H U I T

Harry n'a pas pu s'empêcher de se lancer à la poursuite de l'impoli malgré tout. Il a croisé le regard gris et curieux d'Alfred qui lui a ensuite souri, sachant pertinemment qu'il n'allait pas laisser un jeune homme paumé et malade crever sous la pluie - bien qu'il soit sensiblement désobligeant et mal-aimable. Il l'a trouvé à genoux sur le trottoir, et s'est dépêché de le ramener au chaud, entre les murs secs de sa maison. Escaladant vigoureusement les marches, Harry porte le blond une nouvelle fois dans sa chambre, le posant sur le lit. Le garçon aux yeux aussi bleus qu'un ciel de printemps tousse toujours, mais plus une seule goutte de sang n'est crachée par sa bouche. Dégoulinant d'une eau glacée qui l'a pénétré jusqu'aux os, le corps fin de Louis est secoué de tremblements et de frissons. Harry enroule prestement le plaid autour des épaules du blond, et ennuyé de voir ses lèvres se teinter de mauve, il se dépêche de chercher des vêtements secs dans son dressing. Il en sort un vieux pull gris et un jogging blanc - un des plus petits, autrement Louis se noierait dedans. Quoique ce ne serait pas une mauvaise idée ; il pourrait faire un noeud aux extrémités des jambes, ça le retiendrait peut-être suffisamment pour que cet abruti ne s'échappe plus d'ici !

Le bouclé sourit à peine à cette idée en enlevant son débardeur qui lui colle à la peau puis il retourne auprès de Louis qui semble enfin se calmer. 

- Enfile ça, p'tit con, marmonne Harry en posant les affaires à côté du blond.

- Ramène-moi chez moi, grogne Louis en essuyant sa main tâchée de sang sur son pantalon noir.

- Tu ne t'arrêtes jamais, hein ? grimace le brun en contenant mal sa frustration. Tu la fermes, tu enfiles ça, et tu restes dans ce lit. J'appelle un médecin.

- Occupe-toi de ton cul et laisse-moi rentrer, proteste l'autre visiblement épuisé, sans conviction, d'une voix presque gémissante de sanglots.

Harry sourit alors, ne sachant pas vraiment pourquoi, et retire lui-même le plaid et le tee-shirt du blond. Mais son visage perd bien vite tout éclat quand il constate avec effarement à quel point Louis est maigre et comme sa peau est pâle. Cadavérique. Quand ils se sont envoyés en l'air, il n'y a pas fait la moindre attention. Faible et désabusé, Louis grogne en cachant son torse décharné de ses bras. Harry s'installe à genoux entre les jambes du faux blond, le regardant d'un air tendre. Avec délicatesse, il repousse ses bras en enroulant ses longs doigts autour de ses poignets fluets. Louis n'a pas la force de protester davantage ; il se demande une seconde s'il en a réellement envie. Le brun aux boucles d'ange humides observe attentivement la peau de Louis. Elle est comme abîmée, comme... détériorée ? Elle paraît normale mais avec un oeil appliqué, concerné, on distingue nettement que par dessus sa maigreur, elle semble fragile, usée. Son coeur se serre lorsque, le long des côtes marquées, Harry repère plusieurs cicatrices, des tâches rondes, où la peau est mâchée, boursouflée. Louis remarque l'air halluciné et empathique du beau brun aux yeux brillants, et il se maudit alors d'être aussi pitoyable devant lui.

- Me regarde pas, crache-t-il en essayant finalement de le repousser.

Mais Harry n'arrête pas, il le couvre de regards, comme s'ils pouvaient pansé ses blessures, et il va même jusqu'à effleurer les cicatrices pâles du bout des doigts. Des brûlures. Louis frissonne sous sa peau, d'horreur peut-être. Ou de soulagement ; son cerveau n'essaie plus de le nier. Les gestes d'Harry sont si doux, si agréables, comme la caresse d'un nuage, un baiser amoureux, ou une autre chose stupide et niaise. Des émeraudes profondes, et tourmentées, croisent ses yeux, perdus, honteux. Louis se persuade qu'il dégoûte sans aucun doute ce beau héros.

- D'où tu viens, toi ? murmure Harry, tout bas.

Et dans des pleurs infinis, dans des cris perçants de désespoir, en vomissant ses cauchemars, Louis pourrait lui confier sa vie et sa survie, ses passés et ses rêves. Mais il choisit, comme toujours, de garder sa terreur et de la sentir autour de son cou, l'étranglant.

- Tu ne l'as pas demandé quand tu m'as sauté, hier, souffle le blond, blessé, apeuré. 

Brutalement peiné, Harry ne sait pas quoi répondre et il aide Louis à enfiler le pull, sans un mot. Il défait la fermeture de son pantalon, et face au silence de Louis, il lui retire, tout doucement. Il le fait rentrer dans le jogging blanc avant de réinstaller le plaid sur ses épaules. A genoux devant lui, Harry observe, perplexe, le garçon assis sur son lit. Ce n'est pas le même qui, bourré, est rentré dans sa moto l'autre soir. Il ne peut pas le croire.

- Allonge-toi, chuchote-t-il. Je vais appeler un... un médecin.

Louis obéit, impassible alors que les derniers mondes en son coeur se désintègrent, et se dévastent les uns les autres. Harry veut tristement qu'il redevienne le p'tit con d'il y a quelques instants, au moins il semblait vouloir vivre. Cette fois, il n'hésite pas à tendre la main, doucement, afin de passer ses doigts dans les mèches blondes et fines du garçon. Troublé, il redescend, attrapant le téléphone et chargeant le majordome de monter veiller sur Louis en attendant. Lui n'a pas le courage de retourner à ses côtés. Harry a vu les marques.

A l'étage, le blond est submergé par les images noires de son passé, et il se met à trembler. Pourquoi a-t-il fallu que ce foutu bouclé la gueule d'ange le voit aussi faible et misérable ? Mais ce foutu bouclé, il sent extraordinairement bon, et il a un joli grain de beauté, dans le creux sa main gauche. Louis ne sait pas pourquoi ça lui semble si important, mais c'est comme découvrir les détails d'un monde. Un monde merveilleux qui pourrait se bâtir dans son coeur, sur les ruines de tous ceux qui s'y sont écroulés. Louis a vu le grain de beauté.

Ne pas le laisser voir tes cicatrices : Échoué. 

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