6 : Nasser, le garçon qui devrait choisir

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L'équipe des Homolistes s'excuse pour son absence, mais on est toustes un peu perdu.e.s dans les études. Vous inquiétez pas, ça va revenir.

Je sens que certains vont crier aux clichés avec cette partie. Je défie n'importe qui d'aller crier "je suis pédé" dans une grande cité, et de voir les réactions. On doit parler de tous les cas, même les extrêmes. Et venez pas me dire que tous les hommes de cités n'arrêtent pas leurs études, qu'ils ne sont pas tous dans l'illégalité... Je sais. Mais là, je parle d'un cas précis et qui existe.

Si vous voyez des * ils sont expliqués en bas.

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Je m'appelle Nasser.

J'ai dix-huit ans.

Je suis un garçon, et je suis né garçon.

J'aime les filles et les garçons, et les filles et les garçons m'attirent.

Mon physique est masculin.

Et tout ça, ça fait mon identité.

Toute ma vie, on me reproche d'aimer les filles et les garçons.

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Aujourd'hui, Nasser dort jusqu'à midi. Il a arrêté ses études à seize ans, parce que ça ne l'intéressait pas. Il s'est reconverti dans les boulots faciles et illégaux, et ça ne lui pèse pas plus que ça. Parce qu'il sait que de toute manière, il décevra sa famille.

Nasser n'a pas fait son coming-out, pas encore. A l'endroit où il est, ce serait presque suicidaire de dire qu'il n'aime pas que les filles. Les homosexuels, c'est déjà un problème, mais alors les bis... Ses potes, sa famille, tout le monde le lâchera, c'est certain.

Aujourd'hui, il déménage en dehors des hautes tours blanches devenues grises. Il sait que c'est préférable pour lui, s'il veut s'assumer. Car, malgré son attitude macho et débraillée, que ses amis lui font porter, il aimerait bien, lui aussi, pouvoir être amoureux et heureux. Forcément.

Il compte dire la vérité à sa famille, ce soir, juste avant de partir. Il sait que ça se passera mal. Mais... Dix-huit ans à refouler ses attirances pour les deux genres. Au collège, il courait après les filles, et il aurait voulu courir après les garçons, s'il ne les entendait pas cracher à longueur de temps sur les "pédés" et les "sales gouines". Il a préféré se taire et imiter ses amis, en se disant qu'il n'était pas comme eux.

A cette époque, Nasser aussi était homophobe. Il ne se rendait pas compte du mal qu'il faisait à harceler et à frapper les gens qui n'aimaient simplement pas le genre opposé, sans se rendre compte qu'il serait à leur place. Et au lycée, quand il l'a compris, il a redoublé de violence contre ces gens qui avaient le courage de s'assumer. Par vengeance, forcément.

A la sortie du lycée, il n'a pas arrêté. Il a enchaîné les coups d'un soir, au grand dam de ses parents, musulmans pratiquants, qui ne voulaient pas le voir pêcher. S'ils savaient que leur fils commet à leurs yeux un péché mortel, certains soirs, dans certaines boîtes où tout le monde est dans le même bateau. 

Il se lève, il passe sa journée en bas de sa tour avec ses amis, en pensant amèrement que c'est la dernière fois qu'il les voit. Il profite de sa journée, il profite de sa famille. Il a deux petits frères et une grande soeur, qui le rejetteront tous. Mais... Il l'accepte. A ses propres yeux, il commet un péché. Et pourtant, tous les jours, il se demande pourquoi son Dieu juge l'amour comme un crime. Forcément.

L'heure du déménagement arrive peu à peu, et il les réunit dans le salon avant, pour leur parler.

"Voilà, je suis bi".

Il n'a jamais été doué pour prendre des pincettes. Sa mère pleure, son père le regarde d'un air méprisant.

"T'es pédé ?!"

Demande son frère.  Mais juste après...

"Ca n'existe pas, la bisexualité. Avoue que tu es simplement disciple de Sodome*."

"Mon fils, tu es juste aveuglé par le Sheytan, tu aimes les femmes mais tu te cherches, va voir l'imam, il t'aidera..."

"Tu te sers de cette excuse pour avoir des plans à trois."

"On t'a vu sortir avec une fille, donc t'es pas comme ça !"

"Si tu veux choisir, tu peux y arriver."

"Tu es simplement curieux et égaré."

"C'est pas naturel d'aimer le même sexe, mais alors les DEUX !"

Il encaisse, jusqu'à ce que sa famille le jette dehors, parce qu'il refuse de changer et de choisir. Comme s'il pouvait.

"Tu n'es plus mon fils, va t-en !"

En bas, il l'annonce également à ses amis. Qui ne réagissent pas mieux.

"Tu fantasmes sur nous ?!"

"Tu te fais enc.. et t'aimes ça !"

"Mais nan, je vais te présenter ma soeur tu verras que t'aimes que les femmes."

"Tu pourras jamais te marier !"

"Tu te marieras forcément avec une femme, pour perpétuer l'espèce, alors tu vois que c'est pas possible d'être bi."

"C'est juste parce que t'attends la femme de ta vie, que le mektoub* a décidé pour toi."

"Ca n'existe pas."

"T'es une aberration de la nature, une erreur."

Nasser, pour la première fois de sa vie, voudrait pleurer. Mais il tient bon et se contente de s'éloigner, sans amis et sans famille, pour commencer une nouvelle vie loin d'ici...

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Je m'appelle Nasser.

J'ai vingt-cinq ans.

Je suis un garçon, et je suis né garçon.

J'aime les filles et les garçons, et les filles et les garçons m'attirent.

Mon physique est masculin.

Et tout ça, ça fait mon identité.

Toute ma vie, on m'a reproché d'aimer les filles et les garçons.

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Aujourd'hui, tout va beaucoup mieux. Je vis toujours dans le même appart, j'ai un travail honnête et de nouveaux potes. Des filles, des gars. J'ai même un patron hors pair, qui est devenu mon mentor et mon meilleur ami, Frank. Il a cinquante ans et est bi aussi. Sa fille est adorable.

J'ai retrouvé l'amour entre temps, mais pour le moment je suis célibataire. J'attends de trouver le ou la bonne, et j'espère qu'un jour, ma famille me recontactera. Mais pour le moment, aucune nouvelle. Je me suis mis à prier et à jeûner, aussi. Je suis sûr, au fond, qu'Allah me pardonnera d'être homosexuel. Pourquoi Dieu ne pardonnerait pas l'amour ?

Il y a toujours des commentaires négatifs. Il y a toujours des jugements. Mais il y a aussi des bons moments, de joie, de partage, et surtout d'amour. Car n'oublions pas que c'est de l'amour. Et même si les gens nous fusillent du regard, même si les enfants nous montrent du doigt, même si parfois, c'est dur de se dire que ses propres parents ne veulent plus nous voir, on arrive toujours à être heureux.

Quand quelqu'un me dit qu'il est bi aussi.

Quand quelqu'un me dit que la bisexualité n'est pas une phase.

Quand quelqu'un ne change pas de comportement quand il apprend mon orientation.

Quand quelqu'un est amoureux de moi, homme comme femme.

Quand quelqu'un d'hétéro manifeste pour mes droits.

Quand nous sommes acceptés, tout simplement.

N'oubliez pas qu'il y a toujours des moyens de s'assumer et d'être heureux. En même temps. Attendez de pouvoir être indépendant, et n'oubliez pas que la chance va vous sourire, à vous aussi. Que vous soyez homo, hétéro, transgenre, non-binaire, vous finirez par avoir droit à vos bonheurs et à vivre comme vous êtes.

Gardez espoir, un jour, vous serez heureux.

- Nasser

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Le péché de Sodome : Dans le Coran et la Bible, Sodome est détruite pour avoir, dans certaines explications, laissé faire des relations homosexuelles.

Mektoub : Destin prévu par Allah dans le Coran.

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