Chapitre 34
Nous marchons en silence dans l'atmosphère étrange de la forêt des miracles. Nous devons traverser la rivière des souvenirs. Je suis perdue dans mes pensées négatives. Je fais un pas après l'autre sans me rendre compte de l'endroit où je pose les pieds.
Soudain, je heurte une chose blanche qui ressort du sol. Je me retiens de hurler. C'est un crâne. Pourquoi y a-t-il tout un tas d'ossements qui borde le cours deau ?!
Je lève la tête pour tenter d'oublier ce que je viens de comprendre.
En face de nous, des rochers plats surplombent le niveau de la rivière. Juste au-dessus se trouve un passage dominé par une gigantesque statue d'un homme portant la même bague que Nathaniel. Ce géant en pierre sépare les deux rives par ses jambes posées d'une part et d'autre de l'eau.
Une fois de l'autre côté, je remarque des prénoms gravés sur les jambes de l'homme de pierre. « Nayan, Joshua, Hérin, Gaël... » J'imagine que ce sont les noms des marins oubliés et je tremble à l'idée de savoir qu'ils n'ont jamais pu quitter cette île. Ils sont morts dans ce cimetière d'eau et de verdure.
Devant moi, Nathaniel marche tranquillement. Il ne semble pas être dérangé par l'environnement qui nous entoure. J'essaye de rester concentrée. Qu'est-ce qui nous attend au centre de la forêt ?
Je réfléchis à l'énigme, mais mon cerveau refuse de coopérer.
Nous arrivons enfin devant une grande arche en fleurs. C'est tellement beau que ça me donne la nausée. Comment peut-on passer d'un tapis d'os et de cadavres à un parterre de fleurs aussi jolies ?
Je n'aime définitivement pas cette île.
Après avoir passé cette arche et nous nous retrouvons dans une immense cavité avec au centre une chute d'eau impressionnante. L'eau puissante se jette dans un lac aux eaux verdâtres et une brume s'échappe du pied de cette cascade.
Les autres équipes sont déjà présentes. Nous formons un cercle autour d'une sorte de poteau gigantesque dans lequel un clavier numérique est creusé.
Lindorie chuchote à mon intention.
— Je n'ai pas pensé une seule seconde que la réponse de l'énigme serait un code chiffré.
Moi non plus.
Tout le monde se regarde en silence, se jaugeant du regard. Qui arrivera à déchiffrer le code ? Qui seront les premiers à sortir de cette île maudite ?
Nous décidons de discuter de la solution tous les quatre, à part.
— Relisons tous les indices dans l'ordre, suggère Daerôn.
Il sort tous les indices de ses poches et nous les lit à voix basse.
— C'est un vrai charabia ! se plaint le prince des mers.
Soudain, une vague de frisson s'abat sur moi. Je ne peux plus bouger. Aucun de mes coéquipiers n'en est capable.
Saeros s'approche de Daerôn et s'empare brusquement de tous les parchemins. Puis il claque des doigts pour nous permettre de nous mouvoir à nouveau.
De manière impulsive, je lance à toute vitesse mon slard et il vient planter les vêtements de Saeros au mur de pierre.
A son tour d'être immobilisé.
Il se débat avec force et arrive à s'échapper. Il en profite pour se téléporter et relancer mon arme contre moi. Je l'attrape par réflexe de ma main droite. Puis avant qu'il ne se rapproche, Bélèm l'enferme dans une prison de pierre qu'il déplace par la pensée. Il m'adresse un sourire en coin. J'ignore si cela signifie s'il est de mon côté ou non. Mais la minute suivante me donne une idée sur sa position. Il ferme les yeux et les parchemins s'échappent de la main de Saeros pour venir voler jusqu'à lui.
Il n'est donc pas un allié.
Comme tous les autres, d'ailleurs.
À tout moment, l'un deux peut lancer une offensive. Je dois me tenir prête à parer toutes attaques.
— Concentrons-nous sur l'énigme, déclare Daerôn, tandis qu'il madresse un regard sérieux.
Je fais semblant de ne pas l'écouter pour l'énerver.
Avant que je ne m'approche du clavier au centre de la pièce, Hélios est déjà devant. Il m'empêche de m'approcher par sa grande taille.
Puis une voix mécanique retentit dans la caverne.
« Vous n'êtes plus très loin de la libération. Mais maintenant, il est temps que chacun pense à sa propre délivrance. Fini les équipes. Terminé les permissions. Vous devrez tous gagner votre place à partir de maintenant ».
Désormais, c'est chacun pour soi. Je ne devrais pas être étonnée. Les Jeux ont toujours été une question de survie personnelle.
Cette nouvelle semble réveiller les autres concurrents. Saeros qui jusque-là était resté prisonnier de la roche, se téléporte encore et vient assainir un coup-de-poing à son geôlier. Bélèm tombe à terre et se relève le nez en sang. Puis il lève les mains et deux grosses pierres jaillissent de derrière son dos. Pendant ce temps-là, Aram s'en prend à El en lui fonçant dessus à toute allure. Mais El lève le pied et le rabat à terre ce qui fait trembler le sol et me fait tomber. Je relève la tête et vois Rassna s'approcher de moi un sourire cruel aux lèvres.
Je n'ose pas utiliser mon arme. Je ne sais pas si je pourrais vivre avec un meurtre sur la conscience.
Quand je me relève, Nathaniel se place devant moi et crée un typhon d'eau en direction de mon ennemie. Pourquoi maide-t-il ?
Il se retourne et me fait un clin d'œil.
— Tu m'en dois une, princesse !
Je lui fais un bref signe de la tête en guise de remerciement alors que je sais très bien que ce sont eux qui ont le pouvoir sur ma survie. Je ne suis qu'un jouet entre leurs mains. Je dois trouver le code et m'échapper de là au plus vite.
Je m'avance vers le tronc sculpté dans le but d'apercevoir le clavier, mais Daerôn se place devant moi. Du bout des doigts, il crée une étincelle.
La peur s'empare de moi. Ça y est. Il va me tuer. Il va le faire. Devant tout le monde. Pour sa gloire personnelle. Je vais devenir une morte de plus sur l'île des marins oubliés. Mon corps sera jeté dans la rivière des souvenirs. Mon nom sera oublié à jamais.
Je déglutis péniblement. Soudain, une branche d'arbre m'agrippe par la taille et me soulève avant que Daerôn ne m'atteigne de sa flamme. Plus loin, la branche me dépose près d'Ardalôn. Dans la cohue, il me chuchote des mots que j'ai du mal à comprendre.
— Reste ici. Quand tu verras que la situation se calme, tu pourras sortir.
Des mèches de cheveux sont collées à son front.
— Je ne veux pas me cacher. C'est lâche, je réplique avec amertume.
— Tu préfères mourir ? demande-t-il, tandis qu'il soutient mon regard.
On dirait presque un père qui gronde sa fille.
— Non
— Alors fais ce que je te dis. Réfléchis au code en attendant qu'ils se calment.
— Je ne sais même pas ce que je dois écrire sur le clavier ! je m'exclame avec un regard noir.
— C'est un clavier à chiffres comme sur un ordinateur. Plusieurs chiffres peuvent être utilisés.
— Comment peux-tu le savoir ?
— Mon équipe et moi avons déjà résolu l'énigme. Mais la voix nous a demandé de vous attendre avant de pouvoir rentrer la réponse dans le totem.
— Je dois me rapprocher, je commence
— Reste là et attends, me coupe-t-il en s'éloignant.
Je hoche la tête à contrecoeur.
Je ne veux pas survivre en me cachant, je veux le faire en me battant. Pour ma planète. Pour me prouver que je suis bien plus qu'une participante.
Je suis dellienne.
Cette différence, je l'accepte. Comme si quelque chose avait cassé à l'intérieur de moi et avait été remplacé par autre chose. J'accepte le fait que je n'ai pas de pouvoirs, mais que je possède bien plus que cela. Une force qui me pousse à me lever et à avancer. A faire le contraire de ce qu'Ardalôn vient de me dire. Une force qui m'attire vers le tronc d'arbre totem.
Je m'avance au centre de la pièce, mon slard entre les mains. Aram commence à foncer sur moi. Une rage soudaine s'empare de moi et j'envoie mon slard à toute allure sur lui. Je marche au milieu des combats, déterminée à sortir de cette île. J'en ai assez.
Mon slard touche son le mollet droit et il tombe en hurlant de douleur. Je ne suis plus qu'à quelques mètres du clavier.
Mais une flèche de glace frotte mon épaule. Je me retourne et vois Sindar qui s'interpose, les yeux brûlant de détermination. Son regard devient soudain vide et elle se recule pour me laisser passer. J'ignore ce qui lui prend, mais je ne vais pas réfléchir trop longtemps. J'ai enfin une opportunité d'approche. Je m'avance vers le poteau de bois.
Je dois réfléchir à l'énigme. Le texte en soi ne mène à aucun code.
Autour de Titan,
Planètes unies
L'intrusion dun peuple soumis
Quand le temps s'enfuit
Et la magie renaît.
S'embrase le feu ardent.
Du trio parfait.
Mais peut-être que si je prends chaque phrase séparément, ça pourrait maider.
Autour de Titan. Il y a environ une cinquantaine de planètes ; naines, exo-planètes et satellites confondus ; qui évoluent autour de cette étoile gigantesque.
Planètes unies. Il ne peut s'agir que des planètes formant l'alliance du Cercle.
L'intrusion dun peuple soumis. Mon peuple est soumis de force. Mais comment le représenter par un code ?
Autour de moi, la bataille fait rage. Les candidats s'impatientent. Je dois réfléchir rapidement. Quelqu'un m'enserre le poignet et me retourne violemment contre le clavier.
Encore Saeros.
Je le frappe d'un coup de genou dans l'abdomen et il se plie en deux.
Je dois faire très vite, à présent.
Quand le temps s'enfuit. A la fin d'une saison ? Non, il n'y en a pas sur toutes les planètes. Quand le temps s'enfuit. C'est un peu vague. Pourquoi le temps s'enfuirait-il ? Qui le ferait fuir ? Je sais ! Cendracte : la planète du temps et des cendres.
Et la magie renaît. Si chaque phrase désigne une planète, il ne peut s'agir que de la planète magique : Vilaz.
S'embrase le feu ardent. Facile : Kalisto.
Du trio parfait. Ce seraient trois planètes qui sont unies ? Oui ! L'Alliance !
Je dois sûrement taper l'ordre des planètes de la plus proche de notre étoile à la plus éloigné.
Donc ça donnerait : 50.9.3.2.4.1.124
Mes mains tremblent. Que se passera-t-il si je ne tape pas le bon code ? La trappe, s'ouvrira-t-elle ? Ou bien me mènera-t-elle directement à la mort ?
Je mapprête à valider le code quand ma main s'immobilise toute seule. Je n'entends plus aucun bruit. J'essaye de me retourner, mais c'est impossible.
Je sens un souffle chaud dans ma nuque. Saeros a claqué des doigts et maintenant je suis immobile.
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