Chapitre XIX
Onze jours, il avait dit onze jours. Pas dix, non douze, mais ONZE !
Son voyage n'avait duré qu'une journée entière, plus le demi du second jour. Et en rentrant, elle avait apporté une bonne nouvelle avec elle. Si Neassa n'avait pas été aussi enthousiasme en la voyant arriver dans l'attelage que lui avait prêté Niall, elle était certaine qu'elle ne lui aurait pas caché cette nouvelle. Elle qui voulait un enfant. Kenna s'était gardée de le lui dire, elle ne voulait certainement pas l'attrister alors que cela faisait des mois que Neassa envisageait d'avoir un enfant.
Au troisième, la Campbell l'avait aidé pour les préparatifs, d'ailleurs Ingrid lui avait promis de lui faire son plus beau gâteau de mariage. Elle n'avait pas croisé depuis son retour Rowena. Quelques domestiques lui avaient informé du lieu dans lequel elle se trouvait, une auberge se situant au village. Apparemment, humiliée, elle avait fait rapidement ses bagages et en envisageant de rentrer en Angleterre.
« Si ce rustre ne m'épouse pas, alors un duc le fera ! avait-elle crié de ce qu'on lui avait rapporté.»
Au quatrième et au cinquième, Kenna s'était mise à écrire à ses deux parents, de plus, elle avait commencé à coudre de beaux vêtements afin de détendre ses nerfs à vifs. Son père se trouvait sur l'île de Skye, ou peut-être était-il en France ? Peu lui importait, de toute manière elle était certaine que la nouvelle ne lui sera pas donné par sa lettre mais par celle du roi. Même si le reste de son clan était éparpillé un peu partout dans le monde pour échapper à la corde.
Au septième, installée sur un tabouret dans la cuisine à regarder Ingrid préparer des petits pains, Neassa les ayant rejoints, la jeune femme leur avait finalement annoncé avec le plus grand calme en espérant que Neassa ne soit pas contrariée que d'après les dires de Tara, la guérisseuse du clan MacKenzy : elle attendait un enfant.
Les deux femmes avaient roulé des yeux à tour de rôle avant de se regarder toutes les deux puis de reposer leurs regards sur elle, partagées entre la joie et l'inquiétude. Si jamais la guerre ne prenait pas fin et qu'Alaric revenait avec un visage fermé, pâle et inconscient, comment la jeune femme allait finir ? Neassa se serait proposée de la ramener chez elle avant de légitimer son enfant, fille ou garçon. Si jamais le roi ne lui accordait pas ce souhait, alors elle forcerait son père à l'accepter en tant que petit-fils légitime pour qu'il lui succède.
Dans tous les cas, cette décision ne pouvait être encore prise tant que le père n'était pas là. Les préparatifs se terminaient pendant ces derniers jours, Kenna faisait en sorte de faire parvenir les cartes d'invitations au plus vite et d'avoir d'ailleurs une réponse précise et claire des maîtresses des autres clans puisque leurs époux prêtaient mains fortes à Alaric.
Finalement, au onzième, au petit matin, Kenna avait dévoilé à ses amis des traits tirés et des cernes. Ses cheveux mal peignés étaient difficiles à dompter, la jeune femme n'avait pas pensé à se tresser les cheveux la veille ce qui lui valut cette coiffure au réveil. Elle ne se serait jamais imaginée qu'un jour elle se marierait à un laird aussi puissant, ni même d'avoir autant de responsabilités d'un coup, ni passer par ces derniers événements et encore moins tomber enceinte dans la foulée ! Tout ceci allait trop vite et au lieu de se rendre dans les bras de Morphée, la lune n'avait été que sa seule confidente. Sa mère et sa famille n'arriverait que quelques jours après son mariage. Elle était certaine qu'elle s'était mise en route des jours bien avant pour se rendre chez les Mackenzy. Son père n'avait pas encore répondu, elle savait que les missives étaient longues à arriver mais Kenna espérait réellement avoir de ses nouvelles. Il lui avait clairement dit, qu'il ne viendrait pas pour son mariage, de peur qu'il ne le ruine et qu'il se fasse arrêter. Son seul et unique dessein était de remettre à flot son clan, de faire en sorte de redevenir le chef de ce clan loyal à la couronne d'Écosse, et influent.
« Sotte que vous êtes ! s'était écriée Ingrid en lui brossant les cheveux tandis que Neassa s'attelait à lui brosser les bras.
Kenna était gênée qu'une Dame comme elle puisse s'occuper aussi bien d'une femme de sa trempe. Bien qu'elle avait refusé leurs aides, la Campbell et la cuisinière avait balayée d'un revers de la main ses paroles.
--Vous auriez du dormir Kenna, que devons-nous faire à présent pour cacher ses horribles choses que vous avez sous vos yeux ? ajouta Neassa en continuant sa besogne.
La tête de la Flamboyante était tirée en arrière. Elle n'avait aucune chance de se débattre, au moindre mouvement, Ingrid lui faisait bien comprendre d'un coup de brosse de se tenir tranquille le temps qu'elle puisse démêler sa longue chevelure rousse.
--Je...Et s'il ne venait pas ? Et si le roi refusait cette union ? Et si-...
--Sacrebleu, soyez réaliste, ce bougre est venu vous extirper des mains de votre fiancée alors qu'il se lançait dans une guerre avec son cousin, la coupa Ingrid en finissant par poser la brosse à côté de la cuve. »
Elle se saisit d'un seau d'eau juste à côté et sans lui laisser le temps de répondre, elle versa le contenu du liquide glacial sur sa tête l'inondant. Kenna resta immobile pendant de longues minutes, se mettant à claquer des dents. Les yeux grands ouverts, elle osa tourner son visage pour regarder la cuisinière du clan qui éclata d'un rire franc avant que Neassa ne lui jette un petit peigne.
« Ingrid, elle est enceinte !
--Et elle ne mourra pas de sitôt, ni elle, ni son bébé. Il fallait bien que je la réveille. »
Alors qu'elle pensait que Neassa était de son côté, celle-ci ne put s'empêcher de rire en découvrant l'expression de son visage. Elle rêvait de les jeter toutes les deux dans le loch mais pas aujourd'hui. Pas quand elle comptait se vêtir d'une robe somptueuse où elle s'était permise d'y faire quelques retouches la veille. Après qu'elles l'aient aidé à s'extirper de ce bain devenu tiède, quoique presque froid, Kenna s'exhiba devant les deux jeunes femmes toute nu en attendant qu'on lui sorte de quoi se sécher. En suivant des yeux Neassa qui, s'occupant de sortir sa toilette d'une armoire, elle fit glisser son regard sur Ingrid qui préparait sa coiffeuse.
« Nom de Dieu, ce n'est pas à vous de vous en occuper !
--Les domestiques s'occupent de la cuisine, certains hommes font en sorte de régler les derniers détails du décor extérieur, et j'ai demandé à Bodrick de te préparer une calèche t'amenant jusqu'au cercle.
Kenna eut un froncement de sourcil en l'entendant, depuis quand savait-elle qu'elle avait prévu de faire ses vœux là-bas ? Elle avait voulu les surprendre en leur demandant de suivre l'attelage jusqu'au lieu, laissant le temps aux cornemuses d'enthousiasmer les membres du clan.
--Je n'aurais jamais pensé que vous étiez une MacCarthy, Kenna. Vos couleurs sont tellement harmonieuses ensembles. »
Il y avait ce ton bleu plutôt clair aux carreaux se mélangeant au noir, avec une légère touche d'orange. La robe était longue, il n'y avait pas de traine, elle était remontée par un ruban sur le côté droit dont on avait rajouté trois jupons pour grossir la jupe. Au niveau du corset, celui-ci était en cœur, arrondissant la forme de ses seins. Il y avait des fils de tissu en soie qui le resserrait par un côté au lieu de derrière. De la dentelle ajoutait une touche d'élégance à la toilette qui ne se voyait qu'à l'encolure et aux bouts des manches mi-longues, et évasées.
C'était sa fameuse robe tartan aux couleurs des MacCarthy qu'elle s'était promis de mettre le jour de son mariage pour faire honneur à son clan.
Neassa était restée absorbée par l'image que Kenna renvoyait d'elle dans ce miroir. Bien que ses cheveux soient mouillés, ils avaient ondulé tout en longueur. Ses pupilles verdoyantes pétillaient, sans doute dû à l'émotion, et l'on ne remarquait presque même pas sa fatigue. Ceci dit, plus l'on s'attardait sur son visage, plus ses cernes réapparaissaient. Un bruit résonna dans la chambre de la jeune femme, c'était Ingrid qui tapait dans ses mains pour lui demander de s'asseoir sur la chaise devant la coiffeuse afin de terminer la préparation.
« Je n'ai même pas mangé, se plaignit la Flamboyante en prenant une épingle posée devant elle.
--Et vous auriez du, maintenant c'est trop tard.
--Vous vous êtes prélassés au lit, c'est normal mais tout se passera bien et une fois les vœux prononcés je vous promets que vous aurez l'occasion de manger le buffet en entier, lui répondit Neassa en esquissant un petit sourire. »
****
Dans sa ravissante robe tartan, arborant les couleurs de son clan, et coiffée d'un chignon bas retenue par des rubans, Kenna attendait impatiemment sa venue. Tout le monde était bien vêtu, même les servants, chacun s'était paré de sa plus belle tenue pour ce jour. Le prêtre se tenait devant un menhir se plaçant au milieu du cercle et tenait contre lui, sa bible serrée contre sa poitrine là où battait son cœur. Elle aurait rêvé tenir quelque chose entre ses mains, mais tout ce qu'elle faisait était de triturer les plis de sa robe en regardant autour d'eux. Son regard se posait à chaque recoin de la zone, elle essayait de se concentrer au niveau de l'un de ses sens, notamment celui de l'ouïe afin d'entendre son arrivée imminente.
Mais le silence les gagna et ce pendant de longues heures. Le soleil tapait étrangement en ces lieux, certains discutaient entre eux mais la conversation prenait vite fin en sachant qu'il n'y avait rien à dire de la situation. Il lui avait dit qu'au onzième jour, il viendrait. Et que c'était lui qui l'attendrait à l'intérieur, pas elle.
Au bout de ce qui était, de son point de vue, bien deux heures à l'attendre debout et immobile depuis sa position, Kenna avait commencé à faire les cents pas. Le roi l'avait-il retardé ? Dans ce cas-là, il lui aurait envoyé une lettre ou fait parvenir un émissaire...La guerre avait pris fin, il était impossible qu'elle ait pu se poursuivre en sachant que le coupable de ce conflit était mort.
Neassa dansait d'un pied sur l'autre, ses paroles ne feraient rien pour la rassurer, elle-même avait cette peur constante au fond d'elle de ne pas revoir l'homme qu'elle aimait. Peut-être qu'un allié s'était retourné contre eux ? Non, non...Pourquoi est-ce qu'elle divaguait à ce genre de pensées improbables ? Peut-être parce qu'elle aussi, de son côté, n'avait pas eu de nouvelles de son époux depuis qu'il l'avait quitté pour aller sur le front.
Brusquement, ils entendirent un bruit. Leurs têtes se levèrent et chacun essayait de trouver la position de celui-ci. L'origine de ce bruit venait des trentaines d'hommes qui s'approchaient au galop, les sabots de leurs chevaux martelant le sol avec violence. Kenna s'était figée sur place, avait relevé la tête et avait reconnu au loin le visage du laird Campbell ce qui la raidit.
Bien évidemment, celle qui était censée jouer son témoin s'était précipitée vers lui pour l'accueillir dans ses bras. Tandis que la Flamboyante regardait à tour de rôle les hommes qui apparaissaient petit à petit devant eux. Où était-il ? Où est-ce qu'Alaric était ? Il n'était pas devant, hors il était le laird et un laird digne de ce nom tel qu'Alaric MacCullen était toujours devant ses hommes pour les diriger.
Le premier qui toucha le sol, ce fut son frère. La Campbell, les larmes aux yeux, lui avait sauté au cou et l'avait langoureusement embrassé, heureuse et soulagée de le revoir sain et sauf alors que personne n'avait eu des nouvelles des hommes partis combattre. Une fois qu'Ethan mit de lui-même fin à leur étreinte, il murmura quelques paroles à sa femme qui le suivit sur ses talons au moment où il s'avança d'un pas mal assuré et précipité vers la mariée. Le visage qu'elle affichait l'avait troublé, c'était comme s'il revoyait la même expression que Neassa avait montré lorsqu'elle avait prononcé ses vœux.
De son côté, Kenna avait l'impression que son cœur n'allait pas tarder à s'arracher de sa poitrine tellement il battait à tout rompre et d'une vitesse fulgurante. Elle serra des dents en le voyant s'avancer jusqu'à elle, son visage ne laissait passer aucune émotion et cela ne l'aidait guère à la calmer. Quand il s'arrêta net devant elle, prit une longue inspiration, il lâcha soudainement alors que son cœur s'était arrêté à cet instant précis :
« Il est parti se changer, il ne tardera pas à arriver. »
D'un signe du menton, il gagna l'un des côtés libre du prêtre et laissa Neassa se remettre à sa place, un sourire aux lèvres.
La lass Flamboyante poussa un soupir de soulagement et se permit de respirer calmement. Elle se remit rapidement en place, et le stress la submergea complètement. Il n'y avait aucun membre de sa famille dans le lot, ce qui ne l'aidait pas à surmonter cette angoisse, Neassa et son époux qui ne se lâchaient pas du regard la rendaient nerveuse.
« Ach, p'tiote on va croire que tu vas droit à la potence, lui confia Ingrid en s'approchant d'elle. »
Elle ne daigna même pas la regarder tellement elle était concentrée à garder son calme. De plus, ses yeux fixaient avec une certaine intensité la voie qui mènerait normalement Alaric jusqu'ici.
Son souffle lui manqua soudainement en le voyant apparaître, venant au trot dans une chemise blanche parfaitement coupé et qui allait avec son gabarit musclé. Il avait un kilt portant les couleurs des MacCullens et ses cheveux étaient rabattus en arrière de son crâne. Bien que sa fatigue se voyait clairement sur son visage, le sourire qu'il arbora en s'approchant d'elle la détendit d'un seul coup et tout s'envola chez elle. Son inquiétude, sa nervosité, sa frayeur...Tout, et son esprit fit le vide dans sa tête et laissa place à cette image.
Son cheval se cabra quand il resserra d'un coup les rênes dans une de ses mains. Dans l'autre, elle aperçut un rouleau de papier entouré par un ruban rouge. Après que son étalon se soit calmé, Alaric mit pieds à terre. Un de ses hommes intervint pour écarter son cheval de la longue ligne droite laissant passer les mariés lorsqu'ils auront fait leurs vœux. Et le laird MacCullen s'avança sans aucune hésitation jusqu'à la femme qui deviendrait maintenant entièrement sienne. Il jeta un rapide coup d'œil à sa gauche et remarqua une lignée d'anciens, debout, et l'air satisfait sur leur visage en le voyant. Une fois qu'il atterrit devant Kenna, la jeune femme ne put s'empêcher de lui demander par pure curiosité ce le fit rire :
« Je vous aurais bien demandé pourquoi vous êtes arrivés en retard, mais qu'est-ce que c'est ?
Il marqua une pause, la laissant se languir pendant quelques minutes avant de lui répondre :
--La preuve que votre clan et vous-même a été restitué dans l'honneur, m'eudail. Et la preuve aussi que le roi autorise ce mariage. »
Il glissa sa main dans la sienne et ne put s'empêcher de lui déposer un chaste de baiser sur ses lèvres sous les rires rauques de ses hommes puisque normalement l'homme devait attendre l'autorisation du prêtre pour l'embrasser.
En la serrant, ils firent face au vieil homme avec son bouquin et Alaric ne pensa plus qu'à la fin de la cérémonie. De comment elle le remercierait. Les yeux emplis de larmes de joies, un sourire large sur son visage et enjouée.
« Avant de vous dire que je vous aime Alaric...lui chuchota-t-elle alors que le prêtre s'était mis à réciter les sacrements.
Le laird MacCullen glissa un regard à Kenna qui souriait à pleine dents et bougeait drôlement à ses côtés. La voix du prêtre retentit dans ses oreilles et il dut à ce moment-là qu'il devait prononcer le fameux « je le veux » qu'il dit sans le faire attendre. Pendant ce temps, Kenna gardait toujours le silence. Lorsqu'à son tour, elle dit ces quelques mots, le prêtre continua en gaélique et Alaric se montra bien impatient. Pas de l'embrasser non, mais de savoir la suite de ses propos.
« Je porte votre enfant, monseigneur, lui annonça-t-elle avant de tourner son visage dans sa direction pour le regarder dans les yeux. »
Quand le prêtre demanda à Alaric d'embrasser la mariée, il y eut un silence pesant qui les surprit tous. Le Laird MacCullen regardait Kenna, abasourdi, et une lueur traversa ses pupilles, une lueur mélangeant deux émotions à la fois : la joie et l'excitation. Relâchant sa main, ses bras entourèrent brusquement la taille de son épouse et, la soulevant du sol, il l'embrassa à pleine bouche avant de crier haut et fort :
« Un enfant ! Elle porte mon enfant !
Des rires fusèrent de tous les sens et tout le monde se réjouit de cette nouvelle en lançant des félicitations et des applaudissements.
--Je t'aime, Alaric MacCullen, finit-elle par lui dire en plongeant son regard dans ceux de son « mari ».
--Oh Kenna, tu sais que je t'aime bien plus que tu ne le croies ! »
Oui, bien que sa famille ne soit pas là pour voir son bonheur, Kenna réalisait à quel point sa vie avait changé et qu'un enfant avec cet homme était la plus belle chose qui lui était arrivée.
Ainsi je clos ce roman par chapitre qui, je l'espère, vous a plu !
C'est la fin des Highlands, bye bye Neassa et Kenna et leurs deux Highlanders féroces ! J'espère vous voir sur la trilogie des Débauchés où le contexte est complétement diffèrent de celui-ci ! D'ailleurs, je vous invite à lire une nouvelle histoire qui a remué ma caboche pendant une très longue période, hésitant à l'écrire et maintenant que je me lance j'espère qu'elle vous séduira x)==> https://www.wattpad.com/story/148701915-au-coeur-de-l%27empire-la-tamasheqs
N'hésitez pas à commenter, ou à voter, ou bien à critiquer...Faites comme bon vous semblera et oui, vous pouvez me lancez des pierres ( c'est mieux les cacahuètes quand même) parce que je m'en lance moi-même !
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