C I N Q U A N T E - Q U A T R E

- Alors ? demande Liam à Alfred, qui est debout devant la baie vitrée, une tasse de thé à la main. Comment ils s'en sortent ?

L'ancien majordome baisse tristement les yeux. Il a passé la nuit dans le salon, attendant qu'Harry redescende, ne serait-ce que pour lui adresser un sourire réconfortant ou le prendre dans ses bras. Mais Harry n'est pas redescendu, et Louis non plus.

- Harry est resté devant la porte, déclare-t-il faiblement. Il est resté... devant la porte.

Liam se tourne vers lui, sidéré.

- Wow, dit-il simplement. Il s'accroche... Je ne pense pas que Louis lui pardonne de si tôt. Depuis toujours, Louis ne pardonne pas. Il ne pardonne rien. Marcher sur son humanité, profiter de lui ? Il va reprendre cette rage qu'il avait mise de côté, et il va la déverser, sans s'arrêter. Il va détruire Harry, autant qu'il a été détruit.

Alfred sourit, se retournant vers le jeune homme. Liam s'assoit à la table, passant sa main dans ses cheveux, comme s'il venait de dire la chose la plus logique du monde.

- Liam... commence Alfred en s'approchant, posant sa tasse sur la table et attirant son attention. Il faut que tu comprennes. Le Louis que tu as connu, n'a jamais vraiment été une personne réelle. Ce garçon brutal, et énervé, fumeur et noyé dans l'alcool, n'a jamais été qu'une couverture, un masque pour défendre le jeune homme brisé et seul qu'il a au fond toujours été.

Le brun écoute avec attention, les yeux plongés dans le regard intensément clair d'Alfred.

- En rencontrant Harry, Louis s'est ouvert à quelqu'un, et s'est laissé vivre. Il a respiré pour la première fois depuis longtemps, et oui, j'ose être convaincu que c'est grâce à Harry, qui a redonné un sens et une définition à ce que devrait être sa vie. Harry... est profondément épris de Louis, et Louis a conscience qu'il lui doit beaucoup. Tous les deux se sont changés mutuellement. Alors même si Louis ne lui pardonne pas, il va l'écouter et il ne va pas le détruire, Liam. Il va réagir comme un adulte raisonné, et Harry aussi. Est-ce que tu comprends ça, Liam ? demande Alfred, presque durement. Ils ont grandi. Et il est temps que tu le comprennes.

Réalisant ses mots, Liam reste un instant pensif. C'est vrai, tout ce qu'il a dit. Liam aime à croire qu'il connaît Louis depuis très longtemps, mais il doit ouvrir les yeux. Le mec qui a grandi dans la même école que lui, qui a suivi les même cours, et qui a une nuit fini dans son lit, ce mec-là s'il a déjà existé, n'est plus de ce monde. Et Liam a beau adoré se souvenir de cette nuit, ce n'est pas le vrai Louis qui voulait coucher avec lui. Louis n'en a que pour Harry de toute manière.

- Ouais... Je sais qu'il ne m'a jamais vraiment apprécié mais, j'avais le droit d'espérer, nan ? sourit Liam avec mélancolie.

- Il t'a laissé espérer ? demande doucement le plus âgé.

- J'ai cru... qu'après cette nuit-là, ça aurait pu être différent entre nous. C'était vraiment bien, il était calme, il était sincère, je crois, pour la première fois, avec moi. Et puis, on est retourné à la fac, et... dés qu'il a vu Scott, et la bande, il a... son sourire a disparu, et... il est redevenu froid, et distant, et agressif. Depuis, c'est comme si rien ne s'était jamais passé. Alors oui, la nuit et le matin, il m'a laissé espérer... Je me suis laissé espérer.

Touché, Alfred s'assoit en face de lui, un sourire amer étirant ses lèvres.

- Tu me rappelles quelqu'un, souffle-t-il tristement. Tu me rappelles beaucoup de choses, Liam.

- C'est mal ? demande Liam, intrigué.

- Non. Ça a du bien aussi... murmure-t-il, penseur.

Dans un silence agréable, Liam observe longuement le vieil homme, qu'il essaie d'imaginer jeune et amoureux au coeur brisé. Il le trouve presque beau, dans sa mélancolie et le regard perdu dans des souvenirs lointains. Oui, presque beau...

A l'étage, Harry est toujours assis devant la porte de sa chambre, et s'il croit que Louis est enfoui sous les couvertures à le haïr, il a tort. Le faux blond est adossé à la porte, assis par terre, l'esprit noyé à revivre toute sa vie. Et il a beau essayé de chercher les bons souvenirs de son existence, le bonheur et le son des rires, il ne les doit qu'à Harry. Tous les meilleurs des putains de moments de sa vie sont en majorité dus à Harry. Et il n'arrive pas à le haïr... Même s'il en a plus envie que de n'importe quoi.

- Louis...

Il entend Harry murmurer son nom ; son ventre se tord et son coeur s'accélère.

- Je suis tellement... tellement désolé, de t'avoir fait du mal et de t'avoir trahi... aussi stupidement. Je savais à quel point tu allais en souffrir, et je savais que je devais arrêter. Mais... j'ai continué. Je voulais savoir, je voulais connaître une autre partie de ton passé... Louis... Tu es... la meilleure chose qui me soit arrivé... Tu es... la toute première personne que j'aime... aussi niaisement que dans ces putains de dessins animés. Et je ne sais rien, je ne sais jamais comment faire, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas de quelle manière réagir et je ne sais pas de quelle manière t'aimer. J'apprends à chaque instant, et j'ai appris... je t'en supplie, Louis, pardonne-moi... Je n'aurais jamais... jamais du te faire ça, et je te supplie de te rappeler une chose...

Louis s'est levé, il a la main sur la poignée de la porte.

- Rappelle-toi pourquoi tu es resté. Pourquoi tu es resté ici, avec moi...

Il ouvre brusquement la porte, mourant d'envie de lui hurler à quel point il l'aime. Et que c'est rien que pour lui qu'il est resté, pour sa peau sur la sienne, pour ses yeux, pour son odeur, pour ses draps, pour sa putain de voix.

- Je suis resté parce que tu m'as promis de tout reconstruire en moi, lâche-t-il, et que tu étais en train d'y arriver comme un dieu. Mais là, t'es revenu à la case départ.

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