Q U A T R E - V I N G T - C I N Q

- Comment elle s'appelait ? 

Alfred sourit, amusé. 

- Je te dis que je l'ai abandonnée pour un homme, et après t'avoir tout raconté, tu me demandes comment elle s'appelait, elle ?

Le bouclé rit et s'installe à côté de son grand-père, s'allongeant sur la chaise longue qui est large pour deux personnes. Sous le soleil chaud de la Californie, les deux hommes profitent d'une superbe après-midi sur la plage privée de leur nouvel hôtel. Harry est torse nu, sa peau de plus en plus tannée par le soleil. Alfred l'a touché, il y a peut-être deux semaines, laissant ses mains découvrir un corps plus mince que dans ses souvenirs. Et il lui a hurlé dessus de regagner du poids ; ce qu'Harry essaie de faire, en mangeant tout et n'importe quoi, recouvert de Nutella.

Le visage tourné vers Alfred, il observe ses yeux clairs, qui ne verront probablement plus jamais. 

- Je veux justement savoir tout le reste... avoue Harry.

- Elle s'appelait Isabelle.

- Comme ta mère ? s'étonne le bouclé.

- Oui, rit Alfred. Comme ma mère. Ce qui était un peu étrange, d'ailleurs.

Cette remarque fait rire Harry, puis il se calme, venant se blottir contre Alfred, son visage sur son épaule.

- Quand tu es allé en Italie, avec Liam... murmure le brun, vous êtes allés chercher Elisio, c'est ça ?

Un soupir échappe au vieil homme.

- On a retrouvé son fils, il porte le même nom que lui. Mais Elisio est mort d'un cancer, il y a un moment.

- Tu étais déçu de ne pas pouvoir le revoir ? s'attriste Harry.

- Pas vraiment.

Harry fronce les sourcils, intrigué.

- Je me sentais bien...

Le bouclé comprend alors.

- Avec Liam ? ose-t-il, doucement.

Alfred ne répond pas. D'ailleurs il ne parle plus pendant un long moment. Harry n'arrive pas à réaliser, même après tout ce temps, qu'Alfred et Liam aient été aussi proches. Louis était de mèche avec eux, et il les couvrait de temps en temps. Harry ne devait pas savoir. En aucun cas. Mais Harry a toujours su. En quelque sorte, il a vraiment, toujours su. Alfred a changé. Alfred ne s'intéressait qu'au bonheur d'Harry, qu'à lui. Et puis il s'est rapproché de Liam, alors qu'il ne l'avait jamais vraiment fait avec Louis. C'était différent.

- J'aimerais bien aller nager... déclare le bouclé en se redressant. Je peux te laisser, ou tu préfères que je reste ?

- Je préférerais que tu fasses exactement tout ce dont tu as envie, sans te soucier de moi, Harry.

- D'accord, sourit le brun en touchant sa main. Je reviens dans trente minutes... En tout cas, dans moins d'une heure.

- Amuse-toi.

Alfred s'assoit, tandis qu'Harry s'éloigne et pose ses lunettes de soleil. Il savoure le soleil qui réchauffe sa peau, et imagine Harry, marchant dans le sable fin, une planche de surf sous le bras. Durant de longues minutes, il l'imagine tomber, ou bien surfer comme un dieu. Et ça lui suffit... parce qu'il sait que c'est la vérité. Après un quart d'heure, un barman vient prendre sa pause, et s'installe aux côtés d'Alfred, contre la rambarde qui descend vers le sable de la plage.

- Bonjour, sourit-il. Belle journée, n'est-ce pas ?

Alfred tourne la tête vers la direction d'où est venue la voix, et s'amuse tout seul.

- Oui, en effet... Quel dommage que je ne puisse la voir.

Le jeune homme semble perdu une seconde, puis en constatant les yeux vagues du vieil homme, il rougit légèrement.

- Oh, monsieur, je suis navré. Excusez-moi, j'ai... 

Alfred rit sincèrement en s'asseyant sur le bord de la chaise longue, posant ses pieds sur le sol.

- Ce n'est rien, ne vous en faites pas, sourit-il.

- Vraiment, je m'excuse. C'était maladroit.

- Ce n'est rien, arrêtez. Comment vous vous appelez ?

- Jimmy... Jimmy Lethin. Et vous ?

- Alfred. Le prénom à la mode pour un vieux majordome.

Jimmy se détend, riant un peu.

- Vous pourriez être choisi pour le casting du prochain Batman, affirme le jeune barman.

- Harry me l'a déjà sortie, celle-là.

- Harry ? demande Jimmy.

- Oui, Harry... Le superbe bouclé que vous regardez depuis le premier jour de notre arrivée, déclare malicieusement Alfred.

- Je... hum... Quoi ? Vous m'avez vu ? Mais vous êtes...

- Je suis aveugle, mais pas stupide. Mon odorat et mon ouïe se sont améliorée malgré mon âge, et je vous assure que vous n'êtes pas discret. Votre uniforme dégage une subtile odeur de whisky et de rhum, sans doute dûe à votre travail de barman. Et cette odeur me tourne autour depuis un moment, donc j'en conclus que vous me suivez. Mais comme je n'ai rien d'attrayant, je suppose que vous suivez ce très cher Harry, qui fait tomber le monde à ses pieds. Aussi, vous ne marchez pas comme tout le monde. Votre pas est léger et discret, puisque vous nous espionnez de temps en temps. Suis-je fou, ou est-ce que j'ai raison ?

- Je... Euh... Je ne sais pas quoi dire, se résigne Jimmy, rougissant un peu plus.

Alfred sourit.

- Commencez par me dire la vérité, et attention, j'ai l'oreille fine pour repérer les mensonges.

- Ce n'était pas mon but de vous mettre mal à l'aise, avoue Jimmy en se rapprochant. J'espérais simplement lui parler, mais je n'y arrive pas quand il vient au bar. Je suis trop timide, ça me pourrit la vie... Alors j'ai pensé vous parler d'abord, puisque vous êtes toujours avec lui. 

- Vous êtes intéressé par Harry dans un sens Chouette, je veux un ami ou dans un autre sens, plus horizontal, et sur un lit ? s'enquiert l'homme aux cheveux blancs.

- Hum, je...

- D'accord, je vois. Si vous voulez l'approcher, il va falloir arrêter de bégayer ou de commencer des phrases sans les finir.

- Oui...

Alfred sourit de plus belle.

- Vous m'avez l'air sympa. Approchez, je veux toucher votre visage...

Jimmy, un peu paumé, s'assoit à ses côtés et laisse Alfred poser doucement ses mains sur son visage. L'homme aux yeux bleus essaie alors d'imaginer ses traits... Il est plutôt mince, et a les cheveux courts. Il a la peau douce, les lèvres charnues, et Alfred sourit en effleurant le bout de son nez. C'est le nez d'un gamin... 

- Vous avez les cheveux bruns ? demande-t-il.

- Châtains...

- Et vos yeux ?

- Verts... Bleus. Un peu ternes. Ils manquent de couleur, je ne les aime pas.

- Ne le regardez plus, lâche Alfred.

- Q-Quoi ?

- Si vous le regardez, il ne vous regardera pas. Si vous ne lui accordez aucun regard, il vous verra. Il vous parlera. Les gens qui ont les yeux dans le vide le touchent plus que les autres.

- Oh...

- Dîtes-moi ce qu'il fait.

Jimmy tourne le visage vers la plage, il voit les surfeurs et ses yeux distinguent presque immédiatement le corps habile du bouclé, surplombant une vague.

- Il surfe comme un roi... souffle-t-il.

- Je le savais, sourit Alfred, une légère victoire dans le timbre de sa voix.

Les nouvelles rencontres sont nécessaires. Même si elles ne durent que peu de temps.

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