S E P T
Chaudement emmitouflé sous le plaid d'Harry, roulé en boule comme un enfant épuisé, Louis se sent mieux. C'est le mieux qu'il se soit senti depuis des années. Il est inondé de la douce impression de retomber dans les bras aimants de sa mère. Tout autour de lui, la grande chambre est parcourue inlassablement d'une odeur de filaments de sucre, mêlée au parfum masculin et métallique de son hôte. C'en est perturbant ; le grand bouclé est à la fois une chose étrange et douce, et une autre plus sombre et forte. Une sucrerie endiablée. Une sculpture souriante. Un tatouage d'aquarelle. Louis a bien envie de rester allongé ici, toute la journée, dans cette atmosphère au goût d'éden. Soudainement pris d'une panique abrupte, il se redresse pour découvrir l'heure sur son téléphone. 14h15. Son premier rendez-vous est dans une trentaine de minutes.
Rapidement rattrapé par de ténus vertiges, il se lève en piétinant à la recherche de ses chaussures déposées sur le sol, puis balaie d'un regard dégoûté le plateau argenté chargé de nourriture, posé sur la table de nuit. L'idée d'avaler, d'ingurgiter quelque chose lui donne envie de vomir. Encore. Ses vieilles Converses à ses pieds, il sort de la chambre aux odeurs enivrantes et passionnantes, et ne tarde pas à trouver l'escalier qui conduit au rez-de-chaussée. De plus en plus forte, la voix d'Harry résonne avant de parvenir distinctement à ses oreilles ; il parle visiblement à quelqu'un. Un frisson lèche lascivement l'arrière de son cou à l'entente de cette voix brûlante, alors Louis court presque vers la porte d'entrée, rageant contre lui-même. C'est clair qu'il n'avait rien d'autre à faire que roupiller toute la journée chez un... inconnu. Son garagiste. Avec lequel il s'est envoyé en l'air. Dans une voiture. Récemment.
- He ! l'appelle Harry en fronçant les sourcils. Où est-ce que tu vas comme ça ?
A grandes enjambées, il se précipite aux trousses du blond qui ouvre déjà la porte pour s'échapper.
- Je dois me barrer, j'ai du boulot.
Derrière lui, la voix agacée du beau brun s'accroche à ses tripes.
- Oh, je t'en prie, n'dis pas merci surtout !
Refusant de laisser son corps s'extasier une minute de plus, Louis claque violemment la porte mais perd toute sa détermination en une seule seconde. Devant lui, le quartier est coiffé de pluies torrentielles. Il pleut des cordes, et Louis n'a aucune idée d'où il se trouve. Il reconnaît vaguement, peut-être, mais sans plus. L'incapacité de rentrer chez lui l'assaille de plein fouet. Et en plus, il n'a pas de voiture.
- Oh génial.
Derrière lui, la porte s'ouvre brusquement. Harry se calme dès qu'il comprend que le blond n'est toujours pas parti alors il s'appuie nonchalamment contre l'encadrement. Louis lui se retourne, désespéré, les bras ballant. Le visage du prince aux yeux verts est sombre et impossible à fixer, comme une éclipse exceptionnelle, et il paraît plus intimidant encore lorsqu'il croise ses bras sur son torse. Il a enfilé un débardeur blanc, très fin, laissant entrapercevoir la multitude de dessins ancrés à sa peau lisse. Les muscles saillants de ses bras donnent de superbes courbes à ceux qui les couvrent, les transformant en anaglyphes. Louis remarque aussi les différentes bagues qui ornent les doigts du bouclé. Elles sont imposantes, sombres. Comme leur propriétaire.
Ses yeux verts étincellent d'éclairs et grondent d'orages. Les deux piercings brillants et piquants, juste au-dessus de son sourcil gauche, soulignent l'expression menaçante qu'il arbore. Et Louis n'a pas peur, non, et c'est bien le premier. Il est simplement, peut-être, attristé de décevoir le bouclé.
- Je t'en prie. Vas-y, gronde Harry en le fusillant d'un regard. Rentre chez toi.
- Je peux pas, ma caisse est à ton garage, réplique le tatoueur en le regardant droit dans les yeux. Alors conduis-moi là-bas pour que je puisse partir.
- D'abord, je ne suis pas ton chien. Je viens de t'offrir un toit alors que tu dégueulais comme un porc devant mon garage. Un peu de reconnaissance, ça serait cool. Ensuite, t'es un gros con, alors démerde toi pour rentrer chez toi. Au revoir.
Il se recule en contractant la mâchoire et ferme la porte, férocement. Louis reste là, scotché par ce type à la beauté incandescente qu'il vient de se mettre à dos. Et puis sa tête commence à tourner. Dans une grimace, il se masse les tempes, respire profondément, et con comme il est, il prend le chemin pavé qui mène jusqu'au trottoir. Il tousse sèchement, anormalement, plusieurs secondes, alors que la pluie se plaît à le tremper méchamment jusqu'à la moelle. Essoufflé, il s'arrête un peu plus loin, étouffant de plus en plus. Ses poumons le brûlent tant qu'il s'effondre par terre, ses mains couvrant sa bouche.
Toussant encore et toujours, il se met à cracher du sang, écarlate. Le voilà désormais tenté de tomber dans les vapes pour la deuxième fois aujourd'hui. Alors qu'il va s'effondrer sur le goudron, il sent un corps chaud se glisser contre lui et le soulever dans ses bras. L'odeur magnétique et sucrée lui arrive aux narines, comme un baume apaisant ; il reconnait Harry. Sa toux se calme un peu, et il se laisse porter par le grand bouclé jusqu'à l'intérieur. Sa main s'accroche fébrilement au débardeur du garagiste, lui aussi trempé, mais savoureusement plus chaud.
Ne pas dépendre de lui : Échoué. ❌
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