Chapitre 12 : Changement d'itinéraire
Raiyo rentra à l'auberge et se fit discret, échappant ainsi à la vue de Fubuki. Lorsqu'il avait passé la porte de l'établissement, il avait remarqué la présence de son amie d'enfance dans un coin de la pièce. Heureusement pour lui, elle était tellement absorbée par le livre qu'elle lisait qu'elle ne fit pas attention à lui. Il put donc rejoindre l'étage supérieur sans difficultés. Ce fut alors qu'il se rendit compte qu'il ne savait pas du tout quelle chambre lui avait été attribuée. Il se résigna alors à s'asseoir dans un coin du couloir, presque invisible pour les passants derrière la statue de marbre décorant l'endroit. En tailleur, il médita, plongeant dans son esprit pour voir et revoir le combat qu'il venait de mener. Aidé de Camolauss qui l'aidait à reconstituer les mouvements de Zoldia, il analysait encore et encore ses gestes. Le temps passa sans qu'il ne s'en rende compte (il avait demandé au loup de ne pas ralentir le temps dans son domaine intérieur) et fut donc complètement pris au dépourvu lorsqu'une main se posa sur son épaule. Revenant à lui, l'enfant divin ouvrit les yeux et rencontra le regard inquiet de Saphira. Derrière elle, sa sœur jumelle semblait surveiller le reste du couloir. La petite à la mèche rouge lui fit signe de se taire puis l'invita à la suivre. Ils se dirigèrent dans une chambre et, une fois la porte close, les Saintes soupirèrent.
— Excuse-nous d'avoir fait cela mais, vu comme tu te cachais, nous avons pensé que tu ne voulais pas être vu par Fubuki, commença celle qui l'avait réveillé.
— Elle vient juste de se rendre dans sa chambre alors nous avons pensé que tu préférerais éviter de te confronter à elle, poursuivit Rubia. Heureusement, dans notre chambre, nous ne serons pas dérangés.
— Merci, les filles, répondit Raiyo. En revanche, je préfère dissiper un malentendu tout de suite. Je n'évite pas spécialement Fubuki, je veux juste attendre demain avant de lui parler. Je la connais depuis longtemps et je sais comment elle fonctionne. Si je viens la voir aujourd'hui, elle va s'énerver encore plus. Alors que demain, ça ira bien mieux.
— Tant mieux, nous craignions que vous soyez fâchés pour de bon. Surtout qu'en plus, vous n'aviez aucune raison de vous disputer, vu que c'était la faute du Saint du feu.
— Comment ça ? s'inquiéta l'enfant divin.
Les petites filles expliquèrent alors ce dont elles avaient parlé le matin même avec Fubuki. Surpris, l'adolescent écouta sans rien ajouter, buvant les paroles des enfants. Lorsqu'elles eurent fini, il se contenta d'un grommellement comme unique réponse.
— C'est étrange... Comment se fait-il que nous rencontrions deux Saints dans la même ville ? finit-il par dire.
— Comment ça, deux Saints ? s'étonnèrent les jumelles.
— Après ma dispute avec Fubuki, j'ai affronté Zoldia et elle m'a confié être la Sainte de la glace. Si, en plus, le Saint du feu se trouvait ici, je m'étonne donc que nous les trouvions si facilement.
— Ce n'est pas complètement illogique, expliqua calmement Rubia. Nous sommes attirés par les enfants divins auxquels nous sommes liés.
— Cependant, chacun d'entre nous vit d'ordinaire proche du temple où réside votre arme, enchaîna sa sœur. Or, nous sommes certaines que le temple de l'arme divine du feu se situe sur l'île d'Ambryn. Pourquoi donc se trouvait-il ici ?
— La question se pose aussi pour Zoldia. À moins que le temple de l'arme divine de glace se situe ici, ce dont je doute fort, elle n'a aucune raison de se trouver ici, ajouta le jeune homme.
Un étrange bruit retentit alors. Surprises, les Saintes se tournèrent vers Raiyo qui posa une main sur son ventre.
— Désolé, je n'ai rien mangé depuis ce matin et le combat m'a franchement ouvert l'appétit. Nous reparlerons de tout ça demain, si vous le voulez bien. Je vais aller manger un morceau puis j'irai dormir. Pourriez-vous m'indiquer le numéro de ma chambre ? demanda-t-il.
Les petites lui répondirent et, après un repas copieux qu'il avala seul, le jeune homme se rendit dans la pièce que lui avait indiqué ses amies. En ouvrant la porte, il fut surpris de trouver Genkaï, dormant à poings fermés dans l'un des deux lits de la chambre. Amusé par les ronflements tonitruants de son camarade, l'enfant divin se laissa choir sur son matelas et s'endormit rapidement.
Le lendemain, ce fut une véritable décharge d'énergie qui lui fit ouvrir les yeux. Se pensant attaqué, Raiyo roula, tombant de la hauteur du sommier et, se réceptionnant rapidement, il fit apparaître son arme. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver Genkaï en train de méditer, libérant une véritable aura oppressante. L'enfant divin de la foudre se détendit en se sachant en sécurité et entreprit de ramener son cœur à un rythme plus lent. Cependant, alors qu'il allait discrètement sortir de la pièce pour laisser son ami tranquille, la porte s'ouvrit subitement et manqua de lui briser le nez. Jaillissant dans la pièce, Fubuki se tenait prête au combat, sa lance à la main.
— Genkaï, qu'est-ce qu'il se passe ? s'écria-t-elle en observant rapidement l'intérieur de la chambre.
Le principal concerné perdit sa concentration et l'énergie qu'il dégageait se volatilisa subitement. Il ouvrit les paupières et contempla la scène qui se déroulait dans la pièce. Derrière l'enfant divin de la glace se tenait Zoldia, la main sur la garde de son sabre et, se tenant le visage, Raiyo semblait se tordre de douleur.
— Et bien, Fubuki, je te prie de m'excuser mais je ne vois point quoique ce soit d'inhabituel dans ma chambre, à l'exception de la souffrance visible de notre ami. D'ailleurs, quel mal t'afflige, Raiyo ?
La seule réponse qu'il eut fut de voir son camarade tombait au sol. Inquiets, tous se précipitèrent à son chevet et, après lui avoir retiré la main de devant son visage, ils purent tous constater qu'il riait, le nez en sang.
— Bon sang, je n'aurai jamais cru dire ça mais je suis content de te voir, Fubuki, finit-il par réussir à articuler.
— Mais pourquoi tu as le nez en sang ? grommela l'interpellée.
— Tu m'as littéralement cassé le nez en ouvrant la porte aussi fort. Tout ça parce que Genkaï méditait.
— Attends, tu veux dire que cette énergie provenait de Genkaï ? s'étrangla la jeune femme.
— Exactement ! dit le jeune homme avant de repartir dans une crise de fou rire, l'image furibonde de son amie d'enfance encore gravée dans son esprit.
— Ai-je fait quelque chose qui vous à causer du tort ? s'inquiéta le colosse en enfilant un haut, gêné de voir autant de personnes se focaliser sur lui.
— Tu ne dois pas t'en rendre compte mais, lorsque tu médites, tu laisses échapper ton énergie, expliqua Zoldia en se détendant. Nous avons cru à une attaque et nous nous sommes rués ici en pensant qu'il y avait un problème.
Comprenant désormais qu'il était l'origine de l'incident, l'enfant divin de la terre s'excusa tandis que Fubuki s'occupait de stopper le saignement de son ami encore en train de rire. Au bout d'une dizaine de minutes, le petit groupe se retrouva dans la partie commune de l'auberge. Heureusement pour eux, l'énergie de Genkaï n'avait pas affecté les humains normaux, à l'exception de Len qui semblait s'être réveillé en sursaut. Cependant, comme il n'arrivait pas à ressentir l'aura divine de ses camarades, il n'avait pas compris ce qui l'avait tiré du sommeil et ne s'était pas inquiété plus que cela. Tandis qu'ils déjeunaient tous ensemble, Raiyo vit partir Zoldia, qui se rendait à l'arène pour la suite du concours. Ne s'inquiétant pas pour elle, l'adolescent reporta son attention sur la conversation.
— Nous partirons demain matin, après que Raiyo aura récupéré de son affrontement avec Zoldia, expliqua Fubuki en tartinant une tranche de pain avec du beurre de zlatorog.
— À ce propos, le combat a déjà eu lieu et j'ai gagné, lui répondit-il, provoquant la surprise générale.
— Mais quand as-tu... commença l'adolescente.
— Hier, dans l'après-midi. D'ailleurs, elle m'a appris qu'elle était la Sainte de la glace.
Sa nouvelle déclaration fut suivie d'un long silence. Mais, au moment où il vit que son amie d'enfance ouvrait la bouche, il décida de donner le coup fatal.
— J'ai pu vérifier moi-même que ses informations étaient bonnes et, vu que j'ai gagné, je lui ai demandé de devenir notre entraîneuse à tous. Après tout, cela ne nous ferait pas de mal de nous entraîner, non ? De plus, si elle nous accompagne, nous aurons l'argent du tournoi avec nous.
Comme il l'avait prévu, sa décision fut bien prise par tout le monde et, même si elle fulminait, Fubuki ne put qu'accepter la réalité. Tout ne s'était pas déroulé comme elle l'avait voulu mais, finalement, elle avait obtenu ce qu'elle souhaitait. Après avoir fini leur petit déjeuner, les adolescents se dirigèrent à leur tour vers l'arène. Raiyo, portant autour de son cou le pendentif de loup pour éviter d'attirer le regard des habitants de la ville, fut un peu triste de ne pas pouvoir participer mais décida de redoubler d'efforts pour encourager Genkaï, dernier de leur groupe étant encore en lice. Malheureusement pour lui, il tomba d'abord sur Zoldia. L'escrimeuse, ne voulant pas perdre son temps, détruisit son arme en seulement deux coups et l'envoya au tapis avec une troisième attaque. Beaucoup crurent que l'enfant divin de la terre s'était laissé battre mais, lorsqu'ils virent que la sabreuse battait ses ennemis en moins de temps qu'il ne fallait pour dire « Asterlia », ils cessèrent de la huer et l'acclamèrent.
En finale, la Sainte affronta Derek, le garçon qui s'était inquiété pour Raiyo. Le combat fut aussi court que les précédents et, après avoir échangé quelques mots que seuls eux purent entendre, les deux combattants se serrèrent la main, déclenchant un véritable soulèvement de la foule. Cette dernière, rugissant le nom de l'escrimeuse, fut cependant tut par l'arrivée des souverains de la ville. Même s'ils étaient loin, les adolescents purent discerner les silhouettes des monarques et Fubuki ne put s'empêcher de soupirer d'envie devant la beauté de la reine.
Meltana Delsirosa était une femme aux cheveux longs tressés en une natte dorée et portée par de jeunes dames de cour tant elle était immense. Habillée d'une superbe robe violette mettant en valeur ses courbes, elle avançait d'une démarche gracieuse qui envoûtait sans difficulté les personnes présentes. À ses côtés, dans une armure scintillante faîte d'argent, le roi Lordin Delsirosa n'était pas en manque. Portant ses cheveux noirs courts, il tenait le bras de sa femme et avançait à son rythme, preux chevalier au service de celle qu'il aimait. Leur amour avait d'ailleurs fait déjà le sujet de nombreuses balades de troubadour. En effet, il était dit dans les légendes que Meltana avait été sauvé par Lordin lorsqu'il n'était encore qu'un prince. Depuis, ils étaient inséparables.
Les deux dirigeants remirent le prix à Zoldia tout en la félicitant pour sa puissance. Ils firent de même avec la totalité des combattants présents pour la phase finale du tournoi avant de se retirer. Le petit groupe profita de ce moment pour partir et ils furent rejoints par Genkaï et Zoldia à la sortie du Colisée. Cette dernière leur fit signe de s'éloigner rapidement et ils durent presque courir pour fuir la horde de fans voulant rencontrer la grande gagnante. Lorsqu'ils furent certains de leur avoir échappé, les adolescents s'arrêtèrent et se sourirent.
— On dirait que la célébrité ne te sied pas pour un sou, ricana Fubuki à l'encontre de Zoldia.
— Ne t'en fais pas, je me moque de cela comme de mon premier sabre, répondit la concernée sans relever le sarcasme. Bien, maintenant que nous sommes tous réunis, nous devrions partir pour votre prochaine destination. Où souhaitez-vous aller ?
— Nous nous dirigeons vers l'île d'Ambryn mais nous comptions partir demain, répondit Raiyo.
— L'île d'Ambryn ? Je ne connais malheureusement pas la route pour nous y rendre. De plus, nous devons partir avant ce soir car, demain, il sera compliqué de sortir de la ville avec le départ des marchands venus pour les festivités.
— Dans ce cas, nous ferions mieux de marchander avec un guide afin de nous rendre sur le lopin de terre, s'exclama Genkaï.
— Cela est dangereux à cause de vos pouvoirs mais je suppose que nous n'avons pas le choix, grommela l'escrimeuse. Je crois qu'il y a un coin où nous pourrons trouver des marchands cherchant une escorte. Si l'un d'entre eux veut aller vers l'île d'Ambryn, nous pourrons louer nos services. Suivez-moi ! ordonna la femme la plus âgée de la troupe.
Ils s'exécutèrent, prenant des rues peu fréquentées pour éviter à la guerrière de se faire inutilement remarquer. Alors qu'ils allaient tourner sur leur droite, Kyoseï ressentit une étrange sensation et se figea. Il lui sembla entendre une voix provenant d'une ruelle étroite.
— Le grand... Il m'attire... murmurait doucement un homme, d'après ce qu'identifiait l'orphelin.
Il se dirigea en direction de la source sonore mais se retrouva rapidement devant un mur. Étonné, il tendit l'oreille mais il n'entendit rien.
Je suis pourtant certain d'avoir entendu quelqu'un.
Une main se referma sur la sienne, le sortant de ses réflexions. Se reconnectant au réel, il aperçut la mine inquiète de son petit frère et sourit pour le rassurer. Ils se hâtèrent de rejoindre leurs amis et le groupe finit par atteindre une place bondée. Jouant des coudes, les adolescents se frayèrent un chemin jusqu'à la fontaine centrale où différents marchands, leurs calèches prêtes, attendaient qu'on les approche. Lorsqu'ils virent Zoldia, beaucoup essayèrent de la recruter mais comme aucun d'entre eux n'allait en direction de la destination du temple du feu, elle refusa.
Len, essayant de suivre comme il le pouvait Kyoseï, se fit bousculer par quelqu'un et lâcha la main de son grand frère. Ce dernier essaya tant bien que mal de le rattraper mais il se fit emporter par la foule. Perdu, le petit garçon se fit saisir de justesse par une main qui le traîna hors de la cohue où il avait manqué de se faire piétiner.
— Tout va bien, petit ? lui demanda alors la jeune femme qui venait de le tirer hors de danger.
— Je ne retrouve pas mes amis... hoqueta l'enfant, les larmes aux yeux. Nous cherchions un marchand à escorter pour l'île d'Ambryn mais j'ai été séparé du reste du groupe.
— Je ne suis pas sûre que tu aies l'âge pour protéger un marchand mais je ne peux pas te laisser tout seul. Je vais t'aider à retrouver tes amis. Viens, montons sur ma calèche, nous verrons mieux de là-haut.
La jeune femme l'aida à grimper et Len aperçut alors la carrure massive de Genkaï. Il le montra à la femme et, à deux, ils l'appelèrent. Le colosse finit par les entendre et lorsqu'il aperçut le petit garçon seul avec une inconnue, il se précipita vers lui, fendant la foule sans difficultés. Ses amis le suivirent, inquiets de le voir se ruer ainsi dans une direction aléatoire. Seul Kyoseï aperçut son frère et, talonnant de peu son ami, il fonça à sa suite. Lorsqu'ils furent tous arrivés devant la calèche de la femme, le petit garçon se rua dans les bras de son aîné qui le serra dans ses bras.
— Tout va bien, Len, je suis là, le rassura-t-il en le portant.
— Nous vous sommes infiniment reconnaissants de l'avoir retrouvé, Dame, dit Genkaï pour remercier la jeune femme en s'inclinant devant elle.
— Ce n'est rien. Je ne souhaite pas de récompense pour ça. Cependant, le petit m'a dit que vous vouliez vous rendre sur l'Île d'Ambryn. Le hasard fait bien les choses, je dois moi aussi m'y rendre pour acheter des produits.
— Vous accepteriez de nous prendre comme escorte ? s'exclama Raiyo, ravi.
— Et bien, vous êtes plutôt bien armés, notamment vous, avec votre sabre. Il me semble reconnaître la grande gagnante du tournoi parmi vous. Je ne vois pas pourquoi je refuserai. Je me présente. Je m'appelle Sonia Crima et je suis une marchande.
Tandis qu'ils se présentaient tour à tour, Fubuki sentit un poids sur ses épaules. Surprise, elle chercha ce qui provoquait cet effet et elle se rendit compte que Zoldia la regardait intensément.
— Un problème ? s'étonna l'enfant divin.
— Je ne sais pas. À toi de me dire, répondit de manière énigmatique la guerrière en croisant les bras.
Ne comprenant pas ce que voulait dire leur nouvelle alliée, l'adolescente ne chercha pas plus loin et braqua son attention sur la marchande. Cette dernière possédait des cheveux longs châtains qui ondulaient avec la brise, formant derrière elle une ombre discrète. Elle n'était pas spécialement habillée richement mais elle ne semblait pas non plus pauvre. Lorsque ce fut à son tour de se présenter, Fubuki croisa le regard de Sonia et remarqua qu'elle avait des yeux bleus d'une intensité rare. La jeune femme sourit à l'adolescente et cette dernière le lui rendit. Cependant, lorsque Zoldia dut se présenter, la commerçante sembla, pendant un court instant, grimacer. Seulement, dans son mépris envers la guerrière, l'enfant divin de la glace mit cela sur la faute de l'escrimeuse.
Une fois les présentations terminées, ils se dirigèrent vers la sortie nord de la ville et, les petits assis dans la calèche de Sonia, ils commencèrent à faire route en direction du port de Zereort. Ou du moins, ce fut ce que pensèrent les adolescents jusqu'à ce que la marchande brise leurs convictions.
— Malheureusement, le port de Zereort a été détruit il y a de cela une semaine. Désormais, le seul moyen de nous rendre sur l'île d'Ambryn est de passer par le village portuaire de Glar.
A peine avait-elle eu le temps de prononcer ce nom qu'une violente vague d'énergie se déchaîna devant eux.
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