Chapitre 27
Il fait noir.
Je me lève, mais me cogne contre une paroi dure et froide. Je tâte le plafond et les murs pour finalement me rendre compte que je me trouve dans une boîte.
Comment suis-je arrivée ici ?
Je perçois un tic-tac lent et imperceptible. Il est rythmé par les battements de mon cœur paniqué.
Je dois sortir d'ici.
J'attends que mes yeux se soient adaptés à la pénombre et je réfléchis. La boîte doit mesurer environ deux mètres sur un mètre cinquante... Je peux à peine m'accroupir. Les murs ne sont pas déplaçables et ne coulissent pas.
Avec quoi vais-je pouvoir me sortir d'ici ?
Le tic-tac retentit de plus en plus fort. Est-ce un piège ou le début d'une nouvelle épreuve ?
Je suis de plus en plus méfiante depuis que j'ai appris que le tueur des sélections ne voulait pas que Dell participe.
Peut-être ma-t-on enlevé ? Suis-je dans le coffre d'une voiture ? Il semble que je ne porte plus ma robe de soirée, mais la tenue des Jeux. Quelqu'un m'aurait-il dévêtu ?!
Je prends mon slard qui, accroché à ma cuisse, m'entaille les hanches. Je l'approche des parois de la boîte. J'arrive à en découper le contour. Je tranche les murs, durs, mais cassables. Plus je coupe et plus des graviers et de la terre me frôlent en venant s'écraser sur le sol humide de la boîte. Je ne suis donc pas dans une voiture.
Ce qui ne peut signifier qu'une seule chose.
Les Jeux ont repris et si ça continue, je vais finir par être enterrée vivante.
J'aimerais pouvoir dire que je ne suis pas stressée, mais ce serait un mensonge. Le tic-tac résonne à mes oreilles si bien que je n'entends plus rien. Même pas le bruit de ma propre respiration. Je m'accroche à la paroi du haut qui s'écrase vers le sol sous le poids de la terre. Je me mets à genoux pour pousser le plafond vers le haut, quand une feuille de papier se froisse sous mes pieds. J'essaye tant bien que mal de retenir le couvercle que je viens de finir de couper et j'attrape le papier pour le mettre entre mes dents. Pas le temps de le déplier.
Je saute pour sortir de la boite et creuse en même temps. J'ai de la terre, plein les ongles. J'arrive à trouver une prise et me hisse de toutes mes forces à l'air libre. Je crache le papier et respire enfin la légère brise qui s'offre à moi. Elle a une odeur iodée, salée. Je déplie la feuille et lis le message écrit dans une écriture fine. Je vérifie au préalable si aucun danger ne peut m'atteindre aux alentours.
« Trouver un drapeau »
Merci. Il n'y a pas plus vague que cela. Comment je vais trouver un drapeau alors que je ne sais même pas où je me trouve. J'ai beau observer les environs, j'ai l'impression de me trouver dans une jungle épaisse.
Je plie le papier et le range dans ma poche arrière. Je range aussi mon slard en m'assurant qu'il est bien à portée de main. Je marche dans les alentours pour trouver un drapeau. Bien sûr, je n'en trouve aucun. Ce serait trop facile...
Qu'ont-ils encore inventé pour tenter de me tuer ? Je sais que le roi Aegnor ne me porte pas dans son cœur. Je le sais à sa façon de me regarder de haut comme si je n'étais qu'un tapis de poussière sur lequel il n'aurait qu'à souffler pour se débarrasser. Il pourrait me faire assassiner sans qu'aucun candidat ne s'en rende compte.
Je marche en restant sur mes gardes. Mes bottines s'enfoncent dans la terre humide et molle. Mes mains moites, collent sous mes gants en cuir.
Où suis-je ? Suis-je seule ?
Un craquement sur la gauche me convainc du contraire. Je cours à présent, au travers des arbres et des lianes. Si je veux vivre, je dois trouver ce stupide drapeau. Je regarde partout. Mes yeux s'affolent. Je dois le trouver dans les premiers, sinon je vais perdre.
Soudain, une lumière m'éblouit, accroche mon regard. Je cherche sous un tas de feuilles et en me penchant, je découvre un tissu doré formant un drapeau. Il semblerait que j'aie tiré la bonne pioche. J'admire ma trouvaille pleine de fierté et attends la suite. J'ai envie de hurler jusquà ce que quelqu'un m'entende.
Sans vraiment savoir où je vais et ne voulant pas rester les bras croisés à ne rien faire, je marche vers un bruit inconnu à mes oreilles. Un bruit régulier qui s'approche de moi à mesure que j'avance. Un bruit terrifiant et apaisant à la fois, un souffle qui devient un cri. Je contourne les arbres et me retrouve sur une étendue de sable clair.
J'aperçois des silhouettes sur le bord de l'eau. Je n'ose pas m'approcher de cette grande étendue bleue, infinie. Le bruit est plus fort et ne me rassure pas. Je n'ai jamais vu autant d'eaux réunis au même endroit. Est-ce que c'est ce qu'on appelle « la mer » ? Je n'ai connu que la neige et les arbres depuis que je suis née.
Des éclats de voix retentissent. Je décide d'aller jeter un coup d'œil malgré mon appréhension.
Quand j'arrive, tous les candidats sont regroupés avec chacun un drapeau différent à la main. Mes yeux se posent enfin vers l'origine du bruit. La puissance de la mer me fascine et me terrorise. Elle s'écrase contre les rochers avec une force si puissante qu'elle pourrait les briser. Je me vois déjà être englouti dans toute cette écume blanche. Je recule inconsciemment.
— Alors, notre dellienne craint l'eau ?
Rassna ne se gêne pas pour me lancer une pique à son goût qui en fait rire plus d'un.
Personne ne sait ce qu'il doit faire. Je regarde leur drapeau. Certains en ont des argentés comme Saeros, Arwen, Rassna et Aram, l'Explorateur de Jyd. D'autres en ont des cuivrés comme Ardalôn, Bélem, Hélios, Sindar et Séko, l'Exploratrice dAniléo. J'aperçois un drapeau comme le mien dans les mains de Nathaniel, Lindorie et Daerôn.
Arwen cherche mon regard. Il est inquiet et m'adresse un sourire rassurant. Il semble déçu de ne pas avoir le même drapeau que moi. Je me rappelle que l'épreuve des cauchemars était utile pour le troisième jeu. Est-ce que notre temps pour sortir de l'illusion à déterminer l'emplacement de notre boîte et ainsi la couleur du drapeau que nous allions trouver ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
Soudainement, un objet pointu traverse la plage et vient se planter dans l'écorce d'un arbre derrière nous. Un parchemin ancien, accroché à la flèche, se déplie. Nathaniel est le premier à vérifier de quoi il s'agit. Il nous lit le message et nous montre le texte pour que nous puissions le lire de nos propres yeux. Les règles du troisième Jeu y sont inscrites dans la langue internationale.
« Chers Candidats,
Le troisième Jeu a commencé au réveil dans votre boîte. Une candidate nous a déjà quittés, n'ayant pu sortir de la sienne.
Vous avez chacun récupéré un drapeau. Il vous sert à déterminer les membres de votre équipe. Pendant trois jours, vous devrez survivre sur cette île de Namus. Vous devrez également passer des épreuves, résoudre des énigmes, aller au-delà de vos limites pour tenter de vous échapper. Le jeu n'est pas individuel, mais collectif. Vous vous retrouverez tous au centre de l'île lorsque vous aurez remporté toutes vos missions. Puis vous devrez vous échapper de cet archipel. Un combat décidera qui part ou qui reste... Bonne chance à toutes et à tous. Et n'oubliez pas : tout est permis... »
Après avoir lu le parchemin, nous nous regardons sans savoir quoi faire. Nous devons survivre sur une île. Pour cela, il nous faut d'abord de la nourriture, de quoi pêcher, de quoi s'abriter la nuit et de quoi allumer un feu.
Pourquoi personne ne bouge ?
Je décide de prendre une initiative. Je vais chercher de quoi allumer et alimenter un feu.
— Attends Elwing, où vas-tu ?
Lindorie me court après. Je m'arrête et me retourne.
— Je vais chercher du bois.
— Je t'accompagne, dit-elle tandis qu'elle jette un coup d'œil derrière son épaule.
Nous parvenons jusqu'au petit-bois où j'ai trouvé mon drapeau. Je sors mon slard de ma ceinture et commence à trancher des petites branches. J'en fais un tas de taille moyenne pour que nous puissions le ramener à deux vers la plage.
Quand nous avons terminé, nous prenons chacune un tas et nous nous dirigeons vers la mer. Nous nous repérons à son bruit sourd. Nathaniel et Daerôn nous y attendent assis sur la berge. Je pose le bois sur le sable chaud.
— Vous êtes revenu, déclare Daerôn avec raideur.
— Oui, bien sûr, je réponds alors que je cherche à me soustraire de son regard accusateur.
— Pourquoi es-tu partie ? me demande-t-il alors quil se lève pour se placer devant moi.
— Personne ne bougeait alors j'ai pris les devants et j'ai été cherché du bois. Le feu ne va pas s'allumer tout seul, sans vouloir te vexer.
Un long silence s'ensuit où nous nous évaluons du regard. Il semble différent. Moins sûr de lui, plus dangereux.
— Ce que Daerôn essaye de te dire, c'est que dans les Jeux, les épreuves étaient toutes individuelles jusquà maintenant. C'est la première fois qu'on se retrouve en équipe. C'est pour cette raison que personne ne se décidait à partir, explique Lindorie.
J'en reste bouche bée. Jamais ils n'ont été en équipe ! J'ai envie de rire tellement c'est ridicule ! Voilà qui explique bien des choses.
— On ne sait pas trop quoi faire. Ils ont parlé d'épreuves, d'énigme et de survie, reprend-elle.
Je regarde encore une fois Daerôn. Il crispe sa mâchoire et respire lentement. Ça doit être dur pour quelqu'un qui a l'habitude de gagner de se retrouver dans un environnement inconnu.
— Si l'épreuve est collective, cette fois, c'est qu'on peut se soutenir et s'aider dans l'équipe. Prendre des décisions ensemble et compter les uns sur les autres, j'affirme, les bras croisés.
— Je sais ce qu'est une équipe, déclare Daerôn, son regard de braise plongé dans le mien. Elwing a raison. On doit se soutenir et rester ensemble.
— Où sont partis les autres ? demande Lindorie, les sourcils froncés.
— Ils ont pris des directions différentes, les argentés vers le nord et les cuivrés vers l'est, répond Nathaniel, l'index dirigé vers les chemins empruntés par les autres joueurs.
A sa main gauche, je vois la chevalière marquée d'un M majuscule qui enserre son majeur. Il attache ses cheveux en une queue basse et lève la tête vers Daerôn et moi qui sommes encore debout.
— On devrait explorer les environs pour savoir où ils ont installé leur campement, déclare Daerôn, la tête tournée vers la mer.
— Nathaniel, fais le tour de l'île et informe-nous dès que tu as fini le repérage. Elwing, tu vas préparer notre campement. Prends tout ce qui pourrait nous être utile. Lindorie et moi, on va chasser.
— Mais je croyais qu'on devait tous rester ensemble ? je proclame, perdue.
— Oui, une équipe qui chasse et une équipe qui fait du repérage. Rendez-vous dans deux heures ici.
Je regarde la position de Titan dans les nuages. Dans deux heures, il sera à la moitié de sa course, haut dans le ciel.
— Si on ne revient pas, appelle Nathaniel et pars à notre recherche. J'ignore encore qu'elles sont les intentions des autres, dit-il tandis qu'il fait signe à Lindorie de le suivre.
Je hoche la tête persuadée que je n'aurai pas mon mot à dire. Soudain, une grosse rafale de vent nous décoiffe et nous oblige à nous cacher les yeux pour ne pas recevoir des grains de sable.
— Qu'est-ce que c'est ? je demande
— C'est l'envol d'Hélios, m'explique Nathaniel, la tête levée.
Je limite. Au-dessus des arbres, je vois Hélios planer, les bras contre son abdomen.
— Il a une longueur d'avance sur nous, Nathaniel ne traîne pas, s'exclame Daerôn alors qu'il séloigne avec Lindorie vers les bois.
— Il peut voler ? je demande, impressionnée.
— Il contrôle les vents et la gravité, Elwing, répond–il, avant de complètement disparaître.
Je reste sur la plage avec Nathaniel, inquiète de sentir le regard scrutateur d'Hélios sur mes épaules.
— Tu as entendu les ordres du petit chef ? Je pars en exploration, déclare Nathaniel, déjà en train d'enlever ses chaussures.
— Tu ne l'aimes pas, hein ? je demande dun mouvement de tête vers Daerôn et Lindorie au loin.
— Qui, Daerôn ?
— Oui.
— Je n'en sais rien. Je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire. J'aime briser les règles, enfreindre les interdits. Lui, il préfère que tout se fasse avec ordre.
Il se rapproche pour que nos corps soient à la même hauteur, que nos regards se croisent. Je recule, mais je rencontre le tronc d'un palmier.
— Mais, je sais aussi qu'il veut réussir l'épreuve. Alors je le suis et je verrai si j'arrive à le supporter. Je dois y aller.
Il recule et s'éloigne de moi pour ôter son t-shirt. Je détourne les yeux, gênée, pendant qu'il sétire. Je remarque des paillettes qui reflètent la lumière de Titan sur sa peau basanée. Je n'ai pas le temps de lui demander ce que c'est, qu'il plonge déjà dans l'eau et ne remonte pas.
Je reste sur la plage à réfléchir à quoi nous pourrions avoir besoin et me dirige vers les bois pour chercher des feuilles. Nous avons besoin d'un abri. Je regrette qu'Ardalôn ne soit pas dans notre équipe, il n'aurait eu aucun mal à nous construire une cabane avec ses pouvoirs de dame nature.
Une heure après, j'ai enfin terminé mon œuvre. Ce n'est pas si mal que ça. J'ai installé le tas de bois au milieu entre le bois et la plage et j'ai noué les feuilles entre elles pour faire le toit. J'espère juste que les nuits ne seront pas trop froides.
Je décide de revenir vers le rivage pour vérifier que Nathaniel est bien rentré. Il est étendu sur le sable. Je m'approche de lui et m'assois à ses côtés.
— Qu'est-ce que tu fais ? je demande, tandis que je dessine dans le sable pour m'occuper les mains.
— J'attends que mon fril sèche, répond-il, un seul œil ouvert à cause de l'éclat de Titan.
— Ton quoi ?
Je me tourne vers lui. Son torse est presque déjà sec, je vois perler des gouttes d'eau sur son ventre.
— Mon fril, la petite pellicule qui brille sur ma peau.
— Qu'est-ce que c'est ?
Il grogne. Il n'a pas envie de me répondre, pourtant, il poursuit.
— Une seconde peau qui me permet de respirer sous l'eau.
Il s'assoit à son tour. Du sable vient se coller à son dos encore mouillé. Je m'approche pour observer les paillettes que je vois sur ses bras. Il recule vivement. Je lève les yeux vers lui, surprise.
— Excuse-moi, mais je suis plus vulnérable quand je sors de leau.
— Pourquoi ?
— Tu ne fais que ça, hein ? dit-il amusé.
— De quoi tu parles ?
Il change de sujet, le malin ! Je ne me ferai pas avoir.
— Poser des questions. C'est parce que mon fril est encore mou.
— Pourquoi tu me révèles ta faiblesse ? Je pourrais te blesser, là, maintenant.
Pour illustrer mes propos, je prends mon slard pendu à ma ceinture. Il me prend le poignet.
— On sait tous les deux que tu ne le feras pas. Tu attaques uniquement pour te défendre, Elwing.
Je rabaisse mon arme. Il a raison. Jamais je ne pourrais tuer de mon plein gré. Ça ne me ressemblerait pas. Nathaniel ne lâche pas mon bras. Il m'oblige à le regarder dans les yeux.
— Tu n'as pas besoin de te défendre ici, princesse. Je serai toujours là pour te protéger.
Voyant que je ne réponds pas à ses avances, il renchérit.
— Ton père est un voleur
— Je n'ai pas de père, je réponds pour mettre fin à ses tentatives de séduction.
Il s'arrête de parler et me fixe de ses yeux bleus profonds.
— Quoi qu'il en soit, il y a quelque chose entre nous, Elwing.
— Le vide intersidéral ? je demande, un sourire satisfait aux lèvres.
— Dans l'univers, il y a des trous de ver. Ils relient deux mondes différents, deux personnes. Un jour, tu tomberas dedans et tu viendras à moi, dit-il alors qu'il me lâche le poignet.
— Je te trouve bien sûr de toi.
— Que veux-tu, je suis le tombeur de ses dames !
Son sourire s'élargit de plus en plus. Il s'approche encore trop près de moi. Soudain, quelqu'un lui frappe la tête. Je me retourne prête à attaquer.
Daerôn se tient derrière nous, les bras croisés. A sa ceinture, sont accrochés des sarnaux, des petits animaux qu'on trouve généralement sur Namus.
— Je t'ai demandé de veiller sur elle, pas de la draguer.
— Chacun sa méthode, dit-il d'un haussement d'épaule.
Daerôn soupire, les yeux levés au ciel.
— Quelles sont les nouvelles Nathaniel ? demande Lindorie.
— Les Argentés sont au nord, ils ont investi les bases des montagnes et les Cuivrés sont dans les plaines vers l'ouest. Nous sommes au Sud de l'île, explique-t-il alors qu'il se relève.
— Y-a-t-il de mauvaises nouvelles ? questionne Daerôn à son tour.
— Nous sommes sur l'île des Marins oubliés.
Un silence s'installe. Personne ne parle alors je pose la question que les autres semblent vouloir poser.
— C'est-à-dire ?
— On ne peut pas s'échapper, répond Nathaniel d'un ton grave.
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