Chapitre 5 : Affronter la réalité

      Je m'éveillais, les bribes d'un rêve s'éclipsèrent tandis que je reprenais conscience de la réalité et que je quittais ce monde qui n'existait que pour moi. Je me redressais, la bouche pâteuse. Je m'étais endormie sur le sol, la veille, après avoir passé plusieurs heures à pleurer. J'étais fatiguée, autant sur le plan physique que sur le plan moral. Alors que je m'assaillais contre la porte, une douleur aigue me transperça la cage thoracique. Je gémis, tâtonnant l'endroit meurtrie avec précaution à travers le vêtement. La peau au dessus de l'os était boursouflée, je m'étais certainement fêlée une ou deux côtes, peut-être même cassée.

J'enfouie mon visage dans mes genoux, ma tignasse noire emmêlée faisait comme une barrière protectrice autour de moi. Je fermais les yeux et je basculais, je quittais cet endroit maudit, cet homme qui n'était rien pour moi et toute cette souffrance.

De l'herbe, partout, qui chatouillait mes pieds nus. Le soleil qui réchauffait l'atmosphère, juste agréable. Le vent qui se prenait dans mes cheveux et les faisait voler à sa guise. Toutes ses choses qui rendaient cet endroit paradisiaque. Je m'agenouillais, caressant une fleur du bout des doigts. Devant moi, un mince filait d'eau coulait et je plongeais mes mains sans hésiter dedans. Je m'arrosais le visage, appréciant sa fraicheur sur ma peau. Dans le ciel, des oiseaux s'envolaient jusqu'à disparaître derrière l'horizon. J'inspirais à fond, l'air était pur, mais une odeur de cannelle se fit sentir. Je me retournais vivement, une silhouette féminine était tout proche. Je reconnus immédiatement ses traits, cette douceur qui émanait d'elle, sa fragilité, sa beauté. Je murmurais :

-Maman ...

Elle sourit et m'observa longuement. Je ne bougeais pas d'un poil, trop hébétée, je faisais comme elle, je ne la quittais pas du regard. Je voulais mémoriser chacun de ses traits de sorte à ne jamais les oublier. Finalement, elle brisa ce silence qui ne me dérangeait pas le moins du monde :

-Ma Shirley, tu as tellement grandis.

Je ne pus me retenir plus longtemps, je m'élançais dans sa direction et me jetais dans ses bras. Elle était là, elle était bien là. Ses bras qui me serraient étaient bien réels, cette odeur de cannelle et ces cheveux blonds qui me chatouillaient le nez n'étaient pas le fruit de mon imagination. Je voulais en être bien sûr, je voulais en être bien certaine. J'aurais voulu rester ainsi pour toujours, ne jamais quitter la chaleur de son étreinte. Pourtant, au bout de plusieurs minutes, maman m'écarta d'elle. Des larmes coulaient le long de mes joues et elle les essuya tendrement, avec la douceur d'une mère, de ma mère. Elle me dit :

-Tu dois être forte, Shirley. Tu dois être plus forte que lui.

Je compris immédiatement de qui elle parlait. Je déglutis péniblement et répondis, d'une petite voix :

-Je sais maman.

Elle caressa ma joue, et sourit, tristement. Je serrais les dents, essayant de retenir mes larmes et de contenir mes sanglots. Je repris :

-Mais qu'est-ce que je dois faire ?

Elle soupira, elle voulait me rassurer, mais je n'étais pas dupe, je voulais la vérité, quelle qu'elle soit. Elle se lança après une profonde inspiration :

-Shirley, ta place n'est pas dans cette maison, dans cette chambre. Tu es quelqu'un de bien et tu as la possibilité de devenir quelqu'un. Tu dois partir d'ici, partir loin, tu n'es plus en sécurité ici !

Je buvais ses paroles, j'aurais tout le temps d'y réfléchir plus tard, plus en détails. Je frissonnais, bien-sûr que je rêvais de m'échapper de cette maison pour de bon, mais ...

-Maman, je ...

-Courage, Shirley ! Tu dois être courageuse, ne plus avoir peur.

Je me mordis la lèvre inférieure. Elle sourit encore une fois, et je le lui rendis, maladroitement. Elle m'embrassa sur le haut du front, comme elle le faisait lorsque j'étais petite. Puis, elle tourna les talons. Je voulais l'appeler, lui demander de revenir et de me serrer contre elle. Mais je me ravissais, c'était inutile, elle était bien partie. Alors, j'ouvris les paupières.

J'étais à nouveau dans ma chambre. Seule. Il n'y avait ni vent, ni soleil, ni herbe sous mes pieds. Rien du tout. Maman non plus, elle n'était pas là. Je tremblais, les joues inondées de larmes. Je pouvais encore sentir la chaleur de sa main sur ma joue et ses lèvres sur mon front. Je ne pouvais pas croire que j'avais rêvé, ça avait l'air si réel. Je serrais les points, peu importait si sa venue était le fruit de mon imagination ou non ! D'un revers de la main, j'essuyais l'objet de ma faiblesse et reniflais avec détermination. J'allais suivre son conseils, j'allais m'enfuir de cet enfer, affronter enfin le monde tel qu'il est. Il était temps d'oublier mes peurs, de prendre mon courage à deux mains et d'affronter la réalité.

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