when it hurts so bad

- « au moins, il a retrouvé les siens. »

Les mots au gré du vent lui arrachèrent un léger sursaut et il déposa son regard brun sur le visage de sa mère, près de lui ; bien qu'elle n'avait jamais réellement discuté avec cet homme, elle avait insisté pour se rendre aux funérailles. Elle était là, cette expression dure, mais tendre, accrochée à ses traits.

- « la petite Sakura.. elle l'a rendu heureux, mais sûrement que c'était écrit quelque part. » continua-t-elle. « il était hanté par les souvenirs de son clan. »

D'un geste de la main, le kazekage ordonna la mise en terre du cercueil ; très peu de personnes s'étaient déplacés, les villageois du village caché du sable avaient de suite trouvés mieux à faire et les survivants du village caché de la feuille avaient simplement refusés de s'y rendre. Une petite pointe de colère avait naquit dans ses entrailles, lorsqu'il avait entendu un marchand dire haut et fort qu'il ne se rendrait pas aux funérailles d'un traître ; il était vrai, Sasuke Uchiha avait commis plus d'une erreur, mais ne les avait-il pas rattrapées ? Toutes ces années, enfouis dans l'ombre du hokage ; il avait veillé si longtemps sur ce village qui lui avait pris son innocence, alors qu'il n'était qu'un petit garçon.

Un soupir à l'allure colérique s'échappa de ses lèvres et il tapota maladroitement ses poches, à la recherche d'une cigarette ; un paquet au teint verdâtre se glissa sous ses yeux et il tomba dans le regard de l'époux de sa meilleure amie. Il acquiesça et attrapa un tube de nicotine, il le coinça rapidement entre ses lèvres et l'alluma d'un geste expert.

- « comment ça se fait que mon paquet se retrouve dans tes mains ? » demanda-t-il, un sourcil arqué.

Un bruit métallique résonna un instant dans l'air ; Sai se hissa doucement près de lui et haussa les épaules.

- « ton épouse est avec la mienne, elle m'a demandé de te l'amener, avant que tu ne frappes quelqu'un. » annonça le brun, un fin sourire au coin des lèvres. « elle te connaît bien. »
- « oui, s'en est effrayant, parfois. » répliqua-t-il, en tirant une taffe. « mais elle est toujours là, où je pose mon regard et c'est amplement suffisant pour moi. »

Le brun acquiesça ; que seraient-ils tous les deux sans leurs épouses ? Ino, elle s'était tant battue pour lui, pour son bien-être ; elle se battait encore tous les jours pour que ce sourire sur ses lèvres ne disparaisse pas et chaque fois qu'il s'en rendait compte, il se retenait difficilement de l'embrasser passionnément. Il n'était plus ce petit garçon, seul, effrayé par ses propres émotions.

- « Sai ? » appela le brun, près de lui.
- « oui ? » souffla-t-il, en tournant la tête dans sa direction.
- « est-ce que tu as pensé à.. à faire la même chose ? » interrogea son beau-frère, maladroitement.
- « tu veux dire.. mettre fin à mes jours ? »

Shikamaru acquiesça, difficilement, une cigarette au bord des lèvres ; sûrement, qu'il se sentait coupable, dans le fond.

- « je mentirais si je disais que je suis resté déterminé jusqu'à maintenant.. » avoua-t-il, les mains dans les poches. « je ne vis pas très bien mon handicap, je me réveille parfois la nuit en revivant cette scène, cet instant où j'ai coupé ma jambe.. je ne regrette rien, si j'avais une chance de revenir en arrière, je recommencerai, juste pour elle.. mais c'est dur. je ressens une douleur dans une jambe qui n'est plus là, c'est.. »
- « déconcertant. » le coupa le brun, dans un souffle maladroit.
- « oui, c'est déconcertant. » répéta-t-il « j'y ai pensé, une ou deux fois. en fait.. j'ai surtout pensé à prendre la fuite. je me suis persuadé qu'elle méritait mieux qu'un homme avec une seule jambe, qu'elle méritait d'être heureuse, qu'elle méritait un homme capable de la protéger. je n'arrête pas de me dire que si un nouveau massacre a lieu, je serai incapable de faire quoi que ce soit, cette fois ; alors quoi ? j'attendrai, sagement installé quelque part, pendant que tu te bats ? pendant que mon fils se bat ? cette fois, nous avons réussi à faire en sorte que les enfants ne se joignent pas aux combats, mais nous avons perdus trop d'hommes, si.. si ça recommence, nos enfants participeront à la guerre. »

Le brun avait plus que raison ; si une guerre se déclenchait pour une quelconque raison, la génération suivante devrait prendre la relève. Pendant un court instant, il imagina Inojin, Chôchô et son fils, à la place de leurs pères respectifs et il étouffa difficilement un haut de cœur derrière ses lèvres presque tremblantes.

- « je comprends son geste. » ajouta son beau-frère. « peut-être même que je suis un peu jaloux, parce qu'il a eu le courage de faire ce dont nous sommes incapables. mais par contre.. » une pointe de colère brilla dans les prunelles du brun. « je ne lui pardonne pas. Sakura s'est battue pour lui, elle n'a jamais cessé de l'aimer. ils ont une fille, putain. »

Le ton colérique du brun se répercuta durement entre les grains de sable sous leurs pieds. Il était celui qui avait prit la place de l'Uchiha dans l'équipe sept, qui s'était battu aux côtés de Naruto et Sakura, plus d'une fois ; il les avait soutenu chaque fois qu'ils avaient essayé de reprendre le brun des ténèbres.

- « il n'était pas seul. il n'a jamais été seul. »

Naruto et Sakura avaient toujours veillé sur l'Uchiha. Le blond lui avait offert des fou-rires, des amis, un frère et la rose, elle, elle lui avait donné de l'amour, une famille, un clan, une petite fille.

- « tu penses que Konoha va se remettre correctement ? » demanda le Nara, dans un souffle incertain.
- « sûrement, parce que c'est toi qui prends la relève. » avoua le brun, un fin sourire au coin des lèvres. « je sais que tu feras du bon boulot, tu es brisé, ça, je n'ai aucun mal à m'en rendre compte, mais tu es quelqu'un de bon, tu es quelqu'un de juste, d'intelligent. tu n'as pas hésité à risquer ta vie pour me permettre de vivre, alors que la seule et unique chose qui nous reliait, c'est elle. »
- « Sai.. » lâcha-t-il, dans une inspiration. « tu sais, je-.. »
- « je sais. » le coupa-t-il. « tu ne m'aimais pas vraiment, avant le massacre, mais je suis content d'être tombé sur Chôji et toi, dans les décombres. je suis vraiment content. »

Le sourire qui traînait sur les lèvres de l'artiste lui mit un peu de baume au cœur et dans un geste particulièrement tendre, comme un père le ferait avec son petit garçon, il ébouriffa les mèches brunes du garçon et passa un bras autour de ses épaules.

- « je suis content que ce soit toi qu'elle ai choisi. » murmura-t-il, doucement, au creux de son oreille. « elle mérite le meilleur, et elle l'a. »

Et sans permettre au brun de dire quoi que ce soit, Shikamaru s'éloigna, avec un simple geste de la main, en guise d'« au revoir ». Un fin sourire au coin des lèvres, le brun observa la silhouette de son beau-frère disparaître toujours un peu plus ; il effleura du bout des doigts ses mèches de cheveux et s'empressa de rejoindre son épouse.

Le cercueil avait disparu dans les profondeurs de la terre depuis plusieurs minutes, de longues minutes, mais elle n'avait pas bougé ; Sakura se tenait droite, le regard dans le vide et cette tenue sombre qui contrastait durement avec la couleur de ses cheveux. Shikamaru se hissa doucement près d'elle, les mains dans les poches et pendant quelques minutes, il n'osa rien dire. Que ressentaient les gens lorsqu'ils perdaient la personne qu'ils aimaient ? Qu'aurait-il fait si Temari avait perdu la vie ? S'il était tombé nez à nez avec son corps inerte, dans l'une des pièces de la demeure qu'ils habitaient tous les deux, avec leurs enfants ? Un soupir s'échappa de ses lèvres.

- « merci d'être venu. » souffla-t-elle, au bout de quelques minutes silencieuses.

Et sans un mot de plus que ces trois-là, elle fit volte-face, prête à prendre la fuite ; pendant une demi-seconde, il se revit, à l'adolescence, alors qu'il venait tout juste de perdre Asuma, sous ses yeux. Il attrapa maladroitement le poignet de la jeune femme entre ses doigts et prit une inspiration.

- « tu ne pleures pas.. » lâcha-t-il, comme ci ça aurait du être une évidence.
- « j'ai déjà bien trop pleuré pour lui. » répliqua-t-elle, en se détachant de la poigne du brun.

La rose n'avait pas tort. Combien de fois les larmes avaient-elles roulé sur ses joues pâles, à cause de ce garçon ? Il se souvenait très bien de sa première mission en tant que capitaine, il s'était retrouvé face à elle, en larmes, aux portes du village ; elle suppliait un certain blondinet de ramener l'Uchiha. Et ces larmes avaient touché le Nara, quelque part, au fond de sa cage thoracique.

- « tu sais.. » commença-t-il, maladroitement. « si tu as besoin d'une.. d'une épaule, je suis là. je ne bouge pas, tu sais où me trouver. »
- « et pourquoi tu ferais ça, Shikamaru? tu n'étais même pas ami avec lui. » répliqua-t-elle, les sourcils froncés.
- « mais toi, tu l'es. tu es mon amie. » souffla-t-il. « tu es même plus que ça, tu m'as sauvé la vie, tu as aidé mon épouse à mettre mon fils au monde, tu aides tous les jours ma petite fille. comment suis-je censé ne rien faire face à ta souffrance ? je suis là, Sakura. je serai toujours là. »

Les mots du brun se heurtèrent un instant aux deux silhouettes, l'une en face de l'autre, et finalement, un petit sourire déforma la pointe des lèvres de la rose ; elle acquiesça et dans un geste tendre, quémanda une étreinte au brun. Il referma doucement ses bras autour de sa silhouette frêle, mais qu'il savait pourtant si forte.

- « merci, Shikamaru. » lâcha-t-elle. « mais ça va. »

Et sans qu'il ne puisse rien faire, elle s'éloigna de lui. Il ne fit rien pour l'en empêcher cette fois, même si, au fond, toute son âme lui hurlait que ça n'allait pas, que ça n'irait sûrement pas avant un long moment. Un soupir triste s'échappa de ses lèvres et il fit volte-face, retournant auprès de son épouse, en quelques pas.

Une légère brise enveloppait le village caché du sable ; la pluie de son village natal lui manquait terriblement, qu'est-ce qu'il aimerait sentir à nouveau le parfum d'une averse, sentir les gouttes d'eau retracées les contours de sa silhouette. Il attrapa la bouteille d'eau à ses pieds et porta le goulot, jusqu'à ses lèvres ; la sensation de l'eau fraîche dans sa gorge lui arracha un léger soupir de satisfaction. D'un geste maladroit, il la glissa sous les yeux de la jeune fille, assise près de lui, sur ce banc hasardeux, mais elle secoua simplement la tête de droite à gauche, sans un bruit. Il n'avait jamais été réellement proche d'elle, à vrai dire, à ses yeux, elle n'était qu'une camarade de classe, l'amie d'enfance de Boruto ; mais là, la souffrance qui la tiraillait, le heurtait durement. Est-ce qu'ils n'avaient pas déjà tous assez perdus dans ce fichu massacre?

- « je connais une blague, attends. » commença-t-il, maladroitement. « qu'est-ce que dit une tasse dans un ascenseur? mon thé, montez, tu as compris ? »

Un sourire mal à l'aise déformait les lèvres de l'adolescent, il se maudit intérieurement pour avoir choisi une blague si nulle, dans le simple but de lui arracher un sourire.

- « pardon. » souffla-t-il. « il paraît que j'ai l'humour de mon grand-père, tu te doutes qu'il n'était pas très drôle. »
- « t'en fais pas, Shikadai. » lâcha-t-elle, d'une voix neutre.

Les iris verts du garçon se posèrent doucement sur le visage de la jeune fille et sans qu'il ne s'en rend compte, une légère grimace déforma ses lèvres. Quelque chose lui échappait. Lorsqu'il s'était retrouvé nez à nez avec elle, quelques heures en arrière, il s'en était rendu compte ; elle ne pleurait pas, ne se mettait pas en colère, ne souriait pas. Pourtant, son père avait mis fin à ses jours ; elle aurait dû être un amas de ruines, actuellement, non ?

- « tu sais.. » commença-t-il, dans un souffle timide. « je suis là si tu as besoin, Sarada.. je ne suis juste pas très doué pour le faire comprendre aux autres, pardon. mais tu peux me mettre ton poing dans la figure, si tu en ressens le besoin. ce que tu veux. »

Que disait-il, sérieusement ? Il étouffa un grognement entre ses lèvres et s'apprêtait tout simplement à s'en aller, à rejoindre ses parents, avant de dire une autre bêtise, mais le doux rire qui s'échappa des lippes de la brune l'en empêcha.

- « tu es un idiot. » dit-elle, un fin sourire au coin des lèvres. « mais merci de faire ça. »

Le brun acquiesça et s'installa un peu plus confortablement sur le banc en pierre ; dès que la fin de la cérémonie avait été annoncée, ils s'étaient séparés du reste du groupe et s'étaient retrouvés là, sur ce banc, dans un coin calme du village. De base, il avait simplement voulu lui dire qu'il était là si besoin et s'en aller immédiatement, mais il s'était heurté à ce vide agonisant dans les prunelles de la jeune fille et avait été incapable de faire demi-tour.

Son regard d'un bel émeraude se perdit un instant dans l'immensité du ciel ; comment aurait-il réagi à sa place, si un matin, il avait trouvé le corps sans vie de son père ?

- « tu sais.. » souffla-t-elle, d'une voix légèrement tremblante. « je me doutais que ça arriverait. »

Les mots de la brune lui firent mal.

- « je me doutais que ma mère et moi, nous ne serions pas assez à ses yeux, pour qu'il reste. nous n'étions pas assez importantes et je m'en suis rendu compte très jeune, alors qu'il ne passait même pas au village pour voir sa famille. »
- « Sarada.. » murmura le brun, dans un souffle triste.
- « au fond, je crois que.. que j'aurais aimé qu'il reste.. c'était mon père. » lâcha-t-elle, dans un sanglot maladroitement camouflé.

Quelques perles s'accrochaient au coin de ses paupières et pendant un court instant, il se retrouva submergé par sa beauté ; il se retint tant bien que mal de cueillir ses larmes, du bout des lèvres et passa un bras presque tremblant de maladresse autour de ses épaules. Des jours en arrière, il s'était heurté à la souffrance de Boruto, un an après le drame qui avait frappé le village et tout particulièrement le hokage ; il refusait que ça recommence, il refusait d'être aveugle de nouveau.

- « je suis la dernière survivante de mon clan, Shikadai. » avoua-t-elle, les mains tremblantes. « il ne reste que moi.. il ne reste que moi.. »

Les larmes qu'elle retenait tant bien que mal s'échappèrent de ses paupières, alors qu'elle s'accrochait désespérément à la tunique brune qui recouvrait le torse du garçon ; la prise du brun se resserra doucement et il la tira dans une étreinte douce, une de celles que sa mère lui offrait, alors qu'il n'était qu'un enfant, en proie aux cauchemars.

- « c'était mon père.. » répéta-t-elle, dans un sanglot.
- « je sais, Sarada. » souffla-t-il, d'une voix douce. « je sais et j'en suis désolé. tellement désolé. »

Une pointe de colère naquit dans les entrailles du brun ; comment cet homme avait-il pu faire une telle chose, alors qu'une femme et une fille l'attendaient patiemment à la maison? Comment une personne pouvait prendre la décision de mettre fin à ses jours? L'image de son père le frappa et il se souvint soudainement de ce traumatisme qui le hantait constamment ; il se souvint de toutes ces fois où un bruit un peu trop fort lui avait arraché un sursaut, de toutes ces fois où il s'était retrouvé tremblant, le souffle court.. de cette fois-là, où il avait failli tuer la femme qu'il aimait, par accident. Est-ce que son propre père avait pensé à cette option ? Est-ce que son père avait pensé à mettre fin à ses jours ?

Il se retint maladroitement de ne pas prendre la fuite pour rejoindre son père, pour simplement poser son regard sur la silhouette forte de son paternel, pour être sûr qu'il était toujours là ; il resserra sa prise autour du corps de la brune et attendit patiemment qu'elle sèche ses larmes.

Le regard de la jeune fille se heurta doucement au sien et il tira un mouchoir en tissu de sa poche, effaçant délicatement les traces de larmes sur ses joues pâles ; il se surprenait par tant de douceur. Elle lui lança un « merci » silencieux au gré du vent.

- « merci à toi, Shikadai, mais je me dois d'être forte. » dit-elle, doucement. « l'avenir du clan Uchiha repose sur mes épaules. »

Et il les connaissait très bien, dans le fond, les conditions d'un chef de clan ; veiller sur les membres et à la réputation, faire en sorte d'avoir un rôle clef dans la société actuelle et par-dessus tout, assurer une descendante digne du passé. Mais sûrement, qu'à cet instant, les conditions ne lui revinrent pas immédiatement en mémoire, puisqu'il n'attendit pas une seconde de plus pour dire inconsciemment une bêtise.

- « compte sur moi, je ferais ce qu'il faut pour assurer l'avenir du clan Uchiha. » s'exclama-t-il, le pouce en l'air.

Pendant un instant, Sarada s'était demandé si ce n'était pas un rêve ; il était rare que le brun fasse une telle bourde. Il était connu pour son intelligence, qu'il tenait du clan Nara ; elle connaissait un tas de choses sur ce clan, elle était en totale admiration. Finalement, elle prit la décision de se taire et de ne pas faire remarquer au garçon que ce qu'il venait de dire était totalement déplacé. Dans un geste tendre, elle se glissa dans ses bras et profita encore un instant de sa présence chaleureuse.

La lune domptait l'atlas sombre, lorsqu'il se décida à retourner chez lui ; après avoir passé un bon moment avec Sarada, il avait rejoint Inojin. Ils avaient joué à la playstation, en discutant de tout, sauf du sujet qui brûlait leurs lèvres d'adolescents. L'un des amis d'enfance de leurs pères était décédé, retrouvé pendu dans la chambre d'ami par son épouse ; un homme qui avait survécu à la quatrième grande guerre et au massacre d'il y a plus d'un an.

Shikadai se tira doucement dans la demeure familiale et déposa ses chaussures dans l'entrée, un bâillement au bord des lèvres ; vingt-deux heures pointaient doucement et il se sentait épuisé, dans son corps. L'idée de base était littéralement de se fondre très vite dans son lit, après avoir souhaité une bonne nuit à sa mère, mais son regard s'était malencontreusement accroché à la silhouette de son paternel, sagement installé au sol, un plateau de shôgi face à lui. Shikamaru avait pris cette habitude de jouer seul, après la mort de son maître et de son père ; deux héros.

Inconsciemment, ses pieds l'amenèrent jusqu'à lui, sans qu'il ne puisse rien y faire et il se laissa doucement tomber, de l'autre côté du plateau. Il attrapa doucement l'une des pièces et la déplaça, attendant impatiemment le prochain mouvement de son père ; depuis combien de temps n'avait-il pas joué à ce jeu? Il se souvenait de toutes ces fois où sagement installé sur les genoux de l'un de ses parents, il avait observé une partie entre Temari et Shikamaru ; rares étaient les fois où sa mère remportait la partie, mais elle souriait toujours, à la fin, de ce sourire qui le faisait craquer. Il avait repoussé ce jeu de son existence, quelques mois après le début du massacre, incapable de survivre à cette souffrance qui le prenait chaque fois qu'il pensait à son paternel, là-bas, sur le champ de bataille.

- « est-ce que.. » commença difficilement l'adolescent. « est-ce que tu as pensé à faire ça, toi aussi ? »

La question lui brûlait les lèvres depuis plusieurs heures.

- « tu veux la réponse que je donnerai à mon fils de quatorze ans ou la réponse que je donnerai à un futur adulte ? » souffla le brun, en déplaçant une pièce sur le plateau. « tu es intelligent, tu le sais déjà. »
- « qu'est-ce qui t'en as empêché, au final ? » demanda-t-il, les sourcils froncés. « qu'est-ce qui t'en as empêché, alors que le père de Sarada est allé jusqu'au bout ? »

Pour une fois, les mots qui s'échappaient des lèvres de son fils ne sonnaient pas comme des reproches ; il lui semblait que l'adolescent tentait vraiment de comprendre ce qu'il se passait dans la tête des adultes, de toutes ces personnes qui les protégeaient constamment. Shikamaru prit une inspiration.

- « la gifle que ta mère m'a mise. » avoua l'adulte. « après cette.. » il prit une seconde inspiration. « après cette nuit-là, je suis allé trouver Sakura, à l'hôpital et je lui ai dit que je souhaitais mettre fin à mes jours. j'avais perdu le contrôle, j'avais été à deux doigts de tuer ta mère, parce que j'étais persuadé d'être encore là-bas, et ça, encore maintenant, je ne me le pardonne pas. je souhaitais mettre fin à cette existence misérable dans laquelle ta mère et toi viviez à cause de moi, la mort semblait être une très bonne option. »
- « mais maman t'a mit une gifle? » souffla l'adolescent, un sourcil arqué.
- « oui » répondit-il, un sourire amusé sur les lèvres, à l'évocation de ce souvenir aussi douloureux qu'apaisant.

Shikadai déplaça l'avant-dernière pièce sur le plateau et intima silencieusement à son père de continuer ; ils n'avaient pas réellement parlé depuis un long moment, et bien qu'il ne l'avouerait pas, la voix de l'adulte lui avait manqué.

- « sûrement que dans le fond, si elle avait été présente, Sakura aurait pu l'en empêcher. » continua le brun. « parce qu'il l'aimait, qu'il aimait sa fille. mais à cet instant, il était seul et rien, ni personne n'a pu faire quoi que ce soit. il s'est libéré d'un fardeau trop lourd. »
- « alors Sakura et Sarada vivront éternellement avec cette idée qu'elles auraient pu faire quelque chose si elles étaient arrivées quelques heures plus tôt ? » lâcha l'adolescent. « c'est.. horrible. comment est-ce qu'elles vont faire pour vivre avec ça, sur la conscience ? »
- « tu survis, un point c'est tout. de préférence, avec des gens autour de toi. » expliqua-t-il. « ta tante Ino a assisté au décès de notre maître et au décès de nos pères, pendant la quatrième grande guerre ; et elle est toujours là. »

Les mots de son père le heurtèrent douloureusement et il baissa les yeux, son regard s'accrocha à ses mains ; qu'avait-il à offrir qui permettrait à Sarada d'oublier ce fardeau? ou du moins, de ne pas succomber? Dans un geste doux, la main rugueuse de son père attrapa l'une des siennes et déposa une pièce du jeu, au creux de celle-ci.

- « le roi. » souffla Shikamaru. « la pièce que nous nous devons de protéger, quoi qu'il en coûte ; Asuma Sarutobi s'est battu pour l'enfant à naître, l'enfant qui aurait fait de lui un père, Shikaku Nara s'est battu pour l'humanité qui se trouvait sur le champ de bataille, Naruto Uzumaki s'est battu pour ce village et tous ses habitants qu'il considérait comme sa famille. et toi, Shikadai Nara, pour qui est-ce que tu te bats? »

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