T R E I Z E

Avachi au milieu d'une ribambelle de coussins étalés sur le sol et ajustant l'écouteur dans son oreille droite, Harry lève soucieusement les yeux vers le corps de Louis, allongé et endormi dans son lit. Le faux blond semble s'être apaisé, sa respiration est lente et assoupie. Satisfait et rassuré, le brun pose de nouveau son attention sur l'écran de l'ordinateur installé sur ses cuisses. Un plaid enroulé sur ses épaules, il dévore avec adoration les scènes cultes qui s'enchaînent et les répliques choc qu'il connait depuis des années. Le quatrième opus de la saga iconique ALIEN, intitulé Résurrection, est son préféré bien qu'il soit sujet de nombreuses critiques et controverses, principalement menées par Alfred qui a toujours détesté cette atmosphère oppressante et humide, gluante de sang et de peau déchirée. 

Au début du film, l'héroïne est sédatisée, profondément anesthésiée pour que l'embryon alien qui grandit dans son corps soit retiré. A son réveil, elle découvre du bout de ses doigts une cicatrice nette et longiligne sur sa poitrine, entre ses seins, et bien que cette scène ait toujours été l'une de ses favorites, Harry frissonne en la visionnant. Ce soir, il ne l'aime pas. Peu à peu, il se détache de ce film qu'il n'a jamais négligé. Pendant presque une heure, il entend les voix des acteurs dans son oreille, sans les écouter vraiment ; son esprit s'est vaguement perdu dans les images des cicatrices de Louis. Le médecin a parlé de marques dans son dos en plus de celles sur ses côtes. Les images tournent dans la tête du bouclé et ses pensées divaguent, imaginent milles circonstances dans lesquelles elles auraient pu venir s'ancrer à sa peau claire.

Que lui est-il arrivé ? 

Des bruits étouffés ne provenant pas de ses écouteurs le tirent de ses réflexions. Harry les enlève en vitesse en fronçant les sourcils et comprend avec inquiétude que c'est Louis. Il se lève subitement du sol pour grimper sur le grand lit, alarmé. Il observe le blond bouger dans tous les sens, emmêlé dans les draps, gémissant des mots qu'Harry ne saisit pas tout de suite. Il claque fermement des doigts pour enclencher la lumière automatique, dévoilant le visage terrorisé et brillant de larmes de Louis. Ne sachant pas si le toucher, le réveiller, il s'approche néanmoins de lui.

- Louis ? murmure-t-il en passant sa main dans ses mèches humides. Louis.

- Me touche pas... Me touche pas... S'il te plaît... Pas là... Arrête... Papa ! Papa, me touche pas...

Sa voix est gémissante et agonisante tandis qu'il se tord dans tous les sens, un film scintillant de transpiration recouvre sa peau. Harry, effrayé, remue le blond par l'épaule.

- Louis, réveille-toi !

- ARRÊTE ! crie-t-il en ouvrant des yeux désorientés et paniqués. H-Harry ? Qu'est-ce que...

- Respire, calme-toi, calme-toi, chuchote-t-il en lui offrant un sourire rassurant. C'est moi. Tu ne risques rien.

A ces derniers mots, Louis se renfrogne en retirant sèchement la main chaude d'Harry de son avant-bras.

- Laisse-moi tranquille ! gronde-t-il en s'éloignant de lui.

- Louis.

- Je suis pas faible, je sais me défendre contre les monstres sous mon lit, crache-t-il en lui lançant un regard noir toujours brillant de larmes.

- C'est pas moi qui faisais un cauchemar ! se vexe Harry.

- Je m'en fous de toi ! Pourquoi tu t'acharnes, hein ? Je ne suis rien ! Je ne suis rien pour toi ! ALORS POURQUOI ? crie Louis tandis qu'il sent tous ses nerfs le lâcher. Pourquoi tu me fous pas la paix... pleure-t-il.

Il lui semble si dévasté, si incompris ; un héros qui s'éveille d'une longue, longue anesthésie et qui découvre toutes ses cicatrices. Harry n'a jamais vu quelque chose d'aussi monstrueux. Lui qui vit chaque seconde comme une fête et s'éclate toutes les nuits depuis des années, il est durement frappé par la détresse intense et démesurée que dégage Louis. Elle est cuisante, elle est violente. Et Harry est fasciné. Il veut comprendre cet homme, tout ce qu'il est et tout ce qu'il pourrait être, tout ce qu'il a été et tout ce qu'il sera. Il se rappelle les mots d'Alfred, plus tôt dans la soirée.

Sa main effleure de nouveau celle de Louis, qui sursaute sous la tendresse du geste, et il attire le garçon brisé contre lui. C'est extrêmement lent, extrêmement incertain, comme un premier baiser le serait. Leurs regards se rencontrent enfin, hésitants et en détresse. Ils sont alors aussi perdus l'un que l'autre. Doucement, Louis se laisse aller contre le beau brun, et libérant ses dernières larmes, il cherche à s'accrocher à lui, à son t-shirt mais le bouclé est scandaleusement torse nu. Alors ses doigts effleurent timidement et en vain la peau lisse et brûlante du tatoué, qui vient encercler de ses bras forts son corps amaigri. Il claque des doigts sans un mot et la lumière s'éteint, disparaît progressivement autour d'eux. Harry se laisse tomber en arrière, entraînant gentiment Louis avec lui. Le blond reste songeur et mal à l'aise quelques minutes puis le rythme régulier des battements du coeur d'Harry le berce en secret. Pour ce soir, il a le droit de se dire qu'il ne bat que pour lui. A cette idée rêveuse et voilée de sommeil, il se blottit contre le corps rassurant du bouclé, et il s'endort au bout de quelques minutes, savourant les caresses que les doigts d'Harry laissent sur sa peau et les frissons qu'ils provoquent en jouant avec ses cheveux.

Ne pas dormir dans ses bras : Échoué. ❌

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