CHAPITRE 5 part 1

Hugo me tire par la main et marche rapidement dans les jardins à l'abri des regards, vérifiant incessamment les entourages. Il s'arrête devant un portillon de bois, donnant certainement sur l'arrière de l'école. Le garçon sort de sa poche un trousseau de clefs et glisse l'une d'elles dans la serrure.

— Comment se fait-il que tu aies la clef ?!

Il ne répond pas et se contente de me faire signe d'entrer. La nuit étant tombée sur Athlone, l'école entière est plongée dans le noir.

Il a l'air de savoir exactement où il va, c'est ce qui me terrorise le plus je pense...

Après plusieurs minutes à parcourir l'académie, il s'arrête devant un casier du second étage, et cherche de nouveau une clef correspondant à la serrure et l'ouvre :

— Vas-y, me dit il.

— Là tu te fiches de moi Hugo !

— Entre je te dis ! Si quelqu'un nous voit, on est mort !

Un bruit de grincement nous interrompt. J'aperçois une lueur s'approcher de nous. Je n'ai pas le temps de réagir, qu'Hugo me pousse à l'intérieur du casier et y pénètre lui aussi. Au moment où il referme la porte, il se serre contre moi ce qui me pousse contre le fond, ouvrant ainsi une trappe. Je tombe dans un vieil escalier dissimulé derrière celle-ci.

— Telle une vraie acrobate Sophie ! rit Hugo.

— Un casier menant à un escalier secret... Vraiment ?

— Et il y a un nombre inimaginable de pièces secrètes... Sachant que les premiers élus ont été envoyés ici, ce sont eux à qui on doit cela. Chaque cercle doit avoir un lieu inconnu pour présider son conseil. Les informations que nous y échangeons sont plus que confidentielles.

— Et c'est un casier que vous avez choisi...
Il rit à nouveau, et descend pour m'aider à me relever.

Nous nous trouvons dans une petite cave emplit de vieux canapés et de tables d'école. À en juger par l'odeur d'humidité et la moisissure sur les murs, ces lieux datent de la création de cette école.

Une dizaine de minutes plus tard, alors que la fatigue me gagnait, le grincement de la porte se fait entendre. Jade concentrée sur son téléphone s'approche. Je remarque une autre blonde derrière elle, qui m'est cependant inconnue. Elle porte l'uniforme de l'académie, celui des premières années :

— Enfin ! s'impatiente Hugo.

Il se dirige vers la jeune fille, et la serre dans ses bras en l'embrassant.

— Je te présente Métis,la sœur de Jade.
Je prends quelques minutes pour la regarder : des cheveux blonds et lisses, de beaux yeux verts et un teint d'une pâleur presque diaphane. Comme Jade, elle est assez fine. Très jolie fille.

— Pourquoi sommes-nous là Hugo ? demande Jade.

Il repart s'assoir sur le canapé, avec Métis sur ses genoux :

— Je préfère attendre Mason.

— Mason ? Qui est-ce ?

— Un ancien membre du cercle blanc. C'est lui qui préside le conseil, m'explique Métis.

Mais que se passe t-il... ? La nuit s'annonce longue. Et nous n'avons toujours pas mangé...

À 23h, alors que nous devrions avoir regagné nos chambres depuis un bon moment, Mason arrive précipitamment, s'excusant une dizaine de fois pour son retard.

Je suis immédiatement surprise par son jeune âge : une vingtaine d'années seulement. Jade m'avait pourtant expliqué que les anciens membres du cercle blanc avaient été remplacés parce qu'ils étaient « trop âgés ». Cela signifierait qu'à seulement 20 ans, nous perdrions cette vie ?

— C'est donc toi Sophie ! Bienvenue et félicitations pour ton choix, commence t-il.

— Merci...

Comment peut-il me féliciter ? Il devrait plutôt être triste pour moi, avec tout ce que je laisse derrière. Je n'ai jamais demandé de faire partie de cette organisation !

— Allez, venez par là. On va faire comme d'habitude. Pour toi Sophie, qui est nouvelle je t'explique : Lorsque le cercle commence à se compléter des deux côtés, nous organisons un conseil. Il a pour but de faire le point et de répondre aux éventuelles questions.

— Ou bien en cas d'urgence, comme aujourd'hui ajoute Hugo.

— Justement Hugo, explique nous pourquoi tu nous a convoqués.

♦️♦️♦️

Après cet accrochage avec Hugo, je rejoins Juliette et Shana au self. Il faut à tout prix que j'arrête de penser à Sophie. Shana sait contrôler les émotions, mais elle commence aussi à les détecter.

Mais je n'ai pas envie d'oublier après tout... C'était tellement parfait... Oh ! Mon dieu... Romain ! Retourne à la réalité ! T'es un élu du mal, un démon, ne l'oublie pas !

Je vois un garçon avec son plateau cherchant une place parmi tous les élèves. Il va vers les filles, et demande s'il peut s'assoir à côté. Un élan de colère me traverse :

— Tu veux quoi à ma copine toi ?

— Rien, Romain, je suis désolé, je cherche juste une table.

— Bah va la chercher ailleurs et me prends pas la tête.

Je m'assois près de Juliette, et la prends sous mon épaule. Je me concentre sur ce pauvre idiot de Melvin et entre dans son esprit.
Il ne voit maintenant que du noir. Il continue pourtant de marcher et tombe en trébuchant. Son bol de soupe se renverse sur sa chemise. Et alors qu'il essaye de se relever, il glisse sur le sol et retombe. Je prends un fou rire que je cache devant la surveillante qui s'approche de lui pour l'aider. Juliette ayant compris, met elle aussi sa part de mal dans cette petite blague.

Alors que Melvin retrouve sa vue, et qu'il tient à nouveau le reste de son repas, Juliette se sert de son énergie pour déstabiliser ses bras. Le plateau atterrit en pleine face de Shirley, la surveillante. Et cerise sur le gâteau, Shana le fait pleurer, pour attirer l'attention encore plus sur lui.

Ah, quelle soirée ! C'est dans ces moments que je me sens le mieux : rendre la vie dure aux gens. Je suis né pour ça ! Cela me rassure, après tout, j'ai quand même pensé durant quelques minutes que je ressentais des émotions. Ce qui n'est absolument pas le cas !
Fini de rigoler, je reprends mon air sérieux, et m'adresse aux filles :

— Les filles, j'ai une mauvaise nouvelle...

— Qu'est ce qui t'arrive mon cœur ?

— On a besoin de réunir le conseil. Appelle Mandy, et donne lui rendez-vous dans la salle.

Nous sortons du self, et partons de l'académie sans nous faire voir par les caméras. Une fois à l'extérieur de cette prison, nous regagnons l'ancienne église de la ville. Le bâtiment est fermé depuis plusieurs années parce qu'il n'a pas été rénové. De plus, une nouvelle a été construit plus loin, laissant l'ancienne à l'abandon. C'est l'endroit parfait. Qui viendrait nous chercher dans un endroit aussi lugubre.
Mandy arrive en même temps que nous, et nous ouvrons le conseil :

— Alors, pourquoi vous m'avez appelée ?

♦️♦️♦️

— Es-tu sûr de ce que tu affirmes Hugo ?

— Oui Mason, c'est la seule explication pour que leurs yeux changent de couleurs au même moment.

— Et toi Sophie ? Qu'est ce que tu en penses ?

— Je ne sais pas quoi dire... C'est nouveau pour moi tout ça, Jade m'avait pourtant dit que c'était impossible.

— Je pense que tout est lié à la légende, avoue enfin Jade.

— De quoi parles-tu Jade ?

— Ce sont Romain et Juliette qui nous en on parlé. Nous trouvions étrange qu'ils aient su aussi rapidement que Sophie était porteuse du gène. C'est là qu'ils nous ont parlé de cette légende.

— J'en ai vaguement entendu parler... Mais je me demande comment ils sont arrivés à mettre la main dessus. Quoi qu'il en soit, vous avez moins d'un mois pour reconstituer le cercle blanc, et je vous fais confiance pour aider le cercle noir discrètement, réfléchit Mason.

— Aider le cercle noir ? C'est une blague !

— Attends Sophie, calme toi, c'est stratégique : Comme Hugo et Jade ont dû certainement te l'expliquer, nous ne sommes pas vraiment les premiers habitants de la Terre, il y en avait d'autres avant nous. Et bien au temps des premiers hommes, il y a plusieurs millénaires, lorsque la mort et le vivant partageaient le même monde, le créateur de la Terre jugea que le vivant devait occuper une place plus importante. Ainsi il sépara les deux, condamnant les morts à errer dans un autre monde. Un monde lointain où nul vivant n'est jamais encore allé. Et cet événement fut exactement le trente et un novembre.

— Un mois après Halloween ?

— Pas vraiment. L'Halloween de nos jours se fête le trente et un octobre, mais la vraie date est celle du trente et un novembre.

— Comment ça ? Tout le monde a toujours fêté Halloween en octobre !

— Oui et ce n'est pas un hasard. Le jour d'Halloween est le moment le plus important de l'année. Ce jour là, le voile qui sépare le monde des vivants et des morts est le plus fin. Et chaque année, les morts tentent de s'introduire sur Terre pour se venger. C'est donc un jour dangereux pour tous les humains. Or le jour de cette célébration, les enfants sortent chercher des bonbons, les gens traînent dans la rue... C'est bien trop dangereux ! Il fallait donc mentir sur la date pour être sûr que tout le monde soit en sécurité pendant que les élus feraient leur travail. Ce jour là, durant le vrai Halloween, il faut que le schéma de l'équilibre soit complet, donc les deux cercle finis. Et les liaisons entre les opposés créées, pour renforcer ce voile. Dans le cas contraire, le voile pourrait se déchirer, et le néant s'abattrait sur la Terre comme au temps des pré-hommes, m'explique Mason.

— Je croyais que chaque cercle voulait trouver les élus avant l'autre.

— Et c'est le cas, affirme Métis. Mais les élus du bien sont responsables, et comprennent que malgré cette rivalité, ils n'ont guère d'autre choix. En revanche, le cercle noir est un peu plus compétitif... Alors le mieux est d'être prudent. Vous aurez suffisamment de pouvoir pour accomplir cette tâche si vous êtes dix : Vos capacités seront amplifiées.

Je reste bouche-bée devant cette explication si claire. Elle ne fait pas partie du cercle et elle en sait plus que moi !

— Des questions Sophie ? me demande Mason.

— Oui, je fais quoi pour Romain... ?

— Je vais te dire honnêtement Sophie, que je sais pas trop quoi te dire... Je n'ai jamais été face à ce genre de situation. C'est la première fois dans l'histoire de l'équilibre. Essaye de l'éviter au maximum, tant que nous ne sommes pas sûrs. Evite aussi tout contact avec lui. Il ne faudrait pas que l'on remarque que vos yeux changent de couleur.

— Bien Mason...

Eviter Romain ? C'est la chose la plus dure que l'on puisse me demander ! Je ne peux pas faire comme si rien ne s'était passé...

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