Q U A T R E - V I N G T - T R O I S
Dans sa chambre, Harry se laisse glisser le long du mur. Deux jours. Deux jours qu'il est séparé de Louis, et déjà le monde perd de son sens. Tout autour du bouclé lui paraît agressif et brutal, débordant de haine. Le mur est glacial, lui brûlant la peau ; le sol est dur comme la pierre, râpeux comme du papier à poncer ; l'air est lourd, et l'oxygène est irrespirable, comme chargé d'une terre sèche qui emplit ses poumons ; la lumière est si mortelle, brillante d'un éclat qui appelle notre dernier soupir, comme celle qui nous accueille dés lors qu'on meurt.
"Hey, c'est quoi ton problème ?" "J'ai pas baisé depuis ce matin, et toi ?" "T'as défoncé ma moto !"
Harry commence à manquer d'air, et respire de plus en plus difficilement.
"Regardez qui voilà... Monsieur sexuellement frustré qui défonce les motos gentiment garées."
Il se souvient de leur rencontre, tout est si lointain, si irréel presque. Il n'y a rien qui lui prouve que tout ça n'était pas un rêve. Et il avait imaginé toute leur histoire ? Rien que pour ne plus être seul ?
"Je t'emmène chez moi, champion." "Vous vous êtes encore battu, Monsieur ?"
A quatre pattes, Harry se traîne jusqu'à la fenêtre, essayant de l'ouvrir avec beaucoup de mal.
"Me viole pas..." "Enchanté, Louis..."
La grande porte-fenêtre ouvrant sur le balcon claque bruyamment contre le mur alors que le bouclé entreprend de se relever.
"Ce jeune homme a un nombre impressionnant de problèmes."
Avec douleur, Harry se hisse sur ses jambes, et se laisse s'appuyer contre le bord du balcon, l'air pénétrant son être.
"J'ai pas besoin de toi pour tenir debout."
- Moi, j'aurai toujours besoin de toi, murmure-t-il, ses yeux observant les immeubles de Seattle.
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Sur le seuil de la maison à Annandale, les jambes de Louis l'abandonnent et le châtain s'écroule à genoux devant la porte. Son corps se retourne contre lui, ses dernières forces le délaissant. Il ne peut empêcher ses larmes de couler, et avec rage, il frappe ses poings sur le sol. La douleur n'existe même pas. Il ne ressent rien du tout. Tout ce qu'il a jamais ressenti est resté à Seattle.
"J'ai toujours adoré le vert..."
Les échardes s'enfoncent dans sa chair, mais rien ne semble l'atteindre.
"Alors dis moi, tu veux que j'arrange ta caisse ? Ou que je t'arrange toi ?"
Les larmes coulent avec horreur.
"Tu ne fais partie d'aucun de mes projets, encore moins de ma vie." "Prends soin de toi, Louis..."
Son coeur se serre et il veut soudainement fumer. Il veut de la drogue. Maintenant. Il veut rêver... Comme ce jour, dans sa baignoire.
"J'ai rêvé de toi... On prenait un bain... C'était magnifique."
Louis se souvient, et il sent l'eau chaude tout sur sa peau. Le visage d'Harry qui se penche vers le sien, s'emparant de ses lèvres ; leurs corps nus se rapprochant, puis ne faisant qu'un. Le plaisir dans ses bras. La luxure sur ses lèvres. L'amour dans leurs gestes.
"Je suis déjà tombé, et je n'arrive pas à me relever." "Je tombe partout autour de toi, et je n'arrive pas à me relever."
"Baise-moi." "Embrasse-moi." "Aime-moi."
"Et même si le monde entier te rejette, alors je serai là."
- Mais si tu me rejettes... le monde ne sera pas là pour moi, se brise Louis, s'allongeant misérablement sur le sol.
_____
- Je vais chercher ta dernière valise !
Zayn repart dans les escaliers, et Liam sourit en le regardant s'éloigner. Quand il n'entend plus le son de ses pas, il se laisse s'effondrer sur le sol, se retenant maladroitement sur deux cartons entassés. Il se met à trembler, incapable d'exercer un seul mouvement. Des feuilles tombent devant lui, des plans de la ville de Sydney. Il ne veut pas être là. Sa vue se brouille, sous le choc, ou peut-être est-ce dû aux larmes qui naissent dans ses yeux tristes ?
"Je partage une chambre d'étudiant avec Scott. Je ne retournerai pas là-bas." " Venez chez nous. Vous y êtes le bienvenu, je vous assure."
Ses paupières se ferment, empêchant l'eau de rouler sur ses joues, et espérant retenir des images se former devant lui. Mais les yeux clos, les souvenirs encore plus vifs.
"Je l'aime." "Tu l'aimes." "Il l'aime."
"S'ils s'embrassent à chaque fois que Louis fait un pas, ils vont rater le dîner." "Vous les lâchez jamais, hein ?"
Son coeur s'arrête dés qu'il recommence à accélérer, et Liam est pris de vertige.
"Une famille qui étend son drame à travers la galaxie et crée le pire régime totalitaire possible, avec à sa tête un être robotisé et condamné à vivre sans l'amour de sa vie, sa culpabilité le rongeant éternellement. Je ne toucherai plus jamais à Star Wars, Liam. Jamais."
Sa respiration est saccadée. Même douloureuse.
"J'apprécie tous les canons, Alfie. Que ce soient des mères de famille ou bien des hommes aux cheveux fins et aux yeux clairs..."
"Tu me rappelles l'homme le plus séduisant que j'aie jamais rencontré..."
"Liam..."
"Ne me regarde pas comme ça..."
"Dis-moi ce que j'ai de différent de lui..." "Tu es là..."
- Maintenant je suis comme lui... Je suis parti, murmure le brun en levant les yeux vers le plafond.
_____
Assis dans un fauteuil, devant la fenêtre de sa chambre pour sentir l'air sur sa peau, Alfred reste de marbre. Il est aussi sombre que ces statues, ces ruines, ces corps brûlés dans les cendres de Pompei. Il est figé. Sa vie s'est arrêtée. Son bonheur s'est arrêté, et maintenant il n'y a plus rien à vivre. Ce ne sont pas tant des mots qu'il essaie de se souvenir, mais des images, des couleurs qu'il ne peut plus savourer.
Le rouge. Le sang coulant doucement du nez de Liam, le jour où il a débarqué chez eux, suppliant Harry de venir sauver Louis. "Jeune homme, la salle de bain est de l'autre côté. Allez-y, avant de tâcher de le sol avec le ketchup qui coule de votre nez."
Le rose. Ses lèvres, son sourire. "Liam... Tu vas me faire perdre la tête..." "Alfred, et si on allait en Italie ?"
Le noir. Les innombrables dessins sombres inscrits dans la peau du jeune homme, sublimés par les courbes de ses muscles. "Je te regarde comment ?"
Mais le rose. Toujours ses lèvres. "Donne-moi un baiser. T'en es capable de ça."
Le bleu. Comme la mer, illuminée par le soleil d'Italie. "Ose me dire que c'est pas mieux comme ça." "J'adore quand tu me parles comme ça..."
Le gris, l'ombre, la nuit. Comme cette nuit-là. "Liam, qu'est-ce que tu..." "Qu'est-ce que tu viens de faire ?" "Qu'est-ce que tu m'as fait ?"
L'émeraude. Le matin. "Joyeux anniversaire."
Le blanc. La chemise claire de Liam, celle qu'il lui a enlevé, un soir, dans un secret. "Touche-moi..."
- Mais te savoir dans ses bras, comme je le voulais, souffle-t-il, est plus ignoble que tout ce que j'avais imaginé.
Une seule personne vous manque. Et tout est dépeuplé.
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