Chapitre 4 : Le Monde de Kaïna 6/6
Grâce à la crème anesthésiante, Eloane ne ressentit rien quand on lui implanta le minuscule dispositif sur chacune de ses tempes. Elle avait une bonne idée de ce qu’on lui faisait, car son regard se portait sur Addie, subissant la même chose. Elle en eut le tournis et préféra maintenir ses paupières closes jusqu’à la fin. Elle remerciait intérieurement les Faes et leurs paillettes magiques qui l’empêchaient de tourner de l’œil.
Feng avait été le plus réticent à l’idée. Voyant que chacun des Gardiens rencontrés le portait, il avait fini par se laisser faire ; surtout quand Liorah l’avait prévenu qu’il devrait apprendre toutes les langues et les dialectes par lui-même s’il voulait pouvoir échanger avec qui que ce soit ici.
— Cet appareil s’appelle un Omnivox, expliqua Liorah une fois que le personnel soignant qui l’avait installé eut quitté la pièce. Il est directement lié à votre système nerveux et votre esprit. Il modifie les informations reçues pour les rendre à votre compréhension. Cela agira sur votre audition, mais pas seulement. Si vous lisez un écrit, ou sur les lèvres de quelqu’un, c’est votre vue qui sera changée.
» Il contient aussi tous les renseignements nécessaires vous concernant, comme votre identité et l’historique de votre santé. Il peut servir à enregistrer vos pensées ou vos mémoires visuelles, ainsi que de nombreuses autres applications que vous découvrirez par vous-mêmes. Par exemple, la fonction de réveil intégré est très pratique. Nous vous ferons parvenir un mode d’emploi.
» Vous verrez qu’il peut être très utile. Ma charge mentale est grandement réduite grâce à lui. Mon cerveau grillerait au bout d’une heure, sinon.
Liorah lâcha un bref éclat de rire et chercha du regard Stelios, son bras droit. Il s’en amusa en retour, gardant néanmoins son air guindé. Il les avait rejoints dans l’Aile de Guérison, où Liorah avait conduit les six jeunes. Le reste de leur famille était allé les attendre ailleurs.
— Mais n’en abusez pas, reprit-elle plus sérieusement. Il est important que votre cerveau travaille. Au fil du temps, certaines applications se déverrouilleront. Pour l’instant, vous devez vous en tenir au strict minimum et vous débrouiller par vous-même.
— Vous logerez dans le Quartier des Apprentis, expliqua Stelios. Il se trouve au deuxième étage du bâtiment secondaire, réservé aux habitants.
— Je fais des cauchemars bruyants, prévint Eloane en rougissant. Je ne veux pas gêner qui que ce soit. Je préfèrerais être seule, si c’est possible.
Liorah resta perplexe un instant, réfléchissant. Puis, elle se mit à fouiller les nombreuses étagères de la pièce, remplies de pots d’herbes sèches et de jarres aux liquides variés. Elle récupéra une petite fiole en verre opaque dans un des cabinets en bois, qui contenait des centaines d’huiles essentielles et d’hydrolats, et la tendit à sa nièce. «Nuit calme» était calligraphié sur une étiquette. Eloane reconnut certains des ingrédients sur la liste, tels que la lavande ou la camomille. Certains lui étaient inconnus, comme la tige de telamone, ou les pépins d’otiner.
— Masse en une goutte sur chaque tempe, au moment de te coucher. Jusqu’à ce que tout cela soit sous contrôle, tu pourras prendre place dans la chambre de ta mère, ajouta-t-elle dans un sourire nostalgique. Elle n’a pas été touchée depuis son départ. Elle n’est pas loin du Quartier des Apprentis.
Depuis le bain chaud qu’elle avait pris, Eloane était somnolente. Les habits douillets qu’on leur avait fournis n’aidaient pas à la garder éveillée. Elle n’avait envie que de dormir pour tout oublier. Elle suivit, les yeux presque fermés, Liorah et Stelios qui ouvraient la marche dans un dédale de couloirs et d’escaliers. Elle faillit heurter sa tante quand ils s’arrêtèrent devant une porte bardée de fers, donnant l’impression de se trouver face à un coffre-fort géant. Étaient gravés dessus les mots : «Salle du Conseil». Les deux gardes armés qui protégeaient la porte les saluèrent avant d’ouvrir.
Tous les Grands Protecteurs et leurs partenaires étaient là. Aucun ne parlait, comme s’ils s’étaient tous interrompus en pleine conversation pour les regarder entrer. Zephyr, au fond de la pièce et le dos tourné à tous, avait enlevé son turban, dévoilant son crâne rasé à blanc. Ses muscles se bandaient de temps à autre, là où le drapé de sa tenue laissait voir la peau, seule preuve qu’il n’était pas fait de marbre, tant il demeurait immobile.
Addie alla rejoindre ses parents pour un énième câlin et se découvrit une petite sœur. Elle pleurait à nouveau de joie. Elle avait toujours rêvé d’en avoir une.
Deux frères attendaient Aimé. Ils étaient plus grands que lui, de la même corpulence extrêmement musclée, trait qu’ils tenaient tous trois de leur père. Leurs retrouvailles furent sans mot, seulement chaleureuses et émouvantes.
Keegan se découvrit un petit frère, encore enfant, qui lui sauta dans les bras, et une grande sœur, presque aussi froide que sa mère, qui ne lui offrit qu’une accolade expéditive.
Quelques personnes s’étaient ajoutées au groupe. On observait sur eux les mêmes couleurs que celles présentes sur les Grands Protecteurs, avec des nuances parfois plus foncées ou plus claires. Les formes, matières et styles variaient aussi. Ils étaient tous très élégants.
Eloane se dit qu’ils avaient vraiment prévu de les recevoir en grande pompe et elle se sentit mal d’avoir gâché la fête. Ils s’attendaient à récupérer des Gardiens déjà entraînés à protéger leur monde. Ils ne recevaient que six jeunes paumés amnésiques. Oui, c’était une nouvelle particularité qu’ils partageaient, bien que non lié à ce monde, mais à celui d’où ils arrivaient. Eloane était-elle seulement tombée d’un arbre ? Que leur étaient-ils tous vraiment arrivés ?
Après plusieurs minutes de silence gênant entre sa tante et elle, Eloane, qui en avait profité pour admirer la pièce aux moulures dorées et aux meubles de bois noble, essaya de détendre l’atmosphère :
— Ce château est magnifique. Quand a-t-il été bâti ?
Il était clairement vieux de plusieurs centaines d’années. Liorah eut un sourire attendri en remarquant qu’Eloane scrutait la fresque hyper réaliste peinte sur le plafond haut. Elle retranscrivait des scènes d’opulences et d’harmonie ; puis de batailles, de victoires et de défaites ; finissant par une nature luxuriante et des cornes d’abondance au milieu de nombreuses créatures fantastiques en liesse.
— En effet, le château d’Ara, demeure de la Famille Lumière, est un des trésors de ce monde. Il a été construit au moment de l’Exode, à la création de ce monde, il y a 1544 ans.
Les six nouveaux arrivants écoutaient attentivement.
— L’Exode ? Ne trouva qu’à répéter Eloane.
Son cerveau embrumé avait du mal à calculer la date correspondante au calendrier Humain, mais elle était sûre qu’elle ne correspondait pas à l’Exode qu’elle connaissait. C’était plus proche, après la naissance du Christ qui marquait l’an zéro pour les Humains. Vers la fin de… l’Empire Romain.
— La fuite des Gardiens de l’Ancien Monde, à la suite de la Dernière Guerre. Voyez-vous, pendant longtemps, les Gardiens étaient vénérés par les Humains, auxquels ils avaient tout appris et donné. Les Gardiens avaient interdiction de trop se mélanger avec cette espèce, pour ne pas mettre en danger le secret de leurs facultés. Mais l’une d’entre eux, pas assez prudente avec son cœur, tomba amoureuse d’un des leurs, et ce qui devait arriver arriva. La vérité éclata et une rébellion meurtrière s’ensuivit. Elle faillit détruire tout ce qu’ils avaient avez mis tant de temps à construire.
» Nos ancêtres ne voulaient pas exterminer l’espèce Humaine, alors ils décidèrent de partir, de créer leur propre havre de paix. Ils n’eurent que très peu de temps pour fuir. Tous ne purent le faire. Certains aussi durent rester sur place, afin de créer un sort puissant : le Brouillard. Les êtres magiques bloqués dans l’Ancien Monde perdirent leurs capacités, devinrent invisibles, ou se transformèrent, pour que nul ne connaisse jamais la réalité. Et tous les êtres oublièrent l’existence de nos peuples et de la Magie.
» Le grand Empire Gardien a disparu et notre espèce a failli en faire de même. Des dizaines de millions ont péri où se sont retrouvés piégés de l’autre côté, rien que chez les Gardiens. Ils n’ont été qu’un million à atteindre Kaïna. Un véritable massacre.
— C’est de là que viennent tous les mythes et les légendes des Humains, dit Eloane, les yeux écarquillés.
— Sûrement pas tous, mais beaucoup, j’imagine. Nos ancêtres ont détruit, dissimulé ou modifié tous les témoignages physiques qu’ils ont pu de leur passage. Mais les esprits de centaines de millions d’êtres étaient un défi plus dur à relever en si peu de temps et dans une telle panique. Le Brouillard devait être capable de cacher l’existence de la magie et des traces subsistantes, afin que les Humains ne les retrouvent jamais. Après leur départ, il ne subsista plus dans les mémoires qu’une réminiscence, de vagues souvenirs tronqués. Le temps a dû faire son œuvre.
» Nous n’avons plus eu aucun contact avec l’Ancien Monde depuis, vous êtes les premiers à pouvoir en parler. C’est pourquoi il sera important que vous nous en racontiez le plus possible. Mais cela peut attendre que vous soyez acclimatés.
— Comment des Humains sans pouvoirs ont-ils battu des Gardiens qui contrôlaient les Éléments ? demanda Feng, perplexe. Vous n’aviez qu’à déclencher un déluge.
— La civilisation des Anciens, nos lointains ancêtres sur lesquels nous ne possédons presque aucune information, a disparu de cette manière il y a bien longtemps. Ils ont déclenché un cataclysme qu’ils n’ont pas pu arrêter. C’était un danger que les Gardiens ne voulaient pas risquer. De plus, nous n’utilisons pas nos capacités magiques sur des êtres qui n’en possèdent pas. Ajoutez à cela un nombre d’Humains bien supérieur, et c’est la déroute.
— Évitez d’y remettre les pieds alors, dit Feng. Ils sont huit milliards maintenant. Et vus comme ils détruisent tout, ils ne feraient qu’une bouchée de vous.
— Huit milliards ? répétèrent de concert tous les Gardiens présents.
On pouvait percevoir sur leurs visages de l’étonnement, de la peur, ou carrément du mépris. Certains se signèrent d’une main, formant un cercle sur leur poitrine, comme pour se protéger.
— Par la Nature ! s’exclama Kore en se signant à son tour. C’est pire que nous ne l’imaginions.
— N’ont-ils donc aucune limite ? s’insurgea une Gardienne à la robe cintrée couleur sable.
Ses boucles d’oreilles en coquillage bruissaient de ses mouvements de tête réprobateurs. Des perles noires ceignaient son cou pâle.
Le Grand Protecteur de l’Air se retourna une seconde, prenant bien soin d’éviter de regarder son frère. L’amertume se ressentait dans sa voix.
— Et nous qui pensions être allés trop loin avec nos quelques centaines de millions.
— Notre monde est plus petit que le leur et il recèle bien plus d’espèces, fit remarquer Kore à Zephyr. Nos craintes sont fondées sur la place que nous commençons à prendre.
Malgré son simple habit en toile de jute et sa petite taille, on la remarquait, avec sa chevelure épaisse et frisée d’un roux flamboyant.
— Ils se répandent jusqu’à tout étouffer, cracha Arana. Ce n’est pas étonnant. Nous devrions aller récupérer nos terres par la force. Nous n’aurions plus de problèmes de place et ferions un cadeau à la Nature en nous débarrassant de son plus grand virus.
Les tendons de son cou se crispaient sous ses paroles, faisant onduler d’un mouvement hypnotique la forme dragonesque qui enserrait sa gorge.
— Nous ne pouvons pas faire cela, dit simplement Liorah. Tu le sais très bien. Nos lois font bien de nous en empêcher.
— Et s’ils finissaient par nous retrouver ? s’inquiéta un Gardien à la cape bleu nuit et aux sourcils épais.
La perle pendante du pendentif qui habillait le front de Liorah bougea en même temps que ses coups de tête négationnistes.
— Cela n’arrivera pas.
Arana eut un rire sec.
— Je ne sais pas qui tu veux le plus convaincre.
Taran serra plus fort sa dulcinée et ses filles dans ses bras :
— Si cela devait arriver, nous saurions nous défendre.
— Nous ne sommes pas des victimes, intervint Arana en frappant son poing dans le plat de sa main. Nous devons attaquer en premier, ne montrer aucune faiblesse. Nos lois peuvent très bien être changées. Interrogeons-les et servons-nous en pour…
Eloane regrettait d’avoir lancé le sujet. Ne pouvant rien entendre de plus, elle s’éclipsa pour prendre l’air sur le balcon.
Feng s’y trouvait déjà. Il regardait le ciel, pensif. Son profil était net, tranché par les ombres de la nuit. Sa bouche un peu tombante le rendait cynique par nature.
Ils restèrent à contempler le firmament un instant, tandis que des éclats de voix les atteignaient depuis l’intérieur.
— C’est absurde, hein ? moqua-t-il à la lune. Apprendre d’une minute à l’autre que tu as une famille entière de parfaits inconnus, alors que la seule personne que tu aimes est dans un monde différent et que tu ne pourras jamais la revoir. J’imagine qu’il nous faudra du temps pour l’encaisser.
Eloane se demanda de qui il pouvait bien parler. Une petite copine, peut-être ? Mais du peu qu’elle avait entendu, il n’était ni intéressé par la monogamie ni par la vie de couple. Certainement pas ses adoptants, d’après ce qu’il en avait dit. Peut-être était-ce un meilleur ami ? Elle n’osait pas l’interroger. S’il n’en parlait pas, il avait sûrement ses raisons. Par son passé, il devait avoir du mal à s’ouvrir.
— Quoi qu’il arrive, je les reverrai, affirma Eloane en pensant à sa mère et ses grands-parents de cœur.
— Si tu le dis. En attendant, ça passe mieux avec ça.
Il lui offrit un des deux verres qu’il tenait. Il s’en dégageait une merveilleuse odeur.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle intriguée.
— Aucune idée.
Un véritable sourire était dessiné sur ses lèvres. Pas celui de d’habitude, qui donnait l’impression qu’il se moquait tout le temps de tout le monde. Eloane se fit la remarque que c’était la première fois qu’elle le voyait comme ça depuis qu’ils s’étaient rencontrés. C’était aussi vrai qu’ils se connaissaient depuis moins de quarante-huit heures.
— En tout cas, ils sont presque tous très gentils, dit Eloane en acceptant la coupe, avant de la porter à son nez.
Elle ne sentit pas d’alcool, alors elle en but une petite gorgée, pour tester. Le breuvage divin aux notes fruitées était doux, réconfortant, légèrement pétillant sur la langue, apportant une touche de joie bienvenue. Elle n’avait jamais rien gouté d’aussi bon. C’était parfait, son nouveau breuvage préféré. Elle sourit béatement et repartit pour une deuxième gorgée.
— Oui, si on omet le fait qu’ils nous mentent.
Eloane s’étouffa et recracha sa boisson par les narines. Feng se mit à rire. Il ne se calma que lorsqu’Eloane réussit à respirer normalement à nouveau.
— Pourquoi dis-tu ça ?
— Ça te paraît pas saugrenu à toi, qu’on soit les descendants des Familles les plus puissantes de ce monde, tous nés au même moment ? Et pourquoi on est les seuls à avoir été envoyés là-bas ? «Un test», c’est ce que ta tante nous a dit tout à l’heure. Sauf que c’est pas logique, ils ont perdu douze Protecteurs, en nous envoyant. De toute façon, je leur fais pas confiance. Il faut jamais croire ceux qui sont au pouvoir, ça leur monte trop à la tête.
— Qu’est-ce que vous faites là ? demanda Addie.
Elle était accompagnée de Morgane et portait une assiette remplie de mets délicats.
— On se demande ce qu’on fait là, justement. Dites-moi, ça n’a choqué personne qu’on soit en danger de mort ? C’est qui, cet Alrak le Moisi ?
— Le Maudit.
— Pareil. Qu’est-ce qu’il nous veut ?
— À nous personnellement, sûrement rien. C’est avec nos familles qu’il semble avoir un problème.
Morgane leva ses yeux rougis du sol vers eux :
— Pour le moment, peu importe. C’est vraiment le dernier de mes soucis. Venez, Liorah veut nous parler.
Le cœur d’Eloane se pinça. Elle tenait à peine debout rien qu’en ayant perdu sa mère, alors ne serait-ce que d’imaginer endurer cela avec deux parents et trois frères... Impossible, elle ne pouvait pas. La douleur que Morgane devait ressentir était inconcevable. Des larmes se mirent à couler et elle détourna le regard, ne voulant pas mettre la grande brune mal à l’aise. Elle trouvait cela mal venu de pleurer de la douleur de Morgane devant elle, mais Eloane ne pouvait s’en empêcher.
Bien entendu, on ne pouvait mesurer la souffrance, pas plus qu'on ne pouvait la comparer. La perte était la perte, point. Ils vivaient tous la même situation traumatisante. Mais quand même. Elle était impressionnée devant la force de caractère dont sa nouvelle amie faisait preuve. Si la Gardienne de l’Eau ressemblait à son élément, elle devait être calme à la surface, mais tumultueuse au fond.
Keegan avait raison : il n’y avait d’autres choix que d’avancer. Ils allaient devoir se faire une raison. Pour Eloane, c’était seulement plus facile à dire qu’à faire.
Ils rejoignirent Liorah dans un coin de la pièce. Aimé et Keegan se trouvaient déjà près d’elle. L’un buvait ses paroles, l’autre se tenait les bras croisés, inspectant chaque détail qui l’entourait ; surtout les gens.
La tension était redescendue, mais l’atmosphère était pesante. Des regards en coin et des messes basses s’échangeaient. Eloane détestait vraiment ça. La Grande Protectrice de la Lumière dévoilait aux deux garçons l’usage de la Salle du Conseil. Ici étaient prises les décisions les plus importantes pour la sécurité de ce monde. Ce qui expliquait mieux la table ronde massive trônant en son centre.
Liorah leur décrivait la première partie de la fresque au plafond, qui représentait l’âge d’Or de leurs peuples, quand deux jeunes Gardiennes furent amenées à eux par les gardes. Elles se ressemblaient seulement par la forme de leurs yeux en amandes et leurs bouches charnues. Leurs démarches et mimiques similaires trahissaient leur lien de parenté. Elles étaient époustouflantes, chacune à leur manière.
— Je vous présente Clevia et Alana. Elles sont tes cousines, Eloane. Elles vous aideront à vous acclimater à la vie au château et seront là pour répondre à vos questionnements. Tout comme le reste de notre famille, bien entendu. Beaucoup de membres de chaque Famille Protectrice habitent le château, ou sont simplement de passage. Vous n’êtes pas seuls, soyez-en conscients. Nous agirons de tout notre possible pour que la transition se fasse au mieux.
Clevia, la plus âgée et grande des deux sœurs, avait une peau laiteuse et délicate comme un flocon de neige. Ses cheveux noirs bouclés se rejoignaient dans une natte sophistiquée. Ses rétines étaient d’un marron si foncé qu’on voyait à peine ses pupilles, sous l’ombre de ses cils épais.
— Bienvenue, dit-elle dans un signe de tête protocolaire. Je suis actuellement en préparation pour entrer dans la Garde, l’élite des soldats qui protègent les Familles ; je serai donc un peu votre garde personnelle.
— On en a besoin ? s’inquiéta un bref instant Eloane, avant de se calmer.
La poudre faisait toujours effet. Tant mieux.
— Non, bien sûr que non. C’était juste une blague. De mauvais goût, je te l’accorde.
Elle se redressa sous l’œil perçant de la Grande Protectrice de la Lumière.
— Bienvenue, dit Alana en baissant la tête timidement, le regard fuyant. Je serai celle qui sera le plus amenée à vous voir, car nous ferons partie du même Cycle.
Elle avait une couleur de peau si foncée qu’elle en était presque noire. Des cheveux crépus blond-platine, court sur le dessus et tressé sur les côtés. Ses yeux bleu très clair étaient électrisants.
Le Gardien à la cape bleu nuit s’était approché :
— Si vous en avez fini avec les présentations, peut-on reprendre notre conversation ? Les Six…
— Les Six, gronda Liorah en levant un doigt, comme vous les appelez, cher Conseiller Deldrude, ont besoin d’être préparés pour ce qui les attend tout à l’heure. Il est déjà très tard, ou plutôt très tôt, et nous avons de nombreux sujets à aborder pour qu’ils ne soient pas complètement perdus. Nous agirons étape par étape.
» À part la famille proche, veuillez tous nous laisser. Nous rejoindrons les Conseillers quand nous en aurons fini.
— Mais…
— C’est mieux ainsi.
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