V- Réveil difficile ou baston

Je me réveillais en sursaut, le corps trempé de sueur, tremblant et les yeux pleins de larmes prêtes à dévaler mes joues. Alexandre se tenait au dessus de moi, un air inquiet et mal à l'aise sur le visage.

- Victor ? Est-ce que...est-ce que ça va ? me demanda-t-il en chuchotant.

Je me redressai en position assise. Je voulu répondre quelque chose mais un sanglot remonta dans ma gorge et je renonçais à dire quoi que ce soit. J'enfouis simplement ma tête dans mes bras et laissai couler mes larmes en tentant de ne pas faire trop de bruit. Je sentis la main maladroite d'Alexandre frotter mon dos. Je restai ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, des sanglots silencieux secouant ma poitrine, l'image de Florian mourant s'ajoutant à celle de mes parents dans mon esprit. Mes sanglots se calmèrent peu à peu. Les yeux rouges et les joues trempées, je relevai la tête vers Alexandre, puis vérifiais que je n'avais pas réveillé les autres.

- C'était qui ? me demanda Alexandre, toujours à voix basse.

Je m'essuyais les yeux.

- Un ami que je connaissais depuis le collège. Il s'appelait Florian.

Une dernière larme roula sur ma joue et Alexandre hocha la tête, compatissant. Il ne dit rien et je l'en remerciais mentalement. Une profonde tristesse et une vrai compréhension se lisait dans son regard.

- Je vais vérifier les listes de AB affichées à Portland, m'avoua-t-il, estimant sûrement qu'étant donné que je lui avais avoué quelque chose, il devais m'avouer quelque chose en retour. Il y a quelqu'un...quelqu'un que je voudrais retrouver.

Au début des effets provoquées par les radiations, chaque ville avait accroché des listes de AB dans les halls des hôpitaux où on avait rapatrié les gens du groupe O et B. Alexandre baissa la tête. Je ne savais pas quoi dire.

- Bon, c'est à ton tour de veiller, m'annonça-t'il, changeant brusquement de sujet.

Il me mit la montre d'Hadrian entre les mains.

- Je comptai faire ton quart vu que je sais que je n'arriverai pas à dormir, mais vu que tu es réveillé...il est quatre heures, à six tu nous réveille, me rappela-t-il. Je reviens je vais pisser. Et s'il-te plaît, me demanda-t-il en baissant encore la voix, ne dit pas à la cinglée ce que je t'ai raconter.

Je souris à l'entende du surnom et hochai la tête d'un air entendu. Alexandre quitta la pièce, j'attrapai le flingue que j'avais caché sous mes draps et me préparais à deux bonnes heures de veille.

***

Même si j'avais pu me rendormir, je pense que je n'aurais pas réussi. Mon cauchemars hantait mon esprit et faisait remonter d'autres souvenirs.

Mon père, allongé sur un lit de camp parmi des centaines de personnes dans le hall de l'hôpital de la ville.

Moi, fuyant de notre appartement en n'ayant le temps de n'attraper que mon sac à dos (près depuis déjà plusieurs jours) pour échapper à la mère qui me poursuivait. Elle avait un couteau à la main, ses yeux étaient injectés de sang, de longues griffures apparaissaient sur ses joues et elle me hurlait que c'était de ma faute si mon père était entrain de mourir.

J'étais tombé par hasard sur Florian, un sac sur le dos. Je ne savais pas son groupe sanguin, je lui avais dit le mien. La pensée qu'il puisse être B, O ou même A ne m'avais pas effleuré l'esprit. Pour moi, c'était mon pote. Il allait survivre, c'était obligé, ça ne pouvait pas se passer autrement. Il m'avais proposé de s'en aller avec moi, j'avais accepté et on avait couru pour échapper à ma mère qui poussai des cris inhumains et aux quelques A déjà assez malade pour vouloir tuer des gosses.

Florian m'avait dit qu'il y avait un camps de AB en dessous de Seattle. Si on faisait le tour, on allait perdre du temps. On s'était alors préparés à traverser la ville. La veille du départ, Florian avait appris d'un B mourant que le camp avait brûlé. Il avait l'air perturbé après ça. Je croyais que c'était à cause de la nouvelle, mais je me rendais compte maintenant que c'était parce qu'il avait vu à travers le B mourant comment il allait finir : couvert de cloques et de sang, presque incapable de parler sans tousser.

Je regardai discrètement le soleil qui se levais par la fenêtre, puis jetai un coup d'œil à ma montre. Cinq heures cinquante-cinq. Meilin était roulée en boule dans ses draps, sa main refermée autour d'un couteau. Hadrian était étalé bizarrement et Alexandre avait l'air de faire un mauvais rêve. Il s'agitait dans son sommeil. Il avait réussi à dormir finalement...

À six heures pétantes, je vis Meilin ouvrir les yeux en baillant.

- T'es une horloge toi ! Lui lançait-je avec un sourire.

- L'habitude, me répondit-elle d'une voix enrouée par le sommeil.

Elle sorti de son lit de fortune et refit sa queue de cheval avant de donner un coup de pied à Hadrian pour le réveiller. Je retint un rire et allai secouer Alexandre.

Après un petit-déjeuner bien silencieux composé de biscuits sec et d'eau, Meilin annonça qu'elle allait fouiller la maison pour voir si il y avait des choses que l'on pourrait récupérer. Je lui proposait mon aide et pris sont haussement d'épaules pour un oui. Alexandre déclara que Hadrian et lui-même allaient à l'épicerie du village et suggéra qu'on se retrouve d'ici vingt minutes devant la porte de la maison. J'acquiesçais, Meilin haussa les épaules et nous nous séparâmes.

Je montai à l'étage et entrai dans la salle de bain, une des pièces qui me manquaient le plus depuis l'apocalypse. Le carrelage blanc était constellé de sang et la baignoire était tachée de boue et d'hémoglobine. Un couteau traînait sur le sol et la maison sentait la poussière et le moisi. Je traversai la pièce et fouillai un peu dans les tiroirs. J'attrapai deux tubes de dentifrice, une brosse à dent neuve et entreprit de me laver les dents avec l'eau d'une bouteille.

Meilin débarqua dans la pièce et posa un sac à coté de la porte.

- Pour toi, m'informa-t-elle.

Elle fouilla dans le tiroir ou j'avais trouvé la brosse à dent et en sortit une pour elle. Je lui tendit la bouteille d'eau et elle la pris.

- Il nous reste quinze minutes, me lança-t-elle tandis que je me dirigeai vers une des chambres de l'étage.

A l'heure prévue, j'avais changé de pantalon, de caleçon et de T-shirt (le gars qui vivait là avant avait la même taille que moi au niveau du bas, mais le T-shirt était deux fois trop grand). J'avais enfin le poids rassurant d'un sac sur le dos et Meilin et moi attendions devant la porte de la maison que les garçons arrivent.

Sauf qu'ils n'arrivaient pas.

Meilin regarda autour d'elle d'un air inquiet.

- Ils sont peut-être en retard, suggéra-t-elle sans grande conviction.

Dix minutes passèrent dans un silence pesant. Le village était désert, certaines maison étaient noircies et en ruines, comme si elles avaient brûlées. Je m'inquiétais pour Alexandre et Hadrian et cette attente augmentait encore plus mon angoisse. Ça pouvait paraître exagéré, mais après l'apocalypse, la peur devenait une habitude.

- J'en ai marre, on va les chercher, lançais-je à Meilin.

Celle-ci acquiesça et je sorti mon flingue de ma ceinture. L'épicerie n'était qu'à une centaine de mètres de la maison, on la voyait depuis le pas de la porte. Nous nous dirigeâmes donc vers le petit bâtiment, tentant de nous faire discrets (même si il n'y avait personne pour nous repérer) lorsque un coup de feu retentit, suivis d'un cri. Oubliant toute prudence, nous nous précipitâmes vers la boutique, franchissant les derniers mètres au pas de course.

La porte était fracturée. Je franchis l'ouverture, mon arme pointée devant moi, le cran de sécurité retiré. Les rayons avaient étés dévalisés. Certaines palettes étaient tombées par terre, leur contenu jonchant le sol. D'autres étaient cassées en plusieurs morceaux. La vitre du distributeur de boisson était en morceaux, et il ne restait plus qu'un malheureux paquet de chips.

Meilin me montra quelque chose du doigt et je baissa la tête. Une traînée de sang se dessinait un chemin par mis les débris vers la porte entrouverte de la réserve, au fond de la boutique. Redoutant le pire, je suivis la jeune fille qui se dirigeais vers la pièce d'où s'échappait des grognements ainsi que des bruits de combat. Arrivé devant la porte, elle s'arrêta une seconde. Puis, déterminée, elle donna un coup de pied dans la porte qui s'ouvrit en grand, me révélant un spectacle qui me glaça le sang.

Alexandre était allongé sur le sol dans un coin de la pièce, inerte, une flaque de sang s'étalant autour de son crâne. Son flingue était tombé à coté de sa main. Hadrian, quand à lui, luttait contre un homme couvert de crasse et d'hémoglobine qui, un couteau en main, essayait apparemment de le tuer.

Apparemment. (Vous la sentez l'ironie ?)

Son agresseur se tenait au dessus de lui, lui bloquant les chevilles avec ses pieds et tentait tant bien que mal de lui trancher la gorge en tenant son couteau à deux mains, tandis que Hadrian faisait tout son possible pour retenir le couteau qui s'approchait peu à peu de son cou. Réagissant au quart de tour, Meilin se jeta soudainement sur le fou, lui faisant lâcher son couteau à quelques centimètres de la gorge d'Hadrian et libérant le jeune homme. Elle roula sur le sol en entraînant l'inconnu un peu plus loin mais se reçu un coup de poing en plein dans le nez.

Hadrian ne perdit pas de temps et se releva pour se précipiter vers Alexandre, le souffle court et en sueur. Il chercha fébrilement son pouls sur son cou et soupira de soulagement.

- Oh merci mon Dieu il est vivant, murmura-t-il.

Meilin était toujours au prise avec l'inconnu et elle avait du mal à reprendre l'avantage. Elle avait le nez en sang, son couteau lui avait échappé des mains et l'homme l'avait plaquée contre le mur, les deux mains sur sa gorge, lui bloquant la respiration. Mon coeur bondis dans ma poitrine. Il était impossible de tirer, vu mon adresse, j'étais capable de toucher Meilin. Je lançai alors brusquement mon flingue à Hadrian qui le rattrapa avec un regard étonné.

- Je sais pas m'en servir, lui avouai-je.

J'attrapai le couteau sur le sol et me jetai sur l'inconnu.

La dernière fois qu'on a voulu jouer au héros on a faillit mourir, mais pas de soucis, remettons ça !

Sans prévenir, je le poignardai entre les omoplates et retirai ma lame de son dos. Il poussa un hurlement de douleur et se retourna en lâchant Meilin, les yeux remplis de haine, le regard semblable à celui d'un animal blessé. Meilin tomba au sol avec un grognement, tentant de reprendre sa respiration. Soudainement, il m'attrapa par le col et me plaqua à mon tour contre le mur. Mon coup de couteau avait l'air de ne l'avoir que plus énerver.

Le point positif, c'est qu'il avait arrêté d'étrangler Meilin.

Le point négatif, c'est que j'étais moi même entrain de suffoquer.

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