Chapitre 14

Un mur de pierre d'une dizaine de mètres me fait face. J'y aperçois aussi du lierre à certains endroits.

Je commence à courir le long du mur, vers la gauche. J'entends des cris à me glacer le sang. Je m'arrête pour observer les lieux. Un grondement sourd retentit comme si les murs respiraient. Je fais un tour sur moi-même. J'ai l'impression qu'il n'y a aucune sortie. Tout se ressemble. J'ai beau revenir en arrière, je ne trouve plus la pièce par laquelle je suis entrée ici.

Je ne suis pas rassurée. Il faut que je sorte de là. Je tourne dans un angle entre deux murs. Deux candidats se font face, juste devant moi. Les murs grondent à nouveau et se déplacent pour les enfermer dans un bruit terrifiant.

BANG BANG.

Ce sont les murs qui s'entrechoquent pour les obliger à s'affronter en duel. Il y a un léger cliquetis qui résonne à mes oreilles. Je me tourne pour chercher l'origine du bruit. Je trouve un petit cercle noir sur une pierre. Il grossit quand je m'en approche. Je commence à comprendre. Les murs forment une sorte d'arène où un seul candidat sortira. L'autre sera bloqué ou devra abandonner, complètement épuisé.

La réalité me frappe soudainement. Je suis dans un labyrinthe vivant. Je dois me dépêcher pour ne pas me laisser enfermer. Je commence à accélérer le pas. Lorsque j'entends un cri d'agonie, je comprends que je dois vraiment courir pour ma survie. Si j'ai bien compris, les murs se referment avec un système de capteurs lorsque deux candidats se trouvent à environ dix mètres l'un de l'autre. Ça veut dire que je ne dois croiser personne.

Je cours parmi le dédale des murs et des feuillages du labyrinthe. Les murs se meuvent selon un schéma précis, mais je n'arrive pas à le mémoriser. Je dois trouver la sortie pour ne pas me faire piéger avec un Explorateur ou pire, un Conquérant. Si je dois en affronter un, il y a de grandes chances que je meure pendant le combat. Un combat qui n'en sera pas un d'ailleurs. Je n'ai aucune capacité physique extraordinaire. Ce sera une mise à mort...

BANG BANG.

Ce bruit me terrorise. Les murs se sont refermés juste devant moi. Sans ralentir, je glisse pour éviter de me faire écraser. Et continue de courir à m'arracher les poumons en me tenant à la paroi rocheuse. En plus des murs qui bougent et se referment, je sais que certains me pourchassent cherchant la voie de la facilité : combattre les plus faibles.

J'ai l'impression d'être une proie impuissante traquée qui ne court que pour repousser le moment où elle se trouvera entre les crocs de son chasseur. J'entends encore des cris au loin. J'ignore si ce sont des cris de terreur ou de victoire, mais je m'en moque. Je dois poursuivre. Des pas précipités juste derrière moi me font oublier de respirer. Vite, je me faufile derrière le lierre pour me cacher.

Entre les feuillages, je vois une des Conquérantes. Celle qui a les cheveux longs et blonds. Elle m'a bousculé en sortant du complexe César. Cest une des joueuses les plus dangereuses. Je le sais puisqu'elle regarde autour d'elle avec arrogance et mépris. Le labyrinthe ne bouge pourtant pas pour m'enfermer avec elle. Elle doit être à plus de dix mètres de moi, pourtant, je la vois avec une clarté angoissante. Je suis sûre qu'elle rêve de m'écraser sous la semelle de son talon comme un vulgaire cafard.

— Je sais que tu es-là, petite dellienne ! Je compte bien m'amuser avec toi alors tu devrais sortir de ta cachette, dit-elle alors qu'elle sort une lime à ongles pour s'occuper.

Mais qui est cette fille au juste ?!

Je ne sais pas ce qui me fait le plus peur : le fait qu'elle se lime les ongles dans un moment pareil ou le fait qu'elle pourrait très bien me trancher la gorge avec.

Je retiens ma respiration aussi longtemps que je le peux. Je ne dois absolument pas trahir ma présence. Elle commence à perdre patience et fait les cent pas.

— Je ne compte pas t'attendre indéfiniment, ma gazelle. J'ai d'autres candidats à pourchasser, tu sais.

Soudain, un cri retentit à quelques mètres de nous. Je la vois lever les yeux au ciel et recommencer à courir. On dirait bien que la lionne est aussi pourchassée. J'attends qu'elle soit suffisamment loin pour me glisser hors de ma cachette. Mais le mur qui se trouve dans mon dos se met à bouger doucement dans un grincement sourd. Oh non... Je crois que je vais mourir d'angoisse avant même d'avoir croisé mon adversaire.

BANG BANG BANG.

Le bruit des murs qui se referment autour de moi me fait trembler de terreur. Je m'extirpe de ma cachette.

Je ne suis nullement préparée à ce que je vois. Ou plutôt, qui je vois Mon cœur s'arrête soudain de battre. Le petit-fils de Mme Adriel, me regarde avec défi. Il ne paraît pas du tout étonné.

— Intéressant... dit-il alors qu'il me détaille du regard.

C'est le seul mot qui lui vient à l'esprit ? Je lève les yeux au ciel, exaspérée, pour qu'il ne devine pas mon angoisse.

— Intéressant ?! Je dirais plutôt que la situation est choquante ! Qu'est-ce que tu fais là ?! Qui-es-tu ?! Pourquoi tu n'es pas chez ta grand-mère ?! je hurle, hystérique.

J'avale ma salive en attendant qu'il me réponde. Il en met du temps, lidiot. Il doit savourer ce moment. Je m'apprête à répéter ma question, quand il répond enfin.

— Très intéressant.

— Tu n'as jamais ouvert un dictionnaire de ta vie ou tu ne connais que ce mot-là ?! J'ai d'autres choses à faire que t'écouter radoter. Laisse-moi sortir.

— Je pense que c'est plutôt l'inverse. Je ne veux pas te faire de mal, dit-il, d'un air snob.

Avant même que je ne réplique, il me coupe la parole.

— Tu sais qu'être enfermés dans la même pièce signifie qu'on doit se battre, pas discuter de la pluie et du beau temps, n'est-ce-pas ? Je ne veux pas te faire de mal, alors si tu veux bien me laisser passer, répète-t-il.

— Je ne veux pas te faire de mal non plus, Ardalôn.

Il semble surpris par la mention de son prénom. Ah ! Pensait-il que je ne m'en souvenais pas ? Je sais me défendre autant avec une arme que des mots. Malheureusement, il se ressaisit assez vite.

— Si nous ne voulons pas nous blesser mutuellement, je vais pouvoir sortir d'ici avec une conscience nette.

Je croise les bras, prête à répondre par une vanne cinglante, quand je vois sa main bouger d'une façon particulière. Je desserre les bras pour brandir mon arme.

— Qu'est-ce que tu fais ?!

Il lève les yeux au ciel en soupirant comme si le simple fait de me parler ou de me voir lui pesait.

— Je sors, répond-il dun ton narquois.

Sur ses paroles, je sens quelque chose me serrer les chevilles. Je regarde mes pieds, affolée. D'épaisses racines sont en train de s'enrouler autour de mes jambes en une lente progression. Je fusille Ardalôn du regard et je lance mon arme dans sa direction en visant une de ses jambes pour l'immobiliser à mon tour. Il l'évite de justesse et sort des murs, un sourire satisfait au coin des lèvres.

Il ne perd rien pour attendre, celui-là ! Je serre les poings de frustration et de colère. Je me sens humiliée. Je vais sortir et le pourchasser ! Enfin, je le ferai quand je me serai séparée de ses racines. Je les sens monter, plus haut, commençant à s'en prendre à mes cuisses. J'ai beau sauter sur place, donner des coups de pieds ou m'agiter comme une folle furieuse, tout ce que je récolte, c'est une vilaine migraine et des genoux écorchés.

« Il vous reste cinq minutes pour tenter de vous échapper de cette partie du labyrinthe » me lance la voix efféminée de ce mécanisme infernal.

Elle est marrante celle-là, comme si je n'étais pas au courant !

Je n'ai pas accès à mon slard, mon arme dellienne dotée de plusieurs lames. Il aurait dû revenir vers moi comme un boomerang, mais il s'est planté dans l'arbre alors qu'Ardalôn l'évitait. Quelles sont mes options ? Réfléchis, réfléchis !!

Oh, je sais ! Tous les candidats ont un couteau dans une de leurs poches. Je cherche partout en me tâtonnant lorsque je sens un objet dans ma poche arrière droite. Je le retire, persuadée qu'il s'agit du couteau. Bingo ! Maintenant, il me suffit de couper ces stupides racines encombrantes.

Je me baisse avant qu'elles n'atteignent mes hanches et commencent à les scier petit à petit. J'ai l'impression d'essayer de couper de la viande avec un couteau à beurre. Je souffle de rage. Les organisateurs n'ont pas pensé qu'un couteau avec des dents nous serait plus utile !?

Au bout d'une longue minute, j'arrive à trancher la racine gauche. Je pousse un cri de victoire. Seulement, au moment où je m'apprête à faire de même avec l'autre racine, je vois bouger celle que je viens de cisailler. À l'endroit où je viens de scier la racine, deux autres se mettent à pousser et à poursuivre leur chemin vers ma taille. Je commence à paniquer sérieusement. Qui est Ardalôn ? Dame nature ? Argh, ça commence à m'énerver !

Les couper ne semble pas arrêter leur progression. Je dois trouver un autre moyen... Les idées les plus ridicules se bousculent dans ma tête en un temps record. L'eau ne fera que leur donner de la force et je ne suis pas assez souple pour m'en extirper à mains nues. Le feu Je relève la tête pleine d'espoir.

Il me faut un allume-feu et vite. Je tourne la tête dans tous les sens augmentant l'intensité de ma migraine. Je vois à un mètre de moi des feuilles mortes. Ça fera l'affaire. Je me penche désespérément pour en attraper un bon paquet. Mais je commence à perdre l'équilibre et mon regard se fixe sur mes jambes. Elles sont violettes, les racines empêchent mon sang de circuler correctement. Cette vision me donne la nausée. Je dois me concentrer. J'attrape enfin les feuilles et les réduis en poussière. Je les répands au pied des racines qui enserrent ma taille fine de plusieurs tours. Je grimace de douleur en cherchant un combustible de toute urgence.

La seule chose que je trouve est ma bouteille d'eau, coincée dans ma ceinture. La lumière de Titan se reflète dedans. Ça doit marcher, il le faut absolument. Je ne suis pas venu jusqu'ici pour me laisser étouffer par de vulgaires racines.

Je cris de douleur en sentant ces dernières me serrer plus fort, comme si elles lisaient dans mes pensées.

« Il vous reste trois minutes avant d'être disqualifiée ».

Oh taisez-vous ! Ce n'est pas un compte à rebours agaçant qui va m'aider à me concentrer. Je me baisse du mieux que la plante me le permet. J'approche la bouteille des feuilles mortes en laissant le faisceau de lumière qu'elle reflète y pénétrer en un minuscule cercle.

Il faut que ça fonctionne. J'y crois ! Allez encore quelques secondes. Je reste dans cette position tout à fait inconfortable jusqu'au moment où mes membres nont plus assez de force pour me soutenir. Je ne survivrai pas... Je ferme les yeux d'abandon quand je sens une odeur de brûlé. J'ouvre instinctivement mes paupières. Une mince fumée s'échappe du tas de feuilles mortes. Oui, ça marche ! Encore un effort, je vais y arriver.

Ragaillardie de courage, je me concentre pour que ma main ne tremble pas, je me penche dans un ultime effort et souffle sur les feuilles pour alimenter les étincelles et soudain une flamme apparaît léchant avec gourmandise le pied de la racine. Celle-ci se tord de douleur et me fouette le visage.

Les flammes montent de plus en plus haut en carbonisant mes trois assaillantes. Elles se plient et finissent par s'enfoncer dans la terre. Je hurle de souffrance. Les flammes ne brûlent pas uniquement la plante, mais aussi mon pantalon et ma peau. Certaines parties de mes vêtements tombent en lambeaux et les racines vengeresses sortent leurs épines juste avant de retourner là doù elles viennent. Au moment où les racines disparaissent complètement, la voix nasillarde du labyrinthe se fait entendre.

« 30, 29, 28, 27... »

Je me précipite vers le mur qui se déplace pour menfermer dans la salle de torture. Mes jambes me font tellement souffrir que je suis obligée de ramper pour me déplacer, laissant une traînée de sang frais sur l'herbe verte et la terre brûlée. Devant moi, je vois mon arme plantée dans l'arbre. Je me lève péniblement afin de la dénicher, hors de question que je parte sans lui. Je me hisse grâce à l'écorce de l'arbre. Je tire de toutes mes forces, mais je n'arrive pas à le déloger à cause de mes mains moites.

« 19,18, 17, 16... »

J'essuie celles-ci sur le reste de mon pantalon et retente de le décoincer. Cette fois-ci, il sort aisément de l'arbre. Je le remets à sa place dans ma ceinture et je commence à marcher difficilement vers le mur offrant une mince ouverture. Je tombe à bout de forces, la respiration haletante et le cur au bord des lèvres. La lumière qui filtre au travers des pierres est de plus en plus étroite. Je suis si près du but, je n'abandonnerai pas. Puisque je ne peux pas marcher, je me mets à plat ventre et roule jusqu'à la fente du mur qui se rétrécit.

BBBBAAANNNNG.

Le mur vient de se refermer. Je suis du bon côté.

L'épreuve est loin d'être terminée, il faut encore que je trouve la sortie. Si je tombe à nouveau sur un Conquérant, je n'y survivrai pas. J'attends que mes yeux s'accommodent à la lumière intense de Titan tout en reprenant mon souffle.

Après quelques minutes de repos, j'y vois enfin plus clair. Je suis dans un embranchement du labyrinthe entouré de lierres et de lianes. Un mélange assez sordide entre la forêt et la jungle. Je commence à courir me forçant à oublier l'état de mes jambes meurtries. J'atterris dans une sorte de grotte renfermant un immense saule pleureur. Je m'approche doucement de son écorce. Je pousse un cri de surprise.

Un mot est écrit sur celle-ci. On a dû utiliser un couteau aiguisé pour l'écrire. Je commence à le lire par curiosité.

« La sortie est de ce côté →. A ta place, je me ferai confiance, AD »

Comment a-t-il su que j'irai de ce côté et que je verrai son mot ? En a-t-il eu la certitude ou alors a-t-il écrit ce mot sans savoir que je le lirai ? En tout cas ce mot m'est bien adressé puisque les autres candidats ne savent ni lire ni écrire le dellien. Et cet AD, ne désigne qu'une seule et même personne : Ardalôn.

Qu'est-ce qu'il me veut encore ? Ça ne lui a pas suffi de tenter de me broyer les jambes avec ses racines ?

Ce mot est-il une aide ou un piège ? Quoi qu'il en soit, jamais je ne ferai confiance à quelquun qui a essayé de me tuer. Je décide d'aller à l'opposé du chemin quil a indiqué. Et dès que je le vois, je l'étripe.

J'attache mes cheveux en une queue-de-cheval rapide à l'aide d'une feuille de saule pleureur que j'arrache sans aucun scrupule. Soudain, la fine feuille se détache de mes cheveux et enserre mon cou et me coupe la respiration. En hurlant de surprise, j'arrive à l'arracher et à la jeter au loin. Ardalôn est vraiment un psychopathe.

Je cours depuis au moins 10 minutes sans que les murs ne se déplacent. Je trouve ça louche. Et si Ardalôn avait raison et que la sortie se trouvait de l'autre côté ? Je continue de courir malgré tout, en cherchant désespérément une sortie. Je vais devenir folle si je reste une minute de plus dans ce dédale de pierre. Je m'adosse à un mur gris lézardé de fissures et de pierres carbonisées. Des voix me parviennent au bout d'un couloir de pierre sur ma gauche. Je me planque derrière un mur pour qu'on ne m'aperçoive pas. Quand soudain une main se plaque contre ma bouche et mempêche de reprendre mon souffle.

Ont-ils tous décidé de m'asphyxier aujourd'hui ? Je me débats comme une furie, assaillant mon agresseur de coups de pieds et de coups de poings. Il relâche enfin sa main, mais m'empêche de me retourner pour voir son visage. Ce nest pas ce qui minquiète le plus, ce qui mangoisse ce sont les murs qui ne bougent pas pour nous enfermer ensemble.

— Chut ! chuchote-t-il. Nous sommes dans une partie du labyrinthe où les capteurs et les caméras ne fonctionnent plus.

Une sueur froide glisse le long de ma colonne vertébrale.

— La sortie est par là, me dit-il, le doigt pointé vers un chemin à sa droite.

Je remarque à son bras, un bracelet en cuir avec un soleil gravé dessus.

Je hoche la tête pour lui indiquer que j'ai compris. Il me lâche doucement. Je ne sais pas si c'est encore un piège, mais j'ai décidé d'aller dans la direction indiquée. Je suis trop épuisée pour essayer de trouver par moi-même. Chaque pas est une vraie torture et je sens encore le sang chaud courir le long de mes mollets. Je me traîne en m'appuyant contre la pierre immobile des murs qui m'entourent.

Je rentre dans un tunnel très sombre, je ne vois pas à plus d'un mètre devant moi. Je ralentis mes pas pour massurer que les pierres sont solides. Je manque de tomber et me retient de justesse à une encoche dans le mur. Le sol n'est plus palpable. Je m'approche et distingue comme un trait fin qui se balance de gauche à droite. Est-ce une liane ? Hors de question que je traverse. J'ai le vertige, moi !

« Dans dix minutes, les portes du labyrinthe se refermeront ! » lance joyeusement la voix.

Je ne trouve pas ça drôle du tout. Je sais que le vide se trouve à quelques centimètres de moi. Je sais que je n'ai pas le choix. Mon corps le sait aussi. Je vomis le peu de nourriture que mon estomac contient. Je prends ma tête entre mes mains, persuadée que je ne survivrai pas. J'inspire et expire profondément. Je m'accroupis au sol et tente d'attraper le trait virevoltant. Mais ce n'est pas une liane, c'est une corde suspendue à une poulie. Une autre corde fine est tendue dans le vide. Elle sert de passage entre les deux roches plates de chaque côté.

Super, maintenant, ils veulent que je me convertisse en funambule ! Les organisateurs ont vraiment un sens de l'humour que je napprécie pas. Laissant ma fatigue de côté, je saisis le fil suspendu de toutes mes forces et avance sur la corde raide. Mes pieds écartés me permettent de trouver l'équilibre jusqu'à ce qu'une bourrasque me fasse voler comme une poupée de chiffons. En poussant un cri de panique, je m'accroche de toutes mes forces à la corde mobile. J'entends la poulie grincer. Je pose mes pieds sur la corde fixe en m'assurant d'avoir une bonne prise. Je reprends ma marche lente et progressive sur les dix mètres de vide qu'il me reste à franchir, lorsque j'entends un claquement à me crever les tympans. La poulie rouillée cède sous mon poids et je perds l'équilibre. Je me rattrape de justesse à bout de bras à la corde tendue. Mes mains moites commencent déjà à me faire lâcher prise. Ce n'est définitivement pas le moment de flancher.

Je me hisse à en perdre haleine sur la corde pour que mon buste puisse dépasser de celle-ci. Ok, on se reprend, ça va aller. Ne regarde pas en bas, Elwing. Surtout, ne regarde pas. Je me mets doucement en position, en prenant garde de ne pas glisser. J'enroule mes jambes autour de la corde fixe. Et j'avance petit à petit, la tête en bas, jusqu'à la terre ferme.

Grrrrr Grrrrr Grrrrrr

Un bruit de frottement me perturbe à moins de deux mètres de ma destination. Je n'arrive pas à discerner ce que c'est, ni d'où cela vient. L'occultant de mon ouïe et en me persuadant que ce n'est que le bruit léger du vent, j'arrive à parcourir encore un mètre. Mais je sens la corde s'effilocher lentement sous mes doigts. Alors je comprends. Je comprends l'origine du bruit et ça me donne la chair de poule.

Les lames de mon slard ont tranché la corde pendant tout mon parcours et maintenant elle ne tient plus qu'à quelques fils. Je dois être maudite.

Je continue ma progression de peur que la corde ne cède complètement. A chaque fois que je retire une de mes mains pour maccrocher plus loin, mon cœur manque un battement. J'agrippe du bout des doigts l'angle de la pierre plate et je décide de propulser mes jambes vers la terre ferme, à l'aide de la corde. Mais la corde n'existe plus...

Pris d'un violent sentiment de panique et d'un vertige affolant, je crie à l'aide tout en sachant que personne ne viendra. Et je ne pense pas que le gars qui m'a indiqué la sortie ait la gentillesse de sauver une demoiselle en détresse. Ce serait enfreindre le règlement des jeux. Si ça se trouve, il la même déjà enfreint en me guidant jusqu'ici...

J'ai le bras tordu à force de m'agripper à la pierre. Mes mains moites recommencent à glisser. Les larmes commencent à couler sur mes joues. Pourquoi ai-je voulu participer ? Les Conquérants sont bien trop doués comparés à une fille comme moi. Les delliens n'ont pas leur place parmi eux. C'est une évidence.

Je ferme les yeux, décidée à baisser les bras, quand une image se forme dans mon esprit. Je revois le sourire satisfait d'Ardalôn. Je soupire de colère. Je ne peux pas abandonner. Je dois lui prouver qu'il na pas réussi à m'anéantir.

Avec un cri désespéré, je me hisse jusqu'en haut à l'aide d'une force qui m'est inconnue. Une fois entièrement sur le sol, je respire un bon coup et éclate de rire. Je ris pendant un moment qui me semble durer une éternité lorsque la voix me ramène à la réalité.

« Cinq minutes avant la fermeture complète du labyrinthe ».

Je me relève brusquement. Ce n'est pas encore fini. Je vois les lumières au bout du tunnel. Soit, je suis en train de mourir d'épuisement, soit c'est la sortie. Et pour m'en assurer, je dois l'atteindre. Je cours, je cours sans marrêter. Des cris triomphants me parviennent. Oui, j'ai trouvé la sortie !

J'ai l'impression d'entendre Luther clamer mon nom. Je cours encore de toutes mes forces et lorsque je suis pleinement sorti du tunnel sans fin, mes yeux se ferment et je me sens tomber.

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