Chapitre 41

     Il se pourrait que les paroles de Lindorie m'angoissent légèrement. Je voulais visiter la ville, mais je crois que je vais devoir reporter l'idée. A moins que je ne demande à quelqu'un de m'accompagner. Je pourrais peut-être demander à Arwen ?

Je me lève de mon lit et me dirige vers la porte pour le rejoindre. Elle est fermée à clé. Je commence à paniquer. Ce n'est pas normal. Nous sommes enfermées à l'intérieur de la chambre.

— Ne t'épuise pas, Elwi. On ne peut pas sortir avant demain matin.

— Pourquoi ? je la questionne, surprise.

Elle est en train de plier ses affaires et de les ranger méthodiquement dans notre armoire.

— Le couvre-feu est déjà passé et ils ferment toutes les portes à clé pour être sûrs que personne ne l'enfreigne. Je le sais, parce que sur ma planète, Glow, ils ferment aussi les portes jusqu'à une certaine heure. Et puis le premier soir est plus dangereux pour nous.

Ça change tout. J'essaye de garder mon calme. Pas besoin de stresser tant que je suis à l'abri. Je suis en sécurité pour le moment.

— Tu vas devoir passer ta soirée avec moi. Je ne sais pas si c'est une bonne chose, rigole-t-elle.

— Je devrai trouver un moyen de m'échapper alors, je plaisante à mon tour.

Nous rions ensemble quelques minutes. Puis les pensées qui m'avaient assaillie quand j'étais dans le vaisseau reviennent à la charge. J'essaye de les chasser, mais elles franchissent malgré moi, la barrière de mes lèvres.

— Lindorie, nous sommes amies, non ?

Je regrette ma question au moment où je la pose. Mais c'est trop tard. Elle me regarde, étonnée. Puis me lance un grand sourire.

— Bien sûr ! Tu en doutes encore ? déclare-t-elle, mais je remarque que son expression n'est plus aussi joyeuse qu'avant.

— C'est juste que, je me demande quelque chose. Si on était l'une en face de l'autre dans une épreuve. Est-ce que tu me tuerais ?

Elle respire profondément et réfléchit sagement à sa réponse avant de me regarder à nouveau. Elle retourne s'asseoir en face de moi sur son lit.

— Elwing, je ne peux rien te promettre. Si toutefois ça arrivait, et j'espère du fond du cœur que ça narrivera pas, je devrai faire un choix. Ça me déchirera le cœur, et je crois que jamais je ne m'en remettrai. Mais je devrai faire ce qui me semble juste. Et en tant que Lady Lindorie, première héritière de Glow, je protégerai mon peuple.

— C'est ce que je pensais. Tu es donc prête à me tuer, je déclare amèrement.

— Non, jamais je ne pourrais faire ça Elwi, tu dois comprendre que lorsqu'un Conquérant participe, il n'est pas seul. Il a des milliers de vies sur ses épaules. Tu le sais aussi. Des millions de delliens comptent sur toi.

— Je n'en suis pas si sûre. Ils sont habitués à ce que nous soyons bridés par les kalis. Ils n'attendent aucun changement.

— Tu te trompes. Beaucoup croient en toi. Tu es leur espoir, répond-elle tandis quelle prend mes mains dans les siennes.

— Je ne sais pas.

Je me sens prisonnière. Prisonnière de cette pièce, de mes pensées, de mes peurs.

— Si ça ne tenait qu'à moi, je te protégerais Elwing. Tout comme Nathaniel et Ardalôn, parce que c'est la première fois qu'une dellienne va aussi loin. C'est la première fois que je me fais une véritable amie.

Je comprends que son peuple compte sur elle. Je suis rassurée que cette décision semble beaucoup l'affecter. La loyauté de Lindorie envers son peuple est une chose que j'admire chez elle. Contrairement à elle, Nathaniel me protège parce qu'il n'en a rien à faire des règles et Ardalôn le fait, par serment. Je ne sais pas sur qui je peux compter. Toutes les amitiés que je croyais avoir nouées ici, ne sont qu'éphémère

— C'est bien ça le problème. Je ne devrais plus être vivante et papoter avec toi. Je ne sais pas ce qu'ils attendent.

Le visage de Lindorie est pensif.

— Ils n'attendent rien. C'est toi qui es douée, m'encourage-t-elle.

— Non, c'est faux. N'importe quel dellien entraîné aurait pu accomplir ce que jai fait. Je le sais, parce que les autres candidats étaient bien plus forts que moi.

Le visage d'Hugh apparaît soudain dans mon esprit. Il aurait fait un carnage au sein des Jeux. Puis, je revois le sang qui coulait de son nez, de ses oreilles, de ses yeux, lors de notre combat.

Je secoue la tête pour chasser cette image effrayante.

— Alors c'est à moi de te poser des questions. Cette histoire de meurtre sur Dell me préoccupe beaucoup.

— Vas-y.

— Quand tu étais sur Dell, tu voulais participer aux Jeux ? demande-t-elle calmement.

— Oui, mais jai renoncé au dernier moment. J'ai été obligée de participer pour remplacer un candidat qui est mort avant les sélections, je réponds, une boule dans la gorge. Tous les candidats ont été empoisonnés. J'aurais dû l'être, mais j'ai eu de la chance. Je n'ai pas déjeuné, ce jour-là.

— Dans ce cas, il n'y a aucune raison de t'accuser. Le meurtrier, parce que tout le monde sait que ce n'est pas un accident, ne voulait qu'aucun dellien ne soit présent aux Jeux.

— C'est aussi la conviction que je partage avec Luther.

— Et si le renvoi de Luther sur Dell, le fait que tu sois encore là et les meurtres delliens étaient non pas ce que tout le monde croit, à savoir des coïncidences, mais des évènements liés entre eux, suggère-t-elle, excitée.

— Continue, dis-je, soudainement intéressée.

— Je crois que c'est plus grave qu'un fait divers qui fait bavarder l'aristocratie. Je pense que ça va entraîner quelque chose d'inquiétant pour nous tous. Et quand je dis, nous, je ne parle pas que de toi et moi, ni des Conquérants et des Explorateurs. Je parle de nous qui vivons dans le système Titanesque.

Je mesure l'ampleur des paroles de Lindorie après quelques secondes de réflexion. Et s'il se passait quelque chose qui nous échappe ? Je l'invite à me faire part de ses conclusions.

— Aegnor n'aime pas les delliens. Tout le monde le sait. Est-ce parce que vous n'avez pas de capacités et qu'il vous considère comme un poids ? Je l'ignore. Cependant, je sais que si un Conquérant est tiré au sort pour tuer les delliens, ce n'est pas un hasard. Aegnor a confiance en son fils. Donc si c'est bien Daerôn qui a été désigné, c'est parce que son père à une idée derrière la tête et qu'il est sûr que son fils ne le décevra pas.

Elle s'est levée entre-temps et fait les cent pas entre mon lit et la porte.

— Mais je suis encore là.

— C'est ce qui est étrange. Si le meurtrier de Dell avait réussi son coup, aucun dellien n'aurait dû participer. Peut-être que si tu es vivante, c'est parce qu'Aegnor lui-même l'a ordonné.

— Daerôn m'a dit que son père voulait s'emparer définitivement de Dell, mais que quelque chose l'en empêchait.

— Aegnor a sans doute prévu quelque chose.

— Tu penses que c'est lui qui a tué tous les candidats dellien ? Pourquoi m'épargne-t-il s'il avait prévu de me tuer avec les autres ?

— Lui ou quelqu'un qui lui est fidèle, répond Lindorie tandis que son regard s'assombrit.

— Un complice ?

— Ou une taupe ? Quelqu'un qui était présent, mais dont il manquait une information capitale.

— Laquelle ? Je ne comprends pas...

— Le fait que Luther ne soit pas ton oncle.

Son raisonnement se tient. Ça me terrifie de penser à tout ça. Les enjeux de cette affaire semblent prendre un tournant bien plus important que ce que j'avais imaginé. Et si mon peuple était vraiment en danger ?

— Et si Luther a été rappelé sur Dell... je commence.

— C'est qu'Aegnor voulait que tu te retrouves seule, finit Lindorie, une étincelle dans les yeux.

Si je suis seule, je suis une proie facile.

— Peut-être qu'il a éliminé les candidats delliens pour s'emparer de Dell et que tu es le seul obstacle qui l'en empêche.

— C'est ce que je pensais. Mais dans ce cas, qu'attend-il ? Pourquoi son meurtrier ne met pas ses ordres à exécution ?!

— C'est ce que nous devons découvrir.

Mon cerveau essaye tant bien que mal d'encaisser ce nouveau flot d'informations. Il y a encore bien trop de questions en suspens, et ça me fait peur.

— Tu vas maider ?

— Je crois que tout le monde a besoin de comprendre pour prendre les bonnes décisions quand la volonté d'Aegnor s'accomplira, déclare Lindorie d'un air grave.

Après cette conversation, je me sens bien plus seule qu'avant. Je me trouve en plein milieu de quelque chose qui me dépasse complètement. Je ne peux compter que sur moi-même.

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