La journée promet d'être radieuse. Les premiers rayons de soleil filtrent à travers les volets bancales et usés, venant réveiller doucement Haymitch Abernathy d'un sommeil agréable, quoique légèrement agité. Il ouvre les yeux, grogne lorsque la luminosité matinale lui agresse les pupilles, puis se lève délicatement du lit, prenant soin de ne pas réveiller la jeune fille allongée à ses côtés. Il lui adresse un regard tendre, puis enfile les mêmes vêtements que la veille avant de se diriger en direction du salon.

Sa mère est déjà sur pied, préparant un petit déjeuner exceptionnellement consistant : miches de pain frais – la simple odeur chaude fait saliver le garçon – baies sucrées et même, chose assez rare, un petit fromage de chèvre coulant. Haymitch salue sa mère, qui dépose ses lèvres sur le haut de son front. D'ordinaire, il n'est pas friand de ces gestes d'affection – qu'il accepte uniquement venant de Julia, son copine – mais aujourd'hui, il ne dit rien. Il sait parfaitement que, comme chaque année, elle n'a pas dormi de la nuit, comptant et recomptant dans sa tête le nombre d'inscriptions de son fils qui seront placés dans l'urne le lendemain.

Haymitch a 16 ans, il a donc d'office cinq inscriptions attitrés, à cela s'ajoutent les tesserae qu'il a acheté pour subvenir aux besoins de sa famille – bien que sa mère ait au départ strictement refusé, un hiver particulièrement tenace a fini par la résigner il y a un an de cela. Ses inscriptions montent donc à ce jour à vingt-quatre. Pour un garçon de la Veine, ce n'est pas beaucoup, certains de ses camarades savent leur nom inscrit plus de trente fois. Haymitch se sait chanceux d'avoir une mère forte qui, malgré la mort de son mari deux ans auparavant, a su garder la tête haute et continuer de travailler en tant qu'institutrice. Le revenu de sa mère, doublé des tesserae d'Haymitch, leur permettent de se débrouiller pour vivre à trois, en comptant son petit frère de 10 ans.

Haymitch et sa mère sont bien vite rejoint par le petit frère qui, exceptionnellement – jour de la Moisson oblige – ne se rend pas à l'école aujourd'hui. Il est encore partiellement endormi et baille longuement en s'asseyant à la table mais semble reposé. Sa vision apaise Haymitch qui entame une discussion joviale avec lui, parlant de tout – sauf de ce qui allait se produire dans quelques heures. Julia apparaît plusieurs dizaines de minutes plus tard, salue la mère d'Haymitch puis informe ce dernier qu'elle doit rentrer chez elle pour se préparer. Le garçon lui répond nonchalamment qu'il a hâte de la voir dans sa belle robe réservée aux jours de Moisson. Elle sourit, lui plante un baiser sur les lèvres, puis quitte la maison. Le cœur d'Haymitch se sert lorsqu'il voit la silhouette de celle qu'il aime franchir le seuil de la porte puis disparaître. Julia a neuf inscriptions, son grand frère la protégeant partiellement des tesserae – bien qu'elle ait dû se résoudre à en prendre à partir du moment où celui-ci n'avait plus l'âge de participer aux Moissons.

Haymitch n'a jamais eu peur d'être tiré au sort, il s'est résigné à accepter son destin et, s'il fallait que son nom soit tiré, il ne laisserait pas la satisfaction au Capitole de percevoir sa peur. En revanche, chaque année, une crainte sourde lui soulevait l'estomac et l'empêchait d'assister sereinement à la Moisson : il a peur pour Julia, sa tendre Julia. Il a déjà rêvé avec effroi qu'elle est désignée tribut, envoyée dans l'arène et saignée à mort. Il s'agit sans doute à ce jour de sa plus grande crainte, son petit frère n'ayant pas encore l'âge de participer. Il a déjà réfléchi à l'éventualité où Julia serait tirée au sort. Il pourrait se porter volontaire à la place d'un gamin, l'accompagner au Capitole, puis dans l'arène. Là-bas, il serait en mesure de la protéger puis, en temps voulu, il tirerait sa révérence et la laisserait gagner. Cependant, il ne peut se résoudre à laisser sa famille, il sait que ses inscriptions lui permettent de garder pied pendant les hivers effroyables que peut connaître le District 12. Il s'est donc décidé de prendre une décision sur l'instant, si la situation se présente. Jusqu'à là, il n'a pas eu besoin de se poser la question, grand bien lui fasse.

L'heure de la Moisson arrive vite et Haymitch, l'estomac étonnement plein, quitte son domicile pour rejoindre la foule d'autres jeunes se dirigeant vers la grande place pour signer le registre. Il retrouve sans mal Julia, magnifique dans sa robe bleu clair, et ils se dirigent ensemble jusqu'au lieu de rassemblement. Elle lui tient fermement la main, et il la lâche seulement pour signer une feuille que lui tend un Pacificateur au visage implacable. Il jette un furtif regard autour de lui, toujours un brin impressionné par le changement d'ambiance occasionné par la Moisson chaque année. La place d'ordinaire pleine de vie, encadrée de marchands et de bruits, est aujourd'hui silencieuse, décorée de larges bannières du Capitole et le garçon repère des caméras qui ne rateront pas une goutte du tirage au sort. Ils mettent un point d'honneur à filmer en temps réel les réactions des familles dont les enfants ont été désignés comme tributs. Haymitch déteste cette partie-là.

Julia et lui rejoignent les jeunes de leur âge dans le secteur qui leur est réservé. Chaque année, ils se retrouvent plus proche de l'estrade, les enfants étant parqués par âge pour l'occasion. Il sent indéniablement l'ambiance angoissée des autres personnes autour de lui mais il essaye de ne pas se laisser aller à la panique. A la place, il se focalise sur le contact chaud des doigts de Julia contre les siens. Il lui lance un regard qu'il veut rassurant. Elle lui sourit timidement.

L'horloge de la ville sonne les deux heures. Le maire du District – un vieil homme au crâne dégarni plutôt sympathique, commence son discours, mais Haymitch ne l'écoute pas. De toute façon, c'est toujours le même. Il passe en revue le podium. Les deux vasques contenant les noms de tous les enfants du District sont positionnées de part et d'autre du maire. Il est accompagné de la présentatrice venue du Capitole, qui se chargera d'énoncer les noms des tributs et dont il a mangé le nom. Il ne peut s'empêcher de la trouver hideuse, dans sa robe d'un rose agressant et sa perruque tout aussi colorée. Les gens du Capitole le répugne au plus haut point, il espère bien pouvoir se tenir à distance de chacun d'entre eux jusqu'à la fin de sa vie. Une troisième et dernière personne se trouve sur la scène : Darren Morton, un ancien vainqueur des Hunger Games issu du District 11, qui pour on ne sait quelle raison a accepté de prêter main forte aux tributs du 12, dont le District ne compte malheureusement aucun vainqueur encore en vie. Haymitch n'était pas né lorsque l'homme, maintenant âgé d'une cinquantaine d'années, a remporté les Jeux. Ces derniers ne sont pas souvent rediffusés, si bien qu'Haymitch ne connait rien concernant cet homme.

La seule variante de cette année, qui vient enrichir le discours du maire, est l'annonce de l'Expiation. Cette année, quatre tributs du District 12 seront tirés au sort et envoyés dans l'arène. L'annonce a été faite hier, lors d'une diffusion obligatoire du Capitole. Haymitch n'a pas réagi à cette information, alors que sa mère a laissé échapper un glapissement de terreur. Pour lui, ça ne change rien. Ses chances, comme celle de Julia, d'être tiré au sort, sont toujours minimes, mais existantes. C'est tout ce qu'il a retenu.

Le maire finit son discours en présentant Salvina Lowe, la femme à l'affreuse perruque. Elle adresse un sourire forcé à la foule et Haymitch la trouve hypocrite. Elle s'avance presqu'en sautillant jusqu'au micro avant d'annoncer, d'une voix excessivement guillerette :

« -Les dames d'abord ! »

Il raffermit son étreinte sur la main de Julia, sans se tourner vers elle. Il ne veut pas qu'elle voit la peur dans ses yeux. Il se contente de fixer résolument le bocal contenant tous les prénoms et prier de toutes ses forces de ne pas entendre le nom de Julia résonner dans la grande place.

« -Flavie Blake ! »

Haymitch reconnaît le prénom et se sent coupable d'éprouver une brève vague de soulagement. Flavie est une fille qui habite près de chez lui, dans la Veine. Elle a un an de moins que lui et ils ont déjà suivi quelques cours ensemble, à l'école. Il la voit s'avancer jusqu'à l'estrade. Elle est livide et ses yeux sont humides, mais il constate qu'elle prend sur elle pour ne pas laisser de larmes couler. Salvina l'accueille avec un sourire faux, puis replonge sa main dans l'urne. Haymitch serre ses lèvres, ayant presqu'oublié que cette année, ce sont deux jeunes filles qui risquent la mort. Il ferme les yeux, retient son souffle.

« -Maysilee Donner ! »

Encore une fois, il connaît le prénom mais il n'en a que faire. Julia ne fera pas partie des Hunger Games cette année et il ressent un puissant soulagement qui l'étourdit pendant plusieurs minutes. Il est tiré de sa léthargie lorsque le nom du premier garçon est annoncé :

« -Nash Atkins ! »

Il reporte son attention sur le podium et voit les deux tributs filles se tenir l'une à côté de l'autre. Maysilee est fille de marchands, elle est bien nourrie, costaude et a le regard déterminé. A côté d'elle, la pauvre Flavie, maigrelette et tremblante, fait peine allure. Elles sont rejointes par le dénommé Nash, qu'Haymitch ne connaît pas. Il est quelconque, probablement fils de mineurs. Il a le teint pâle et le regard éteint.

Salvina tend pour la quatrième et dernière fois son bras à la recherche d'un petit papier. Haymitch suit vaguement le papier sélectionné des yeux, mais ça ne l'intéresse pas vraiment. Julia est en sécurité, et c'est tout ce qui lui importe. Enfin... jusqu'à ce que le nom du dernier tribut résonne dans les airs.

« -Haymitch Abernathy ! ».

*

Hello, vous allez bien ? Votre rentrée s'est bien passée (pour celles et ceux qui l'ont déjà eu) ? Pour moi, tout roule !

Donc aujourd'hui, c'était un petit chapitre sur la Moisson, le début crucial des Jeux chaque année. J'espère qu'il vous a plu, n'hésitez pas à laisser des commentaires si l'envie vous en prend et me dire ce que vous en avez pensé !

Vous aurez remarqué que je me lance sur un tout autre style que ma fanfic HP (pour celles et ceux qui l'ont lu) puisque j'écris au présent et à la troisième personne du singulier. J'espère que ça rend bien, c'était un peu perturbant d'écrire comme ceci au départ mais je m'y suis vite habituée.

Allez, j'arrête de papoter et je vous laisse votre dimanche en paix. Bonne journée, et à la semaine prochaine pour le deuxième chapitre <3

PetitKoala