Chapitre 9 : Dernier tournant

Je me réveillais doucement, un sentiment de bien être et de calme m'entourant tel un cocon. Je n'avais pas envie de me lever, ni même de bouger. Je souhaitais juste rester ainsi, pour toujours. C'était tellement agréable, reposant, comme si le temps c'était arrêté. Plus rien n'existait, le monde entier avait disparu. Un monde nu, pur et beau, le monde dont je rêvais. Il se reflétait dans mes yeux, cette terre à mon image.

Mais soudain, une voix claire me tira de cet endroit hors du temps et de ce calme qui m'avait envahi :

-Shirley ! Shirley, réveille-toi !

Je grognais et me tortillais sur le matelas. Je n'avais vraiment aucune envie de me lever. Je voulais partir à nouveau, loin, dans ce monde qui n'appartient qu'à moi. Mais c'était trop tard, la réalité avait refait surface et avait englouti le reste, mes rêves et mon idéal. Tout.

Je me redressais, frottant mes yeux encore endormis agressés par la lumière du jour. Devant moi, une Enna parfaitement réveillée m'observait avec prudence et amusement. Elle dit :

-Tu n'es pas du matin apparemment ...

Je m'abstiens de toute réponse, sachant parfaitement que celle-ci aurait été inutile.

-Je t'aurais bien laissée dormir, mais on doit partir de bonne heure alors il faudra remettre la grasse matinée à plus tard !

J'hochais la tête, cette fois parfaitement réveillée. Elle me tendit des vêtements et jugea bon de s'expliquer devant ma moue interrogatrice :

-Des nouveaux vêtements, ce sera plus pratique une fois dehors !

-Merci, j'imagine que je serais vite-fait d'être repéré en pyjama.

Elle eut un petit sourire, contente de me tirer une phrase correcte. J'enfilais les vêtements de couleur vert principalement, la couleur de la ville. Je n'avais jamais eu d'aussi beaux habits, je remerciais silencieusement Enna et ses parents. Nous descendîmes les escaliers sans un mot. Dans la salle à manger, Liloo et Kristian étaient attablés. La mère de famille me salua chaleureusement, le sourire aux lèvres. J'étais mal à l'aise, je n'étais décidément pas habituer à ce genre d'ambiance. C'était nouveau pour moi et je ne savais pas comment réagir.

Le petit déjeuner était délicieux et surtout très copieux. Je mangeais beaucoup, appréciant cette nourriture de qualité. Des mets que je n'aurais surement plus l'occasion de manger avant longtemps. Soudain, Enna se leva et lança à mon égard :

-Il va falloir y aller, c'est l'heure !

J'opinais du chef et Liloo se leva, quitta la pièce pour finalement revenir avec un grand sac du voyage. Il était brun clair et muni de multiples poches sur les côtés. Elle me le tendit et ajouta alors que je l'acceptais un peu surprise :

-J'y ai mis le nécessaire, tu pourras t'en sortir, au moins le temps d'avoir une situation correcte.

Je la remerciais chaudement, émue par tant de générosité, je ne trouvais pas les mots justes. Les adieux furent difficiles et je retiens au mieux mes larmes. Ce n'était pas le moment de me laisser emporter par mes émotions, je devais être forte.

Après un petit instant devant la porte de la maison, un regard entendu échanger avec Enna, le monde fut de nouveau devant mes yeux. Les rues étaient bondées de monde et l'agitation était palpable. La surprise dût se lire sur mon visage car la blondinette m'expliqua :

-Plus il y a de monde, plus il y est facile de passer inaperçu. Les gardes auront du mal à te retrouver dans la foule !

-Astucieux !

Mon commentaire lui arracha un sourire en coin, ses yeux pétillaient derrière ses lunettes.

Et nous nous lançâmes dans les rues. En un instant, je n'étais plus Shirley, une fugitive recherchée par l'armée. Non, je n'étais personne. Juste une anonyme de plus dans cette amas de riverain sans nom ni visage. Je n'étais pas différente d'eux, nous étions tous égaux. Une masse de problèmes, de joie et de peine. Toutes ses faces qui défilaient sans rien de particuliers, sans rien de marquant. Je me faufilais entre ces corps, ces pantins de ce monde que je rêvais de quitter. Je me frayais un chemin entre ces obstacles, ces humains qui se mettaient en travers de ma liberté, si proche.

Les regards glissaient sur moi sans m'atteindre. J'étais la foule, il ne pouvait pas m'atteindre, j'étais invincible. Ce sentiment était nouveau, mais tellement bon. Il me colla à la peau pendant de longues minutes, jusqu'à ce que nous quittions les rues les plus fréquentés de la capitale. Mon euphorie retomba. Enna marchait d'un pas énergique, plus rapide qu'à la normale, mais sans que ça paraisse suspect. Elle jetait régulièrement des regards discrets aux alentours derrière ses lunettes.

Soudain, elle me tira violent le bras et me tira dans une ruelle, intimant d'un mouvement le silence. J'obéis, consciencieusement. Une patrouille passa tout proche et je remerciais d'un regard Enna, toujours concentrée sur sa mission. Nous poursuivîmes notre chemin. Le temps passait et je me demandais combien de temps restait-il avant de quitter la ville.

-On est bientôt arrivé, patience !

J'hochais la tête. Prenant mon mal en patience selon ses précieux conseils. Elle me conduit sous un vieux pont couvert de lierre. Elle déplaça rapidement la verdure et apparu, comme incrustée dans la pierre, une porte ronde. Elle actionna la poignée d'un mouvement sec et la porte s'enfonça, dévoilant un passage étroit. Nous entrâmes, je n'étais pas particulièrement rassurée, mais m'abstiens de toutes paroles. Enna referma l'issue qui grinça fortement. Etrangement, il ne faisait pas noir, de petits cristaux de Jade posés au sol s'émanait une douce lumière. J'approchais ma main pour les toucher, poussée par la curiosité, mais Enna me retient :

-On n'a pas le temps, viens !

Dès qu'elle eut tournée le dos, j'en pris quand même un que je glissais dans mon sac. Le trajet dans le tunnel fut assez court, une dizaine de minutes à peine.

La blondinette déverrouilla une nouvelle porte qui émit le même bruit sinistre que la première. Mon cœur battait à tout rompe contre mes tempes tandis que mon excitation était à son comble. Soudain, une lumière éclatante inonda le passage, m'aveuglant de son intensité. Lorsque mes yeux furent habitués à l'extérieur, je restais stoïque. Un sourire se formait sur mes lèvres tandis que je goûtais à ma première bouffée de liberté. 

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