S O I X A N T E - D E U X

Il est 01:22.

Lucy dort profondément dans les bras de Chrissie. Dans leur chambre, Harry et Louis n'arrivent pas à dormir bien qu'ils soient fatigués. Le premier a une folle envie de faire l'amour mais essaie tant bien que mal de penser à autre chose, tandis que le deuxième n'aime pas l'odeur des draps et vient nicher son nez dans le cou du premier qui... ne pense toujours qu'à être nu contre l'autre. Oui, Harry est clairement en manque. Ça fait environ quatre mois qu'il n'a couché avec personne, depuis l'arrivée de Louis dans sa vie. Et il rêve d'enfin redécouvrir le corps du faux blond.

De l'autre côté du couloir, Alfred est assis sur le bord de son lit. Le sommeil ne le gagnera pas cette nuit. Et puis, il y a cette alliance abandonnée sur la table de chevet. Elle lui donne envie de fuir en courant, de pleurer, de rire... Il se rappelle tellement de choses, et ses yeux bleus ne peuvent se détacher du bijou. Il va lui faire perdre la tête. Alfred se lève alors et enfile sa chemise noire en soupirant. Il a besoin de boire. Et de regarder les étoiles.

Discrètement, il ouvre la porte de sa chambre, jetant un oeil pour s'assurer que tout le monde dort, puis il descend en silence au rez-de-chaussée. Il grimace et sursaute lorsqu'il marche sur plusieurs perles qui traînent par terre puis sourit en ralentissant pour faire plus attention. Arrivé en bas, il essaie de trouver une bouteille d'eau qui serait restée sur une table ou un meuble mais ne voit rien et marmonne dans sa barbe.

C'est alors qu'il voit Liam. Étalé de tout son long sur le canapé, ce qui lui arrache un sourire. Un sourire qui s'évade plus Alfred observe le dos nu du jeune homme. Il n'a jamais trouvé ses tatouages plus fascinants que ce soir, dans la pénombre, et les courbes de ses muscles lui paraissent presque parfaites. Il devrait poser pour les artistes de son université. Seraient-ils capables de lui rendre justice ? Gêné, Alfred détourne le regard et pose alors les yeux sur une bouteille d'eau, posée au pied du canapé. Liam lui pardonnera sûrement d'en avoir bu quelques gorgées.

Il s'approche et attrape l'eau tout en se dirigeant vers l'immense baie vitrée du salon qui couvre tout un mur. L'ex-majordome adore ce genre de fenêtres ouvrant sur de grands jardins et offrant une large vue sur le ciel ; c'est toujours délicieusement beau.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demande tout bas Liam, qui est réveillé depuis qu'Alfred est descendu.

Ce dernier se retourne en buvant une gorgée.

- Je ne voulais pas te réveiller, s'excuse-t-il.

Liam est toujours allongé sur le ventre, sa tête posée sur ses bras croisés. Alfred observe une seconde le jeu d'ombres qui est tracé sur sa peau et ses muscles. L'idée que Liam est à la fois artiste et oeuvre d'art lui traverse l'esprit.

- Je ne dormais pas, le rassure gentiment Liam. Le canapé n'est pas si confortable, avoue-t-il.

- Oh... sourit Alfred. Mon lit, ce n'est pas ça non plus, ment-il en regardant de nouveau les étoiles pour ne pas laisser ses yeux traîner sur Liam. Et j'avais besoin de boire un peu.

Liam étudie à son tour l'ombre de l'homme aux cheveux blancs, et avoue en souriant qu'il adore sa chemise. Tout ce qu'il porte lui va si bien, il a des airs d'homme d'affaires milliardaire. Durant un temps qu'aucun d'eux ne compte, les deux hommes restent silencieux. Le regard pétillant de Liam ne lâche pas Alfred, qui se sent étrangement bien, comme déconnecté du monde, seul aux côtés de Liam et des ombres.

- Tu avais les cheveux de quelle couleur ? demande le plus jeune, banalement.

Alfred se tourne, amusé.

- Je les ai toujours eu gris, affirme-t-il avec un sourire. Déjà jeune, je les avais argentés, et puis... j'ai fini par ressembler au Père Noël.

Liam rit franchement, cachant son visage pour empêcher qu'on l'entende à l'étage.

- Non... Non, tu ressembles à Gandalf, le corrige-t-il.

- Je te remercie, Liam, ironise Alfred.

- Je t'en prie, murmure le brun, les yeux toujours rivés sur lui.

A travers la pénombre, leurs regards se croisent. Aucun ne semble vouloir poser les yeux sur autre chose ; le reste du monde s'efface, et Liam sourit légèrement quand Alfred baisse enfin les yeux, avant de le regarder de nouveau, une seconde à peine.

- Ne me regarde pas comme ça, souffle Alfred, la voix brisée et presque désolée.

- Je te regarde comment ? ose Liam, sachant pertinemment comment, et ne bougeant pas d'un cil.

- Comme lui, avoue enfin le plus âgé, apparemment nerveux de prononcer ces mots.

- Parle-moi de lui.

- Liam.

- Alfred...

- Ne fais pas ça.

- Il était drôle ? Il était beau ? demande tendrement le brun.

Alfred appuie son épaule contre la vitre, serrant la bouteille entre ses doigts. Il n'en peut plus... Ses souvenirs sont un fardeau terrible qu'il n'a jamais cessé de porter.

- Il était très beau... déclare-t-il en levant les yeux vers les étoiles.

- A quoi il ressemblait ? 

- A toi, soupire-t-il en sentant les mots vouloir se bousculer sur sa langue. Je le connaissais depuis mon arrivée à Annandale, j'avais vingt-cinq ans. En descendant du bus, j'avais laissé tomber ma valise sur son pied. Et elle était énorme, je t'assure.

Liam sourit, écoutant avec intérêt.

- C'est comme ça qu'on s'est rencontré. Pour me faire pardonner, je lui ai offert un café. Mais je ne connaissais rien à Annandale, alors il m'a fait visiter la ville. Il s'appelait Elisio. On est rapidement devenu les meilleurs amis du monde. 

- Pourquoi tu venais à Annandale ? 

- J'allais me marier, souffle Alfred après quelques secondes.

Liam reste sidéré un instant.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? 

- Ma fiancée tenait absolument à se marier à Annandale, parce que c'était là que ses grands-parents s'étaient mariés des années auparavant. Ils étaient adorables. Le couple le plus uni que j'avais rencontré jusqu'à présent. Ils allaient nous héberger pour quelques mois, le temps de préparer l'événement. Elisio venait presque tous les jours, et au final, j'organisais mon mariage davantage avec lui qu'avec ma propre fiancée. Et, éventuellement, je m'arrangeais pour retarder les festivités.

Alfred se tourne vers Liam, toujours allongé.

- Je ne voulais plus me marier, Liam. 

- Mais tu t'es marié ?

- Non... Elisio était mon témoin, et il n'est pas venu. J'étais le marié, et je suis parti. Au moment de prononcer mes voeux. Je l'ai retrouvé chez lui, il était si surpris que j'apparaisse, mais si heureux quand je lui ai dit que je n'étais pas marié. On a passé la nuit ensemble, et les trois suivantes. C'était la première fois, en fin de compte, que je tombais amoureux.

Liam se redresse et s'assoit.

- Pourquoi vous n'êtes plus ensemble ? 

- Après avoir laissé une fiancée anéantie devant l'autel, tout ça pour finir avec un homme, on m'a pointé du doigt pendant de longues années. Les seuls qui ont voulu m'offrir un emploi ont été les Styles. Majordome. Pas le métier de mes rêves, mais c'était très bien payé, et j'étais respecté. Les années ont passé, et Elisio et moi étions le couple idéal. Notre histoire était une réussite et les gens semblaient oublier ce que j'avais fait à ma fiancée. Oui, plus de vingt-cinq ans ont passé... Et Harry est né. Ce petit garçon était un rayon de soleil, et ses parents, qui auraient mérité le monde à leurs pieds, sont morts alors qu'il avait à peine cinq ans. Une fuite de gaz au restaurant... Tout a explosé.

Liam réalise.

- L'explosion du Delight Palace... souffle-t-il. 

- Exactement... Alors un choix s'offrait à moi. Soit je partais avec Elisio, qui me suppliait depuis près d'un an de quitter Annandale pour aller vivre en Italie, soit je restais, et je veillais sur Harry.

- Tu... 

- J'ai choisi, encore une fois, quelqu'un d'autre que la personne avec qui j'étais censé rester toute ma vie.

- Tu as choisi Harry...

- J'ai choisi Harry, répète Alfred, les yeux rivés sur les étoiles. Je vis avec ce choix depuis près de vingt ans. Et quand j'ose regretter, je regarde Harry. Et tout prend son sens. 

Des larmes s'échouent sur ses joues.

- Harry est mon miracle, ma seule famille. Je ne regretterai jamais de l'avoir choisi. Absolument jamais. J'étais fou d'Elisio, c'est pour ça que je l'ai laissé partir... Il ne méritait pas quelqu'un comme moi, il méritait d'être heureux, là où il voulait, avec qui il voulait. Harry est le seul que je n'ai jamais abandonné, et je fais tout ce que je peux, tous les jours, pour le mériter.

- Alfred... murmure Liam en se levant pour le rejoindre. Regarde-moi bien. Tu as choisi Harry, et Elisio a choisi l'Italie. Il ne t'a pas choisi non plus. Tu n'as pas à t'en vouloir.

Le brun pose sa main sur la joue d'Alfred, essuyant ses larmes.

- Et si tu étais parti en Italie, Harry aurait été un enfant brisé, il n'aurait jamais rencontré Louis, et je ne t'aurais jamais rencontré non plus. Et rencontrer Gandalf, c'était mon rêve...

Alfred rit doucement avant de respirer profondément.

- Dis-moi ce que j'ai de différent de lui... murmure Liam, les yeux brillant.

L'homme aux yeux bleus le regarde, l'éclat des étoiles scintillant dans ses iris.

- Tu es .

Garder des secrets, et les partager : Réussi. ✔

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