs ? De simples gamins ? demanda-t-elle à Kyoseï.
— Je suppose que le terme correct est mercenaire mais c'est plus complexe que ça.
— En tout cas, une chose est sûre. Vos armes sont dans un état CA-TAS-TRO-PHIQUE. Ta rapière est si usée qu'on dirait qu'elle va s'effriter si je la touche. Et je ne parlerai pas de la lance de la petite dame. La hampe est si abîmée que j'en voudrais pas pour allumer un feu. Je me demande comment vous avez pu survivre sur ce continent maudit avec de telles armes.
— Continent maudit ? répéta Hono, incrédule.
— C'est comme ça qu'on appelle le continent ici. Les habitants, pour la plupart, sont les descendants de prisonniers envoyés en exil. Mais, après que les souverains de Mashiba ont appris qu'ils avaient survécu, ils ont voulu envoyer des colons pour bâtir une nouvelle ville. Manque de bol pour eux, ils sont tous morts en mer. Alors, depuis, ils nous foutent la paix. Enfin, je dis nous mais ça ne me concerne pas vraiment. J'ai réussi à obtenir un contrat avec Asterlia et je les fournis en armes pour leurs gardes. Grâce à moi, Shura, ce village, peut vivre tranquillement sans avoir à se soucier de l'argent. D'ailleurs, si vous voulez, je peux vous fournir des armes en échange d'un peu d'argent.
Se rendant compte que la forgeronne était une vraie pipelette, Raiyo reporta son attention sur le village qu'ils traversaient. Il dénombra rapidement les habitants et s'étonna de voir qu'ils n'étaient pas plus d'une trentaine. Il voulut se frayer un chemin jusqu'à Alexeï mais le petit groupe venait d'arriver devant une maison immense.
— J'espère que ma demeure vous conviendra. J'ai de nombreux lits à disposition, suffisamment pour vous accueillir tous. Avant que vous n'entrez, j'aimerais, si cela ne vous dérange pas, que vous me donniez vos prénoms, afin que je puisse m'adresser à vous plus poliment.
— Aucun problème. Je me nomme Zoldia et voici Kobura, Asura, Genkaï, Kyoseï et son frère Len, Rubia et Saphira, Raiyo, Fubuki et Hono. Nous sommes des rescapés réunis dans un groupe de mercenaires. Je sais que nous ne payons pas de mine ainsi mais même nos plus jeunes membres savent se défendre contre des monstres.
— Je n'en doute pas une seconde, Dame Zoldia. Je vous laisse entrer, je dois m'entretenir rapidement avec ma consoeur Charlotte.
— Tu peux pas dire "amie", comme tout le monde ? s'agaça l'interpellée. "Consoeur", on dirait que je suis une nonne.
Devant l'indignation visible de la forgeronne, Hono ne put s'empêcher de ricaner. Les adolescents s'exécutèrent et tous pénétrèrent dans l'immense demeure. A peine avaient-ils passé la porte d'entrée qu'ils débouchaient dans une salle d'environ cinquante mètres de long sur trente mètres de large. Une table basse longue de six mètres avait été placée au centre de la pièce. Une dizaine de coussins était disposée sur le sol, permettant une assise confortable et pratique à déplacer. Contre le mur du fond, un petit autel avait été érigé. Deux bougies étaient allumées sur ce dernier et les flammes se mirent à danser lorsque l'air extérieur entra. Ce mouvement attira le regard de l'enfant de la glace qui se sentit alors défaillir. Elle manqua s'écrouler mais deux mains la saisirent juste à temps pour qu'elle ne s'effondre pas au sol.
— Fubuki, ça va ? s'exclamèrent de concert Hono et Raiyo en l'aidant à s'asseoir.
— Oui, ne vous en faîtes pas, c'est juste un petit vertige, expliqua la jeune adolescente.
— Tu ne devrais pas mentir ainsi, grommela Kobura. Tu sais très bien pourquoi tu es dans cet état. Nous sommes proches du temple du feu, l'élément opposé au tien. Ici, ta puissance est inversement proportionnelle à celle de Hono. Je ne me trompe pas ? ajouta-t-il à l'adresse de l'enfant divin du feu.
— Non, en effet. Depuis que nous avons mis les pieds sur cette île, je sens mon pouvoir déborder. Je ne me suis jamais senti aussi puissant.
— Donc nous nous renforçons ou nous affaiblissons selon si nous sommes en contact avec notre élément ou avec l'élément opposé au nôtre ? demanda Genkaï.
— C'est exact. Mais ne vous en faîtes pas. Fubuki va s'habituer et pourra nous accompagner dans le temple du feu.
— Est-ce là votre destination ? demanda Alexeï qui venait de passer la porte d'entrée.
Tous sursautèrent, personne ne l'ayant entendu arrivé. Les adolescents firent volte-face et allaient chercher une excuse pour se justifier de vouloir s'approcher d'un tel lieu lorsqu'une cloche retentit dans tout le village.
— J'aurais dû me douter que l'explosion de tout à l'heure les aurait paniqués. Veuillez m'excuser de vous demander cela mais, vu que vous êtes des mercenaires, pourriez-vous nous aider à repousser les monstres qui nous attaquent ? Je vous rémunérerai personnellement si vous acceptez.
Kobura et Zoldia se lancèrent un regard et hochèrent la tête en même temps.
— Parfait, cela nous permettra de nous dégourdir les jambes et de voir si l'entraînement des jeunes a porté ses fruits, répondit l'homme maudit.
— Rubia, Saphira, Len, pouvez-vous rester avec Fubuki pour veiller à sa sécurité ? demanda la guerrière.
Les trois enfants acceptèrent et dégainèrent leurs dagues, formant un cercle autour de l'adolescente qui semblait dodeliner de la tête. De leur côté, les adolescents foncèrent à la suite du prêtre et arrivèrent à l'orée du village. Les autres hommes du village se tenaient tous là, armes à la main. Ils ne devaient pas être plus d'une dizaine, ce qui inquiéta d'autant plus les nouveaux venus. La seule femme présente était Charlotte et, aux vues des regards en coin dont elle et Zoldia étaient les cibles, Raiyo comprit que, dans ce village, l'idée de sexe faible était ancrée.
— Ils vont avoir une belle surprise en découvrant Zoldia à l'œuvre, murmura Hono à ses côtés en ricanant.
Il avait visiblement lui aussi remarqué la haine des hommes. Alors que l'adolescent allait répondre à son ami, un rugissement le fit taire. A une centaine de mètres d'eux, un nuage de poussière semblait se rapprocher à toute vitesse.
— Les éclaireurs ont-ils vu les monstres ? demanda Alexeï.
— Des talguras, de ce qu'ils ont dit. Honnêtement, rien de bien grave, lui répondit un des guerriers à sa gauche.
— C'est impossible, enchérit Charlotte. Même une vingtaine de ses félins ne pourraient pas créer un tel nuage.
— Qu'est-ce que tu en sais, femme ? grommela un autre adulte d'un ton méprisant.
— Vous devriez l'écouter. Je ne sais pas ce que sont exactement des talguras mais je suis certaine de voir deux créatures plus grosses que les autres, aussi grandes que vos maisons, expliqua Zoldia en sortant son sabre encore rengainé de sa ceinture.
La plupart des personnes présentes ricanèrent en la voyant prendre l'une de ses poses de combat, se moquant du fait qu'elle ne dégaine pas. En voyant leur comportement, Genkaï voulut intervenir mais la guerrière lui adressa un signe de la tête.
— Bien, je vois que je vous fais rire. Vu que vous ne prenez pas au sérieux, je vais vous faire une petite démonstration. Je ne porterai qu'une seule attaque.
Sa déclaration déclencha une véritable hilarité chez les hommes. Seul Alexeï la regarda d'un air déconcerté. Elle s'avança, dépassant la ligne de défense érigée à la va-vite par les chasseurs de Shura. Là, elle fléchit les genoux, posant sa main sur sa garde. Raiyo, sur ses gardes, ne put s'empêcher d'observer la sabreuse. Il savait qu'il ne pourrait que singer son mouvement mais, à ses yeux, chaque occasion de voir Zoldia combattre était une leçon à prendre.
Voyant que celle qu'ils méprisaient ne reculaient pas, les hommes commencèrent à vouloir la ramener derrière les défenses mais les bêtes étaient désormais trop proches pour cela.
— Pauvre folle... cracha l'un d'entre eux.
A peine avait-il eu le temps de dire cela qu'une déferlante d'énergie s'échappa de la Sainte de la glace. Même s'il savait que les humains normaux étaient incapables de la discerner, Genkaï ne put s'empêcher de lancer un regard vers l'assemblée. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant les yeux d'Alexeï s'écarquiller tandis que Charlotte souriait à pleines dents.
Mais comment...
Il n'eut pas plus de temps pour analyser ce qu'il venait de voir que Zoldia se mettait en mouvement. D'un simple mouvement horizontal, elle balaya avec une extrême lenteur l'air devant elle.
Troisième mouvement de l'école Eldrick : Cyclone purificateur
Aussitôt, un vent puissant s'éleva, partant d'elle et se propageant en arc de cercle devant elle. L'attaque percuta de plein fouet la meute de créatures, faisant s'écrouler au sol la totalité de ses membres. Leur course se termina donc en un immense carambolage, les bêtes les plus grosses écrasant sous leurs poids une partie des autres. Profitant que ses "Yeux du loup" lui permettent de discerner les animaux pervertis par Amadeus à travers la poussière, Raiyo les détailla.
En se basant sur ce qu'il avait compris des échanges de tout à l'heure, l'adolescent identifia deux types d'ennemis. Les talguras, des créatures ressemblant à d'énormes tigres de roc. Leur fourrure rocailleuse était striée de creux remplis de lave. L'enfant divin de la foudre se demanda si leur corps étaient composés de lave ou s'il s'agissait d'un stratagème pour apeurer leurs proies. A leurs côtés, deux spécimens monstrueux se débattaient au sol.
— Des flughars, grogna dans son esprit Camolauss.
Grognant en agitant leurs pattes aussi épaisses que des troncs d'arbres, les flughars ressemblaient à des ours possédant une mâchoire de requin et une fourrure plus proche des bisons. Mais ce qui inquiéta d'autant plus Raiyo étaient leurs yeux. Il avait beau les regarder avec plus d'attention, il n'arrivait pas à s'enlever de la tête qu'il regardait du magma bouillonnant.
Un cri lui fit reprendre le cours de ses pensées. L'un des monstres s'était relevé et avait profité du chaos pour bondir sur l'un des chasseurs qui n'arrivaient pas à discerner quoi que ce soit à cause du nuage de poussière que la chute des créatures avait soulevé. Vif, l'enfant divin concentra son pouvoir dans ses pieds. Son pendentif scintilla faiblement et disparut tandis qu'un sabre se manifestait entre ses mains. En moins d'une seconde, il se tenait déjà devant le talgura qui abaissait sa patte griffue droit sur le torse de l'homme. Le jeune homme dévia le coup avec sa lame et, sans même s'en rendre compte, il commença à utiliser l'enchaînement qu'il avait vu durant son entraînement avec les jumelles. Il frappait, acculant le tigre qui ne pouvait que esquiver difficilement la pluie de coups. Cependant, il survécut tout juste assez pour que le garçon atteigne le moment où la formation qu'il utilisait se brise. L'échange n'avait duré que quelques secondes mais l'animal n'attendait que ça.
Profitant de cette occasion, la bête bondit en arrière et fouetta du bout de sa queue le sol. Un crépitement retentit et Raiyo vit une boule de feu se former dans la gueule du monstre. Pris au dépourvu, il n'eut pas le temps de réagir et vit la mort fondre sur lui.
Une violente retentit, dispersant la poussière en suspension. Tous se tournèrent vers la source du bruit et Kyoseï eut un pincement au cœur en remarquant que son ami n'était plus à ses côtés.
— Raiyo ! hurla-t-il, persuadé que le garçon se trouvait à l'endroit même où venait de retentir la déflagration.
Cependant, tous furent surpris de voir que l'adolescent allait parfaitement bien. Encore plus stupéfait que les autres de s'en être sorti indemne, le jeune homme sourit en voyant la silhouette de Hono qui se tenait entre lui et le talgura.
Dès qu'il avait entendu le crépitement, l'enfant divin du feu avait réagi et, profitant du nuage pour dissimuler ses pouvoirs, il s'était propulsé devant Raiyo. Lorsque les flammes s'étaient échappées de la gueule de la bête, il avait agi par réflexe, son corps lui dictant la marche à suivre. Le feu s'était concentré dans son poing tandis qu'il prenait la position qu'il avait utilisé lors de son combat contre celui qu'il considérait comme son rival et désormais ami.
Des flammes naît la souffrance. Je renie cette douleur pour la faire vôtre. Coup de poing sans recul version explosive !
Il avait essayé de murmurer son incantation, essayant de se faire discret pour ne pas alerter les habitants du village de Shura. Dès que sa main avait bougé, la détonation avait retenti et le souffle de l'explosion s'était retourné vers l'envoyeur, l'emportant lui ainsi que trois autres de ses congénères. Profitant du répit, le rouquin se tourna et aida son camarade à se relever.
— Comme ça, tu m'en dois une, s'amusa-t-il.
Mais il n'avait pas terminé sa phrase que le garçon se fendait d'un estoc, perforant la mâchoire supérieure d'un autre tigre.
— Je dirais que nous sommes quittes, s'exclama l'enfant divin de la foudre à l'attention de son camarade.
— Tu veux jouer à ça avec moi ? Pas de problème, jouons ! répondit Hono, un immense sourire au visage.
Et les deux adolescents se jetèrent sur l'un des deux flughars qui venait tout juste de se relever. Complètement désemparé, les villageois regardèrent avec effarement les nouveaux venus vaincre tous ensemble les bêtes qui menaçaient leur village. La seule participante au combat provenant de Shura avait été Charlotte qui, dès que la surprise de voir les deux adolescents encore en vie était passée, s'était jetée dans la bataille, son marteau enfonçant les crânes des talguras. A ses côtés, Genkai et Asura tenaient en échec le deuxième ours à mâchoire de requin tandis que Kyoseï semblait danser entre les talguras, leur ôtant la vie avec son style particulier. Enfin, Zoldia et Kobura restèrent en retrait, l'homme tuant uniquement dès qu'un tigre s'échappait en direction du village.
Lorsque la dernière créature d'Amadeus s'écroula, Alexeï fut le premier à prendre la parole, sachant pertinemment que si ses confrères le faisaient, cela allait mal se passer.
— Je vous remercie infiniment pour vos services rendus, mercenaires. Je ne m'attendais pas à voir une telle démonstration de puissance de votre part. Mais vous devez être épuisés après un tel combat. Si vous le voulez bien, je vous propose de retourner aux côtés des plus jeunes restés dans ma demeure. Vous pourrez ainsi vous reposer tandis que nos chasseurs préparent un banquet en votre honneur. N'est-ce pas ? ajouta-t-il sur un ton insistant à l'encontre des hommes du village.
Reprenant leurs esprits, les guerriers maugréèrent de vagues remerciements et entreprirent de dépecer les bêtes encore en bon état. Amusée, Zoldia les dépassa et fit signe aux autres membres du groupe de suivre leur hôte. Tous s'exécutèrent et ils finirent tous de nouveau dans la demeure d'Alexeï, accompagnés cette fois de Charlotte qui revenait les bras chargés d'armes. Lorsque Hono la questionna sur ce qu'elle portait, elle lui adressa un sourire énigmatique mais resta silencieuse.
Ils pénétrèrent dans la maison de l'homme en tenue de prêtre et les plus jeunes se précipitèrent pour s'assurer qu'ils allaient bien. Une fois qu'ils furent calmés et que Fubuki les aient rassurés quant à son état de santé, tous s'assirent sur les coussins mis à disposition, formant un arc de cercle tourné vers leur hôte. Ce dernier s'installa à son tour, imité par la forgeronne et il prit la parole.
— Bien, nous allons pouvoir discuter calmement désormais. Tout d'abord, il faut que vous sachiez que c'est pour moi, un très grand honneur.
— Un honneur ? Mais pourquoi ? s'étonna Fubuki qui reprenait doucement des couleurs.
— Rencontrer en personne les enfants divins des légendes est un honneur pour moi, lui répondit Alexeï en s'inclinant devant eux.
— Qui plus est lorsqu'ils sont accompagnés de leurs Saints, ajouta Charlotte en adressant un sourire à l'intention de Zoldia.
— Que... Que voulez-vous dire ? s'étrangla l'enfant divin de la glace, étonnée que leurs deux interlocuteurs sachent pour eux.
— Et bien, nous avons pu avoir deux magnifiques démonstrations de vos pouvoirs si particuliers.
— Avant que tu te laisses aller à la colère, intervint Genkaï en remarquant les rides de contrariété apparaître sur le visage de son amie, il faut que tu prennes connaissance de ce qu'il s'est passé durant l'assaut des talguras sur les demeures de cette bourgade.
Il lui détailla les événements qui venaient de se dérouler. Il n'ometta rien, aussi bien l'intervention de Hono dissimulé dans le brouillard qu'il avait deviné comme les réactions de Charlotte et d'Alexeï lorsque Zoldia avait libéré son énergie. Lorsqu'il eut fini, Fubuki sembla s'apaiser.
— Je vois, seuls des Saints ou des enfants divins peuvent discerner l'énergie qui émanent de nous, commenta-t-elle pour elle-même.
— Nous savions qui vous étiez depuis que sieur Hono a posé le pied sur notre île, expliqua le prêtre.
— Comment ? le questionna ce dernier.
— Votre pouvoir s'est activé inconsciemment et c'est cela qui a déclenché la pluie de scories à votre arrivée. Je pense que l'arme divine vous a reconnu.
— C'est étrange, le coupa Raiyo. Lorsque nous sommes allés sur l'île Kaminari, je n'ai pas ressenti quoi que ce soit.
— Si je puis me permettre, Raiyo, tu étais plongé dans le monde de l'inconscience lors de ton arrivée sur l'île. Et, comme toi et Fubuki vous êtes précipités directement dans le lieu où demeurait l'arme, il se peut que tu n'es pas prêté attention aux signes avant-coureurs, intervint de nouveau l'enfant divin de la terre.
— Donc Raiyo est l'enfant de la foudre, Hono celui du feu et Fubuki celle de la glace. Qu'en est-il de vous ? l'interrogea alors la forgeronne.
— Je suis l'enfant divin de la terre.
— Dommage, j'aurais aimé que vous soyez celui auquel je suis liée.
— Tu es une Sainte ? s'étonna Kobura en haussant un sourcil.
— C'est exact. Malheureusement, je n'ai aucune idée de l'enfant divin qui a besoin de moi, contrairement à Alexeï.
— Comment es-tu sûre de ton appartenance aux Saints ? demanda Zoldia.
— Et bien, dans les histoires transmises dans ce village, et notamment dans la famille d'Alexeï, il est dit que des personnes possédant des pouvoirs viendront un jour pour récupérer quelque chose au temple, raconta Charlotte.
— Et ils seront guidés par le Saint du feu qui, lui aussi, possède des pouvoirs, enchérit le prêtre.
— Vous avez des pouvoirs ? s'émerveilla Len.
— En effet. Regarde.
Et sur ces mots, Charlotte se saisit d'un lingot de fer qu'elle effleura du bout des doigts. Aussitôt, ce dernier s'allongea comme s'il était fait d'un matériau façonnable à la main. Elle s'appliqua, modifiant le métal comme une pâte à pain jusqu'à former une épée.
— Et encore, ça, c'est le truc le moins incroyable dont je suis capable, dit-elle fièrement devant le regard impressionné de l'assemblée.
— Quel est ton nom de famille ? demanda Kobura.
— Torque, mais ce n'est pas mon vrai nom de famille. J'ai été recueilli par les Torque alors qu'ils m'ont trouvé sur la plage, bébé. Donc je ne sais pas si cela peut vous aider.
— Malheureusement, non. Mais, d'après ce que je vois, tes pouvoirs proviennent certainement d'Anbiru, le dieu des forgerons. Curieux, je ne me rappelle pas que les Saints aient été une fois bénis par ce dieu.
— Et vous, vous êtes qui ? l'interrogea Alexeï, curieux.
— Longue histoire. Considérez moi comme un enfant divin d'une ancienne génération.
— Seriez-vous Kobura Hunter, par hasard ?
— En effet. Comment le sais-tu ? Je ne me rappelle pas avoir donné mon nom de famille à qui que ce soit.
— Mes ancêtres m'ont beaucoup parlé de vous, expliqua Alexeï. Au début, nombreux étaient ceux qui pensaient que vous étiez un démon hantant les enfants divins. Mais, depuis que vous êtes revenus avec Falcus, le Saint du feu d'il y a deux générations, ce dernier a modifié tous les écrits relatant votre présence pour dire que vous étiez un allié de taille.
— Falcus... Je me souviens de lui. Un brave homme. J'espère qu'il a vécu heureux après la disparition de son camarade.
— Malheureusement, nous ne savons pas ce qu'il lui est arrivé. Aucun de ses récits ne parle directement de lui. En tout cas, c'est un véritable honneur de vous rencontrer à mon tour.
— Attendez une seconde, les coupa Hono. Il y a un truc qui me chiffonne depuis tout à l'heure. Charlotte a dit que tu savais quel Saint tu étais. Et, depuis tout à l'heure, tu parles de ta famille comme étant les anciens Saints du feu. Ôte moi d'un doute mais tu n'es pas...
— Et si ! intervint Charlotte. Vous avez devant vous le Saint du feu de cette génération !
— Enchanté, Hono. Je suis ravi de pouvoir travailler à tes côtés, reprit le prêtre en s'inclinant devant le rouquin.
Tous les membres du groupe se regardèrent puis se tournèrent en direction d'Asura qui n'avait pas encore réagi. Voyant que l'on attendait qu'il se prononce, le colosse haussa les épaules, signe universel d'incompréhension.
— Et mer... grommela l'enfant divin du feu.
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