5. Visite

Les jours étaient mornes. Sans saveur. Je ne mangeais plus, je ne dormais plus, j'étais à peine attentive en cours. Je sombrais lentement dans une sorte de dépression. Mes parents étaient très inquiets et me firent voir plusieurs docteurs, avec toujours le même diagnostic: il s'agissait du processus de « deuil ». Mais moi, je refusais de croire à ce diagnostic. Je n'étais pas en deuil, puisque le deuil c'est quand une personne est morte ! ET JULES N'EST PAS MORT NOM DE DIEU !! Je me raccrochais tant bien que mal à ce petit bout d'espoir, à ce minuscule rayon de soleil.

À peu près un mois après l'accident, je décidai de lui rendre visite à l'hôpital. À l'accueil, je demandai sa chambre. Je tombai bien car la personne de service a l'accueil était l'infirmière qui s'occupait personnellement de lui. C'était une petite femme rondelette et qui avait l'air pleine de gentillesse. Je me dis que mon amoureux était entre de bonnes mains.

Elle me demanda de décliner mon identité et lorsque je lui avouai être se petite amie, elle eut un petit sourire triste.

-Venez par ici, je vais vous montrer sa chambre.

Je montai deux étages, le pas lourd et la boule au ventre. Dans quel état allais-je voir le visage de celui que j'aime tant ?

L'infirmière poussa la porte. J'entrai. Je le vis. Les yeux clos, la poitrine se soulevant très peu mais à un rythme régulier. Son bras droit et ses deux jambes étaient plâtrés. Ses beaux cheveux étaient plaqués contre son visage et il avait une égratignure sur la pommette. De fins tuyaux rentraient dans son nez, le seul moyen pour lui de respirer et de ne pas mourir. Il y avait un nombre incalculable de machines autour de lui, certaines faisaient un petit ronron réconfortant mais une autre était particulièrement angoissante: elle émettait un petit bip à chaque battement de cœur. J'avais tellement peur que d'un moment â l'autre, se bip s'allonge et que les pics et descentes sur l'écran deviennent un trait droit. Ces machines étaient branchées sur une multiprise branchée elle-même à une prise dans le mur. Il suffisait de débrancher cette prise pour qu'il meure... Mon Dieu, comme j'avais peur ! Peur qu'il meure. Que je le perde. À tout jamais.

L'infirmière nous laissa seuls. J'allai m'asseoir sur le rebord de son lit.

-Coucou toi. J'imagine que tu ne dois pas aller très bien. Au cas où tu m'entendrais, c'est moi, Alice. Au lycée, ça se passe plutôt bien. Ton pote Martin a encore écopé d'un avertissement. Tu sais pourquoi ? Dans un accès de rage, il a jeté son chewing-gum directement sur sa prof, Mme. Durond ! En plein dans les cheveux ! Elle a du se les couper, elle s'est fait un carré. Ça lui va plutôt bien.
Tu manques à tout le monde ici. On aimerait que tu reviennes. J'aimerais que tu reviennes.

Je lui caressai la joue et pris sa main dans la mienne. Bien sûr, il ne la serra pas sur la mienne.

-Tu vas te réveiller, Jules, j'en suis certaine ! Je sais à quel point tu es fort, tu vas y arriver ! Réveille toi...

J'observai sa chambre d'hôpital. Des murs. Gris. Des rideaux. Jaune sale. Même pas de fleurs sur sa table de chevet. Dire qu'en se réveillant, le plafond gris et marqué de tâches d'humidité serait la première chose qu'il verrait.

-Ben dis donc, ta chambre est pas très gaie. Oh, je sais ! Je pourrais la décorer pour toi !

Mon idée germait dans ma tête. À la fin de ma visite, j'allai voir l'infirmière.

-Alors, ça s'est bien passé ?

-J'ai une idée !

Autant y aller droit au but.

-Ah... euh... d'accord. Je t'écoute, me déclara-t-elle.

-La chambre de Jules est bien morne et grise, vous vous rendez compte que s'il se réveille, ce sera la première chose qu'il verra ? C'est triste non ?

-Mais oui...

-Alors, je me disais... Et si je DÉCORAIS sa chambre pour qu'elle soit plus belle et agréable ?! En collant sur les murs des photos de lui avec ses amis, en fixant des guirlandes lumineuses, en changeant les rideaux... Bien sûr tout sera à mes frais et je pourrais peut-être laisser la décoration pour le prochain patient qui sera ainsi plus détendu !

-Quelle merveilleuse idée ! Je serai ravie que tu égayes sa chambre, si tu le souhaites. Simplement, il y aura des zones interdites car il faudra qu'elles soient faciles d'accès en cas d'urgence ou pour les soins quotidiens qu'on doit lui administrer.

-Je suis bien d'accord avec vous ! Vous savez quoi, après avoir décoré je vous appellerai que vous vérifiiez si les objets sont bien placés ou alors qu'il faut les mettre autre part. Je vous tiens au courant !

Et c'est reboostée que je me mis en quête de la décoration idéale pour colorer et égayer la chambre de mon petit beau au bois dormant.

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