20 - Entretien avec un dirigeant


Hello ! ^^

Sorry, il est tard. Mais on est toujours lundi :)

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Une lueur d'auto-critique brillait dans les yeux de Yoongi. Il était évident qu'il se blâmait d'avoir tenté de soutirer des informations à Namjoon vu la situation dans laquelle ils se trouvaient désormais.

Jimin, assis en tailleur sur le parquet de leur dortoir, arborait un léger sourire. La situation était désastreuse, mais son ami pâlot était sain et sauf, épargné par la fureur du frère de Jungkook.

– T'as pas à t'en vouloir, hyung. On en avait discuté et j'étais d'accord pour que tu questionnes Namjoon. À ta place, j'aurais fait exactement la même chose.

Yoongi expira bruyamment par le nez, son dos raclant la froideur de la fenêtre contre laquelle il s'appuyait.

– J'aurais dû me douter que ça se passerait comme ça, que je tirais rien de lui, à part des emmerdes. Maintenant, on est coincé. Tous deux exclus du sous-sol...

Jimin pinça ses lèvres entre elles, partageant la désagréable impression dans le même sac à viande.

– Est-ce que Namjoon t'a dit quelque chose quand tu l'as interrogé ? espéra-t-il tout de même.

– Il a grogné "Jungkook" avant de partir en furie, c'est tout ce que j'ai obtenu. Il a du tout de suite faire le rapprochement entre mes questions, toi, moi, le sous-sol et son frère.

Jimin hocha la tête. C'était plutôt évident. Ils n'avaient rien fait pour se montrer discrets. Il restait néanmoins une zone d'ombre : qu'est-ce que Jungkook avait fait qui dérangeait à ce point son frère ? Le seul fautif était Jimin, pour avoir parlé de ce qu'il ne devait pas. Si l'une des règles était de garder le silence, c'était bel et bien lui qui l'avait brisé.

– On ne peut pas baisser les bras, se recentra Jimin.

– Justement, peut-être que si. T'es sorti du sous-sol, Billie aussi. C'est tout ce qui compte pour moi. Tant pis pour les questions sans réponse, répliqua Yoongi d'un ton résigné.

Sentant l'écart grandissant entre leurs visions des choses, Jimin insista :

– Même si je suis plus au sous-sol et même si ça signifie prendre des risques, on doit continuer à chercher.

– Ah ouais ? Alors je t'écoute, cite moi une bonne raison de continuer.

Le regard de Jimin dériva de celui de son ami, comme s'il cherchait des réponses au-delà des murs de leur chambre, au-delà des frontières de sa propre conscience. Agissait-il par pure curiosité ou y avait-il une autre motivation, une plus obscure – plus séduisante – tapie dans les tréfonds de son esprit ? Une qu'il ne voulait pas admettre.

– Alors ? s'impatienta Yoongi, bras croisé.

Jimin redressa le menton, braquant ses yeux sur lui.

– Je peux t'en citer trente-huit. Il y a trente-huit ouvriers au sous-sol. Et ils sont peut-être en danger, répondit-il d'une voix empreinte de doutes, comme s'il cherchait à se convaincre lui-même.

Les paupières de Yoongi se plissèrent un peu.

– C'est vraiment pour eux que tu veux y retourner ?

Jimin fronça les sourcils, sur la défensive, sentant monter en lui une pointe d'irritation.

– Qu'est-ce que tu insinues ? Bien sûr que c'est pour eux, et aussi pour tous ceux qui ont atterri dans cette ville et qui en souffrent. Comme Billie.

Profitant de cette brèche pour changer de sujet, Jimin aborda rapidement un thème qu'il n'avait pas encore osé frôler :

– En parlant de Billie, Hoseok m'a dit qu'elle n'était jamais venue au sous-sol.

Yoongi parut pris de court, avant d'afficher une expression mêlant le dégoût et la méfiance.

– Et tu le crois lui plutôt qu'elle ?

Jimin inspira profondément. Ils n'étaient décidément pas en phase aujourd'hui. Il rapporta les mots d'Hoseok :

– L'important n'est pas qui on croit ou ce qu'on croit, mais ce que croit Billie. Rappelle toi, elle nous à elle-même dit qu'elle avait l'impression d'avoir rêvé. 

Il conclut dans un long soupir :

– On devrait aller lui parler.

– Pour ça, faudrait déjà savoir où elle est.

Avant que Jimin ne puisse répondre quoique ce soit, Yoongi ajouta :

– Je m'en charge. Toi, occupe toi de la p'tite devinette du dirigeant. 

Jimin était de nouveau de saignage avec Tae, exécutant des gestes répétitifs. De là où il se tenait, le sous-sol n'était qu'une ombre noire sans fond, mais son esprit visualisait la gouttière, le ruisseau rouge, Hoseok et les autres. Jungkook.

Le couteau trancha.

– Avec Hajoon, on avait du mal à atteindre le quota. Chef Willy nous a convoqué deux fois dans le bureau, il nous a menacé de nous envoyer décrotter la cour de déchargement si on ne se reprenait pas. Comme si c'était facile de tuer ces animaux...

Jimin n'avait jamais connu Tae aussi bavard, et il essayait de participer aux conversations entre deux vaches, mais il était distrait.

Le sang coula.

– Je suis vraiment content que tu sois de retour ! s'enjoua Tae.

– Oh, euh, oui, moi aussi.

Jungkook n'était pas dans l'entrepôt. Rien d'étonnant. Le sous-sol était son domaine, son sanctuaire où il consacrait la majeure partie de son temps. En revanche, la surface le voyait seulement de manière épisodique, principalement la nuit. Cette précision ne pouvait être anodine, Jimin en était convaincu. Mais il ne savait quoi en faire.

Une vache arriva.

Quand Willy traversa l'entrepôt d'un pas déterminé, cela lui fit se remémorer la venue de Namjoon au sous-sol. Ce dernier avait éclaté de colère en réalisant que les activités d'en bas étaient devenues le sujet de conversation des ouvriers. En quoi était-ce si important de se taire ?

Le couteau trancha.

Et comment garantir le silence d'un si grand nombre ? C'était impossible. Mais si ça l'était vraiment, Namjoon ne se serait pas emporté.

Le sang coula.

Jimin ne pouvait s'empêcher de penser que le sous-sol renfermait un secret. Le sous-sol, ou peut-être le sang. Tout semblait tourner autour du sang. Il devait forcément y avoir quelque chose à découvrir. Car que cache-t-on avec autant d'efforts sinon la vérité ?

Il essayait de rassembler les indices, ces détails qui, ensemble, formaient un tableau déconcertant. Les morsures de Yubo, la nuit, le sang, les changements comportementaux et bien d'autres choses étranges glanées au fil des mois. Des pièces éparses d'un puzzle qu'il n'osait pas encore assembler complètement, car elles créaient une image qu'il n'osait pas encore reconnaître.

Mais il était peut-être temps.

La trente-quatrième vache s'écroula.

Deux jours passèrent, et rien ne changea. La routine de l'abattoir lui était devenue insupportable. L'habitude l'avait déserté. La période où il restait immobile à manger les miettes de pain que Jungkook voulait bien qu'il picore semblait révolue. La différence entre avant et maintenant était simple. Il avait les cartes en mains. Les pièces du puzzle, il les possédait. Et la devinette ne demandait qu'à être résolue.

La situation l'obligea donc à agir.

Ayant compris qu'il n'obtiendrait aucune invitation, il décida de se rendre au sous-sol sans.

Le soleil, à moitié caché par l'horizon, teintait Meonville en rouge. Ses maisons, ses ruelles, ses nuages. Du sang partout, jusque dans le ciel. 

Jimin poussa la porte bordeaux, comme s'il avait toujours été autorisé à le faire ; et elle s'ouvrit, comme s'il avait visé juste.

Chaque marche grinça sous son poids, comme si elles protestaient contre sa descente imprévue. Il n'en tint pas compte. En longeant l'atelier, il ne put s'empêcher de lorgner dessus. Quelques ouvriers le zieutaient furtivement. L'atmosphère était lourde de non-dits, et chaque murmure, chaque éclaboussure de sang, semblait crier l'illégitimité de sa venue.

Jimin avait l'impression d'être exclu, de ne plus être à sa place. Mais il comptait bien la reprendre.

Il ne s'était jamais rendu devant le bureau de Jungkook avec autant de conviction. La porte étant ouverte, il fit un pas à l'intérieur. La peur était là, certes, mais elle était lointaine, comme un chuchotis. Il avait de toute façon appris bien des années en arrière à la dompter, à la maîtriser pour qu'elle ne l'empêche pas d'agir. 

– Ce n'était pas une devinette.

Le dirigeant paraissait sur le départ, achevant de mettre son manteau d'un geste nonchalant tout en jetant à Jimin un regard en coin, mi-intéressé, mi-distant.

– Alors qu'est-ce que c'était ? demanda-t-il d'une voix qui ne trahissait guère d'intérêt.

– Un test, lui répondit Jimin sans détour.

D'un signe de tête, le dirigeant l'invita à poursuivre.

– Vous vouliez savoir si, en découvrant à quoi sert cet endroit, je reviendrai vous voir ou si je m'enfuirai avec le prochain bus, lança Jimin, choisissant ses mots avec précaution.

– Et tu es là, souligna Jungkook, peu impressionné.

– Et je suis là, réaffirma Jimin avec conviction. Je vous l'ai déjà dit : je ne compte pas quitter cette ville.

– C'est que tu n'as sûrement pas découvert la vérité, rétorqua Jungkook, insensible.

Il contourna Jimin pour partir.

– Vous avez besoin de ce sang ! le retint Jimin d'une voix forte, résolue à se faire entendre.

Le dirigeant stoppa sa progression.

– Je ne sais pas encore pourquoi, poursuivit Jimin. Mais... tout ce qui se passe là-haut, ça ne sert qu'à couvrir ce que vous faites en bas ! La véritable fonction de l'abattoir, c'est cet endroit. Le sous-sol. Le... sang.

Jungkook ferma la porte et se tourna vers lui, le noir de ses yeux luisants.

– Et si je te disais que c'est vital pour... disons, juste pour moi ; arriverais-tu à trouver la réponse logique ? le défia Jungkook d'une voix calme, presque amicale.

Jimin sentit un frisson de doute lui parcourir l'échine, sapant peu à peu son assurance.

– J'ai déjà trouvé une réponse, mais... elle n'a rien de logique. Elle est même... ridicule, admit-il, se sentant vulnérable pour la première fois depuis leur entrevue.

– Elle l'est parce que tu n'arrives pas à y croire. Dis moi ce que tu as compris, Jimin.

Jimin se sentit accablé qu'on lui demande de préciser sa théorie. Il se retrouva à regarder Jungkook avec une expression incertaine, les mots lui manquant. C'était difficile d'énoncer ce qu'il avait compris, mais il ne pouvait nier les preuves qui s'accumulaient. Le silence qui s'ensuivit s'étira puis il finit par se lancer.

– Vous le mangez. Enfin, le buvez. Le sang. Vous avez appelé ça "nourriture".

Jungkook acquiesça légèrement, un sourire espiègle étirant ses lèvres, ses yeux pétillant d'amusement.

– Hm, oui. Mais encore ? Je m'en nourris, d'accord. Mais pour quelle raison ? Allez, encore un petit effort. Tu y es presque, murmura-t-il, son ton taquin teinté d'une note d'encouragement.

Jimin sentit son appréhension et sa détermination monter en lui alors que Jungkook le poussait à aller plus loin dans sa réflexion. Ça cognait si fort contre sa poitrine que ce fut moins difficile à dire qu'il ne l'avait pensé.

– Parce que vous êtes un vampire.

Il s'attendait à ce que le dirigeant se moque de lui, rit à gorge déployée ou bien se frappe le front du plat de la main, mais, au lieu de ça, il sourit. Et, pour la première fois, Jimin eut l'impression de le voir pleinement satisfait.

– Tu l'avais compris avant même qu'on ait cette conversation, le loua Jungkook, mielleux à souhait. Et tu es quand même venu me voir de ton plein gré...

Jimin fut troublé, incertain de la justesse de ses paroles. Peut-être. Peut-être pas.

– Possible, choisit-il de dire, doutant de lui-même. Je vous l'ai dit, je ne compte pas m'en aller.

– Oui, tu me l'as dit. Disons que, maintenant, je peux envisager de te croire. Mais, toi, tu ne crois pas à ce que tu viens de dire. Tu me fais juste croire que tu y crois, comme si j'étais un espèce de dégénéré. Je me trompe ?

Jimin n'osa pas répondre, étant donné que Jungkook avait raison. Il ne croyait pas vraiment à sa théorie sur les vampires, même s'il savait que Jungkook, lui, croyait à chaque mot qu'il prononçait. Jimin ne pouvait tout simplement pas accepter cette réalité. C'était trop absurde, trop fantasque.

– Réfléchis, susurra Jungkook, sa voix un appel à la réflexion profonde. Pourquoi produire tout ça si nous n'en avons pas besoin ?

– Pour... faire croire, murmura Jimin, cherchant en vain une réponse valable.

Jungkook réagit avec amusement, affichant un sourire teinté de suffisance, comme si Jimin avait prononcé la plus grosse absurdité du monde.

– Je n'ai pas besoin que tu me croies si tu n'en as pas envie, rétorqua-t-il.

Jimin le fixa, une pointe de frustration montant en lui. Il était fatigué d'essayer de comprendre l'incompréhensible.

– Très bien, alors... prouvez-le. Prouvez-moi ce que vous êtes, déclara-t-il avec défi, désespérant de donner un sens à tout ceci.

Cette provocation dût intriguer Jungkook, qui esquissa un sourire teinté de séduction, comme Jimin venait de lui lancer une invitation irrésistible.

– Et à quel genre de preuve t'attends-tu exactement ? demanda-t-il, ses mots empreints d'un sous-entendu malicieux. Que je te morde, peut-être, hm ~ ?

La simple mention de la morsure fit naître une vague de panique chez Jimin. Il se rappela de la peau de Yubo. L'image mentale du vieil homme s'entrecroisa avec les histoires effrayantes de vampires et de loups-garous qu'il avait entendues dans sa jeunesse. Il avait du mal à imaginer que ce qu'il vivait en ce moment puisse être réel. Pourtant, il plaça instantanément sa main sur son cou, ce qui ne manqua pas de faire rire Jungkook.

– En voilà un réflexe bien défensif pour quelqu'un qui n'y croit pas... commenta le dirigeant, son sourire en coin soulignant l'ironie de la situation.

Jimin détourna le regard, cherchant à rassembler ses pensées. Jungkook l'avait toujours intimidé, et il avait pensé que c'était simplement le charisme d'un leader puissant, mais maintenant il doutait et songeait au fait que c'était peut-être vraiment plus que ça. Mais... un vampire ? C'était tellement difficile à concevoir, même après tout ce qu'il avait vu à Meonville.

Jungkook s'approcha, l'empêchant de cogiter plus longtemps. Jimin déglutit difficilement et finit par rencontrer son regard.

– Penses-tu réellement que ta main m'empêchera de faire quoi que ce soit ? Par ailleurs, il y a bien d'autres endroits où je pourrais te mordre, laissa-t-il sous entendre. Mais, rassure toi, je n'ai pas besoin de te croquer pour te prouver quoi que ce soit. En réalité, je ne vais rien te prouver du tout. Garde juste à l'esprit la possibilité que ce que tu as compris soit vrai.

Il cessa d'avancer. Jimin plissa les yeux, méfiant et déçu à la fois.

– J'ai répondu à suffisamment de tes questions, enchaîna Jungkook, devançant d'éventuelles protestations. J'en ai moi-même te concernant. 

Sans crier gare, Jungkook vint se coller à son torse, lui provoquant un hoquet de surprise. Jimin résista à la tentation de reculer. Pas question d'endosser le rôle de l'agneau face au loup. Mais c'était difficile. Jungkook avait beau ressembler à un homme, il affirmait ne pas en être un.

– Chacun son tour, tu n'es pas d'accord ?

Jimin hocha la tête et essaya de se ressaisir. Mais il pouvait tenter de se convaincre d'un millier de choses pour se rassurer et banaliser cette entrevue, la vérité était que, face à Jungkook, son regard bien enfoncé dans le sien, un millier était  encore insuffisant. Le dirigeant l'observait, le défiait de le surprendre.

– Qu'est-ce que vous voulez savoir sur moi ? réussit-il à articuler.

– Cette connexion, entre nous...-

– Mais de quoi est-ce que vous parl...- s'insurgea Jimin.

Un doigt, froid comme la glace, s'écrasa sur ses lèvres, l'interrompant net.

– Ce lien invisible qui nous pousse l'un vers l'autre, continua le dirigeant comme s'il n'avait jamais été dérangé. Celui-là même qui t'a poussé à descendre ici, la première fois et toutes les autres qui ont suivi, celle-ci incluse, tu le ressens, pas vrai ?

Incapable de mentir, Jimin préféra rester muet. Son silence fut vite traduit.

– Et est-ce que ça t'est déjà arrivé auparavant ? l'interrogea le dirigeant, son ton révélant une certaine gravité.

Jimin secoua la tête sans la moindre hésitation et Jungkook acquiesça lentement.

– Bien. C'est tout ce que je voulais savoir, dit-il avant de se reculer d'un pas.

Il détailla ensuite Jimin du regard, qui tremblait comme une feuille.

– Est-ce que tu as peur de moi ?

– Non, répondit Jimin, sans l'ombre d'un mensonge.

– Es-tu idiot ? poursuivit Jungkook d'un ton sarcastique, comme s'il testait les limites de Jimin.

– Je ne veux pas mourir, répondit Jimin avec une sincérité désarmante. Mais ça ne me fait pas peur.

– Tiens donc, et pourquoi ?

– Il y a des choses bien plus effrayantes que mourir, comme souffrir et perdre les gens qu'on aime.

Un sourire perceptible étira les lèvres de Jungkook, comme s'il comprenait profondément la réponse de Jimin. Cependant, il répondit d'un ton tout à fait différent :

– Tellement humain, cingla-t-il avant de se détourner. Je dois y aller, j'ai des choses à voir avec mes frères.

Jimin le retint d'une voix incertaine :

– Attendez, qu'est-ce que vous allez faire de moi maintenant que vous m'avez dit tout ça ?

Jungkook marqua une pause, observant Jimin avec une attention particulière.

– C'est à moi de te poser cette question, et donc à toi d'y répondre. Que vas-tu faire, maintenant que tu sais ?


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Re ! ^^

J'espère que le chapitre vous a plu, et que l'histoire en elle-même vous plaît toujours *insecure girl*

Bonne semaine :) Et à lundi prochain !

<3

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