Chapitre 55
Il faut que je me calme.
Tout de suite.
J'ai espéré éviter cette situation, mais maintenant, je dois faire avec.
J'ai refoulé des sentiments que j'aurai dû accepter et comprendre. Désormais, j'ai un poids désagréable sur le cœur. Toute la colère, la tristesse, la déception, accumulées me rongent de plus en plus. Je vais finir par exploser.
J'ai vécu la pauvreté, l'injustice s'abattre sur moi. J'ai aussi connu la joie, la fierté, l'amour.
Je comprends, à présent, que je dois faire quelque chose pour mon peuple. Même si la plupart des delliens ignorent le danger qui pèse sur eux, peu importe s'ils m'aiment ou non, je dois absolument les sauver. Je dois les secourir du mépris incompréhensible dont Aegnor fait preuve à leur égard, de la colère qui l'anime, de la vengeance qui le consume.
Pour les sauver, je dois me sauver. Pour les protéger, je dois mettre un terme à tout ça, pour les mettre à l'abri, je dois m'enfuir.
Alors, quand la balle du pistolet siffle à mes oreilles, je m'empare de mon slard et je me concentre. Ça ne suffira pas d'être forte physiquement. Il faut aussi que je sois forte mentalement, que je ne le laisse pas jouer avec le trop-plein d'émotions qui m'habitent.
Deux possibilités s'offrent à moi.
Soit, je les fais vivre et il devra toutes les combattre unes à unes, soit je les cache et il devra les chercher. Dans les deux situations, je ne dois pas me laisser faire.
Arwen profite de mes réflexions pour s'avancer vers moi.
— Elwing. C'est moi. Je suis revenu. Je n'étais pas moi-même. Je suis désolé. Jamais je n'aurai pu faire une chose pareille ! Tu me connais, n'est-ce pas ?
Mensonges.
Il essaye de prendre mes poignets pour me rapprocher de lui. Ses paroles sont comme des flèches qui viennent me transpercer le cœur. Mais la seconde suivante, j'y crois. J'ai l'impression qu'elles guérissent mon cœur tel un baume apaisant. J'ai envie de le prendre dans mes bras, de l'embrasser délicatement pour lui montrer que ce n'est pas grave.
Puis je me souviens des fils qui entouraient mon cœur lorsqu'il a posé ses lèvres sur les miennes. Je me rappelle qu'ils ont étranglé mon organe vital.
— Non, c'est faux. Tu as révélé ta vraie nature, je déclare froidement.
— Non, je t'assure que non. Je taime Elwing. Je n'ai jamais cessé de t'aimer ! crie-t-il.
J'ai envie de lui hurler que c'est trop tard. Mais une force m'en empêche.
— Arwen, je je comprends, je commence. Non ! Je ne te crois pas ! je hurle enfin.
Que me veut-il ? Qu'est-ce que je dois faire ? Je commence à avoir très mal à la tête. C'est comme si je menais une vraie bataille dans mes pensées. Et soudain, je comprends. Mon principal ennemi ce n'est pas Arwen, mais cest moi. Je dois lutter contre mes propres sentiments et en avoir le contrôle absolu.
— Elwing, Écoute-moi ! Je ne veux pas te faire de mal. S'il te plaît, fais le vide dans ta tête et tout ira bien.
— Daccord, d'accord. Non ! Ne me parle plus ! je reprends tandis que mes mains compressent ma tête.
Je veux l'écouter. Je veux lui dire que je comprends, que j'accepte qu'il mait trahie. J'ai même envie qu'il recommence. Non ! Non ! Je ne veux pas. Pourquoi j'ai mal à la tête ? Quest-ce que je fais ici, déjà ? Les yeux perdus dans le vague, j'essaye de reprendre mes esprits.
Je vois Arwen et je me souviens de ce qu'il m'a fait. Je me rappelle le vide qui s'est emparé de moi quand il m'a embrassé.
Je brandis mon arme et la lance dans sa direction. Il ne devait pas s'en douter parce que l'arme lui entaille l'arrière du genou lorsqu'elle revient vers moi. Il se penche en avant et pose un genou à terre, sous le coup de la douleur.
Arwen me regarde avec un regard mauvais malgré sa souffrance.
— Tu veux jouer à ce petit jeu avec moi ? dit-il alors qu'il regarde sa blessure avec dégoût.
Au moins, il ne pourra plus se déplacer pour se rapprocher de moi.
Une douleur intense me fait fermer les yeux. Non ! Pourquoi j'ai tiré sur lui ? Arwen, mon Arwen ! Je me précipite vers lui pour l'aider. Je prends son visage entre mes mains et commence à m'excuser.
— Arwen, je suis désolée. Pourquoi j'ai fait ça ?
Puis tout me revient en mémoire. Sa trahison, l'arène, les Jeux. Alors, je le gifle aussi fort que je le peux et je m'éloigne de lui avec horreur. Je reste là à respirer bruyamment comme une bête sauvage qui s'apprête à chasser.
Je suis à la fois le chasseur et la proie.
Quest-ce que je fais ! Qu'est-ce qui me prends ?! J'ai tellement mal à la tête. J'ai envie de fermer les yeux. La lumière du jour me fait mal, la blancheur de la neige m'éblouit. Il faut que je gagne. Mais que fait Arwen ici ? Pourquoi saigne-t-il ? Que s'est-il passé ? Pourquoi mon slard est plein de sang ? Est-ce de ma faute ?
Je regarde mon arme sans savoir quoi en faire. Je deviens folle. Des pensées incohérentes se forment dans ma tête. Arwen est en train de me rendre folle. Je comprends. Je comprends tout maintenant. Arwen n'est pas uniquement le geôlier des mérols, il est aussi leur créateur. Il est en train de me transformer, de me rendre complètement dingue.
Je dois me battre, je dois verrouiller mes pensées et mes émotions.
Non, je vais mourir. Je ne suis pas à ma place ici. Les delliens ne sont pas à leur place ici. Je dois mourir. Je regarde à nouveau mon arme et tout me parait clair. Je l'approche de mon visage doucement.
Soudain, des voix parviennent à mes oreilles.
— Non, Elwing !
C'est Ardalôn qui vient de crier et de se lever parmi tous les Conquérants. Ils me regardent tous, horrifiés. Pourquoi Ardalôn est-il ici ? Ne devait-il pas rester sur Hauméa ?
Je ne comprends rien ! Ma respiration s'accélère et je regarde Arwen dans les yeux. J'y vois de la cruauté et de la haine.
Puis je regarde les autres candidats dans les tribunes. Lindorie fait non de la tête et se couvre la bouche. Des larmes coulent à flots sur ses joues et Nathaniel lui caresse le dos avec une grimace.
Pourquoi sont-ils tristes ? Je vais faire ce que tout le monde espère. Je vais mourir. Mon slard est maintenant proche de ma main. Je grimace de douleur. Je viens de me blesser.
Pourquoi jai fait ça ? Quest-ce qui m'arrive ?
Arwen sourit satisfait. Je ne suis plus maître de mes mouvements. Prendre mes pensées et mes émotions ne lui a pas suffi.
— Arwen... Arrête. Arrête !
— Ta voix suppliante est une douce mélodie à mes oreilles, lance-t-il d'un air menaçant.
— Je t'en supplie ! Arrête !
— Pourquoi arrêter alors que j'ai plaisir à te voir souffrir ? Je vais te détruire de l'intérieur, Elwing. Je n'aurai aucun regret.
— Tu es un monstre ! je lui crache au visage.
— Tu en es sûre ? chuchote-t-il dans ma tête.
Oui, jen suis sûre. Je n'ai fait de mal à personne.
Enfin, peut-être
Je me suis attaché à Lindorie tout en sachant qu'elle devrait peut-être me tuer. J'ai forcé Ardalôn à me faire confiance alors que son peuple le lui interdit. J'ai menacé Daerôn, je l'ai poussé à bout.
C'est moi le monstre. Je les ai fait souffrir par ma simple présence. Je ne mérite pas d'être ici. Je vais mettre un terme à tout ça.
Mon slard s'approche de moi, doucement. Je ferme les yeux. L'arme caresse mon cou. Je n'ai aucune maîtrise. Un filet de sang vient chatouiller ma clavicule. J'ouvre les yeux. Je ne supporte pas de sentir la sueur couler le long de mon dos, les frissons me parcourir et mon sang bouillir.
— Elwing !!!
Je me retourne vers le cri désespéré qui vient de retentir dans toute l'arène. Daerôn court dans ma direction, mais Turner Galos le retient et l'empêche d'avancer. Daerôn se débat avec violence, mais ne parvient pas à bouger. Je devine alors que Turner fait partie de Maxir, la planète de la force.
— Ne fais pas ça !!! hurle-t-il.
A son cri, le public devient hystérique. Des cris de protestation se font entendre. Aegnor fronce les sourcils lorsquil voit son fils et des flammes crépitent au niveau de ses poignets. A ses côtés, je reconnais Marc, le directeur du centre d'entraînement des Sélectionnés.
Mais que fait-il ici ? Est-il un allié d'Aegnor ? Et si c'était lui, le responsable de la mort des delliens ?!
Arwen se concentre à nouveau et une violente migraine m'oblige à m'agenouiller au sol. Mon slard revient à la charge. Je suis à la merci de ce traître qui m'a faussement aimé.
Daerôn me regarde, me dévisage. Sa mâchoire se crispe. Il ferme les yeux. Sûrement, parce qu'il ne veut pas voir ma mort imminente. Sans doute parce que je l'ai déçu. Ou bien, parce que ma faiblesse le dégoûte.
Qu'est-ce qu'il m'a dit au moment où je suis partie ? « Je crois en ta force ».
De quelle force parle-t-il ? Je ne me sens pas forte du tout...
Je me souviens de ce baiser désespéré qu'il m'a donné comme un dernier espoir. Je touche mes lèvres et cligne des yeux. Que voulait-il dire ?
Arwen m'oblige à me retourner pour lui faire face. Le sang sur mon cou a déjà séché. Soudain, mon bras s'empresse de remonter vers ma gorge et pointe la lame la plus affûtée de mon arme vers moi.
— Assez ! J'ai assez attendu ma victoire ! crie Arwen complètement hystérique.
Mon arme s'éloigne de plus en plus vite de ma gorge pour prendre de l'élan. Cette fois, Arwen ne veut pas louper son coup.
Alors que la lame avance à toute vitesse, j'arrive à diriger mon autre bras pour faire rempart.
J'entends un cri, mais ce n'est pas le mien. J'ouvre les yeux, complètement surprise. Mon slard repose au sol, mon cou est intact. Je lance un regard étonné vers Arwen. Il se tord de douleur et essaye d'éteindre la flamme qui dévore son bras gauche. Je me retourne vers Daerôn avec un regard choqué. Les gens se sont levés, crient et se bousculent.
Le prince de feu me sourit d'un air mystérieux. C'est la première fois que je le vois sourire ainsi.
— Qu'on enferme l'héritier ! Il a perdu le contrôle ! crie Kyll au travers de son microphone.
Turner Galos oblige Daerôn à reculer et l'entraîne dans le dédale des couloirs de l'arène. Il me jette un dernier regard. Nous savons exactement, lui et moi, ce qui s'est passé.
C'est impossible.
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