Q U A T R E - V I N G T

Certaines choses ne sont pas faites pour durer. Certaines choses disparaissent bien avant qu'on s'en rende compte. Et il est toujours trop tard ; trop tard pour récupérer ce qu'on a perdu, ou trop tard pour saisir ce qui nous échappe. Tout s'effondre si rapidement. On ne le voit pas forcément, mais on le sent. Et on ne fait rien pour y remédier même quand on en a encore la possibilité :  c'est seulement la fin du monde... et on ne fait rien. 

Huit jours. Et ils n'ont rien fait.

- Harry... appelle Alfred. Harry !

Le bouclé, assis dans le canapé du salon, lève les yeux de ses feuilles de contrats et fronce les sourcils. Quand la voix de son grand-père lui parvient de nouveau, plus forte, plus angoissée, depuis l'étage, son coeurs accélère et le jeune homme se précipite vers les escaliers, courant jusqu'à la chambre d'Alfred. Il passe la porte et pose alors les yeux sur Alfred qui est à genoux sur le sol, des larmes dévalant ses joues.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? 

Harry le rejoint et prend son visage entre ses mains, essuyant ses larmes.

- Hey, dis-moi, supplie-t-il, terrifié de voir Alfred dans cet état. Tu as mal ? T'es tombé ? Hey, calme-toi. Regarde-moi...

Les yeux si clairs d'Alfred sont fuyants, brillants de larmes. Il regarde partout sauf Harry.

- Alfred... J'ai besoin que tu me parles. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Le vieil homme reste silencieux et sa main cherche désespérément le visage du jeune homme. Une fois qu'il le trouve, il effleure ses joues, sa mâchoire, ses lèvres. Harry fronce les sourcils, l'inquiétude ravageant son coeur. 

- Je ne peux pas, souffle Alfred, le visage déformé par la tristesse. Je ne peux pas te regarder...

- Q-Quoi ? Pourquoi ?

Après un bref silence, lourd et malheureux, Alfred répond dans un grave murmure :

- Je n'y vois plus rien...

L'information a du mal à être comprise par Harry, qui ne se fige de terreur que quelques secondes après l'aveu d'Alfred. Il observe les yeux clairs et perdus de son ancien majordome. Une seconde puis l'horreur frappe son être.

- LIAM ! hurle-t-il plus fort que jamais, en direction de la porte. LIAM !!

Il regarde de nouveau Alfred, lui promettant dans un murmure que ça va aller, ça va s'arranger. Liam débarque en furie, perplexe, mais quand il voit Alfred à genoux et pleurant dans les bras d'Harry, ça ne fait qu'un tour dans son esprit. Il se précipite à leurs côtés, le regard perdu.

- Il y voit plus rien, lâche Harry en se levant. Reste avec lui, j'appelle les urgences !

Le coeur de Liam se fige et il cherche avec désespoir le regard d'Alfred, qui cependant est incapable de le voir. Liam a l'impression qu'il aurait pu prévenir ce choc, même l'empêcher. Il se dit qu'il n'aurait pas du en vouloir à Alfred pour avoir voulu le pousser dans les bras de Zayn, et qu'il n'aurait définitivement pas du passer les huit derniers jours à passer du temps avec le basané. Il aurait du être avec Alfred. Il aurait du...

Tremblant, Liam pose tendrement ses mains sur la peau d'Alfred, une sur sa joue, l'autre dans son cou. L'homme aux cheveux blancs sursaute, mais reconnaît immédiatement le toucher de Liam. Et il pleure davantage. Souffrant abominablement de pas pouvoir le voir, le regarder, croiser ses yeux. Ils ne se sont pas regardés depuis huit jours. 

- Liam... souffle-t-il.

- Je suis là.

La voix du plus jeune se brise, des larmes lui échappent et il se hait. Car il n'a pas été là depuis huit jours. Une éternité.

- Je suis là, assure-t-il, caressant son visage.

Il vient déposer un baiser sur son front, un baiser si amer que le coeur d'Alfred s'en retourne tant il est triste.

- Je ne te vois pas, Liam, se brise-t-il en prenant sa main dans la sienne. Je ne te vois pas...

- Moi, je te vois, souffle tristement Liam en posant son front contre le sien. Vois-nous à travers ma voix... Tu es l'homme que j'adore. Je meurs d'envie de t'embrasser. Je me perds dans tes yeux, et je souris parce qu'on est là. 

Liam cependant ne veut pas l'embrasser ; il veut juste lui redonner la vue, lui rendre les couleurs de la vie. Liam a les yeux fermés ; il ne supporte pas que ceux d'Alfred ne puissent pas plonger dans les siens. Liam ne sourit pas ; il pleure.

- Menteur, souffle Alfred.

- Je suis là, répète Liam comme pour s'en convaincre. Je suis là...

Mais il n'a pas été là. Depuis huit jours.

Les regrets sont une torture. Quand on les croit disparaître, ils reviennent de plus belle. Ils ne nous quittent jamais vraiment.

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