Partie I

Deux ans plus tôt...

La pluie dégoulinait sur les capes vert sombre du bataillon. Le bruit des sabots martelant la terre boueuse et le vent hurlant ne parvenaient pas à masquer un autre son : celui d'un titan. De plusieurs même. La dizaine de cavaliers restaient derrière leur chef en formation. Un geste de sa main et ils se dispersèrent tous dans la forêt. Le Titan, ne sachant que faire, tourna un instant sur lui-même avant de se fixer un objectif. L'homme qui avait donné l'ordre de dispersion. Il poussa son cheval en avant, mais l'animal épuisé et transit de peur ne bougeait pas. L'homme sauta de sa selle et s'envola vers une branche, passant à quelques centimètres d'une des mains du déviant. Sa cape tomba de sa tête. En réalité, c'était une femme d'une trentaine d'années aux cheveux bruns attachés. On voyait la peur dans ses grands yeux gris sombres.

-Utilisez votre équipement !

Aussitôt dit, aussitôt fait, tous les membres de son escouade s'envolèrent vers les arbres. Elle s'assura qu'ils allaient tous bien. Erreur fatale. Le déviant, assez grand pour atteindre la branche tendit la main et saisit la femme. Elle hurla de terreur et se débattit avec l'énergie du désespoir. Mais un humain n'a pas la force physique nécessaire pour battre un Titan sur ce plan là. C'est alors qu'une giclée de sang fit se raidir le Titan. Il relâcha sa poigne. Il n'en fallait pas plus à la femme pour s'envoler vers les hauteurs. Elle aperçut alors son sauveur. Une membre de son escouade, une des plus jeunes à vrai dire, tournai autour du Titan en essayant d'atteindre sa nuque. Une véritable danse de mort prenait part devant les yeux de la jeune femme.

-Lynn ! Vous comptez rester là à me regarder faire ?!

Leur chef, Lynn de son prénom fut la première à réagir et plongea vers le Titan pour l'achever. Une fois cela fait, elle se posa au sol avec la nouvelle recrue. La jeune fille face à elle tira sur sa capuche en laissant paraître de courtes mèches rousses trempées par la pluie. Ses yeux verts émeraude brillaient après le combat. Lynn se rendit compte qu'elle tremblait, et, oubliant tout professionnalisme, enlaça la jeune fille.

Mal à l'aise, la fille lui tapota le dos.

-Heu... Tout va bien caporal ?

-Tu m'as sauvé la vie. Merci.

La caporal lâcha sa recrue.

-Alice c'est ça ?

La jeune fille hocha la tête. Puis elle pencha la tête sur le côté pour écouter.

-Il y en a d'autres. On ferait mieux d'aller chercher les chevaux.

Lynn inclina la tête en guise de réponse. Les autres membres de l'escouade descendirent de leurs perchoirs respectifs et ils se mirent en quête des chevaux. Soudainement, un craquement sinistre se fit entendre. L'arbre sur lequel le déviant était tombé commençait lui-même à chuter. Droit sur la caporal-chef et la nouvelle recrue. Alice fut plus vive que les autres et poussa sa chef hors de la portée de l'arbre. Elle sauta elle aussi.

L'arbre toucha le sol dans un fracas gigantesque. Le sol trembla. Le bruit fut tellement fort que personne n'entendit le hurlement de douleur que poussait une membre de l'escouade.

Lorsque la poussière retomba, les autres aperçurent leur caporal, en pleine forme, fixer quelque chose près de l'arbre tombé. Un autre membre s'approcha.

-Caporal Lynn, que se-

Le jeune homme eut un haut-le-cœur avant de désigner l'arbre à ses compagnons. Ou plutôt, ce qu'il se trouvait en dessous de l'arbre.

Alice, pleurant de douleur, avait les deux jambes coincées sous le tronc gigantesque. Pâle comme la mort, la pauvre fille tremblait comme une feuille. La caporal-chef se remit debout et commença à donner des ordres.

-Allez chercher de quoi creuser vous deux ! Et toi, vas trouver les chevaux, il y a une mallette sur la selle du mien, rapporte-la moi ! Quand à toi essaie de trouver de quoi faire un brancart ! Allez ! Bougez vous ! Je reste avec la blessée.

Elle s'agenouilla dans la boue avant de prendre la main d'Alice, qui s'était évanouie de douleur.

-Alice ? Tu m'entends ?

La main de la jeune femme serra faiblement celle de sa chef.

-Lynn ? Que

Elle gémit et sa tête commença à s'incliner pour trouver la source de sa douleur. Lynn lui prit doucement le visage.

-Ne regarde pas. Contente-toi de rester éveillée, les autres vont bientôt revenir.

-Vous allez me laisser là ?

Lynn étouffa un sanglot.

-Non ! Bien sûr que non !

Un bruit de sabots retentit et bientôt le soldat chargé d'amener les chevaux fut en vue, ainsi que celui qui devait trouver un brancart de fortune. Il traînait derrière lui un morceau d'écorce qui était approximativement de la taille d'Alice vu de loin. Les deux soldats avaient trouvé de vraies pelles. Lynn les regarda d'un air interrogatif.

-Il y avait notre chariot de provisions qui n'était pas loin, heureusement qu'on nous a dit de prendre des pelles avec nous.

La caporal hocha la tête.

-Très bien. Ne laissez qu'un seul cheval ici, amenez les autres au chariot et attelez-les. Allez-y à deux. Toi, tu m'aides pour la dégager.

Les soldats dansèrent d'un pied sur l'autre, mal-à-l'aise. L'un d'eux fini par ouvrir la bouche mais Lynn le coupa dans son élan.

-Je sais ce que vous pensez. Nous devrions la laisser agoniser ici. Mais si elle avait décidé d'être égoïste comme vous l'êtes en ce moment même, je ne serais plus là. Ce déviant m'aurais tuée. Alors je refuse de partir sans elle.

Les soldats la saluèrent à la manière de l'armée et les deux chargés des chevaux partirent s'occuper du chariot. L'autre commença à creuser avec la caporal-chef.

-Il faut creuser autour et en dessous pour pouvoir la tirer.

-Caporal, vous êtes sûre qu'on ne peut pas faire rouler l'arbre tout simplement ?

-Je t'invite à observer l'envergure de l'arbre.

Le tronc en question devait mesurer presque cinq mètres de large et semblait atteindre facilement les vingt mètres de hauteur.

Le soldat baissa la tête et continua. Au bout d'une dizaine de minutes, les autres les rejoignirent.

-Il n'y a aucun titan dans les environs caporal-chef. En fait, il n'y a rien du tout. On dirait que nous sommes les seules vies présentes ici...

-Au lieu de dire des âneries plus grosses que vous, venez creuser.

Après plusieurs minutes, ils réussirent à creuser un trou assez large pour libérer les jambes d'Alice jusqu'à ses genoux. Puis ses chevilles firent son apparition. L'un des soldats s'était glissé sur le dos dans la cavité pour gratter le bois qui écrasait les pieds de sa camarade.

-Le pied droit est libre !

Lynn s'agita, pressée de retourner à l'intérieur des murs. Il y avait au minimum une journée à cheval, et ce serait bien plus long s'il y avait un blessé avec eux. Elle entendit les soldats pousser un cri de victoire puis l'un d'entre eux diriger le déplacement. Elle s'approcha.

-Ok, couchez-la sur l'écorce. Bien, maintenant traînez la jusqu'au chariot. Que quelqu'un monte dedans pour la réceptionner ! Voilà, doucement, on y est presque.

Une fois Alice installée, ils partirent, la caporal-chef et un soldat à cheval de chaque côté, un pour diriger les bêtes et le dernier à l'arrière du chariot pour s'occuper de la jeune fille rousse.

Trois jours plus tard...

La porte du district de Trost s'ouvrit pour laisser entrer un petit groupe de soldats du bataillon d'exploration. Les gens du peuple se pressaient pour voir. Des chuchotements emplissaient la rue principale. Le soldat qui avait aidé à déterrer Alice se précipita vers une jeune femme de son âge et la serra dans ses bras. Lynn l'observait avant de se tourner vers les autres membres de son équipe.

-Je vous laisse vous reposer, vous l'avez mérité. Vous avez un congé d'une semaine à partir de maintenant. Songez juste à aller faire un tour à l'infirmerie.

Les soldats descendirent de cheval puis se dispersèrent dans la foule à la recherche de personnes qu'ils connaissaient. Seul l'homme qui menait le chariot ne bougea pas. Lynn fronça les sourcils mais il la devança.

-Ma femme vit dans un autre district, je peut vous accompagner jusqu'à l'hôpital militaire et aller la trouver par la suite.

La caporal-chef soupira de soulagement et remerçia le soldat avant de continuer vers l'hôpital. Soudainement, quelqu'un se mit à crier devant eux.

-Alice ? Alice !

Un garçon qui environnait les quatorze ans accourait vers eux en criant le prénom de la jeune blessée. L'interpellée tenta de se relever pour voir mais elle retomba, à bout de forces.

-Excusez moi madame, est-ce qu'il y avait une fille rousse avec vous ? Elle s'appelle Alice elle a quinze ans...

La caporal inclina la tête pour désigner l'arrière du chariot.

-Nous allons vers l'hôpital militaire, vous pourrez nous y rejoindre.

Le jeune homme pâlit avant de se diriger à l'arrière. La voix blanche de la blessée sortit des entrailles du chariot.

-Marco ? C'est toi ?

Marco tira la couverture qui protégeait la blessée du froid et des intempéries diverses. Il faillit tomber par terre quand il vit.

-Alice... Tes jambes...

En effet, la jeune femme avait sa jambe droite recouverte d'une bande et de deux morceaux de bois en guise d'attelle de chaque côté. La jambe gauche quand à elle... Son pied se trouvait à l'envers et on voyait l'os du fémur pointer à travers la peau au niveau du bassin.

(NDA : le fémur est l'os de la cuisse)

Alice sourit faiblement.

-On ne me laisse pas voir... Un arbre m'est tombé sur le coin de la figure.

-J'imagine que si tu es encore capable d'un semblant d'humour, c'est que tu n'est pas encore à l'article de la mort.

Ces mots venaient de la caporal Lynn. Peu de temps après, ils arrivèrent à l'hôpital militaire et laissèrent Alice entre les mains des médecins. Le soldat qui était resté et Lynn allèrent faire un examen pour évaluer leur état physique puis cette dernière parti faire son rapport. Elle croisa en route l'ami d'Alice, en train d'attendre devant la porte où ils avaient laissé la jeune femme. Lynn se dirigea vers lui et posa une main sur son épaule.

-Si tu veux mon avis, ils ne te laisseront pas la voir avant plusieurs jours, tu ferais mieux de rentrer chez toi... Marco je crois.

Le garçon leva la tête, dévoilant ses tâches de rousseur.

-Vous en êtes sûre ?

Lynn regarda la porte et soupira.

-Une amie à moi s'est blessée d'une manière similaire lorsqu'on était encore au camp d'entraînement. On n'a jamais su pourquoi l'arbre est tombé, ça n'était jamais arrivé. On l'a libérée rapidement et on a pu l'emmener à l'hôpital aussitôt... Malheureusement, c'était déjà trop tard, elle avait les jambes en morceaux. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'on maniait l'équipement tridimensionnel en entraînement. Aujourd'hui encore elle ne peut marcher qu'avec de l'aide.

Lynn se mordit les lèvres avant de poursuivre.

-J'ai donc peur qu'Alice ne marche plus jamais... Elle a passé trois jours en forêt dans un chariot baladée de partout. Je... J'ai même peur qu'on l'ampute.

Marco ouvrit de grand yeux avant de fixer la porte à nouveau. Lynn soupira encore avant de partir. Elle voulait être honnête avec lui, même si ça n'était pas plaisant à entendre.

Marco toqua à la porte et un médecin lui ouvrit. Il lui répéta la même chose que la caporal-chef, à savoir de rentrer chez lui et de revenir d'ici quelques jours. Il finit par partir, la tête basse.

Une semaine plus tard...

Marco revenait à l'hôpital avec l'espoir qu'on le laisse entrer dans la chambre où reposait son amie. Il entra dans le bâtiment puis se dirigea vers la personne qui semblait gérer l'accueil. La femme se tourna vers lui et le regarda gentiment.

-Je peux t'aider ?

Marco hocha la tête et demanda si il était possible de rendre visite à Alice Springfield. La femme lui demanda de patienter un instant le temps qu'elle demande à un collègue chargé de la jeune femme. Elle revint quelques minutes plus tard accompagnée d' une infirmière.

-Voici Leah. Elle va te montrer la chambre de ton amie

Marco remercia la femme puis suivi Leah dans le dédale de couloirs. Ils arrivèrent près d'une porte semblable aux autres et l'infirmière lui ouvrit.

-Je serais derrière la porte si il y a besoin de quoi que ce soit. Tu as dix minutes, elle est encore très faible.

Le jeune homme entra dans la pièce. Les deux seules couleurs présentes qui différaient du blanc ici étaient un bouquet de fleurs bleues-violettes et les cheveux de feu de la patiente allongée dans le lit d'hôpital. Au bruit de la porte, Alice tenta de se lever mais abandonna assez rapidement l'idée. Elle se contenta donc de tourner la tête et de sourire faiblement à Marco. Il s'assit près d'elle. La jolie rousse semblait abattue, ses yeux verts éteints.

-J'ai l'air si proche de la mort ? Non, ne dis rien Marco, ton visage est suffisamment éloquent.

Le garçon soupira et secoua la tête, soulagé que son amie semble aller aussi bien que possible.

-Je n'ai pas à trop m'inquiéter si tu arrives encore à me taquiner... J'imagine ?

Alice sourit et essaya une nouvelle fois de se lever puis retomba sur ses oreillers. Elle observa son meilleur ami avant de parler une nouvelle fois, hésitante sur ce qu'il fallait dire.

-Marco... Ils t'ont expliqué ? Je veux dire, pour mes jambes.

Le jeune homme répondant par la négative, Alice se mordit les lèvres avant de prendre la main de son ami et de la serrer.

-Les médecins l'ont déjà expliqué à ma mère, je ne voit pas pourquoi tu n'aurais pas à le savoir.

Elle inspira avant de sortir une phrase qui glaça Marco.

-Mes jambes sont brisées en une dizaine de morceaux, c'est impossible de faire qui que ce soit, je ne pourrais plus jamais remarcher. Ils ont donc proposé qu'on m'ampute. Et j'ai accepté. Dans une semaine ce sera fait.

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