Chapitre quatre

Cela faisait à présent trois jours que j'étais prise de violentes fièvres. Ma crainte s'était produite : ma plaie à la cuisse s'était infectée. A chaque soin que Camille ou SeokJin me prodiguait, je hurlais de douleur. Il m'arrivait parfois de m'évanouir tellement c'était impossible de supporter cela. Je logeais dans la chambre de SeokJin qui tenait à veiller sur moi jour et nuit, car mon sommeil était très agité et mon état nécessitait une surveillance permanente.

Alors que j'ouvrai difficilement les yeux, ayant réussi à dormir une demi-heure tout au plus, je vis une silhouette se pencher au-dessus de moi. Je reconnus Camille, ce qui me fit un sourire.

-Est-ce que ça va ?

-Oui, un peu. Et toi ?

-Très bien ! Enfin, je ne veux pas étaler ma joie et ma bonne humeur, ainsi que ma santé éclatante, mais je voulais te tenir compagnie.

-C'est gentil, merci. Tu n'as pas entraînement, aujourd'hui ?

-NamJun a constaté que j'étais ailleurs. Alors il m'a donné la permission de rester avec toi toute la journée. Si je n'avance pas, autant me reposer, tu vois.

-Oui, je vois. Qu'est-ce que tu veux que l'on fasse ?

-Eh bien, tu ne peux pas trop bouger, je ne voudrais pas empiéter sur ton rétablissement.

-Ne t'inquiètes pas. Si tu veux, on peut faire une partie de Mahjong ?

-Oui, bonne idée !

Elle courut aller chercher la boîte en bois contenant le jeu dans sa chambre. Elle revint tout excitée et tira la table qu'elle plaça à côté de nous. Nous étalâmes les pièces, suivant la règle de la composition d'un Majhong, puis nous nous lançâmes en quête de gagner le plus de pièces possibles.

-Quand tu passes ton temps avec moi, je pense moins à la douleur. Ca me fait du bien.

-Mais quand SeokJin est là ?

-La plupart du temps c'est pour me soigner, alors ça fait pas trop du bien, tu sais.

Nous rîmes ensemble tout en poursuivant notre partie. Puis on toqua à la porte. SeokJin entra suivi de NamJun qui sourirent à la vue de notre jeu.

-On peut se joindre à vous ?

-Oui, venez ! s'enthousiasma Camille.

-Je rejoins Claire, pour ma part, dit NamJun en m'adressant un clin d'œil.

-Il faut faire des équipes équitables, précisa Camille. Tu es fort, tu devrais te mettre avec moi.

-NamJun est loin d'être logique, murmura SeokJin, assez fort pour se faire entendre.

Nous éclatâmes de rire puis nous poursuivîmes notre jeu. Entre éclats de rires et discussions en tout genre, je remarquai que cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas partagé un moment tous les quatre, dans l'intimité de notre dojo, comme nous le faisions si bien lorsque Camille et moi n'étions que deux enfants. Je souris malgré moi à l'évocation de ses beaux souvenirs, ce qui attira l'attention de mon partenaire. Il posa sa main sur la mienne, il avait compris mes pensées.

-Et si nous cuisinions quelques gâteaux pour le goûter ? proposa SeokJin.

Tout le monde éclata de joie. Les gâteaux étaient un événement rare et donc accueillis à bras ouverts car nous ne disposions de sucre qu'en très faible quantité. Camille et SeokJin sortirent pour aller chercher le matériel à la confection des gâteaux. Je restai donc seule avec NamJun.

-Dans peu de temps tu ne souffriras plus. J'ai fait appel à un médecin d'une ville la plus proche pour qu'il vienne te soigner convenablement. C'est un vieil ami à moi, il était content de me revoir.

-Comment l'as-tu contacté ?

-J'y suis allé moi-même hier.

La ville la plus proche était à une journée de route d'ici. NamJun avait dû se lever tôt et était sûrement rentré tard pour aller voir ce médecin. Même s'il avait pris un cheval avec lui, la route n'en était pas plus courte.

-Merci.

-C'est normal, 'tite tête.

Il m'ébouriffa les cheveux puis nos amis nous rejoignirent enfin. Je me redressai tandis que Camille calait un coussin derrière mon dos pour me tenir droite. Je plaçai les ingrédients un à un tandis que Camille tournait la cuillère en bois dans le grand bol du même matériau. SeokJin et NamJun nous regardaient faire avec une lueur d'affection dans le regard, s'en était tellement beau. Camille avait mis de la farine partout sur elle mais s'en foutait royalement, continuant à tourner de toutes ses forces.

-Peut-être que tu ne te seras pas entraîné, mais tu t'aurais fait les bras ! s'exclama NamJun.

Nous rîmes ensemble puis il fut temps d'aller cuire la pâte à la cuisine. Je profitai de ce moment de calme pour fermer les yeux. Je sentais encore cette foutue douleur mais j'en étais accoutumée, alors je n'y faisais plus attention.

-Claire ?

J'ouvrai les yeux, c'était SeokJin.

-Oh, j'ai eu peur, j'ai cru que tu t'étais évanouie.

-Non, non, je suis bien là.

-NamJun t'a dit ce qu'il avait fait hier ?

-Oui, quand vous étiez partis chercher de quoi confectionner les gâteaux.

-D'accord. N'ai pas peur, nous le connaissons bien, nous avons confiance.

-Pourquoi j'aurais peur ?

-Tu n'as vu personne d'autre que NamJun et moi depuis que vous êtes arrivées ici.

-C'est vrai. Mais ne t'inquiètes pas, j'ai confiance en vous et à vos actes qui nous concernent alors non, je n'ai pas peur.

Je souris, voulant rassurer SeokJin au maximum. J'avais longtemps rêvé de descendre en ville, or, nous étions encore bien jeunes. Je connus l'existence de cette ville lors de mes seize ans, lorsque je sus où allaient mes mentors une fois par mois. Il fallait bien se réapprovisionner, rendre visite à quelques connaissances, acheter quelques cadeaux pour Camille et moi parfois. Le plus souvent, nous avions des livres, pour notre éducation. Mais il arrivait que nos mentors nous offrent quelques bijoux, ce qui nous faisait grandement plaisir.

-Quand pourrons-nous aller ensemble en ville ?

-Bientôt. Nous y avions songé il n'y a pas longtemps mais ce qui t'es arrivé nécessite quelques jours de repos alors il faudra attendre un peu plus longtemps. Les réserves s'amoindrissent, nous irons en ville dans peu de temps mais... je savais que tu ferais la tête de mule et que tu ne pourrais attendre le mois suivant. Alors NamJun, en allant chercher le médecin, a acheté quelques vivres pour tenir jusqu'au mois suivant. Il souhaite également que Camille l'accompagne à la chasse, afin d'acquérir du gibier.

-Et entraîner Camille par la même occasion.

-C'est cela.

~~~~~~~~~~

Nous étions en fin d'après-midi quand nos chevaux s'excitèrent à l'écurie. Des éclats de voix et des rires attisèrent ma curiosité alors que j'entendis les petits pas de Camille courir dans la maison. Elle ouvrit la porte brusquement.

-Le médecin est arrivé, ma vieille ! Tu vas guérir de ton bobo !

Elle referma la porte et rejoignit nos mentors après son annonce tonitruante, ce qui me fit bien rire. Les éclats de voix se rapprochèrent, je pus alors distinguer leur dialogue.

-Voici Camille, la plus jeune des deux, présenta NamJun.

-Enchanté, Camille.

-De même, monsieur le docteur.

Des rires s'élevèrent dans le couloir, se rapprochant toujours plus de la chambre de SeokJin où je me reposais. Mon cœur battait vite, je ne savais pas comment réagir à cet étranger, même si mes mentors le connaissaient. J'aperçus la silhouette de SeokJin s'approcher de la porte mais une autre l'en empêcha.

-Est-ce qu'elle dort ?

-Non, je ne pense pas.

-Je viens d'aller lui annoncer votre visite, elle est éveillée.

-Merci, Camille, lui répondit le médecin.

SeokJin passa sa tête en premier, réchauffant mon cœur de son sourire éternel, puis ouvrit la porte en grand. Un homme se tenait à ses côtés, plus petit que lui, au visage clair et aux petits yeux. Il sourit à ma vue, cherchant à me réconforter. Il me salua en s'abaissant puis s'approcha de moi.

-Bonjour, Claire, je m'appelle YunGi. Je suis le médecin qui va prendre soin de toi.

Je n'osais dire un mot. J'étais comme pétrifiée. Il fut toutefois compréhensible puisque NamJun avait dû lui dire que je ne connaissais que lui et son frère depuis que nous étions ici. Il ouvrit son sac et une multitude de produits et d'instruments furent découverts à ma vue horrifiée. Je tournai la tête de l'autre côté, interpellant SeokJin qui vint me tenir la main.

-N'ai pas peur, tout va très bien se passer. Je vais te dire ce que je vais faire pour ne pas t'affoler. En premier lieu, je vais t'administrer un produit qui va endormir ta cuisse, tu ne vas alors plus rien sentir, même quand tu voudras la remuer. Ensuite, je soignerai la plaie et enfin, je refermerai l'entaille. C'est d'accord ?

-Puisque c'est ce que vous devez faire, je ne pense pas pouvoir m'y opposer, monsieur.

-Oui, voilà, sourit-il. Tu es très courageuse, j'ai su ce qu'il t'était arrivé. Peu de gens osent se mesurer à un animal d'une telle envergure, je te salue avec admiration.

Il releva la tête vers moi et m'adressa un sourire. Je souris à mon tour, gagnant peu à peu la confiance en lui.

-Qu'est-ce que tu aimes faire le plus la journée ?

-J'aime surtout m'entraîner pour tester mes limites. Mais il est aussi bon de profiter d'un moment de répit pour s'instruire à l'aide de livres en tout genre. La force n'est pas seulement physique, mais est également mentale.

-Quel genre de livres aimes-tu lire le plus ?

-Les romans d'épopées. Dans lesquels les héros se mesurent à des créatures mythiques. J'y trouve une nouvelle force, même si celle-là n'est que fictive.

-Mais c'est en prenant exemple sur ces derniers que l'on acquiert une volonté d'aller plus loin quand même.

-Oui, c'est ça.

-Remue ta jambe pour voir.

Je remuai ma jambe mais ne sentis absolument rien. Emerveillée par la science, je relevai la tête en formant un "o" avec ma bouche, ce qui fit rire mes amis et le médecin.

-C'est lors d'un voyage lointain que j'acquis de nouvelles connaissances en médecine. Le voyage est formateur, j'ai non seulement ramené de bons souvenirs mais aussi de nouvelles techniques. C'est toujours bon de partager notre culture avec une autre. Attention, je vais commencer.

Courageuse, j'observai le moindre de ces faits et gestes. Il étala sur du coton un produit provenant d'une petite fiole en verre. J'ignorais de quoi était fait ce liquide mais je devais avoir confiance, il savait ce qu'il faisait. Alors que le produit entra en contact avec ma plaie, le sang a la surface qui n'avait pu former une croûte pour cicatriser se mit à produire quelques bulles puis à couler le long de ma cuisse. Le médecin essuyait petit à petit la plaie tout en continuant à soigner ma blessure. Quand elle fut propre, je découvris ma cuisse sous un autre angle. L'entaille n'était plus horrible à voir avec du sang séché, comme si elle était toute fraîche.

-Je vais à présent recoudre la peau.

-Quoi ?!

-Tu ne vas rien sentir, ne t'inquiètes pas.

Je relevai les yeux vers Camille qui s'était cachée derrière NamJun. Quant à SeokJin, il passait maintenant une main réconfortante dans mes cheveux. Et c'était vrai : je ne sentais absolument rien. J'étais plutôt rassurée.

-Est-ce que vous allez rester parmi nous demain ?

-Je dois d'abord passer la nuit ici, je suis obligé, car je ne peux pas repartir tout de suite. J'aimerai aussi surveiller ton état, afin que je n'effectue pas le voyage plusieurs fois. Puis-je te demander la raison de cette question ?

-Comme ça.

En vérité, je voulais connaître les connaissances de ce médecin. Il attirait ma curiosité, il l'attisait agilement. Je voulais aussi faire sa connaissance, en-dehors des soins qu'il me prodiguait.

~~~~~~~~~~

Je me réveillai après une longue sieste. Ca faisait longtemps que je n'avais pas autant dormi. Je ne sentais que des picotements dans ma cuisse, ce qui était un rapide progrès. La porte s'ouvrit et SeokJin entra dans sa chambre, portant un plateau garni et une bougie.

-Comment vas-tu ?

-Beaucoup mieux. Vous avez déjà mangé ?

-Oui, nous sommes venus te voir pour t'apporter à manger mais comme tu dormais déjà, nous avons préféré te laisser te reposer. YunGi a examiné ta blessure et en est plutôt fier alors tout va bien, tu es sur le chemin de la guérison.

Je souris puis m'attaquai au dîner. Je goûtai également aux petits gâteaux que nous avions confectionné cette après-midi, ils étaient excellents. SeokJin rit à la vue des paillettes dans mes yeux puis ôta son t-shirt pour se mettre à l'aise pour dormir. Alors qu'il pliait soigneusement son vêtement, je le détaillai pour la première fois : la carrure bien bâtie, quelques cicatrices dans le dos, et quand il se retourna, je jetai un coup d'œil à ses abdos.

-Tu me trouves comment ?

Je faillis m'étouffer, surprise par sa question. Il m'avait cramé en long, en large, et en travers. Il se mit à rire puis s'allongea à côté de moi, souriant comme toujours. Je repoussai la petite table plus loin une fois que j'eus fini de manger puis m'allongea à mon tour.

-Où dort le médecin ?

-J'ai installé un futon dans ta chambre.

-C'est bien. Je voulais la lui offrir le temps de son séjour puisqu'il m'a soigné.

-Tu es généreuse.

-Non, c'est normal. Et puis, c'est pas comme s'il dormait dans mon futon puisque je m'y trouve en ce moment-même.

Il rit doucement puis se rapprocha un peu plus de moi, passant sa main sur ma joue puis le long de mon bras. Il savait que c'était la meilleure manière de m'endormir et l'appliquait pour que je puisse me reposer le plus possible. Mes yeux se fermèrent alors petit à petit, finissant d'admirer mon ami sous la pâle clarté de la bougie qui teintait son corps d'une lueur orangée. Je sombrai alors dans un sommeil des plus doux.

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