Chapitre 43
Je n'ose pas respirer après les paroles d'Hélios. Une course ? Il me faut plus d'informations.
Sindar me devance.
— C'est-à-dire ? demande-t-elle, méfiante.
— C'est Silas Cantwel qui a imaginé cette épreuve. L'intendant m'a remis une lettre ce matin et m'a ordonné de la lire uniquement en présence de tous les candidats.
— Nous sommes tout ouïe, déclare Nathaniel d'un ton sarcastique.
« Chers candidats,
Vous voilà arrivés sur Ouranix, la Cité des Vents afin de participer à la prochaine épreuve des Jeux du Cercle.
Il s'agira d'une course à dos d'ankas. Hélios vous apprendra à les chevaucher correctement.
Vous pourrez utiliser vos capacités durant la course céleste. Elle commencera en haut de la tour du Conseil du Nord et se terminera, au loin, dans le désert des gemmes. Vous passerez au-dessus de la Citadelle. Des indications célestes vous permettront de vous repérer. Vous avez quatre jours à partir de maintenant pour vous exercer à chevaucher votre anka.
Bon courage, nous nous verrons à l'arrivée.
Votre dévoué organisateur, Silas Cantwel. »
— Ça ne nous aide pas vraiment, se plaint Bélèm de son flegme habituel.
— Où se trouve le désert de Gemmes et qu'est-ce que c'est ? demande Lindorie à son tour.
— C'est un désert qui se trouve à plusieurs kilomètres d'ici, à l'ouest. C'est ici, que les Ouraniens et d'autres étrangers ont commencé à amasser des richesses. Dans le sable, se trouvaient des gemmes très précieuses qui ont disparu, à présent.
Un silence suit les paroles d'Hélios. Un vent agréable vient nous surprendre et je me protège la bouche pour éviter d'avaler les grains de sable des vallées, par accident. Je dois réfléchir à la meilleure façon d'appréhender la course. Arwen perturbe ma réflexion.
— Vous ne posez pas les bonnes questions. Ce qui devrait vous intéresser, c'est pourquoi Hélios doit nous aider, rétorque-t-il alors qu'il croise les bras pour marquer son désaccord.
Il marque un point. Pourquoi Hélios serait plus à même de nous venir en aide ? Est-ce que cela ne lui confère pas, un avantage sur nous tous ? Celui-ci répond immédiatement, le regard étincelant.
— Parce que je suis un voltigeur.
Veut-il dire, par-là, qu'il sait comment chevaucher ces immenses oiseaux ? Aura-t-il un avantage sur nous tous ?
Vu les rumeurs de corruption au sein des Jeux, je ne devrais pas être surprise. Pourtant, je me demande ce que les ouraniens ont pu donner à Aegnor pour que leur Conquérant soit avantagé par rapport à nous.
*
Nous nous trouvons à présent dans la grotte des ankas. Un espace assez sombre dont les oiseaux sont en cage. C'est-à-dire que chacun deux se trouve dans un creux de la roche brune et qu'une barrière en fer les empêche de sortir. J'ai plutôt l'impression d'être dans une prison volière. Des dizaines d'ankas aux multiples couleurs nous dévisagent en caquetant. Le bruit de leur puissant bec sur les barreaux me donne le sentiment d'écouter un orchestre dont tous les instruments se seraient désaccordés.
Hélios nous conduit au travers des recoins sombres de l'immense grotte. Pendant qu'il nous guidait jusqu'ici, il nous a expliqué qu'ils sont très peu nombreux à exercer le métier de voltigeur. Cela consiste à élever les ankas, à les domestiquer et à leur trouver un maître. Pour l'exercer, il faut faire preuve de patience, de dextérité et avoir une communication facile avec ces oiseaux.
— Et où trouve-t-on ce genre d'animal ? demande Rassna d'un air dédaigneux.
— On les trouve uniquement sur Ouranix. Ils grandissent à la limite des pôles de gravité. Et généralement, les œufs s'échouent dans le Désert de Gemmes ou dans le Désert d'Eol dans le Sud à cause des gravités qui se croisent et se décroisent. Ils se nourrissent de petits insectes et de feuilles d'Eolys, lui répond Hélios, accompagné de Dovo.
Nous nous dirigeons dans une pièce un peu plus large où sont entassés une vingtaine d'ankas sauvages. Lorsqu'ils nous aperçoivent, leurs pattes dignes des plus puissants prédateurs agrippent les barreaux.
— Comment les chevauche-t-on ? interroge Daerôn.
Hélios monte sur une petite estrade circulaire en pierres noires et croise ses bras derrière son dos.
— Ta question est pertinente, mais je dois vous expliquer plusieurs choses avant d'y répondre.
Daerôn hoche la tête pour lui signifier qu'il est prêt à écouter. Nous l'imitons. Certains ont l'air impatients de chevaucher un anka tandis que le visage des autres se fait plus soucieux.
— Les ankas sont des oiseaux à la fois puissants et rapides. Mais ils sont surtout très fidèles. C'est pourquoi, n'importe quelle personne ne peut chevaucher n'importe quel Anka. Une connexion doit d'abord avoir lieu. On dit qu'il existe un seul Anka pour un seul célestier.
Je me demande bien en quoi consiste cette connexion. Mais j'attends qu'Hélios continue ses explications.
— Pour former un duo avec un anka, il faut siffler un air mélodieux. Plus la mélodie vous tient à cœur plus la connexion avec votre anka sera forte. Si un oiseau vous répond, c'est qu'il vous correspond. Mais attention, cela ne veut pas dire que le lien sera correctement noué. Il faut établir un terrain de confiance avec votre anka, lui parler, l'écouter aussi. Si vous sentez que votre anka s'attache à vous et vous fait confiance, vous pouvez le nommer. Pour ce faire, vous devez enrouler votre main dans la plume la plus longue de l'oiseau et l'appeler comme vous le souhaitez. Il comprendra ainsi qu'il vous doit sa fidélité jusqu'à la mort.
Il n'y a plus aucun bruit dans la grotte. Les candidats sont concentrés et les Ankas se sont tus pendant qu'Hélios parlait. On dirait qu'ils mesurent aussi toute l'importance de cet engagement mutuel.
Hélios reprend doucement et semble ne pas vouloir couper la magie du moment. A ses yeux pétillants, je devine qu'il aime son métier et ces oiseaux perdus qui ne désirent qu'une chose : trouver un compagnon auquel ils pourront rester fidèles.
— Tout autour de vous se trouvent des dizaines d'ankas sauvages qui nont pas encore trouvé de maîtres. A vous, de trouver le vôtre. Si vous avez des questions, je ne suis pas loin.
Puis, il descend de l'estrade et nous invite à nous rapprocher des oiseaux colorés. Je me rends alors compte que deux problèmes se posent à moi : je ne sais pas siffler et j'ai encore le vertige.
J'entends déjà tous les autres commencer à siffler pour appeler leur anka. A côté de moi, Daerôn siffle une mélodie agréable que je connais, mais je ne sais plus vraiment d'où. Immédiatement, un majestueux anka noir lui répond et sort son bec de la cage. Daerôn vient à sa rencontre à pas pressés. Il lui caresse le bec et ouvre la cage.
L'anka s'avance presque timidement vers Daerôn à tel point qu'on ne discerne pas lequel est le plus impressionné des deux.
Je détourne le regard. Je suis en plein milieu de la pièce et je ne sais pas quoi faire. Les ankas me regardent avides d'entendre un sifflement sortant de ma bouche. Je suis tellement frustrée.
Nathaniel siffle tellement fort quon entend que lui dans toute la pièce. Il s'égosille et n'entend même pas qu'un anka turquoise et jaune lui répond en sifflant tout aussi fort que lui. Ce serait vraiment drôle que l'oiseau et son maître aient le même caractère.
Rassna, quant à elle, essaye de s'éloigner le plus possible des créatures. Mais il semblerait qu'un anka vert clair se soit entiché delle.
— Tu dois en choisir un, Elwing, me lance Hélios dans mon dos.
Je sursaute de surprise. Derrière lui, Dovo glisse doucement la tête sur son épaule.
— Je ne sais pas siffler, j'avoue dans un chuchotement discret.
Hélios éclate de rire à gorge déployée et l'air austère qu'il semble toujours porter, abandonne son visage. Je le trouve beaucoup plus sympathique et enjoué et je me demande s'il voulait réellement participer aux Jeux ou si, comme les autres, on l'a désigné d'office puisqu'il est l'héritier d'un homme puissant.
— Ce n'est pas grave, dit-il tandis qu'il retrouve son calme. Tu n'as quà entonner une mélodie. N'importe laquelle.
Je fronce les sourcils, peu convaincue et commence à murmurer doucement une mélodie que me chantait ma mère lorsque j'étais enfant. Il me semble entendre un écho à ma chanson, mais je n'en suis pas sûre.
— Plus fort Elwing ! Tu dois avoir confiance en toi pour qu'un anka te fasse confiance ! Regarde Nathaniel, il a trouvé un anka qui lui correspond.
Je tourne à nouveau la tête vers Nathaniel qui amadoue son oiseau comme s'il draguait une fille. Il le gratte sous le bec et j'ai presque l'impression d'entendre le volatile glousser.
Je commence à chanter un peu plus fort pour me faire entendre. La mélodie est douce et triste. Daerôn stoppe ses gestes envers son Anka et me regarde, les sourcils froncés. J'ai l'impression qu'il est intrigué par l'air mélodieux que je chantonne. Mais je l'ignore. Derrière moi, je sens un léger frottement contre mon dos. Je me retourne et découvre qu'un oiseau caché dans l'ombre d'un renfoncement entonne la mélodie à son tour. J'ai l'impression qu'il me sourit de ses yeux d'un violet vif. Son plumage gris est soyeux et doux lorsque je plonge mes doigts fins à l'intérieur.
— On dirait que tu as trouvé une anka qui t'apprécie, déclare Hélios alors qu'il se penche vers moi.
L'anka se penche également pour me regarder droit dans les yeux. Elle est immense. Je n'aurai jamais cru qu'un oiseau pourrait faire cette envergure. J'imagine qu'en voyant Dovo faire la même taille que son maître, je n'étais pas surprise, mais à présent, je me sens surtout intimidée. Je m'approche encore et pose une question à Hélios.
— Comment sais-tu que c'est une femelle ?
— Facile, regarde la taille de ses pattes, me répond-il, amusé, comme si c'était une évidence.
Je fais ce qu'il me dit et remarque que l'anka possède de toutes petites pattes. Aussitôt loiseau met sa tête contre la mienne. Surprise par ce contact, je sursaute. L'anka couine comme pour me rassurer. Je souris à son contact. Maintenant que le premier problème est réglé, il va falloir que je me prépare au deuxième.
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