O N Z E
Après qu'Obi-Wan ait vaincu Anakin dans un combat épique et spectaculaire, leurs pas foulant les braises incandescentes du sol volcanique de la planète Mustafar, il l'a laissé pour mort sur les flancs d'une coulée de lave. Le jeune homme à l'âme fissurée et au coeur si noir de ses blessures venait de tout perdre, même son corps. Ses jambes ont été dévorées goulûment par le feu liquide et épais, sa dernière main humaine est tombée au sol, et sa peau a été rongée jusqu'au sommet de son crâne par les flammes. Mais il respirait toujours. Ses yeux fous maudissaient, ses hurlements de douleur résonnaient, et sa haine... sa rage le maintenait en vie, là, contre la roche noire et calcinée. Que lui serait-il arrivé s'il n'était pas devenu le tristement célèbre Dark Vador ? Que lui serait-il arrivé, s'il n'avait pas haï ? Que lui serait-il arrivé, s'il n'avait pas haï d'avoir trop aimé ?
Rampant comme l'ombre d'un cadavre, gémissant de colère et de haine, Louis se traîne le long du sol jusqu'à son appartement. Dans sa chair, les douleurs fantômes des cicatrices redevenues des plaies rouges et béantes le tiraillent avec malignité. Ses yeux rouges et écarlates, brouillés par ses larmes acides de sel et par des images resurgissant d'autrefois, il trouve la force de se hisser à genoux devant le vieux et grand miroir de sa chambre, le seul de la pièce. Et la douleur danse, danse, danse. Il se torture rien qu'à se regarder. Il se hait, il vomit ce corps qui lui semble chaque jour qui passe plus lourd et plus laid.
Vouant une aversion acérée au monde entier, et plus encore à lui-même, il se déshabille lentement, serrant des dents tant il souffre, pour ne se retrouver qu'en boxer. Il hésite trop longtemps à son goût à retirer le pull gris, trop grand pour lui, probablement parfait sur Harry, mais doucement, tout en y mettant le plus grand désespoir du monde, le voilà torse nu. Le beau pull sur ses cuisses. Il n'arrive pas à le détacher de sa peau hideuse. Il est doux, il sent bon, il est chaud. Dans un geste lourd, il se saisit du paquet de clopes sur la table de chevet poussiéreuse, ainsi que son briquet gris, toujours décoré d'un Scar au sourire carnassier et effacé, et allume une cigarette blanche entre ses lèvres pâles. Il crache avec rage la fumée comme un cri opaque qui stagne dans l'air, et griffe avec horreur sa peau de ses ongles rongés. Toutes ces marques vulgaires sur ses côtes, dans son dos, elles sont insupportables à vêtir. Elles le couvrent de pourriture, elles lui pourrissent la vie, elles lui pourrissent la peau. Elles lui font mal, si mal.
Des flots salés dévalant son visage, il attrape maladroitement son téléphone, secoué de tremblements et de sanglots, et compose un numéro que ses doigts récitent par coeur.
- Maman, gémit-il en s'effondrant par terre, son corps similaire à une masse décharnée. J'ai besoin de toi.
Sa voix craque, et comme toujours, ce n'est que le répondeur qui prononce des mots automatiques, mais il parle, il parle pendant des heures, abandonnant un message incompréhensible et interminable, rythmé de larmes, saccagé de souffrance. Après tous ses mots confiés et une fois que ses yeux se sont éclaircis de ne plus rien avoir à pleurer, une cigarette aux lèvres, il a plongé son corps dans un bain brûlant qui a rougi ses chairs. Les autres cigarettes se sont écrasées une à une par terre. Il a fini le paquet et en a commencé un autre. Son cerveau s'est embrouillé comme la bande d'un film, il l'a lâché, il plane. Complètement. Mêlant dangereusement tabac sec et joints corrompus, ses yeux ont vu des choses irréelles, des chimères d'un autre monde. En face de lui, entre ses jambes, un homme tatoué d'art noir, grand comme le roi des dieux aurait toujours voulu l'être, s'est glissé dans la baignoire fumante. Se penchant habilement vers Louis, ses infinies boucles royales et sauvages ont effleuré ses épaules nues hors de l'eau, et ses lèvres rouges de vie se sont emparées avidement des siennes. Elles étaient passionnées, fanatiques, et imprégnées d'un goût sucré comme l'été et le bonheur. L'ange à la chevelure léonine s'est allongé tout contre Louis, et ils se sont embrassés jusqu'à la mort du soleil, se consumant fiévreusement l'un l'autre tout en se noyant paisiblement sous l'eau troublée. Louis n'a pas semblé vouloir mourir à cet instant-là, et les lèvres saines et prodigieuses de l'homme aux yeux d'émeraude lui ont apporté tout l'oxygène dont il avait besoin pour survivre. Et pour vivre.
*.*.*
Assis au bar du fameux pub de Lydie, Louis enchaîne expressément les multiples shots de Tequila. Il a passé la nuit à vomir - à vomir strictement rien. Son corps tout entier se contractait violemment comme s'il allait maladivement rejeté tout ce qu'il y avait en lui, et là était le hic : il n'y avait rien. Et il a passé la journée à annuler tous ses rendez-vous de la semaine, au mieux à les repousser. Il est crevé, épuisé, vidé. Et être bourré le lui fait oublier. Il a besoin d'être ivre et gonflé d'alcool pour ne pas réaliser à quel point il ne vaut rien, et pour ne pas trop penser. Penser à ses rêveries éveillées. Penser à ce foutu garagiste à la gueule d'ange. Ce matin-même, en sortant de chez lui, il a trouvé les clés de sa voiture de remplacement dans la boîte aux lettres, et la caisse correctement garée sur le parking. Quelle bienveillance. Harry ne se détache pas son esprit emmêlé. Même la Tequila n'y fait rien depuis une heure.
Dans un grognement de frustration saoule, il balance maladroitement un billet de vingt dollars sur le comptoir et s'en va, l'allure mal-assurée et vacillante. A l'autre bout du comptoir couvert de verres, Harry est assis devant une bière. Son regard vert ne s'est pas détourné de Louis une seule seconde depuis que le blond est entré dans le bar, il y a une environ heure. La serveuse, une belle rousse aux rouge-à-lèvres fuchsia, passe devant lui avec un plateau et il l'interpelle prestement.
- Excusez-moi, vous le connaissez, ce gars ?
Lydie tourne la tête vers Louis, qui ouvre péniblement la porte pour rejoindre l'extérieur, et une moue tire ses lèvres peintes de rose.
- Ouais, bien sûr, c'est Louis Tomlinson. Un vrai dur à cuire, le coco, sourit-elle en observant le bouclé dans les yeux. Pourquoi ? Il t'a fait un sale coup ?
- Non. Non, il est... murmure-t-il avant de se racler la gorge. Vous savez s'il a de la famille ? Ici, je veux dire. À Annandale.
- Louis ? s'étonne-t-elle en faisant claquer le plateau entre eux. Oh nan, il est tout seul. Ils ont pas de famille, les types comme lui.
- Et ailleurs dans le pays ? demande le brun en fronçant les sourcils. Personne ?
- Non, ses parents sont morts il y a longtemps et c'était sa seule famille, à ma connaissance. Si tu veux un conseil, beau gosse, ne l'approche pas. Crois-moi, il n'apporte que des embrouilles.
- J'approche qui je veux, siffle Harry en serrant des dents, piqué au vif. Et je ne vous paie pas votre bière, j'y ai pas touché.
Il se lève rageusement et avance vers la sortie, derrière Louis, plantant la serveuse là où elle est. La rouquine sourit malicieusement en mâchant son chewing-gum.
- Finalement, peut-être qu'il va le trouver, ce type plus buté que lui, souffle-t-elle en reprenant son plateau. En tout cas, si c'est ce bouclé qui lui baise la gueule, il va adorer ça.
Harry se précipite aux trousses de Louis ; l'ivrogne n'est pas difficile à rattraper.
- Eh, Louis !
Le blond se retourne mollement, un air blasé tirant son visage fatigué.
- Rho putain pas toi, marmonne-t-il. Qu'est-ce que j'ai fait pour que tu me suives partout, Batman ?
- T'as vomi devant mon garage.
- Oh. Si tu pouvais oublier ça, ce serait grave cool. Maintenant, au revoir.
Il reprend alors son chemin, s'apprêtant naïvement à traverser alors qu'un 4x4 arrive sur lui. Harry le tire brusquement vers lui, dans un vacarme de klaxon, et Louis se perd dans la contemplation des lèvres pleines du bouclé.
- T'es carrément baisable, t'sais ? déclare-t-il, effronté, presque rendu joyeux par l'alcool.
- On me le dit souvent, oui, sourit Harry, tout à fait flatté et amusé.
- Tu sens bon, souffle Louis en s'abandonnant niaisement contre le torse du tatoué.
- Hum, o-ouais, sûrement, bégaie bizarrement le brun. Louis, t'es complètement bourré, t'es pas en état de conduire. Et il est hors de question que tu rentres chez toi. Tout seul, soupire-t-il en réalisant ce qu'il s'apprête à dire. Je t'emmène chez moi.
- Avoue, t'aimes ça, glousse le garçon aux cheveux presque blancs, s'accrochant au t-shirt du garagiste. Donner des ordres, te sentir responsable. Mais c'est pas parce que tu m'as baisé une fois que tu peux faire ce que tu veux de moi, Bouclettes. Alors fous-moi la paix.
- Non. Non... s'attendrit Harry, repoussant les mèches tombant sur le front de Louis. Je ne connais pas ton histoire, mais tu es clairement seul et en train de te ruiner. Personne ne mérite ça. Je te laisserai pas foutre ta vie en l'air, même si le monde entier regarde en bouffant du pop-corn. Alors tu viens chez moi. Aucune controverse sur ce sujet.
Louis le dévisage avec des yeux ahuris, n'ayant compris le sens que de la moitié de ses mots, et il se laisse guider jusqu'à la Cadillac du bouclé, ignorant la voix qui lui conseille de partir en courant.
Ne pas le laisser entrer dans ta vie : Échoué. ❌
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