IV- J'ai croisé un cannibale ou la porte ouverte aux cauchemars !
Je sais ce que vous allez me dire :
Victor, c'est pas bien de suivre des inconnus, tu les connais même pas !
Alors de un : Il y a un mois, j'aurais été complètement d'accord avec vous. Mais là...est-ce que j'avais le choix ?
Je n'allais pas rester pourrir dans les égouts avec des Irradiés en phase terminale qui traînent dans les parages !
Et de deux : je les connaissais un minimum ! Je savais qu'ils s'appelaient Hadrian et Alexandre, qu'ils étaient des Ninjas, que Alexandre voulait aller à Portland pour une raison inconnue, et que Hadrian était beaucoup plus cool que lui.
Bon d'accord, c'était pas grand chose. Mais c'était déjà ça !
Hadrian nous avait annoncé qu'il restait encore une heure à marcher avant de pouvoir revoir la lumière du jour. Celui-ci avait l'air de connaître les boyaux comme sa poche. Sois il vivait ici depuis les radiations et il avait et il avait eu le temps de tout cartographier dans sa tête, sois il connaissait déjà les égouts par cœur.
Bizarre quand même hein...
On marchait en silence, Alexandre et Hadrian devant, moi et Meilin derrière. Pour passer le temps, je comptai chaque croisement de gauche que l'on prenait. En d'une demi heure, on en avait passé une trentaine. Les deux garçons tournèrent une énième fois. Avec, un soupir, je les suivis, regardant mes pieds. Je commençait à en avoir marre, et j'avais extrêmement faim. La barre de céréale de Meilin n'était plus qu'un lointain souvenir.
Je me cognai soudainement à quelqu'un. Je relevai la tête et m'aperçut que j'avais foncé dans Alexandre. Celui-ci était immobile et bizarrement ne broncha pas. Je regardai du côté de Meilin et vis qu'elle et Hadrian s'étaient arrêtés, les yeux écarquillés, fixant un point devant eux. Je fronçais les sourcils et tournais la tête vers la raison de leur stupeur.
Des corps. Des corps partout dans le passage. Le faisceau de la lampe d'Hadrian éclairait des tas de cadavres par terre, enchevêtrés les uns sur les autres, couverts de sang, entiers ou non. La puanteur était horrible.
Putain mais c'était quoi ça ? Un cimetière ?
Mon cœur s'accéléra lorsque la lampe éclaira une forme qui bougeait. Je plissai les yeux. Ça ressemblait à une personne...peut-être y avait-il quelqu'un de vivant !
Comme si la chose avait entendu mes pensées de son tas de cadavre, elle tourna la tête vers moi. Elle avait la peau sur les os. Du sang frais dégoulinait de sa bouche et recouvrait le reste d'un T-Shirt. A coup sur, c'était un A. Un A qui bouffait des cadavres.
Ç'en était trop pour moi. J'eus le temps de soulever le bout de chiffon qui me servait de masque avant de rendre le peu que contenait mon estomac.
- Oh putain, jura Meilin d'une voix tremblante.
Je me redressai et remit mon "masque", tentant de ne pas regarder devant moi. Je ne pu m'empêcher de remarquer que l'Irradié s'était désintéressé de nous pour continuer à dévorer une...une main ?
Mon estomac fit un bond et je faillis vomir une seconde fois. Et les bruits de mastication n'aidaient pas.
- On...on va passer par un autre chemin, bégaya Hadrian d'une voix étranglée.
Alexandre approuva d'un signe de tête.
Tout le monde recula prudemment dans que l'Irradié ne fasse un geste. Voyant qu'il était de toute manière trop occupé à manger le reste d'un cadavre, Hadrian se détendit légèrement et nous sortîmes du couloir remplit de corps avec un réel soulagement. Sans mot, il nous fit signe de la suivre. Je lui obéis machinalement, tentant d'oublier ce que j'avais vu. Mon cœur se calmait peu à peu. Encore un souvenir à accrocher sur le tableau des cauchemars...
Le regard d'Alexandre était perdu dans le vide. Lui aussi devait faire des mauvais rêves la nuit. Je me demandais à quoi il pensait. Peut-être à ses parents ou des frères et sœur (enfin si il en avait). Peut-être à ses potes, à sa petite amie sûrement transformée en zombie à l'heure qu'il est...
De quoi alimenter pas mal de pensées suicidaires.
- Ce qui me fais le plus flipper dans tout ça, c'est qu'il y a trois jours tout ces A étaient encore vivants, déclara brusquement Hadrian. Ils ont dû se battre entre eux. J'espère que celui qu'on a vu était le seul qui restait...
Merci de nous remonter le moral Hadri. T'es vraiment un chouette type.
- Sors nous juste de ce trou et arrête de nous déblatérer tes conneries, s'énerva Meilin.
- Toi tu te la ferme et tu donne pas d'ordres à mon pote, répliqua Alexandre. Le fait que la jeune fille ai crié sur Hadrian parut le faire redescendre sur la planète Terre.
- Putain mais c'est toi qui...commença-t-elle en pointant un doigt sur le brun.
- Wo Wo Wo on se calme les gars ! intervins-je en me plaçant entre eux deux. Vous voulez dégager vite d'ici ou attirer une horde de zombies ?! On se détend, on suit Hadrian et on sort au plus vite de ces boyaux flippants !
Meilin me jeta un regard noir mais ne dit plus rien. Hadrian recommença à marcher et Alexandre replongea dans ses pensées comme si rien ne s'était passé.
Je soupirai de soulagement. On venait d'éviter une énième catastrophe naturelle.
***
On était arrivés dans un village lambda au bout d'une heure supplémentaire de marche en dehors des égouts. Alexandre était parti chercher des vivres dans l'épicerie du coin, pendant que nous nous étions installés dans une maison vide. Il était revenu avec des sandwichs périmés de trois jours que je n'aurai mangés pour rien au monde avant, et je me suis dit que jamais un truc immangeable n'avait été aussi bon.
On s'en s'installa dans le salon, se faisant des lits de fortune avec des draps poussiéreux trouvés à l'étage. Moi et Hadrian avions voulus laisser le canapé à Meilin mais celle-ci, trop fière, avait refusé. Après dix minutes de dispute stériles dans laquelle les mot "sexisme" et "gentillesse" apparurent une bonne vingtaine de fois, Alexandre trancha en décidant que c'était lui qui dormirai sur le divan et personne n'y avait vu d'objection.
On établit des tours de garde jusqu'au matin et Alexandre devait me réveiller à trois heure pour le dernier quart.
C'est ainsi que, le ventre (enfin) plein, je m'endormis, l'image d'un A dévorant des cadavres imprimée sur ma rétine.
***
Je courrai pour échapper aux monstres qui nous attaquaient, Florian et moi.
Tu es intelligent Victor ? Tu as été premier de ta classe au dernier trimestre ? Ouiiiiiii ! Tu pouvais pas faire comme tout le monde et regarder "The Walking Dead" au lieu d'étudier ?! Parce que sérieusement, pour traverser une ville lors d'une apocalypse de zombies, faut être con ou suicidaire !
Je secouai la tête pour tenter de chasser la voix de mon crâne et jetai un coup d'œil à Florian. Il avait le teint pâle et un filet de sang tachait la commissure de ses lèvres. Ça faisait déjà une semaine qu'il crachait du sang et ne dormait qu'une heure maximum par nuit. Je flippai pour lui mais je n'avait rien dit, me contentant d'ignorer ce qui lui arrivait.
Con et lâche. Bien Victor, bien !
Florian s'arrêta soudainement, le visage blanc. Je pilais et revint sur mes pas en vitesse.
- Vic' je crois que...commença-t-il.
Il se plia en deux et, saisit d'un violent haut le cœur, il vomit un flot de liquide rouge foncé. Puis il tomba à genoux, haletant. Je compris avec horreur que c'était du sang. Je me précipitais vers mon ami et l'aidai à se relever, le cœur battant contre mes côtes. Ce dernier était en sueur et tremblait.
- Ça va aller Flo. Il faut juste qu'on trouve un endroit où se poser, lui dis-je d'une voix qui se voulait rassurante mais qui était simplement étranglée et chevrotante.
Florian ne répondit pas, trop occupé à calmer ses tremblements afin de pouvoir rester debout. Je regardai autour de moi avec frénésie, essayant de trouver un endroit où aller. Je tournai dans une ruelle et aperçu une petite maison dont le toît était défoncé mais tenait encore debout. Je dégageais les morceaux de bois pourris par les radiations à coup de pieds et entrai tant bien que mal par l'ouverture. Il n'y avait qu'un petit espace d'environ un mètre carré qui n'était pas recouvert par des gravats. J'adossais Florian au mur, essayant de l'éloigner au plus possible de la porte. Je jetai un coup d'œil par l'ouverture. Les Irradiés n'avaient pas encore pénétrés dans la ruelle mais j'entendais leurs cris se rapprocher. Je me retournais vers Florian et mon souffle se coinça dans ma gorge lorsqu'il fut pris d'une violente quinte de toux. D'autre tâches vinrent s'ajouter à son T-shirt presque entièrement tâché d'hémoglobine. Ironie du sort, s'était un T-shirt blanc au départ.
- Putain Flo, jurai-je, fébrile.
Celui-ci tenta de sourire mais ne parvint qu'à esquisser une grimace rougeâtre.
- Victor il faut que...(nouvelle quinte de toux)...que tu t'en aille, m'ordonna-t'il d'une voix rauque.
- Quoi ?! Je...non je...je reste ! protestai-je.
- Mec, je vais mourir et tu le sais. Alors je veux que tu t'en aille, parce que c'est hors de question que t'assiste à ça, dit-il plus fermement.
- Non c'est hors de question que je m'en aille, répliquais-je.
Mon cerveau tournait à plein régime pour tenter de trouver une solution.
Les cris des Irradiés se rapprochaient.
- Man je suis un B ! Je t'ai déjà expliqué toutes ces histoires au sujet des radiations, tu t'en souviens ? me demanda-t-il.
Voyant que je ne répondais pas, il insista :
- Est-ce que tu t'en souvient ?
- Bien sûr que je m'en souviens, comment je pourrai oublier ?! Ces radiations ont tués mon père de la même manière que tu vas mourir, et j'ai toujours peur de croiser ma mère errant en décomposition dans la rue !m'énervais-je.
Je regrettais aussitôt.
- Je...je suis désolé, c'est juste que...je veux pas que tu meures...
Florian avait l'air de transpirer de plus en plus.
- Mec tu peux pas me sauver, je suis mort depuis que les centrales ont explosé ! s'emporta-t-il, les yeux brillants. Mais bien évidemment tu peux pas le savoir, vu que t'as passé toute ta vie à ignorer les problèmes des autres, et surtout le mien ! Regarde Victor, regarde !
Il souleva son T-shirt et je fus pris d'un haut le cœur. Sur tout le bas de son ventre s'étalaient des cloques pleines de sang et de pus. C'était horrible.
- Combien de temps ? parvins-je à murmurer, la voix étranglée et les larmes aux yeux.
- Deux semaines. C'est pire de jours en jours, répondit Florian.
Sa voix était calme et beaucoup plus posé. Il rabattit son T-Shirt et je relevais la tête vers son visage.
- Je suis désolé Man, je voulais pas te le montrer, mais je crois que j'ai une putain de fièvre et je sais plus trop ce que je fais, souffla-t-il. Mais là il faut vraiment que tu parte. Va te cacher dans les égouts, là les Irradiés n'auront jamais l'idée de te trouver.
- Mais et toi ? Je veux dire je sais que tu vas...que tu vas...enfin...que tu vas mou-mourir...lâchais-je, tentant ne pas laisser mes larmes dévaler mes joues, mais les Irradiés te trouverons avant !
Comme pour confirmer mes dires, un cris inhumain résonna encore plus près que toute à l'heure. Je jetai un rapide coup d'œil à l'extérieur. Ils n'étaient pas encore entrés dans la ruelle mais ils n'allaient pas tarder.
- Ils seront là d'ici deux minutes, lui annonçais-je fébrile. C'est hors de question que tu te fasse bouffer.
Je fixai son visage. Ces yeux étaient brillants de fièvre, sa peau pâle comme la mort et une nouvelle quinte de toux le secoua.
- Bute moi.
Je devins aussi blanc que lui.
- Je...de...c'est...quoi tu veux dire que...Non ! Bredouillais-je.
Florian agrippa mon T-Shirt et m'attira à lui.
- Victor. Bute moi.
Il cracha ces mots avec haine en me fixant dans les yeux. Puis il me lâcha. Il ne m'appelait "Victor" que lorsqu'il était vraiment sérieux. Je déglutis et baissais la tête.
- Je suis désolé, je peux pas faire ça.
- Je croyais que je pouvais compter sur toi quoi qu'il arrive ! s'exclama-t-il.
- C'est le cas ! me défendis-je.
- Si c'est le cas...(il arracha le flingue qu'il avait coincé dans sa ceinture, me le mis de force dans la main et le colla sur son front) fais-le. Je refuse de mourir étouffé dans mon propre sang ou bouffé par des putain de zombies !
Je secouai la tête, incapable de dire un mot. Le noeud se resserra dans ma gorge.
- Victor, souffla Florian. S'il te plaît.
Une larme coula sur sa joue.
Mon doigt effleura la détente.
BANG.
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