Chapitre 5
Je n'ai jamais eu de problème pour m'endormir. Mais aujourd'hui, c'est différent. Je n'arrête pas de penser à la stratégie bancale de Luther. Je pensais qu'il s'était occupé de mon inscription. Au contraire, il veut que je participe sournoisement. Je ne suis pas d'accord.
Cette situation me met mal à l'aise. Je n'ai pas envie d'évincer les autres concurrents, ni de les tromper. Je veux être sélectionnée dune manière loyale, parce que j'aurais fait mes preuves, pas parce que Luther leur met un couteau sous la gorge.
Pourquoi ai-je la sensation de me retrouver à nouveau seule... Je n'ai pas envie de blesser les candidats, alors que je commençais à m'en faire des amis. Je soupire. La solitude a toujours fait partie de ma vie. Je pensais pouvoir m'en débarrasser en venant ici. J'étais trop naïve. Comment pourrais-je tisser des liens damitié avec des personnes que Luther m'oblige à trahir ?
Lorsque l'aube se lève, je me rends compte que j'ai passé la nuit à réfléchir. Des cernes immenses entourent mes yeux verts, gonflés par mes larmes. J'en ai assez d'être toujours frustrée.
Je me dirige vers la salle de classe. Je suis en avance. Je m'assois à la table dépourvue d'étiquette et sors de quoi prendre des notes.
Je prends le temps d'étudier à nouveau les cartes qui ornent les murs parfaitement blancs. Je connais le nom des autres planètes par cur. Kalisto, Cendracte, Vilaz, Orphée, Ouranix, Namus, Glow, Cléone, Larn sont les plus imposantes. D'autres sont plus petites comme Hauméa, Jyd ou encore Aniléo. Et certaines sont les lunes des autres, telles que Torelle ou Bel-o-kân. Et puis parmi elles, il y a Dell, la plus commune, la nôtre... Tous ces mondes tournent autour de notre étoile : Titan. Je les imagine se déplacer harmonieusement dans l'univers et je retrouve un sentiment de paix et de sérénité. Je me sens beaucoup mieux.
Les premiers candidats se retrouvent dans la salle moins de cinq minutes avant le début du cours de Luther. Ce dernier arrive en retard. Je ne suis même pas étonnée.
Luther nous parle des différentes armes qui seront à notre disposition pour les Jeux. Les armes à feu sont interdites. Le but est de montrer celui qui est le plus malin, le plus compétent afin de gagner la récompense de paix que promet le Roi Aegnor, de Kalisto. En tant que delliens, sans capacités extraordinaires, nous avons la possibilité de nous défendre en utilisant différentes armes.
En principe, après les trois premières épreuves, Dell et les planètes naines qui le souhaitent peuvent se retirer de la compétition. Elles ont « rempli leur part du contrat » en participant à cette exigence, cette loi inventée par Aegnor. Aucun dellien n'a réussi à passer la deuxième épreuve et un seul a réussi à survivre à la première. Si jarrive, jusque-là, je serai la preuve vivante que nous ne leur sommes pas inférieurs et que nous méritons notre place dans le Cercle. A cette pensée, je revois encore l'armée kalisse venir sur nos terres et inspecter les lieux pour nous intimider. Je serre les poings. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'ils n'envahissent pas notre monde.
— Vous aurez plusieurs armes à votre disposition durant les prochains jours. Vous devrez la choisir consciencieusement parce que vous ne pourrez pas en changer, nous explique Luther pendant quil déroule un schéma des différentes armes.
Il y a en neuf : couteaux, sabre, épée, arc, lance, fronde, faucille, hache, slard.
Je sais déjà quelle est la mienne. Je l'utilise depuis plusieurs années en cachette.
— Vous êtes tous spécialisés dans le maniement d'une d'entre elles. Vous le découvrirez le jour de la sélection. Vous vous êtes déjà exercé aux armes à feu même si leur usage est interdit pendant les Jeux, mais désormais, vous ne devrez maîtriser que la vôtre.
— Pourquoi nous avoir permis de les utiliser alors ? demande Mike après avoir interrompu Luther.
— Tout bon soldat doit connaître le maniement de chaque arme en cas d'urgence, répond-il, un rapide coup d'il dans ma direction.
Je détourne rapidement le regard. Je n'ai pas envie de me souvenir de ces instants traumatisants lors desquels Luther m'a enseigné l'art de tuer. Je n'en ai pas dormi pendant des nuits entières. J'entendais encore et encore le bruit assourdissant de la balle libérée du barillet alors que j'appuyais sur la détente. Mes cauchemars étaient tous remplis de cris d'innocents. Je sais déjà que je ne me servirais de ces armes qu'en dernier recours. Je redoute tellement davoir du sang sur les mains.
J'ai occulté mes cauchemars toute seule, je ne pouvais pas en parler à ma mère. Elle n'aurait pas compris d'où me venait ces peurs inexpliquées. Mais je me souviens qu'elle montait dans mon grenier pour me caresser les cheveux tendrement alors que mon sommeil était agité.
Le cours de Luther est suivi par un cours de survie en pleine nature. Le professeur est un chercheur spécialisé dans les techniques de survie dans les milieux hostiles. Il nous apprend à allumer un feu, à se repérer aux étoiles ou à Titan... Je mémorise tout ce quil dit, même si jignore si ces connaissances me seront utiles.
Après la pause déjeuner, les professeurs nous conduisent devant une nouvelle salle dans laquelle personne n'est encore entré. Elle est divisée en une dizaine de petites pièces. Les murs sont en réalité des grandes baies vitrées aux verres teintés, si bien qu'il est impossible de savoir ce qu'il se passe à l'intérieur. Notre enseignant en combat rapproché se tient devant la porte et pose son regard dur et froid sur chacun de nous. Derrière lui, Luther est avachi sur une chaise et nous sourit d'un air goguenard. Je le reconnais bien dans cette attitude moqueuse.
— Jeunes candidats ! Bienvenue à votre premier entraînement individuel ! crie le professeur. Si vous êtes ici, c'est parce que vous avez la volonté d'honorer Dell durant les Jeux du Cercle.
Tous les concurrents hochent la tête avec conviction. Je me demande quelles sont leurs véritables intentions. Ont-ils les mêmes mobiles que moi ? Pourquoi tiennent-ils tant à participer à ces Jeux de la mort ?
— Chacun d'entre vous est spécialiste d'une arme. Vous devrez la manier parfaitement lors de votre évaluation. Une salle vous a été attribuée afin que vous puissiez renforcer votre maîtrise. Vous pourrez l'utiliser quand vous le souhaitez, en dehors des cours théoriques, même la nuit, si vous le désirez.
Un silence plein d'angoisse s'installe parmi les delliens. Aucun candidat n'ose respirer. Dans ce genre d'entraînement, les amitiés laissent place aux rivalités. Je me mords la lèvre. Peu importe qui sera choisi, un de nous perdra la vie au cours des Jeux.
— Je vais vous appeler un par un et vous entrerez dans votre salle.
Mon cur commence à s'affoler. Et si le plan de Luther échouait ? Et si les autres étaient meilleurs que moi ?
— Mike !
Celui-ci s'avance lentement vers la salle en face de lui. Un capteur vient alors scanner sa pupille pour ouvrir les portes.
— Personne d'autre ny a accès. Est-ce clair ?
Sans attendre de réponse en retour, le professeur poursuit ses explications. Il désigne un écran noir sur un des murs de l'immense hangar.
— Cet écran nous permettra de voir votre progression pendant les prochains quinze jours.
Les candidats s'enferment dans leur salle individuelle, puis M Krokoff me lance un regard sceptique.
— Elwing, c'est ça ? lance-t-il de son ton tranchant.
Je hoche la tête en guise de confirmation alors que je déglutis péniblement.
— Ton oncle a préparé une salle pour toi. Je tiens quand même à te préciser que les membres de la famille d'un entraîneur ne peuvent pas participer aux sélections de Dell. C'est une question d'impartialité par rapport au jugement des épreuves.
— Oui, je le sais Monsieur. Mais m'entraîner dans ces locaux est un véritable honneur pour moi. Je vous remercie d'ailleurs de m'accueillir dans vos cours.
Luther approuve ma réponse d'un léger mouvement de tête. Je n'aime vraiment pas cette situation où j'ai l'impression de jouer un double jeu.
Je rentre dans la salle que Luther m'a attribuée. Les murs doivent être insonorisés puisque je n'entends plus aucun bruit. Me retrouver dans le silence total m'oppresse légèrement la poitrine.
J'aperçois une table devant moi, sur laquelle sont posés un casque et une télécommande. Je l'installe sur ma tête et recule de surprise. Un casque à réalité virtuelle ! Je sens des électrodes se placer sur mes tempes. Devant moi, des lettres orangées défilent : « Veuillez prendre la télécommande et choisir un mode. »
Je m'empare du gadget et appuie involontairement sur un bouton. Soudain, le sol se met à trembler sous mes pieds. De l'eau commence à recouvrir mes pieds et un rocher me surélève. J'essaye de retrouver l'équilibre alors qu'un vent de tempête semble souffler dans toute la pièce. L'eau se transforme finalement en une mer déchaînée. Je ferme les yeux et j'inspire profondément pour ne pas céder à la panique. Quand je les rouvre, une silhouette pixélisée d'or sort lentement de l'eau les poings fermés.
Je reste immobile alors que je me demande ce qu'il se passe. Une voix dans mon casque lance :
« Souhaitez-vous utiliser votre arme ou vos capacités de combat à mains nues ? »
Surprise par la voix, je laisse échapper un cri. Mon cur est au bord du gouffre. Je réponds sans grande conviction :
— Je vais utiliser mon arme.
Mon arme descend du plafond, suspendue à un fil. Je la saisis fermement en grimaçant. J'ignore ce que je dois faire. Combattre la silhouette statique en face de moi ? J'ai l'impression qu'elle m'observe en me détaillant de haut en bas. Je tends l'arme en direction de mon adversaire virtuel. Celui-ci relève fièrement la tête en desserrant ses poings. Au même moment, un jet d'eau puissant me propulse sur le mur derrière moi. J'en ai le souffle coupé.
Une pensée effrayante se forme dans mon esprit... Ces pièces ne sont pas uniquement des salles de combat individuel, elles simulent également l'environnement et les Conquérants potentiels aux Jeux. D'après le paysage, je suis en train d'affronter le Conquérant de Namus, la planète des mers et des océans.
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