Chapitre XII
Finissant de sceller son cheval, elle sonda l'horizon au loin à l'aide de ses pupilles verdoyantes. Le cœur battant, le visage tiré et les yeux rougis par les larmes qu'elle avait versées la veille, Kenna ressemblait à un cadavre ambulant. Elle était pâle dû au manque de sommeil, se sentait nauséeuse à cause de la fatigue et elle finissait souvent par avoir quelques vertiges. La longue semaine qu'elle avait passé à réfléchir sur son choix lui avait rongé à la fois le cœur et la cervelle. Elle aurait du partir il y a une semaine déjà, mais Niall lui avait répondu de patienter encore quelques jours. Il lui avait informé qu'il avait reçu des invités importants et qu'elle devrait attendre pour que son escorte vienne la chercher.
Alaric avait certainement été très occupé ses derniers temps, elle ne l'avait pas croisé une seule fois. De toute manière, les rares fois où elle sortait de sa chambre, c'était pour aller dans la cuisine afin de converser avec Ingrid et Neassa. Il semblerait que les entrainements soient plus intenses, la Lass Campbell lui avait informé qu'Ethan rentrait tard le soir depuis quelques temps. Apparemment, ils préparaient une stratégie de guerre. Ou parlait simplement des problèmes administratifs liés à la succession.
Dès les premières lueurs de l'aube, un messager avait toqué à sa porte mené par Ingrid jusqu'à sa chambre. Il lui avait informé qu'une escorte l'attendait au village et qu'elle devait vite se préparer. Par chance, après qu'il l'ait quitté, elle n'avait pas croisé Alaric dans les écuries ou même dans la grande salle du château. Les quelques hommes qui l'avaient suivi du regard avaient été interloqués en la voyant avec ses bagages sous ses bras. Et ses innombrables vas-et-viens des écuries à sa chambre leurs avaient procurés un maux de tête en ce début de matinée.
D'un bond, elle sauta sur son cheval et se mit en scelle. Il trépignait d'impatience. Faire un si long voyage l'exténuerait mais cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas joui de cette liberté dans les landes. Ses sabots s'enfonceraient dans cette terre meuble et propre aux Highlands, sa crinière s'envolerait au gré du vent frais de cette matinée dans les Hautes-Terres, et cela, sans aucune restriction de sa maîtresse car même elle voulait s'évader de cette forteresse. Sortant des écuries en trottant, elle caressa l'animal qui avait un pelage à la fois satiné et beige. Kenna s'attarda au milieu de la cour, entourée dans sa cape en laine verte, son cœur lui dictait de partir autant que sa raison. Pour le bien du clan, de ce clan qui avait l'air si désespéré de se savoir entre les mains d'un dandy anglais. Si elle se fiait aux paroles d'Ingrid, Cameron les mènerait à la ruine. Son avidité n'avait pas de limites.
« Kenna ! s'écria une voix dans son dos tandis qu'elle se dirigeait en direction des portes levis.
En jetant un regard derrière elle, Kenna écarquilla des yeux en voyant Neassa se précipiter jusqu'à elle. Elle serrait une épaisse fourrure autour d'elle et était toujours vêtue de sa chemise de nuit.
--Ne partez pas, Kenna. Ne faites pas cette erreur. Si vous pensez sauver le clan en agissant ainsi, détrompez-vous, vous ne ferez qu'ajouter un problème en plus.
Kenna serra les rênes dans ses mains. Elle fit arrêter le cheval et laissa Neassa s'approcher d'elle. Tendant l'une de ses mains vers elle, la jeune femme la saisit dans la sienne et lui répondit :
--Alaric connait la vérité. Il sait que ce que je fais c'est pour nous deux.
--Que sait-il ? Que sait-il Kenna, dites-moi ? Sait-il que vous l'aimez ? Et que vous partez en pensant sauver le clan ainsi ?
--Ma maîtresse ne me désire plus à ses côtés. Mon fiancé me réclame. Et en restant, je ne serais plus d'aucunes utilités. Vous m'avez aidée aux préparatifs et une domestique a pris ma place en tant que dame de compagnie.
--Soyez la mienne !
Kenna en rit un peu.
--Vous êtes mariés, ma Dame. Vous n'en avez pas besoin. Hors je resterais votre amie.
--Je...Ce détail n'est pas important...
--Si, il l'est.
--Soyez alors mon invitée. Vous êtes mon amie, n'est-ce pas ?
--Je vous l'ai dis, mon fiancé me réclame.
--Vous ne l'aimez pas. Êtes-vous prête à rester aux côtés d'un homme que vous n'aimez pas ? »
A ces mots, son cœur se serra. Si elle possédait encore le titre de sa famille. Si son père n'avait pas été coupable de trahison et n'avait pas pris la fuite...Aujourd'hui, cela aurait été plus facile pour les anciens de l'accepter. Et même les autres chefs de clan se seraient alignés. Son clan n'avait peut-être pas été l'un des plus forts par le passé, mais il n'avait jamais manqué à l'appel lorsque l'un de ses alliés l'avait mandé au combat. Aujourd'hui encore, son père était fier de le lui rappeler.
« Je vous adresserais une lettre toutes les semaines. »
Ses pupilles vertes se relevèrent doucement du visage de la jeune femme, ils se placèrent sur un homme qui sortait de la grande salle se dirigeant dans leur direction.
« Child mòintich, bidh sinn crìoch suas, lui souffla Kenna avant de lâcher brusquement sa main et de se mettre au galop. »
La dame Campbell roula des yeux en entendant ses paroles. Elle eut la vision d'une cape volant au gré du vent, sur le dos d'un cheval, des portes qui se fermèrent après son passage, et elle sentit les bras d'un homme l'enlacer par derrière en lui murmurant :
« Tu ne devrais pas sortir de cette façon, m'eudail.
-- Child mòintich, bidh sinn crìoch suas...
--Que dis-tu ?
--Rien...souffla-t-elle. Rien. »
Kenna galopait à vive allure, elle avait bien cru qu'Alaric serait juste sur ses talons. Mais il n'y avait eu qu'Ethan et elle esperait qu'il ne l'ait pas reconnu. Mais vu de la manière dont elle s'était vêtue, la jeune femme commençait à se rassurer. Elle suivit un long sentier menant à la forêt puis détourna sur un chemin afin de prendre un raccourci jusqu'au village. Elle ne connaissait pas bien cette zone des Highlands, mais elle repérait aux traces de sabots et de charrettes que bien des personnes étaient passés par ici. Penchée sur son cheval, continuant de galoper, Kenna demanda au cheval de ralentir la cadence tout en lui faisant savoir. Elle se redressa petit à petit et rapprochait les rênes près de sa poitrine. Elle mena son animal sur une colline et le laissa bouger d'avant en arrière sur celle-ci, tandis qu'elle contemplait le domaine des MacCullen au loin.
Arriverait-elle à pousser le clan MacKenzy à s'allier au clan MacCullen ? Une révolte se préparait. Tous les clans allaient êtres jugés par leurs choix une fois la guerre terminée. Et si le roi Jacques s'en sortait, il les éradiquerait, comme il l'avait fait avec son clan. Mais si ce n'était pas lui le gagnant de cette guerre, Kenna était apeurée de savoir qu'Alaric et sa famille y perdrait chacune de leurs têtes.
****
Alaric pensait que tout réglerait en ordre une fois que le roi lui aurait répondu. Bodrich et lui avaient passés des nuits avec son frère à discuter de ce qu'il en adviendrait de leurs clans respectifs. Cameron était intelligent, mais beaucoup trop assoiffé de pouvoir pour le laisser à la tête d'un clan. Les anciens avaient préférés rester en retrait. Si Alaric se montrait capable de défendre le clan seul, et à contrer Cameron, il y succéderait au clan sans même avoir à épouser la jeune fille. Toutefois, ils savaient que Cameron mettaient en péril la vie de chacun des MacCullen. Le roi prenait son temps à répondre à leur missive, il devait penser que le clan participait à la révolte qui se préparait. Que ce soit les Basses-Terres ou bien les Hautes, les nobles ou bien les clans, tous étaient concernés. Les anciens avaient doutés de la loyauté de Cameron. A en voir par les objectifs qu'ils s'étaient fixés depuis le début, il visait un trône, pas une chaise en bois. Le titre de laird ne l'avait intéressé que parce qu'il savait que tous les alliés des MacCullen le suivraient dans son idée. Néanmoins, se battre pour l'avoir, il n'y avait jamais pensé et Alaric était un grand obstacle pour lui.
Faisant les cents pas dans le bureau, il attendait que Bodrich rentre et lui apporte une lettre, mais Alaric commençait à perdre espoir. C'était un roi. Il répondrait lorsqu'il en aura l'envie. Il n'était même pas sur que Jacques l'ait reçu, ou qu'il l'ait lu. De toute manière, s'il l'avait lu, il se serait empressé de répondre. Le prochain laird du clan avait été pourtant clair, Cameron n'était peut-être pas qu'un pion dans ce projet. Les alliances ne se rompaient pas aussi aisément ses derniers temps, que depuis que Cameron avait posé ses pieds sur les terres d'Écosse. Mais jamais Alaric n'aurait pu le soupçonner de mijoter une chose pareille, à moins qu'il l'ait réellement sous-estimé.
« Toujours rien ?
La porte se referma après le passage de son frère. Quant à Alaric, il s'arrêta net au milieu de la pièce et secoua négativement sa tête.
--Pourtant j'ai cru voir un messager ce matin, en compagnie de ma femme, reprit Ethan en s'avançant dans la pièce.
--Neassa ne t'a pas rapporté d'informations ?
--Non, elle m'a littéralement ignorée et est partie dans les cuisines.
--Je commence à perdre patience, mon frère.
--Je suis certain qu'il répondra, Alaric.
Ils se regardèrent tous les deux dans les yeux, mais chacun d'eux comprirent ce que signifiait le silence d'un roi.
--Alors il faut rassembler nos hommes, déclara Alaric.
--Non, si Jacques pense que nous sommes ses ennemis, il comprendra que ceci est un signe d'agression envers la couronne.
--Il pense que nous soutenons la cause Anglaise, Ethan...Il faut que nous envoyions Bodrich.
Ethan fronça des sourcils.
--Bodrich ? demanda-t-il par la suite en contournant le bureau afin de s'installer sur le siège en cuir, juste derrière.
--Qu'y a-t-il ?
--Je l'ai vu s'en aller il y a deux jours. Il m'a dit qu'il était parti sous tes ordres afin d'aller parler au roi. Il portait la bannière du clan avec lui.
Alaric se tourna vers son frère, les yeux écarquillés, furieux. Ses sourcils se froncèrent brusquement et il abattit ensuite ses poings sur le bois du bureau. Ceci le fit sursauter, surpris, mais Ethan n'en tint pas rigueur.
--Je ne lui ai jamais donné cet ordre.
--Pourtant-...
Dans un geste vif, Ethan vit son frère marcher rapidement jusqu'à la porte. Il l'ouvrit violemment et la laissa frapper le mur dans un bruit sourd avant de s'avancer dans les couloirs. Avant même d'avoir pu s'asseoir sur son ancienne chaise, Ethan le suivit sur ses talons.
--Calmes-toi, mon frère. Cela ne te ressemble pas.
--Notre clan risque d'être coupable de trahison à cause d'un homme en collant.
--Je le sais bien, mais tu n'as pas encore reçu sa réponse, tu-...
--Bodrich n'a pas pu nous trahir. Est-ce ta femme qui lui a commandé ceci ? lui demanda-t-il par la suite en ralentissant le pas.
--Elle m'en aurait informé. Je ne pense pas.
--Les Anciens ne se mêlent pas de cela. Et Bodrich m'en aurait parlé. Qui a transmis cet ordre à ma place ?
--Peut-être que ta future épouse a voulu t'aider ?
--Elle ne sait rien de ce qu'il se passe Ethan, comment...
Alaric prit une seconde pour réfléchir en scellant alors ses lèvres. Cameron était son frère. Peut-être qu'elle connaissait son plan et qu'elle venait tout juste de réagir...Mais elle ne semblait pas avoir pris part au complot qui se tramait.
--Mon laird ! s'écria une voix rauque derrière eux. »
Les deux MacCullen se tendirent en la reconnaissant. Tous les deux se tournèrent une fois qu'ils s'immobilisèrent au milieu du couloir, et ils eurent la vision d'un Bodrich essoufflé, en sueur et les traits tirés. De sa seule main restante, il lui tendit une missive avec le sceau du roi apposé dessus.
« Bo-...
--Le roi Jacques nous envoi ses troupes une fois que le plan de la bataille lui sera envoyé, le coupa-t-il en s'approchant d'eux d'un pas mal assuré. »
Reculant de quelques pas en arrière en attendant qu'Alaric la lise, il regarda ensuite Ethan qui le regardait d'un drôle d'air. Celui-ci, après le lui avoir pris, se dirigea dans son bureau d'un pas décidé, accompagné d'Ethan et de Bodrich derrière lui. Une fois à l'intérieur, il vérifia que Bodrich ait refermé la porte derrière lui avant de s'asseoir sur le siège du laird. Il sortit de sa ceinture un petit couteau afin de pouvoir ouvrir la lettre sans difficultés, cependant avant qu'il ne le fasse, Alaric posa ses yeux sur Bodrich qui attendait autant qu'Ethan qu'il leur fasse part des dires du roi.
« Qui t'a envoyé quérir l'aide du roi ?
--Vous.
--Impossible, je ne t'ai jamais dis cela. Qui est-ce qui t'as transmis ce message ?
Passant une main dans sa chevelure cendré, le vieil homme, quoiqu'il n'avait que quelques années de plus qu'Alaric, lui annonça alors, légèrement gêné :
--Dame Kenna. »
Salut à toutes, un chapitre que vous avez du attendre pendant un TROP longue période et j'en suis désolée ! Mais maintenant, je suis certaine que mon inspiration ne va plus me faire de faux bond ( période de stress, donc période où j'écris haha :x)
En espérant que vous ayez apprécié votre lecture en tout cas, et n'hésitez surtout pas à commenter, ou voter, ou faites comme vous voulez !
Merci à mes abonnés de me suivre, ça me fait très plaisir ! Merci aux commentaires constructifs qui me poussent à m'améliorer en tout cas.
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