Q U A T R E - V I N G T - D E U X

Alfred est sidéré.

- Tu ne m'as pas choisi. Tu n'as pas fait ça, Harry... Tu ne m'as pas choisi ? Dis-le moi ! crie-t-il, tâtant le mur, et s'appuyant dessus pour ne pas tomber.

- Alfred. Louis rentre en Australie. Il doit être présent pour Lucy, je veux qu'il soit présent pour Lucy. Nous, on va rester ici. Tu vas te reposer quelques temps, et on reprendra nos recherches. On a un rendez-vous le mois prochain, à Chicago.

- Harry... Fous-moi dans un hôpital, et va vivre ta putain de vie avec Louis, lâche le plus vieux.

- Tu as appelé Liam ? Il arrive toujours demain ?

- Harold.

Le bouclé ignore l'air dévasté de l'homme aux cheveux blancs. Il s'assoit sur le lit de son grand-père.

- Vous étiez proches, avant. C'est dommage que tu restes aussi distant. Il t'aime beaucoup, souffle le brun, pensif. 

Alfred se calme instantanément, son âme s'enveloppant d'un baume douloureux. Liam.

- Il a emménagé avec Zayn, la semaine dernière, murmure Harry avec de tourner un regard curieux vers Alfred.

Curieux de voir sa réaction.

- Je sais.

Harry sourit, tandis qu'Alfred se laisse retomber dans son fauteuil.

- Il m'a appelé hier soir... souffle l'homme aux cheveux blancs. Il arrive toujours demain.

- Il traverse le monde pour te revoir. Tu me diras pourquoi, un jour ? ose le bouclé.

- Tu le sais déjà.

- Je veux que tu me le dises. Je veux entendre ta voix dire ça.

- A quoi ça servirait ? Demain, ça sera la dernière fois qu'il viendra.

- Dis pas ça.

- Je ne veux plus qu'il vienne. 

- Tu vas lui lui faire mal.

- Tu as fait mal à Louis.

Après cette remarque, sans froid ni méchanceté, les deux hommes restent silencieux. Seuls. Dans une chambre. Ils n'ont pas besoin de parler. Ils écoutent la peine de l'autre, mais ils sont ensemble. Depuis le début, ils ont été ensemble. Ils seront ensemble à la fin.

_____

Le lendemain soir.

Alfred passe ses journées dans le silence, il s'y retrouve avec sa solitude. Mais plus les jours passent, plus son ouïe devient fine, et le silence n'en est plus vraiment un. Il entend tellement de choses qu'il n'aurait jamais entendues avant. Et écouter de la musique lui semble plus impressionnant maintenant. Il parvient à déterminer chaque instrument, et la voix des chanteurs est beaucoup plus parlante. Il sent leur émotion. Et ça remplace la sienne.

Il ne ressent plus grand-chose. Être loin de Liam le cloue littéralement sur place, et il n'a pas la volonté de bouger. Mais il n'a qu'à s'en prendre à lui-même. C'est lui qui a repoussé le beau brun, et lui a ordonné de vivre la carrière d'art qu'il s'est commencée. C'est lui qui l'a poussé vers Zayn. La porte s'ouvre dans un léger cliquetis et Alfred a envie de pleurer. Des pas s'approchent doucement, s'installent à côté de lui. Il ne sursaute pas quand deux mains se glissent autour de la sienne, la levant lentement. Un baiser. Juste dans le creux de sa main. Et son coeur se retourne.

- Liam.

- Bonsoir...

Alfred a envie de hurler, et de le voir. Il veut le voir, le regarder, et savoir comment son visage change au fil des mois. Le plus jeune guide sa main sur sa joue, et Alfred ferme les yeux, en sentant le visage de Liam contre sa peau. Il hésite à venir effleurer ses lèvres, du bout des doigts. Et puis... il se souvient qu'elles ne lui appartiennent plus, alors il se bat contre lui-même pour s'en empêcher.

- Tu ne dois plus venir, Liam, murmure tristement l'homme aux cheveux blancs.

- Je sais. Mais je peux pas... Je peux pas vivre sans toi.

Liam pose plusieurs baisers sur la main de l'aveugle, il sait que c'est la dernière fois.

- Tu vis avec Zayn, maintenant. Et tu es avec lui. Laisse-le t'aimer et veiller sur toi. J'ai besoin de savoir que tu seras aimé et que quelqu'un sera là pour toi.

- Je veux que ce soit toi... avoue Liam en baissant les yeux, entremêlant ses doigts à ceux d'Alfred.

- Je ne suis plus là... Je ne te vois même pas. Je t'en prie, pars, Liam. Va-t-en. 

Quelques larmes roulent sur la joue du brun.

- Je t'aime, Al. Je peux pas t'abandonner, c'est au-dessus de mes forces. Reviens à Annandale, propose Liam, désespéré. On sera heureux.

Il s'en convainc lui-même, mais c'est déjà fini. Depuis longtemps. Il doit partir. 

- Tu es l'amour d'une vie que je n'ai pas eu la chance d'avoir, souffle Alfred. Mais je ne suis pas le tien... Liam, tu dois vivre. Et être heureux. Loin d'ici.

Alors voilà. C'est ça. Des adieux. Liam veut hurler à quel point il hait ce monde. Mais il passe doucement sa main sur le visage d'Alfred, les larmes aux yeux.

- Sache une chose... murmure-t-il en prenant sa main, et la tenant contre son coeur. Dans un passé que je n'ai jamais eu, dans un futur que je n'aurai pas, et aujourd'hui, dans des millions de réalités qui ne sont pas celle-ci... Je te choisis. C'est toi, et personne d'autre. Moi, je te choisis.

L'âme de l'homme aux cheveux blancs se tord de douleur.

- Et aujourd'hui, maintenant, même si mes lèvres déclarent que je pars, que je choisis Sydney, et Zayn, une part de mon âme reste ici, et mon cœur te choisit. Je ne pars que pour toi. Parce que c'est ce que tu veux pour moi. Tu es l'amour d'une vie que je n'aurai jamais... dit-il dans un souffle. Adieu, Alfred.

Il se penche vers lui, et pose tendrement ses lèvres sur les siennes. Alfred en a tellement mal... Liam, vidé de tout espoir, l'embrasse alors plus amoureusement, et Alfred répond avec une souffrance saisissante, sa main glissant sur sa joue. 

Un baiser sincère.

Et brisé.

Anéanti, Liam se détache de lui et sort de la chambre. Comme un coup de vent. Et Alfred se retrouve avec sa solitude, et son silence. 

Parfois, deux personnes ne se rencontrent pas au bon moment. Parfois, elles se croisent, séparée d'une génération. 

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