Tectonique des désirs

C'est loin de toi que je prends conscience de mon corps. D'abord l'espace qu'il prend, l'espace qui compose ma chambre. Je fais des grands pas. Moins d'un de mon lit à mon bureau. Quatre de ma fenêtre à ma porte. Quarante-sept de ma chambre à la cuisine commune. Quand je tends les bras, je touche presque mes murs. J'aime à croire que mon horizon s'étend au-delà de la vitre, que « dehors » existe. Tout semble si proche de moi. J'étouffe. Je ne suis pas claustrophobe : j'ai juste peur d'être enfermée.
J'ai peur d'être enfermée en moi.

Je ne pense pas mon corps. Je n'ai conscience que de ma tête, lourde, de mon esprit qui s'élève, vrombit, me plombe. Le reste me paraît creux, inhabité. Je regarde des mains et ai du mal à croire que ce sont les miennes. Et pourtant, mon corps parfois s'éveille, s'impose ou plutôt fusionne avec moi : dans tes bras. Ça part de mon ventre qui bourgeonne, des lianes s'étendent dans mes bras et je te serre plus fort. Soudain, j'ai besoin de toi, de tes cheveux menthe poivrée, de ta peau sous la pulpe de mes doigts, de tes lèvres, de... je ne sais plus, les pulsions s'entrechoquent et s'entremêlent et bouillent et mon cerveau tente de retenir le présent qui s'échappent sous tes caresses et je conjugue mon esprit au temps de mes désirs.
Un baiser plus appuyé.
Ne reste plus que l'instant qui flotte et je m'éveille à tes côtés.
Ton sourire est mon premier soleil.

Mais dans ma chambre orange à Dolet, au quatrième étage, où deux humains pourraient à peine tenir serré l'un contre l'autre, c'est ton corps qui me manque.
Loin dans l'espace, loin dans le temps.
Quand pourrai-je rentrer ?
Enfermée.

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