Chapitre deux

-CLAIIIRE !

-PUTAIN CAMILLE LE MATIN C'EST SACRE, MERDE !

Je lui lançai mon oreiller mais elle l'évita sans difficulté puisque mes membres étaient encore marqués par de longues heures de sommeil. Elle détala comme un lapin hors de ma chambre afin de ne pas avoir à supporter ma colère noire. Si elle était venue me réveiller, c'est que nous avions à nous entraîner, ce matin.

Elle avait à présent 18 ans, et moi 19. Presque dix ans étaient passés depuis notre rencontre avec SeokJin, notre sauveur comme nous l'appelions pour le taquiner. L'appellation que nous avons l'habitude d'utiliser avec lui est... "maman". Il fallait bien combler le vide et il se comportait comme tel alors il n'y avait aucun souci sur ce point. Le voilà qui arrive.

-Bien dormi, ma chérie ?

-Oui, ça va. J'aurais voulu dormir plus.

-Tu feras une petite sieste cette après-midi, si tu veux. Pour le moment, NamJun vous attends dans la cour.

-Ah shit.

Il se mit à rire en tirant les rideaux de ma chambre, ouvrant la fenêtre en bois par la suite. La lumière du soleil m'aveugla un moment alors que je me redressai doucement dans mon lit.

NamJun était le boss du dojo où SeokJin nous avait emmené. Par son caractère ferme et sa force, il était comme un papa adoptif pour Camille et moi. Le jour où nous étions arrivés chez eux, SeokJin nous tenant toutes les deux par la main, il avait ouvert ses bras pour nous y accueillir. C'était à ce moment-là que j'avais senti que nous étions enfin en sécurité et bien entourés. Plus je grandissais et plus je me sentais chez moi dans ce dojo dirigé par NamJun et SeokJin, des frères qui entretenaient à leur tour ce lieu, comme leur famille l'eut fait avant eux.

Le dojo était fait de bois solide, celui provenant de l'épicéa et quelques poutres étaient faites de pin ou de sapin. Les murs en papier isolaient tout de même bien, avec le bois quadrillés. En été, Camille et moi passions des après-midi entières à repeindre les statuettes dans tous les coins du dojo, afin que la peinture faite de baies ne s'écaille pas. Le dojo comportait quatre bâtiments établis autour d'une cour de pierres lisses : la maison principale où nous vivions tous les quatre, la cuisine et la laverie (où SeokJin passait le plus clair de son temps), la salle d'entraînements qui possédait de nombreuses armes (convoitées par Camille et moi), et une écurie. Derrière le dojo se trouvait une clairière où nous élevions du bétail, puis il y avait la forêt.

Je passais sous la douche aménagée dans un cabanon, dehors derrière le dojo, pour me rafraîchir et être propre pour la journée (même si ce soir, puant la sueur, j'allais devoir en reprendre une autre). Je m'habillai de vêtements en laine pour être à l'aise et attachai un corset de cuir par au-dessus. Ainsi, j'étais parée pour le combat. Après m'être chaussée de ballerines, je pus rejoindre le lieu donné de l'entraînement.

~~~~~~~~~~

-Ah, la voilà.

-Bonjour, NamJun.

Je m'inclinai, comme il était question de le faire à chaque début d'entraînement. C'était la règle. Sinon, quand nous étions à la maison, on avait le droit à quelques tendresses. Il pouvait être nounours quand il le voulait.

-Aujourd'hui je veux que vous performez votre discrétion, annonça-t-il en lançant un regard vers Camille.

Je pouffai mais ce qu'il dit par la suite me stoppa net dans mon hilarité, faisant rire Camille à son tour.

-Et votre sens de l'orientation. Je vous envoie en forêt pour retrouver ces balises que j'ai soigneusement caché ce matin alors que vous dormiez comme des loirs. Il faudrait peut-être songer à dormir que d'une oreille, puisque les ennemis ne préviennent pas quand ils attaquent. Avez-vous des questions ?

-On sera rentré pour manger ?

-Pense à autre chose qu'à ton estomac, Camille.

-Mais SeokJin a préparé un bon petit poulet !

-Est-ce que nous travaillons ensemble ?

-Non. Toute seule.

Camille et moi nous lancions un regard amusé. Nous allions pouvoir nous défier une nouvelle fois ; se mesurer l'une à l'autre était un de nos passe-temps favoris.

-Prêtes ? PARTEZ !

Sans réfléchir une seconde de plus, j'allai dans la direction opposée à Camille. Etonnée, elle s'arrêta dans sa course, se demandant bien ce que j'étais en train de faire, puis elle comprit : j'allais descendre la montagne où nous habitons pour rejoindre la base et la contourner pour arriver au bout de la forêt sans m'empiéter dans les racines des arbres. NamJun hocha de la tête, acquiesçant mon sens de la logique. Or, il fallait absolument que je passe par-là car Camille avait une aisance dans les arbres que je n'avais pas. Un vrai ouistiti.

J'arrivai enfin à la moitié de mon parcours, arrivant au bord de la rivière. Un autre entraînement consistait à prendre deux seaux et ramener de l'eau à la maison le plus vite possible, sans trop en perdre en route. C'était galère mais rigolo. Tellement ça m'avait énervé, j'en avais renversé sur Camille qui avait glissé puis elle s'était vengée de la même façon. En fin de compte, on dût retourner à la rivière pour recommencer puisque nous n'avions plus rien. A dix minutes de la maison. Oui, ça faisait chier.

Une pierre déboula de la falaise, je vis tout en haut une silhouette que je ne connaissais que trop bien. Je souris, acceptant le challenge, et courus plus vite que je ne le faisais. Nous n'avions jamais d'échauffements, fallait toujours se tenir prête pour une expédition dans ce genre. NamJun voulait nous endurcir le plus possible, même si SeokJin lui demandait parfois de nous accorder quelques moments de repos. Mais Camille et moi avions une promesse, et c'es ce qui faisait notre force après tout.

-Tu vas perdre, abandonne maintenant ! cria-t-elle du haut de son arbre.

-Ca jamais ! Plutôt crever !

Je grimpai maintenant dans la forêt, bondissant de talus en talus pour atteindre son niveau. Ce n'était pas très arpent mais juste assez pour pouvoir mettre les muscles de mes jambes et de mes cuisses à l'épreuve. Je rejoignis ainsi mon amie pour la défier du regard.

-Tu trouves la balise avant moi et je te ferais la misère dans les jours à suivre.

Elle ricana singulièrement avant de sauter contre un arbre et grimper jusqu'à son sommet. Qu'est-ce qu'elle pouvait m'énerver quand elle faisait ça ! Certes je pouvais aussi le faire, mais pas aussi aisément qu'elle. De là où elle se trouvait, elle pouvait avoir une vue plongeante sur la forêt mais NamJun n'avait quand même pas eu l'idée de mettre la balise à découverte, alors c'était au sol que ça se passait. Voyons voir... je ratissais de mes yeux de lynx l'étendu de terre, d'écorces et de feuilles à la recherche d'un objet qui ressemblait à un triangle jaune. Si NamJun avait la flemme ce matin, la balise se trouvait plus proche vers la maison. Si c'était l'inverse... il aurait été suffisamment sadique pour la cacher dans un trou. Qu'un renard aurait sûrement emporté avec lui, complice de son sadisme inné.

-AHAAAH !

Je me retournai et vis Camille descendre aisément de l'arbre, puis courir dans ma direction. Paniquée, je cherchai autour de moi si la balise ne s'y trouvait pas et qu'elle avait vu à ma place. Mais ce n'était pas cette dernière qu'elle avait trouvé. Je croisais les bras, mécontente.

-Ca va ? C'est bon ?

-Maman SeokJin a dit que c'était bon pour le corps. C'est plein de vitamines, mange !

-Non, j'ai autre chose à faire que de bouffer des baies. Et ne mange pas celles près de la terre parce que si un renard a fait pipi dessus...

-Je vais être malade, je sais. Je ne suis plus une enfant, contrairement à toi.

-D'où je suis une enfant ?

-Qui est-ce qui pleure comme un bébé la nuit ?

Je reculai, fronçant des sourcils.

-Je pleure... la nuit ?

-Bah oui. Tu t'entends pas ?

-Non.

Soudain, je me souvins. Il arrivait parfois que j'avais du mal à respirer quand je dormais, je le sentais mais je ne me réveillais pas. Comme si j'étais en plein combat contre moi-même.

-Faudrait que t'en parles à papa et maman.

-Hm. Plus tard. Mais... je pleure vraiment ?

-Bah on dirait mais tu fais plus hmmm et aaaah et...

-Ca va, ca va, j'ai compris.

Je passai à côté d'elle et lui donnai une tape à l'arrière de la tête. Bon, elle est où cette fichue balise ?

~~~~~~~~~~

Cela faisait à présent trois heures que nous cherchions après la balise. Nous étions partis au milieu de la matinée, et l'heure du déjeuner était largement passée. Je soufflai excédée, et m'assis pour réfléchir. Ce n'était pas une question de logique puisque dans toutes les épreuves que nous rencontrerons plus tard, rien ne sera logique mais plutôt le fruit du hasard. NamJun voulait faire marcher notre endurance d'esprit, pas nos méninges. Camille faisait la sieste, tandis que je cherchais encore et encore. C'était frustrant de chercher après quelque chose qu'on ne trouvait pas, on donnerait cher pour que ce soit le cas.

-ELLE EST OU CETTE PUTAIN DE BALISE ?!

-Si tu pourrais aller crier sur la montagne d'à côté ça m'arrangerait.

-Il est pas l'heure de dormir ! Si des ennemis seraient là, à nous épier pour nous attaquer dans un moment de faiblesse, tu serais déjà morte !

-Sauf que c'est pas le cas.

Je soufflai, cette fois-ci à cause de Camille et non pas de la balise.

-Je rentre. Il n'a qu'à la chercher lui-même sa balise. Ca tombe il ne sait même plus où il l'a mise.

Camille se leva et enleva les écorces et la mousse qui se trouvaient dans son dos avant de me suivre. Il pouvait se la mettre là où je le pensais, sa balise de merde. Je me rendis compte alors que mon humeur signait ma défaite, puisque je m'énervais alors qu'il fallait garder son calme dans cette épreuve. Frustrée, j'arrivais au dojo en claquant des pieds sur les dalles de pierre de la cour.

-Alors, cette balise ?

Je passai devant NamJun sans lui accorder un seul regard, ce fut Camille qui lui adressa la parole.

-On ne l'a pas trouvé.

-C'est normal, je ne l'ai pas caché.

Je m'arrêtai droite comme un piquet.

-Comme tu as dû t'en rendre compte, ma chère petite Claire, l'épreuve d'aujourd'hui consistait à forger votre morale d'acier. A ce que je vois, c'est Camille qui a gagné.

Mon regard voyagea de NamJun à Camille, de Camille à NamJun, puis se déposa sur SeokJin qui venait d'arriver à côté de moi. Il déposa sa main sur mon épaule mais je le repoussai.

-Tu savais ce qu'il allait faire, hein ?

Pour toute réponse, il m'adressa un petit sourire triste.

-Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

-Les ennemis ne...

-Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre, des ennemis ?! Je sais très bien qu'ils ne préviennent pas, qu'ils font ceci-cela, qu'il faut toujours rester aux aguets ou à l'affût de la moindre offensive ! Pourquoi on ne peut pas commencer dès maintenant à manier des armes ? On est encore trop petites, c'est ça ? Et puis merde. De toute façon, je fais toujours tout capoter et je ne serais jamais prête ! JAMAIS !

Je rentrai dans la maison en claquant la porte puis rejoignis ma chambre pour aller m'allonger. Et pleurer, pour être honnête. J'avais tellement trop de pression, même si la moitié venait de moi, mais je ne le supportais que lors de très courtes durées. Il m'était impossible de ne jamais craquer à long terme. J'étais faible. Bien trop faible.

Et je l'étais encore plus quand SeokJin vint doucement passer ses mains sur mon corps, défaisant  les lacets de mon corset en cuir pour que je sois plus à l'aise avant de me prendre dans ses bras. Calmant petit à petit mes sanglots qui agitaient mes épaules, accablées par le poids d'une trop grande responsabilité.

-Relâcher la pression, chuchota SeokJin à mon oreille, c'est aussi nous donner un nouveau rebond pour être plus fort. Les épreuves de la vie sont là pour nous forger un caractère aussi dur que le fer. Tu verras, dès demain tu te sentiras plus forte que la veille. Fais-moi confiance.

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