Chapitre 8 : Aperçu de liberté


       Quand la nuit fut tombée, je suivis Jason à travers les rues sombres de la ville. Nous marchions à un rythme soutenu, presque en courant. L'air fraie mordait mon visage à moitié recouvert d'un capuchon. Je resserrais le tissu contre ma peau, lançant des regards furtifs autour de moi. Craignant la quelconque menace, le moindre problème. Mais il n'y avait rien, nous étions seuls ce soir-là.

Je suivais Jason comme son ombre, pressée de trouver un abri. Soudain, devant une bâtisse identique à toutes les autres. Le jeune homme s'arrêta, sembla réfléchir pendant quelques instants, puis se tourna dans ma direction pour me dire :

-Attends-moi ici, je reviens.

J'hochais la tête, ne pouvant pas m'empêcher d'être méfiante. Il escalada le portail avec facilité et disparut derrière la maison. L'angoisse montait à nouveau. Et si ... Il ne revenait pas ? Ou pire, il revenait avec les gardes à ses côtés ? Non, non, ce n'était pas possible. Pourquoi ferait-il ça, déjà ? Il m'a sauvé de leurs griffes, ce serait insensé ! Mais rien ne pouvait me rassurer à présent, à part le retour de Jason, seul.

Je n'étais pas vraiment patiente, surtout dans ce genre de moment. J'avais comme une boule au creux de l'estomac. Mais, quelques minutes plus tard, la silhouette de Jason déchira l'obscurité, suivie d'une autre. Celle d'une fille. Elle n'était pas très grande, blonde comme les blés et portait des petites lunettes sur son nez. Elle semblait très sage, un peu timide, peut-être quelque peu renfermée aussi. Elle devait être plus âgée que moi, mais moins que celui qui m'avait aidé. Il nous présenta, presque solennellement :

-Shirley, je te présente Enna. Enna, voici Shirley.

Elle eut un petit sourire poli, sourire que je lui rendis avec toute la sincérité dont j'étais capable. Elle me dévisageait avec curiosité, tandis que Jason reprenait :

-Ses parents sont d'accord pour t'héberger pour une nuit ou deux. Et elle t'accompagnera hors de la ville sans problème.

Le silence qui suivit fut quelques peu gênant, aucun de nous trois ne se décidait à prendre la parole. Je ne savais pas quoi répondre, j'étais simplement étonnée et émue par tant d'hospitalité. C'est finalement le plus vieux qui se lança :

-Bon, il va falloir que j'y aille. Ma mère doit être rentrée, elle va se poser des questions si je ne reviens pas.

Nous hochâmes toutes les deux du chef, presque mécaniquement. Il me tapota l'épaule, presque fraternel :

-J'espère que tu arriveras à t'échapper, Shirley et que tu seras heureuse. Tu le mérites !

Quelque chose dans mon ventre se tordit, mon nez ainsi que mes yeux me piquèrent. Des adieux. Je les détestais ! Les larmes étaient prêtes à couler le long de mes joues, mais je ravalais mes pleurs. Non ! Je ne devais pas pleurer. Je me repris juste à temps. Murmurant de façon presque inaudible :

-Merci, Jason !

Et il partit, après un dernier regard et un sourire. Le pincement au cœur ne disparut pas, mais je m'efforçais de l'ignorer. Enna me dit, au bout de quelques instants de flottement :

-Rentre, tu vas prendre froid.

Elle m'ouvrit la porte et j'en passais le seuil. Immédiatement, l'atmosphère du foyer me frappa. C'était agréable, douillet, un endroit où l'on ne pouvait que se sentir bien. J'inspirais profondément. Ca sentait bon, un mélange de cannelle et d'un autre parfum, un peu floral. Mon regard parcourut la grande pièce qui s'offrait à mon regard. Une table en bois en son centre recouverte d'une nappe bleue ciel, un canapé un ton plus foncé et, dans un coin, une petite cuisine où était affairée un homme et une femme entre deux âges. Le tout était très beau à mon sens, joliment décoré, et surtout, très chaleureux.

Le père d'Enna était un homme de taille moyenne, plutôt robuste, mais au visage rieur. De petites rides étaient visibles à côté de ses yeux bleus. Ces cheveux étaient entre le blonds et le bruns, ils étaient coupés très courts. Quant à la femme, elle était un peu plus petite que son mari et portait des petites lunettes sur le bout de son nez. Elles lui donnaient un air sérieux qui n'enlevait rien à la bienveillance qui semblait s'émaner d'elle. Elle s'avança vers moi doucement, comme s'il est craignait de m'effrayer. Enna se racla la gorge pour se lancer dans les présentations :

-Maman, papa. Je vous présente Shirley. Shirley, mes parents, Kristian et Liloo.

J'eus un petit sourire en coin, suivi d'un « bonsoir », presque inaudible. Ils mirent sans doute ça sur le compte de la timidité, je leur laissais le bénéfice du doute. Liloo, après quelques instants de flottement, s'exclama :

-Tu dois être affamée, viens, nous allions justement nous mettre à table !

Elle me fit signe de m'assoir et j'obtempérais, mon estomac me rappelant subitement que l'encas de Jason datait déjà de quelques heures. Le repas fut délicieux : un ragoût de Girawa parfumé d'épice délicieuse. Je me resservis plusieurs fois sous les regards amusés de mes hôtes. Les conversations allaient bon train, mais je ne m'en mêlais pas, sauf lorsque l'on s'adressait directement à moi. J'enviais Enna, elle avait vraiment de la chance d'avoir une famille aimante, des parents aussi attentifs.

Un repas alimenté par des conversations sans importance, des sourires radieux, comme j'aurais aimé en avoir, moi aussi. Ce n'était rien, pas grand-chose, en vérité, mais j'en avais été privé. Je n'avais jamais connu ça, même avant la mort de maman. Les déjeuners étaient pris dans le silence pour la plupart ou entrecoupés par des cris. Enna avait vraiment de la chance.

Je remerciais Kristian et Liloo pour le repas et nous quittâmes la table. Je suivais la blondinette qui montait des escaliers en bois qui craquaient un peu sous nos pieds. Elle ouvrit la porte de se qui devait être sa chambre et m'invita à entrer. La pièce n'était pas très grande, éclairée par une lampe accrochée au plafond. Un lit était disposé tout au fond, à côté duquel était placé un petit bureau. De l'autre côté de la chambre, une penderie était installé et une petite bibliothèque qui débordait de livres. Au sol, il y avait également un matelas recouvert d'une couverture épaisse et bleue.

La voix d'Enna me tirait de ma contemplation :

-Si tu veux prendre une douche, la salle de bain est au bout du couloir.

Je secouais la tête, reprenant mes esprits tandis que ses mots se frayaient un chemin dans mon esprit. Je répondis, finalement :

-D'accord, merci !

Je sortis de la chambre après avoir déposé mon petit sac à côté de se qui allait être mon lit pour la nuit. J'entrais dans la salle de bain et me dévêtis empressement. Dans la pièce, des toilettes, une douche et un robinet était disposé, le tout de couleur bleu. Je ne rêvais que de me laver, d'enlever toute cette saleté et toute cette sueur qui était collées à ma peau. L'eau chaude me fit du bien et je restais plus longtemps que nécessaire sous le jet. Je me frottais avec énergie avec le savon parfumé.

Une fois propre et sortis de la douche, je remarquais un pyjama que Liloo avait déposé pour moi. Je l'enfilais, le coton était léger et doux, c'était agréable. Je croisais mon reflet dans le miroir. Ma joue était encore un peu enflée, j'inspirais profondément, mes côtes me faisaient toujours mal. Je quittais la salle et regagnais la chambre où Enna était occupée devant son bureau. Elle se tourna dans ma direction pour me lancer :

-Tu devrais dormir, on ne se lève pas tard demain. J'ai des devoirs à faire, ça ne te dérange pas ?

Je secouais la tête négativement, lui souhaitais une bonne nuit et m'étalais de tout mon long sur le matelas, avec un soupir de soulagement. Je grimaçais au picotement de mes côtes, mais souris. J'étais dans un lit, pas enfermée en prison ni de retour à la case départ. Et demain, demain j'aurais quitté la ville. Demain, je n'aurais plus à avoir peur, je n'aurais plus à trembler. Demain, je serais libre ! 

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