Chapitre 11
Liam...
Ses cheveux, noirs, effleurent sa nuque fragile. Il n'est pas très grand, à peine plus qu'Alicia et Théo malgré leurs quatre ans d'écart. Il est chétif, et si sa main gauche écrit consciencieusement sur la feuille posée sur la table, la droite, elle, tapote nerveusement sur sa cuisse maigre.
Liam...
Il est de dos, mais même ainsi, sans voir son visage, il semble si jeune. Si fragile.
Lentement, je pose ma main sur la porte, comme une vaine tentative de le toucher malgré la distance qui nous sépare. Mon souffle est court, presque inexistant. J'aimerais tellement entrer. Poser les doigts sur sa joue. Plonger mon regard dans ses yeux, leurs yeux.
Et en même temps, une partie de moi a envie de courir très loin. Sans se retourner. Sans regarder en arrière. Car maintenant que je le vois, j'en suis certaine : c'est lui.
Et ça me terrifie.
Je recule d'un coup quand une silhouette noire s'encadre dans la petite fenêtre, mais heureusement, le prêtre me tourne le dos. Il s'approche de Liam d'un pas tranquille, les bras croisés, pour jeter un œil à sa copie.
Sans vraiment comprendre, je me tends instinctivement. Ma respiration s'accélère. Je vois l'homme debout près du petit garçon, le regard fixé sur son corps maigre, crispé, recroquevillé sur la chaise trop grande pour lui.
Mon ventre se tord. Ma gorge se serre. Mon corps tout entier hurle en silence. Et, par réflexe, ma main se pose sur la poignée. Il ne le touchera pas.
Et soudain, sans aucune raison apparente...
... le monde se renverse devant mes yeux.
*AVANT*
Le silence règne dans la salle.
Seul bruit autorisé, celui de nos stylos grattant le papier. Sourcils froncés, je m'efforce de garder ma concentration malgré le temps qui s'éternise. Une question, deux questions, trois questions... je bloque sur la quatrième, alors je fais semblant d'écrire pour que le prêtre ne remarque pas mon trouble.
A ma droite, Alec, qui a remarqué la sueur perlant sur mon front, m'interroge du regard. Du bout des lèvres, je lui murmure :
- C'est quoi, la quatre ?
Il baisse les yeux vers sa propre feuille quelques secondes avant de redresser la tête.
- Asthall a été fondée en 1869 par Mark Winston, chuchote-t-il en réponse.
J'acquiesce rapidement et commence à écrire. Mais bien vite, je sens une présence dans mon dos et je m'immobilise, la pointe du crayon en l'air. Une silhouette noire recouvre la copie d'une ombre qui me fait tressaillir.
- Il s'agit d'une évaluation individuelle, mademoiselle Sarah.
Le timbre froid de la voix du prêtre me glace le sang. Je lâche le stylo, qui roule sur la table avant de tomber par terre, brisant le silence qui s'est soudain installé dans la salle de classe.
- Je...
- Étiez-vous en train de tricher ?
Je croise le regard d'Alec, et d'un discret signe de tête, il me fait signe de dire la vérité. La punition sera double si je mens.
- Je... oui, mais...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que le prêtre me saisit violemment le bras. Les yeux de mon frère s'assombrissent et ses mains se crispent sur le bord de la table.
- Le Suprême serait extrêmement déçu de ce comportement.
L'homme est debout devant moi, et son regard noir sonde mon âme. Je tremble face à sa présence écrasante qui m'oppresse. Dans ses yeux, je lis la colère, la colère divine du dieu qu'on m'impose de respecter et d'admirer.
- Je... je suis désolée...
Je tremble de plus en plus, et si le prêtre ne me tenait pas fermement, je serais déjà tombée à terre. Je sens les larmes couler sur mes joues et je renifle pour tenter de garder contenance.
- Le Suprême ne se contente pas d'excuses après les actes de trahison, mademoiselle Sarah !
Mon bras me fait mal, horriblement mal. Au fur et à mesure qu'il parle, il le serre de plus en plus. Je tente de me débattre, de me défaire de son emprise, mais il me tient fermement, et j'ai l'impression qu'il ne me lâchera jamais.
Derrière lui, Alec s'est redressé. Tout son corps est tendu, et vibrant d'une colère réprimée. Mais il ne fait rien. Il n'agit pas. Tout comme je n'aurais rien fait pour l'aider, si la situation était inversée.
Parce que, pour l'un comme pour l'autre, la terreur primera toujours sur notre fureur muette.
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