VI- La réserve ou un grand coup sur la tête
L'homme resserra ses mains autour de mon cou. Je m'agrippai à ses poignets pour tenter de lui faire desserrer son étreinte, en vain. Ma bouche s'ouvrait et se refermait, essayant d'attraper de l'air sans y parvenir. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, comme si il cherchait à sortir de ma cage thoracique.
Je me débattais mais le fou n'avait même pas l'air de le remarquer. La peur de mourir et l'instinct de survie m'intimait de faire tout ce que je pouvais pour écarter ces mains qui broyaient ma gorge. Le sang remontait dans mon crâne et j'entendais chaque battement de cœur contre mes tympans.
De l'air ! me hurlait mon cerveau.
La douleur au niveau de mes poumons et de ma trachée était insupportable. Des tâches noires apparurent devant mes yeux. Je tentai faiblement d'écarter encore une fois l'étau qui m'empêchait de respirer mais l'espoir m'abandonna bien vite.
Tu vas mourir, énonça une petite voix morbide dans mon esprit.
J'allais perdre connaissance lorsque je sentis le poids qui pesait sur ma gorge disparaître brutalement. Me laissant tomber à genoux, je pris une grande inspiration qui me parut être la plus belle chose du monde. Essoufflé, je restai à terre le temps de reprendre ma respiration. La peur m'avait momentanément quitté et j'étais concentré à alimenter tout mon corps en oxygène.
Mon cœur se calma. Le sang arrêta de battre contre mes tympans. Tout en reprenant mon souffle, je me massai délicatement la gorge. Je fis une grimace lorsque une douleur fulgurante me traversa le cou. J'allais avoir des hématomes, c'était certain.
Pendant ce temps, Hadrian et Meilin avaient foncés sur l'inconnu. Ils n'étaient pas trop de deux pour tenter de le maîtriser : Hadrian faisait de son mieux pour l'immobiliser et Meilin lui filait des coups en tout genre pour l'affaiblir. Hadrian avait tenté à deux reprises de lui tirer dessus, sans succès. Le flingue lui avait ensuite échappé des mains après un coup de l'inconnu.
Notre agresseur était grand et baraqué. Il avait les vêtements déchirés et les cheveux longs et sales. Le coup de couteau lui avait fait une grande tâche de sang qui ne faisait que s'agrandir. Les coups répétés de Meilin lui avaient cassés le nez. Même affaiblit par nos attaques, l'homme avait l'avantage sur les deux adolescents.
Avec ses yeux brûlants de haine, il avait l'air d'un tueur en série, mais d'un tueur en série normal. Pas d'un mort vivant.
Il projeta Hadrian contre un mur, me sortant brutalement de mes pensées. Celui-ci tomba sur le sol avec un grognement, incapable de se relever.
L'homme enchaînait les parades contre Meilin qui se défendait ardemment. J'avais l'impression d'assister à un de ces combats de boxe illégaux.
Profitant de la diversion que Meilin m'avait inconsciemment fournie, je me reculai prudemment en direction du flingue que j'avais confié à Hadrian un peu plus tôt. Celui-ci lui avait avait atterrit à l'autre bout de la pièce, près de la porte. Toujours à terre, j'attrapais l'arme et vérifiait le chargeur comme Flo me l'avait montré. Il ne restait qu'une balle. J'avais intérêt à ne pas rater mon coup.
Je venais de retirer le cran de sécurité lorsque Meilin subit le même sort qu'Hadrian. Celui-ci tentait d'ailleurs tant bien que mal de se relever, en vain.
Une vague de colère me saisit, bien vite complétée par une vague de peur lorsque le fou se tourna vers moi, un rictus sur le visage. Je levai alors mon arme, les mains tremblants légèrement.
- C'est toi le gars qui m'a planté un couteau dans le dos tout à l'heure ? me cracha-t-il.
Je vois pas de quoi tu parles.
- Écoute moi gamin, continua-t-il sans attendre de réponse. J'ai survécu aux radiations, et j'ai tué toutes les personnes que je connaissais qui auraient pu me nuire. Alors c'est pas quatre cons comme vous qui vont venir me piquer mes vivres ou tenter débilement de me poignarder.
Ah oui, il a carrément pété un plomb lors de l'apocalypse !
- Mais on est AB nous aussi ! me risquai-je à protester.
- C'est la raison précise pour laquelle je vais vous tuer, m'expliqua-t-il avec un sourire dément. Seul les plus forts survivent. Et vous êtes faibles !
Il sorti un couteau de sa poche et continua de marcher vers moi. Je tentai de reculer plus mais me heurtai au mur.
Ce gars est un malade mental de première classe !
Brandissant toujours le flingue, je n'arrivait pas à me décider de tirer. J'avais la respiration de plus en plus rapide à cause de la peur et de la colère contre ce type. C'était lui ou moi. Mais je n'y arrivait pas.
- Baisse ton flingue gamin, m'incita-t-il. Tu ne vas pas tirer.
Le pire, c'est qu'il avait raison.
Dans ce cas toi et tes potes allez mourir. À cause de toi. Encore...
Je pris une grande inspiration pour stabiliser mes mains, la colère et l'adrénaline prenant le pas sur la peur.
- Bon j'en ai marre, déclara l'inconnu. Je vais commencer par achever celui là.
Il se dirigea vers un Alexandre toujours inconscient.
Touche pas à mes potes, salaud.
J'appuyais sur la détente et le sourire qui était apparu sur son visage se figea brusquement. Il resta une seconde debout puis s'effondra sur le sol, un trou sanglant derrière la tête.
J'abaissais mon arme et me relevai avec difficulté. Lentement, je m'approchais de lui et m'arrêtait devant le corps. Puis, légèrement hésitant, je m'accroupis et mis deux doigts sur sa carotide. Pas de pouls. Le fou furieux de la réserve était mort.
L'adrénaline qui m'avait pris tout à l'heure me quitta brusquement et me laissa vide et fatigué. Je vis Hadrian s'asseoir difficilement et se masser les tempes, les yeux fermés. Il parut soudain se rappeler de l'état d'Alexandre et mis de côté son mal être pour s'agenouiller le plus vite possible auprès de son meilleur ami.
Quand à moi, j'allais voir Meilin qui reprenait peu à peu ses esprits.
- Ça va ? lui demandai-je doucement.
- Je pète la forme, grogna-t-elle.
Je lui tendis ma main et elle la pris de bonne grâce. Je l'aidai à se relever (je dirai même que je l'ai relevée) et elle s'appuya sur moi pour ne pas perdre l'équilibre. Elle avait dû recevoir un bon coup sur le crâne. Ce n'était pas aussi grave qu'Alexandre, qui avait l'air d'être à moitié conscient (ce qui avait l'air d'être un progrès par rapport à la dernière fois, enfin j'espérais...) et marmonnait des choses incohérentes.
- Tu as fais de la boxe ? demandai-je à Meilin alors que nous nous agenouillons à côté d'Alexandre.
- On peux dire ça comme ça, éluda-t-elle.
Hadrian regardait Alexandre comme un grand frère couvait des yeux son petit frère d'un air inquiet lorsqu'il avait une grosse fièvre.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? lui demandai-je.
- Lorsqu'on est arrivé ici et qu'on a vu que les rayons étaient dévalisés, on à pris ce qui pouvait nous être utile, puis on s'est dit qu'il y aurait plus de choses dans la réserve, raconta Hadrian. On y est donc allés lorsque soudainement un gars sorti de nulle part nous à sauté dessus. On s'est battus du mieux qu'on pouvait, et Alexandre a tenté de lui tirer dessus, mais le gars à dévié son bras et le coup est parti dans le plafond. Puis il l'a plaqué contre le mur et jeté violemment au sol. Il n'a plus bougé. J'ai...j'ai cru qu'il était mort. La suite vous la connaissez.
Ça expliquait le coup de feu et le hurlement que l'on avait entendu.
- Bon, il a sûrement subit une commotion cérébrale, intervint Meilin. Lorsqu'il se réveillera, il faudra absolument l'empêcher de se rendormir jusqu'à ce que ses pupilles ne soient plus dilatées, c'est clair ? Sinon, il risque de ne plus se réveiller, expliqua-t-elle en direction d'Hadrian.
Celui-ci n'avait pas l'air bien. Couvert de sang, de crasse et de sueur, un œil au heure noir et son T-shirt déchiré, il hocha néanmoins la tête et se remit à surveiller Alexandre comme si il se promettait de ne plus jamais le lâcher des yeux.
Trop mignon.
- Victor et moi, on va finir compléter les sacs comme ça lorsque Alexandre sera en état de partir, on sera prêts. On va aussi essayer de trouver de quoi bander sa tête, décida Meilin.
- À vos ordres chef ! plaisantai-je.
La jeune fille me lança un regard sévère mais j'y décelait une lueur d'amusement.
- J'ai pas de temps à perdre soldat ! s'écria-t-elle, se prenant au jeu. Alors on se magne et on fait ce que je dis !
Cette fille est cinglée, mais je crois que je commence à l'apprécier.
Je me mis donc à fouiller les cartons et palettes désorganisées par notre combat contre le fou, un léger sourire au lèvres. Le cadavre de celui-ci était toujours au même endroit que toute à l'heure. Je lui jetai un regard dégoûté.
- On en fait quoi de lui ? demandai-je à Meilin.
- On le laisse, me répondit-elle sans le regarder. On va pas perdre de l'énergie à le déplacer.
J'acquiesçais d'un signe de tête et et recommençais à fouiner dans les cartons. Il y en avait un remplis de stylo et un autre plein de bouteilles d'eau de 50cl. J'en mis dans le sac des deux garçons et en profitai pour en ouvrir une et boire. Je passais à un autre carton. Celui-ci était rempli de compresses et bandes de gaze pour blessures grave. Je souris de toutes mes dents.
- Hé mec, regarde ce que j'ai trouvé ! lançai-je à Hadrian.
Je lui donnai un paquet de compresses et une bouteille. Il me remercia et ne perdit pas de temps pour soigner la plaie d'Alexandre. Celui-ci tressaillit et battit des paupières lorsque le jeune homme toucha sa blessure.
- Hadri ? murmura-t-il. Hadri j'ai fais un rêve...
Il s'interrompit.
Meilin s'accroupit auprès de lui et l'observa.
- Comment est-ce que tu t'appelles ? lui demanda-t-elle.
Je soulevais un sourcil.
- Alexandre, répondit-il faiblement.
- Quel âge à tu ? Que t'es t'il arrivé ? continua-t-elle.
Alexandre parut faire un effort pour s'en souvenir.
- J'ai...j'ai dix-sept ans et...je ne sais plus ce qui c'est passé...
- T'en fais pas, la mémoire vas te revenir, diagnostiqua Meilin. Tu as une commotion cérébrale, mais elle n'est pas trop grave.
Elle se tourna ensuite vers Hadrian.
- Tu le garde éveillé jusqu'à ce que ses pupilles redeviennent normales, c'est clair ? lui ordonna-t-elle sérieusement. Tu lui parles, tu le gifles, mais tu le tient éveillé !
Comme pour illustrer ses propos, elle donna une claque magistrale à Alexandre qui commençait à piquer du nez. La joue du pauvre garçon vira au rouge et le bruit résonna dans toute la pièce, mais c'eut au moins l'effet de lui faire rouvrir précipitamment les yeux.
J'écarquillai les yeux et hésitai entre éclater de rire, plaindre Alexandre et retourner à mes activités en faisant comme si je n'avais rien vu.
J'esquissai un sourire. Meilin se releva et vint m'aider à ouvrir un carton scellé par une centaine de couches de scotch.
- Où est-ce que t'as appris ça ? lui demandai-je, curieux.
- Où est-ce que j'ai appris à donner des baffes ? se moqua-t-elle en glissant des boites de conserves dans le sac d'Alexandre.
- Non, où est-ce que tu as appris à te battre et à soigner les gens ? rectifiai-je avec un sourire.
J'entendais Hadrian raconter à Alexandre ce qui s'était passé quelques minutes plus tôt. La jeune fille ferma le sac et se releva avant de me répondre.
- Service militaire.
Je répondis un truc fin et très intelligent du genre :
- ...hein ?
- J'ai fais un an de service militaire, précisa-t-elle. Armée de Terre.
Ça expliquait un tas de choses.
- Je crois qu'il va mieux ! s'écria Hadrian.
Meilin s'approcha des garçons.
- C'est quoi ce bordel ? Pourquoi tu m'as donné une claque ?! s'énerva le blessé d'une voix cassée.
Meilin eût un sourire satisfait.
- Il a l'air de retrouver ses esprits !
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