- Je peux vous aider ?

Je me tourne vers la vendeuse, qui m'observe avec un grand sourire patient. Elle lisse le devant de sa veste aux couleurs du magasin tout en attendant ma réponse. Qui mets quelques secondes à arriver.

- Non, ça ira. Je cherche juste un cadeau pour ma fille...

- Ah, c'est son anniversaire ?

Son sourire s'agrandit, elle a l'air vraiment gentille cette vendeuse. Sincère.

Mais comment en être certaine ?

- Non, je suis en voyage, je... je lui ramène un souvenir.

- Ah oui, qu'est-ce qu'on ne leur offrirait pas, hein !

Elle rit joyeusement tout en observant les porte-clés devant nous. Il y en a des dizaines, tous marqués des lettres New York. Le cliché du souvenir parfait. Typiquement ce qu'elle aimera.

- Et puis, on est dans une belle ville, hein ! poursuit la jeune femme en face de moi. Et elle a quel âge ?

Je la détaille à nouveau. Oui, elle a l'air sincère... mais comment savoir, au fond ? Elle pourrait être des leurs, et alors qui sait ce qu'il se passera.

- L'âge de savoir se défendre.

La vendeuse me regarde avec curiosité, avant de se reprendre. Je me force à garder un visage lisse et confiant. Ne pas se trahir, ne pas se trahir.

- Oui, sans doute... la mienne aussi est une bagarreuse ! Toujours à se fourrer dans les ennuis, mais c'est rassurant de savoir qu'elles sauront se débrouiller seules, non ?

- Oui.

Une réponse courte et nette. La vendeuse comprend le message, saisit le porte-clé que j'ai finalement choisi et se dirige vers la caisse. Je l'entends a peine quand elle me souhaite une bonne journée.

L'air frais me frappe en plein visage quand je sors du magasin, le petit sachet contenant le porte-clé dans la main. Oui, c'est sûr, Alicia adorera. Elle a près d'une vingtaine de porte-clés, chacun provenant d'une ville différente, elle sera ravie d'ajouter New York à sa collection. Du moins, je l'imagine. Je crois que ça fonctionne comme ça, les enfants.

Je m'assois sur un banc de l'autre côté de la route et sort de mon sac à main un autre cadeau, un crayon avec inscrit New York. Ça non plus, ça n'est pas très original, mais je ne suis pas douée en présents. J'ai pensé que ça plairait à Théo.

Leurs visages apparaissent dans mon esprit. Alicia et Théo. Des jumeaux, forcément, il paraît que j'étais prédestinée génétiquement à en avoir. Être aussi loin d'eux me déchire le cœur, mais c'est pour eux que je fais ça. Pour eux que je suis ici.

Je range le porte-clé et le crayon. Puis je reste juste assise là, sur ce banc, à profiter du soleil. À repousser le moment où je devrais m'y rendre. Rien que de m'imaginer de retour devant le grand portail noir de la propriété, l'angoisse me serre le ventre. J'en viens presque à me redemander ce qui m'a poussée à revenir, après toutes ces années. Et puis aussitôt, je me rappelle de la lettre dans mon sac, cette lettre qui ne me quitte plus depuis que je l'ai reçue, il y a deux mois.

Deux mois... et s'il était déjà trop tard ? Et si j'avais trop tardé à venir, tiraillée entre ma peur et mon devoir ?

Non. Je refuse de l'envisager. Je suis ici pour réparer mes torts et mes erreurs, et pour sauver ceux qui peuvent encore l'être.

Parce qu'ils ne méritent pas ce qu'il leur arrive.

Parce qu'il n'y a que moi qui puisse les aider.

Alors je souffle un bon coup et me lève du banc, avant d'interpeller un taxi.

Il est temps.