CHAPITRE 7 part 2
À midi, nous sortons de la salle de classe ensemble et rejoignons le grand arbre. C'est un coin calme que les élèves ne connaissent pas, et que les caméras ne peuvent épier. Pour ce qui est des surveillants, ils sont tous à l'internat, ou au portail pour la sortie des élèves. Nous sommes donc seuls. Cela ne me déplaît pas, mais m'inquiète un peu cependant :
— Bon ! commence t-il, je ne rentre pas chez moi de toutes les vacances. Nous avons donc une semaine !
Il enlève le blazer de l'uniforme, remonte ses manches et s'assoit dans l'herbe :
— C'est partie ! déclare t-il emplit d'excitation.
Il attrape son sac et sort d'une de ses poches un morceau de tissus qu'il ouvre.
— Du pain ?
— Tu n'aimes pas le pain ? me demande t-il.
— Là n'est pas la question ! Pourquoi du pain ?
— Mange-le.
— Qu'est que cela veut dire ?!
— Mets le dans ta bouche ! s'impatiente Romain.
Je coupe un morceau de ce pain et le glisse dans ma bouche. Je le mâche quelques secondes avant de l'avaler aussitôt.
Je lève les yeux vers Romain et attends la suite :
— Alors ?
— Recommence. Tu ne l'as pas manger là, s'exclame t-il.
— C'est une blague ? Tu essais quoi là, de
m'empoisonner ?!
Il soupire et roule des yeux. Il coupe à son tour un morceau et le place sous son palais :
— Que peux-tu me dire sur ce pain ? continue t-il de me questionner.
— Qu'il date certainement d'hier soir...
— Quoi d'autre ?
— Romain ! Je ne suis pas venue ici pour manger !
— Bien, je t'explique ! Pour parvenir à te servir d'un maximum de tes capacités, il faut que tu ouvres ton esprit, que tu t'ouvres au monde. Et quoi de mieux pour cela que d'utiliser tes cinq sens. Essayes de ressentir tout ce qui t'entoure : regarde les rayons du soleil se refléter dans les gouttes d'eau sur les branches des arbres, écoutes les mouvements du vent, ressens le contact de la nature dans tes mains, et sens les odeurs des parfums des plantes des jardins.
— La vue, l'odorat, le toucher, l'ouï... Et le goût, que vient-il faire là ?
— C'est le sens qui fait travailler le plus ton imagination. Et donc qui pourra t'aider davantage à développer tes capacités d'illusions, m'explique t-il.
— Ah bon ?
— L'imagination visuelle et auditive sont assez faciles, mais pour ce qui est du goût... Cela devient plus compliqué !
— Bien...
— Recommence maintenant que tu as compris, et dis moi ce que tu sens.
Je place un nouveau morceau dans ma bouche et suis les conseils de Romain :
— La mie est... dure... et la croûte ramollie...
Romain explose de rire :
— Stop Sophie ! Arrête, on va passer à autres choses. Je vois bien que tu n'as pas envie de continuer. Passons directement à la pratique !
— Merci...
Il se lève :
— Tu vas fermer tes yeux, et essayer de rentrer dans mon esprit.
— Et je fais ça comment ?
Il vient se placer derrière moi et pose ses mains sur mes épaules :
— Tu fermes les yeux, et tu te détends. Je ne dois plus sentir aucune tension. Fais le vide dans ta tête, et imagine ton énergie prendre une forme, et pénétrer dans ma tête.
Je me mets donc au travail, mais rien ne se passe.
— Là Sophie, tu attends que quelque chose arrive. Tu n'essayes pas de la créer. Le cercle blanc puise son énergie dans la nature et ses éléments : l'air, la terre, l'eau et le feu. Mais une seule te suffit. Prend celle que tu veux. Et sers toi de tes sens pour amplifier le ressenti de ces éléments. Deviens sensible à ce qui t'entoure, à chaque élément, même le plus petit.
Je sens une brise de vent me caresser le visage. C'est donc l'air que je choisis. Je garde les yeux fermés, et m'imagine l'air se mêler à mon énergie. Maintenant, je peux déplacer cette force toute blanche qui n'a pas de forme. Je l'imagine rentrer dans la tête de Romain :
— Bien Sophie ! Ça marche ! Je peux ressentir ton énergie. Maintenant crée une illusion. Celle que tu veux. Ça fonctionne comme dans un rêve.
Je créé un paysage montagneux envahit par une brume automnale. Je suis spectatrice de ce paysage et j'aperçois Romain sur une montagne. Je le rejoins aussitôt, sortant de nulle part :
— Félicitations Sophie... me dit il, maintenant prisonnier de mon illusion.
♦️♦️♦️
Elle y est enfin parvenue. Ce n'est pas parfait, c'est certain. Je sens encore mon corps dans l'herbe, la tenant par les épaules. Je ne devrais plus avoir de connexion avec le monde réel. Elle n'y a pas mis assez d'énergie. Si j'ouvre les yeux, l'illusion disparaîtra, mais ce n'est pas ce que j'ai envie de faire. Autant en profiter un peu...
♦️♦️♦️
— Où sommes nous ? me demande t-il.
— Je l'ignore, je ne suis jamais venue ici.
Le paysage est à couper le souffle... Les étoiles brillent dans la nuit, éclairant les lointaines forêts nous encerclant. Le vent frais du matin pourrait nous faire croire que tout ça est réel. Le grand large... L'immensité de l'Univers... Tout ça est parfait.
— Une question Romain...
— Je t'écoute princesse.
— Comment as-tu su que Jade contrôlait mes émotions ?
— C'est tout simple. J'ai croisé un gars dans la rue il y a quelques jours. J'avais une irrésistible envie de rentrer dans sa tête. Il avait l'air tellement perturbé par quelque chose que j'ai utilisé une puissance incroyable d'énergie pour lui faire revivre un court moment de sa journée.
Je le regarde étonnée :
— Bah quoi ? Faut bien tenter, c'est comme ça qu'on développe de nouvelles capacités.
— Et ça a marché ?
— Non, pas du tout. Mais quelque chose brouillait son esprit. Et cette chose c'était une phrase qui tournait en boucle dans sa tête : « Sophie a oublié Kelsey à cause de Jade ». J'ai immédiatement compris, ce n'était pas très dur.
— Et tu n'as pas cherché à comprendre qui c'était !?
— Non, ça ne m'est pas passé par la tête. J'étais plus préoccupé par la quantité de sang coulant de mon nez, m'avoue t-il.
— Parce que tu as utilisé une très grande quantité d'énergie, c'est ça ?
— Mais super ! La petite Sophie commence à comprendre !
Je m'allonge, et observe les étoiles.
— Que fais tu ? me questionne t-il surpris.
— J'en profite, ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance de voir ce genre de paysage.
— Mais tu sais que tu n'es pas réellement là ? Ton corps est dans le monde réel. Alors que ton esprit est ici, connecté avec le mien grâce à ton énergie.
— Ça paraît si vrai... C'est comme si tout ce que j'ai peur de faire en temps normal, je pouvais le faire ici.
— Je vois ce que tu veux dire...
Il me tend la main. Je l'attrape, et il me tire vers lui. Nous nous retrouvons si proches, que je sens son souffle chaud. Il plonge ses yeux dans les miens et laisse cette luisance bleuté éclairer son visage. Et alors que nos lèvres venaient à peine de se frôler, l'illusion prend fin.
J'ouvre mes yeux, et me tourne vers lui, toujours à la même place :
— Jolie Sophie... Jolie.
Il récupère son sac et ses affaires, et part. Sans se retourner il crie :
— Demain, même heure, même lieu !
Je crie son prénom :
— Romain !
Il se retourne et m'écoute de loin :
— J'ai vu tes yeux... Ils ont changé de couleur !
Il me sourit, et me fait un geste de la main, signifiant « à demain ».
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