T R EN T E

- Ne me regardez pas comme ça, Alfie, marmonne Louis avant de planter ses dents dans un croissant. Ce n'est pas du tout ce que vous croyez, on n'a strictement rien fait.

Le majordome hausse les sourcils, perplexe. C'est sûr que quand deux mecs se retrouvent à moitié nus l'un sur l'autre, prêts à s'embrasser, c'est tout simplement le plus grand des hasards qui est à blâmer.

- Alfred, soupire Louis en retenant un rire, le goût du beurre et du sucre glissant sur sa langue.

- Vous croyez que vous n'êtes que des amis, tous les deux ? demande le plus âgé, intrigué. Il y a quelque chose entre vous, et c'est bien au-delà de l'amitié. Pensez-vous vous en rendre compte un jour ? Au lieu de vous tourner autour, de vous chercher, et de vous... faire attendre.

Louis baisse les yeux, se remémorant les mots d'Harry juste avant qu'Alfred ne débarque dans leur chambre. C'était clairement une première dans sa vie... Il a accepté ce qu'il ressent pour le bouclé, et c'est réciproque. Mais ça le terrifie.

- Le père d'Harry avait une devise, déclare Alfred en s'asseyant confortablement, souriant comme toujours. Il disait qu'un jour, un éclair l'avait frappé et que l'amour en avait été le tonnerre. Il n'y avait pas plus niais, rit Alfred en entraînant Louis avec lui. Mais sa femme adorait, murmure le majordome. Tous les deux, ils savaient qu'à la fin de la journée, ils voulaient ce qu'ils voulaient et disaient ce qu'ils disaient. Ils suivaient leur coeur, peu importe s'il allait se briser. S'ils avaient appris quelque chose de leurs milliers d'erreurs, c'était ça. Vous aimez qui vous aimez, et vous désirez ce que vous désirez. Rien ne pourrait y changer quelque chose. 

- Ce n'est pas toujours aussi facile, je suppose.

- La facilité est affaire de perspective, Louis. Si on a le cran de le faire, si on a l'intelligence de le faire... alors tout peut être facile.

- Ce serait donc stupide de décevoir Harry ? ironise le blond. Je le décevrai, dans toute sa gloire et dans toute sa beauté. Ce qui est intelligent, c'est de ne pas recoucher avec lui. Jamais.

- Ce n'est pas la question, et ça c'est complètement stupide. Et puis de toute manière, tu ne veux pas recoucher avec lui...

Louis est surpris par le fait qu'Alfred le tutoie et le regarde dans les yeux. Putain, ce vieux va lui retourner le cerveau au moins autant qu'Harry. Il veut coucher avec Harry, non ? Non.

- Je...

- Baiser ou faire l'amour, rappelle-toi. Tu es assez grand pour comprendre la différence.

Louis s'apprête à répliquer mais les yeux bleus d'Alfred se posent sur Harry qui approche derrière lui. Le bouclé enroule ses bras autour du cou de Louis pour l'embrasser sur la joue et mordre l'espace d'une seconde le lobe de son oreille. Le blond reste sidéré et déglutit difficilement alors qu'Harry semble irradier de bonheur en s'asseyant à côté de lui. Alfred sourit, il espère les marier un jour, avant de mourir, ça serait... cool. Il veut voir Harry, sa famille, être heureux auprès de quelqu'un qui veillera sur lui.

- Alfred, on fait quoi aujourd'hui ? se réjouit Harry en tendant la main vers son ami aux cheveux gris.

Le majordome sourit en faisant un shake au bouclé puis boit une gorgée de son thé.

- Etant donné que vous êtes restés au lit toute la matinée, il n'y a pas moyen d'aller à la Tour Eiffel à cette heure-ci, se plaint-il. Une simple ballade dans les rues pourrait être agréable, il fait bon en plus.

- Superbe ! Pas besoin de râler, Grand-père, sourit Harry en se levant pour aller chercher une pomme.

Alfred manque de s'étrangler avec sa boisson. Il l'a appelé Grand-père ? Etait-ce un surnom amical pour personne âgée ou... Grand-père ? Surement le premier, oui. Louis observe attentivement le visage d'Alfred chercher à comprendre ce qui vient de se passer, et il trouve ça attendrissant. Harry n'a pas insisté sur le mot Grand-père, il l'a presque soufflé sur la fin, prouvant que ce n'était pas une plaisanterie de plus. Et c'est bien ce qui a perturbé Alfred.

- Lou, tu veux que je te fasse un café ? demande Harry en relevant à peine la tête.

- Hm ? Oh oui, oui si tu veux.

Harry lui lance un immense sourire qui manque de le faire s'étouffer avec sa bouchée de croissant. Alfred pouffe légèrement et Louis lui renvoie un regard noir qui le calme immédiatement. Le blond se lève pour aller se servir un verre d'eau, la sensation désagréable d'avoir une miette collée à son palais. Il boit son verre le temps que le café remplisse la tasse puis sursaute quand Harry se glisse juste derrière lui.

- Tiens, souffle le brun en posant le café sur la plan de travail.

Les souvenirs de ses premiers cours de cuisine entre la table et Harry lui reviennent en mémoire et Louis s'y perd, encore une fois. Les lèvres du bouclé se posent dans son cou, le plus tendrement du monde. L'étrange impression de faire partie de la réalité le frappe encore, comme à chaque fois qu'Harry lui accorde son entière attention.

- Tes cheveux deviennent longs, Peluche, murmure-t-il contre sa peau.

Louis est trop enivré pour répondre. Le tatoué s'éloigne en souriant, rejoignant Alfred.

- Je vais l'étrangler s'il continue à faire des trucs comme ça, marmonne Louis en prenant sa tasse pour le suivre.

Avec un sourire amusé, Alfred repose ses yeux sur son journal mais il rencontre des difficultés à le lire : c'est en français. Il le pose au coin de la table en râlant, tandis que la main d'Harry, elle, se pose sur la cuisse de Louis qui vient de s'asseoir près de lui. Tous deux jouent les innocents, l'un croquant dans sa pomme, l'autre buvant distraitement son café, mais le majordome remarquent bien les doigts du blond qui viennent s'emmêler à ceux du brun.

Éveiller leur complicité la plus absolue : Réussi. ✔


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