perfectly wrong
Un craquement se heurta un instant au silence ; le village caché du sable était si différent, les rues n'étaient pas bordées de rires, de sourires. D'un geste fluide, il balança deux shurikens vers un arbre hasardeux, ils s'enfoncèrent sans une once de difficulté ; où était passée l'époque où il s'entraînait avec ses deux camarades, aux côtés de leur maître? Une pointe de rage se glissa dans ses entrailles et il envoya un énième kunaï dans l'arbre, les sourcils froncés, quelques gouttes de sueurs sur le front ; des bruits de pas se mêlèrent au son de sa respiration. Une tignasse blonde se hissa doucement, les mains dans les poches, jusqu'à lui et lui offrit un sourire maladroit ; l'adolescent grandissait, mais dans son regard, la joie avait cédé à une fêlure destructrice.
- « je me doutais que tu serais là » lâcha le nouveau venu « comment se passe ton entraînement ? »
- « c'est.. étrange » répondit le brun, le souffle court
Boruto était un bon camarade, sûrement l'un de ses meilleurs amis ; leurs pères avaient travaillé pendant si longtemps, ensemble, au bien-être d'un village, aujourd'hui disparu. Le blond attrapa une bouteille qui traînait au pied d'un banc et la balança vers lui, avec un sourire attentionné ; il la rattrapa et porta le goulot à ses lèvres. Un an s'était envolé, depuis le massacre qu'avait connu le pays du feu, et pourtant, il ne s'était toujours pas habitué à la chaleur qui frappait le coin ; comment sa mère faisait-elle?
- « ce n'est pas pareil sans Chôchô, Inojin et.. » il prit une inspiration douloureuse « et Moegi »
- « toujours aucune nouvelle d'elle ? » interrogea le blond, en s'installant sur le banc
- « son nom est toujours sur la liste des portés disparus » souffla-t-il
Il se souvenait parfaitement bien de la première fois qu'il avait rencontré ce bout de femme ; bien avant qu'elle ne devienne le maître de l'équipe ino-shika-chô, elle s'était interposé entre lui et un autre gamin, à l'académie, un idiot qui s'en était prit à Chôchô. Ce jour-là, Inojin et lui n'avaient pas hésité une seule seconde à se mêler à la bagarre, qu'importent les conséquences ; ils s'étaient battus et Moegi avait surgi de nulle part, le regard sévère.
Un sourire empreint de tristesse se glissa au coin de ses lèvres et il se rapprocha du blond, prenant place sur le banc où traînait ses affaires ; la rousse lui manquait, qu'était-il sans son maître? Pendant si longtemps, elle l'avait formé, protégé et guidé, à travers les tempêtes, les obstacles.
- « comment se porte ton père ? » demanda Boruto, d'une voix calme
Le fils du septième hokage n'était plus le même ; l'adolescent intrépide, qui se confondait constamment en un tas de bêtises, devenait un homme, de jour en jour. Il s'occupait des blessés, aux côtés de sa mère, prenait soin de sa petite-soeur et vivait avec le souvenir douloureux du décès de son père ; Shikadai détestait ça, comment ces hommes avaient-ils pu s'en prendre à eux, à lui ? Du peu qu'il connaissait sur lui, Naruto avait toujours été quelqu'un de bien, quelqu'un qui s'était hissé de lui-même à la place de chef du village, qui avait gagné le respect et l'admiration de tous.
- « ça va, je crois » souffla-t-il, dans un haussement d'épaules « 'fin, j'en sais rien, en fait »
- « toujours en froid avec ton paternel ? » lança-t-il, les sourcils froncés
Shikamaru était resté là-bas, à la mort du septième, il s'était battu et il était revenu, un an plus tard, gravement blessé, traumatisé et accompagné de deux enfants ; il aurait aimé être heureux, il aurait aimé hurler à l'univers qu'il était fier de son père, mais une pointe de colère se glissait constamment dans ses entrailles. Il s'était battu, il les avait abandonnés et il était revenu avec deux enfants, comment était-il censé prendre les choses?
L'homme qu'il admirait tant était mort, là-bas ; peut-être que c'était horrible de dire de telles choses, mais il s'en rendait douloureusement compte chaque fois que le quarantenaire sursautait à une porte qui claque, chaque fois qu'il refusait de prendre dans ses bras son épouse, chaque fois qu'il se renfermait sur lui-même. Une telle souffrance émanait de la silhouette de son père, qu'il se sentait en colère contre lui ; que s'était-il passé pour que son père revienne ainsi?
- « c'est compliqué » lâcha le brun « puis, de toute façon, il est focalisé sur ses nouveaux enfants, donc bon.. »
- « qu'est-ce que tu racontes, Shikadai ? » souffla l'autre garçon, les sourcils froncés « ton père t'aime, ne penses-tu pas que tu es l'une des raisons du pourquoi il est resté là-bas ? »
- « tu ne le vois pas de la façon dont je le vois, actuellement ; il n'est plus mon père, il n'est qu'un homme comme un autre, totalement cassé » grogna-t-il, une souffrance terrible au bord des lippes
Dans un bond maladroit et plein de colère, le brun se hissa sur ses deux pieds et balança son pied contre une pierre, qui traînait sur le sol chaud ; est-ce qu'il avait le droit de ressentir toute cette colère?
- « il n'est pas l'homme que j'admirais » ajouta-t-il, d'une voix tremblante de rage « mon père était intelligent, fort, aimant envers son épouse ; l'homme qui vit sous notre toit, l'homme qui est revenu de la guerre, ce n'est pas lui. il sursaute à tous les bruits de l'univers, il ne sourit plus, il ne parle plus ; il n'est que l'ombre de mon père et je le déteste pour ça »
- « Shikadai » lâcha le blond, dans un souffle incertain
- « tu sais quoi ? sincèrement, je pense que j'aurais préféré qu'il.. qu'il.. » bégaya-t-il, un vert électrique dans le regard
- « qu'il ? qu'il, quoi ? » interrogea le garçon, les poings serrés
- « qu'il ne revienne pas, putain » s'écria-t-il, le corps tremblant
Les lèvres entrouvertes, Boruto ne répliqua rien ; quelque chose débordait de son regard, habituellement si bleu, de la colère? de la tristesse? La voix du brun se répercuta un instant entre les arbres, une légère brise se mêlait au son de sa respiration ; il avait laissé la colère prendre le contrôle, il avait laissé ces mots prendre la fuite loin de ses lèvres, alors qu'il connaissait la situation du blond. Qu'est-ce qui lui prenait?
- « Boru-.. » commença-t-il, plein de remords
Le poing du concerné s'écrasa contre sa joue brutalement, sans qu'il ne puisse rien faire ; sûrement, le méritait-il, au fond. Dans un gémissement douloureux, son dos se cogna sans douceur au sol poussiéreux et une seconde fois, un poing frappa contre sa joue meurtrie par le précédent coup ; quelques gouttes de sang s'échappèrent de ses lèvres et tâchèrent le haut d'un blanc pur du blond.
- « comment tu peux dire une telle chose ? » s'exclama-t-il, les mains serrées sur le col du brun, les sourcils froncés « putain, au moins ton père, tu peux le prendre dans tes bras ; le mien, il est partout et nul part en même temps, il est dans le regard de ma sœur, dans les traits de ma mère, dans le reflet que me renvoie le miroir tous les matins, mais il n'est plus là ; de quoi tu te plains, bordel »
- « Boruto » lâcha le brun, une pointe de tristesse dans les traits « pardon »
Où était passé le visage rayonnant de son camarade? Il se souvenait qu'ils aimaient particulièrement prendre place sur le toit des trains et rirent, tous les deux ; est-ce que Boruto serait de nouveau capable de rire, un jour, ou est-ce qu'il vivrait jusqu'à la fin avec ce trou béant dans la cage thoracique?
Quelques larmes perlèrent au coin des paupières du blond, la colère céda au désespoir et sans qu'il ne puisse rien faire, il fondit en larmes, là, au-dessus de son camarade, ce pourpre sur ses vêtements. Dans un geste tendre, semblable à celui que sa mère avait envers lui lorsqu'il n'était qu'un enfant, en proie aux cauchemars, il encercla le corps du garçon entre ses bras et le tira dans une étreinte silencieuse. Un cri s'échappa douloureusement des lèvres du blond et bien qu'il aurait aimé prendre sa souffrance, sa peine, Shikadai se contenta de resserrer son emprise sur lui, le cœur brisé.
Deux heures, plus tard, lorsqu'il passa le pas de la porte de la demeure de ses parents, une odeur délicieuse réveilla son estomac ; il avait passé presque une heure complète, Boruto dans les bras, à prendre un peu de sa peine contre lui. Dans un geste maladroit, il balança ses chaussures dans un coin de l'entrée et s'enfonça dans le couloir, les mains dans les poches ; quelques photos traînaient sur les murs, des photographies qui trahissaient sincèrement la joie que les membres de cette famille ressentait. Certaines le représentaient lui, à peine âgé de quelques mois, dans les bras de son père maladroit, mais empli d'une fierté incommensurable ; d'autres représentaient l'instant où ses parents s'étaient dit oui, dans la clairière du clan Nara, près de tous leurs amis. Il n'eut aucun mal à reconnaître le septième hokage, au bras de son épouse, quelques larmes au coin des paupières et ce sourire énorme sur les lèvres ; aussi ému que s'il mariait son fils.
Son regard d'un bel émeraude s'accrocha un instant à l'une des photographies et sans qu'il ne puisse rien faire, une pointe de colère naquit dans ses entrailles ; sans une once de douceur, il arracha le cadre du mur et s'engouffra dans la cuisine, d'où quelques rires s'échappaient.
Un grand sourire sur les lèvres, Temari préparait le repas, un tablier autour de la taille ; près d'elle, Mitsuha tentait tant bien que mal de mettre quelques épices dans la sauce sur le feu, ce rire au bord des lippes, debout sur une chaise. N'importe qui aurait craqué face à cette scène, mais le brun n'en ressentit que plus de colère.
- « c'est quoi ce putain de bordel ? » s'exclama-t-il, les poings serrés
Le son de sa voix arracha un sursaut à sa mère et la petite fille ; les sourcils froncés, Temari se plongea un instant dans le regard de son fils et décida finalement de mettre en pause le repas, elle déposa doucement Mitsuha au sol.
- « ton langage, Shikadai » réprimanda-t-elle, un soupir au bord des lèvres
- « je m'en fiche de ça, à quoi tu joues ? » ajouta-t-il, le coeur tremblant
- « mais de quoi est-ce que tu parles ? » interrogea-t-elle, une pointe d'incompréhension dans la gorge « qu'est-ce qui se passe ? »
- « je te parle de ça, merde » grogna-t-il, en désignant le cadre photo dans sa main
La photographie représentait Shikae, endormi dans le lit parental, et Mitsuha, près de lui, qui le couvait d'un regard si adorable ; à l'instant où son regard émeraude s'était posé sur cette scène, elle s'était empressé de prendre une photo. Elle n'en avait encore aucune de l'un ou de l'autre, et plus les jours passaient, plus elle s'accrochait à ces deux enfants ; Shikae grandissait doucement et elle tombait amoureuse de ces deux billes bleutées, Mitsuha s'épanouissait et elle adorait ce sourire qui traînait parfois sur les lèvres de la petite fille. Ils avaient survécu à l'horreur tous les deux, ils avaient vus plus de choses que certains adultes ; pourtant, ils semblaient heureux à leurs côtés et ça, ça la réconfortait dans son choix. Qu'importe qu'ils ne soient pas ses enfants biologiques, qu'importe de tout ça ; elle les aimait déjà terriblement.
- « c'est une photo, oui, et ? » souffla-t-elle, les sourcils froncés
- « sous votre photo de mariage, tu trouves ça normal, toi ? » s'écria-t-il « ce mur est destiné à la famille, pourquoi est-ce que je trouve une putain de photo de merde de ces deux-là, dessus ? ce sont des inconnus, et à quoi ça sert, si de toute manière, ils s'en vont ? »
La voix colérique du brun se répercutait aux murs de la demeure, et pendant un instant, elle se demanda si c'était vraiment son petit garçon, sous ses yeux? Elle le connaissait si doux, si patient, si flemmard ; quand est-ce qu'il s'était mis en colère, avant ce massacre? Elle s'en souvenait, ça datait de quelques années, il s'était énervé contre elle, parce qu'elle l'avait bombardé de baisers, devant la grille de l'académie.
- « ils ne s'en vont pas, Shikadai » répliqua-t-elle, d'une voix douce « Mitsuha et Shikae sont des membres de notre famille, ils ont leurs places sur le mur ; remets le cadre là où tu l'as trouvé »
- « comment ça, ils ne s'en vont pas ? » répéta-t-il, les sourcils froncés
- « j'ai signé les papiers d'adoptions, hier soir, avec ton père » avoua-t-elle « nous avons les moyens de les rendre heureux, pourquoi est-ce que nous les donnerons au système ? il y a déjà bien trop d'orphelins, des enfants qui n'ont pas de familles, qui n'ont personne ; Mitsuha et Shikae nous ont ton père, toi et moi, nous sommes une famille »
- « certainement pas, putain » balança-t-il, vulgairement
Mitsuha s'accrochait désespérément à la jambe de la blonde, elle semblait effrayée par le brun, elle le regardait comme ci, il allait lui faire du mal, et pendant une seconde, une demi-seconde, il se sentit horrible de lui faire ça ; elle n'était qu'une enfant, traumatisée par la guerre. D'un geste plein de rage, il balança le cadre au sol et ne fit aucun geste, lorsqu'il explosa en une dizaine de morceaux de verre ; son regard ne quittait pas cette photographie qui traînait au sol.
Le bruit d'un sanglot l'arracha à sa contemplation et douloureusement, il se confronta à la petite fille, en proie aux pleurs. Elle était là, recroquevillée sur elle-même, les mains sur les oreilles, la respiration saccadée et le corps tremblant ; est-ce que c'était de sa faute? est-ce qu'il avait fait ça?
Elle semblait sur le point de se fondre en un amas de souffrances ; et le brun comprit que quelque chose clochait, lorsque même la voix de sa mère n'eut aucun effet sur l'enfant. Le regard colérique de la blonde se posa sur lui et il tenta tant bien que mal de ne pas perdre contenance ; bien sûr, il l'avait déjà vu en colère, elle avait le sang chaud, mais pas comme ça, pas contre lui. Sous son regard, il eut l'impression d'être un monstre.
- « dans ta chambre » s'exclama-t-elle, les traits durs
- « mama-.. » tenta-t-il, le souffle court
- « dans ta chambre, maintenant, Shikadai » répéta-t-elle, colérique
Le cœur dans sa cage thoracique lui fit soudainement mal et il prit la fuite, loin de tout ça, dans sa chambre ; son corps s'écrasa sur le matelas et il lutta contre les battements douloureux de son cœur. Qu'est-ce qu'il avait fait, bordel?
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