CHAPITRE 4 part 2
Trois heures du matin... Je ne peux fermer les yeux plus de cinq minutes. Lorsque je suis malade, la nuit me terrorise. J'ai l'impression qu'elle a tous les pouvoirs sur nous, qu'elle abrite nos peurs les plus profondes.
Habituellement je ne dors pas, j'attends que le soleil se lève et que les ténèbres se dispersent en même temps que la nuit disparaît.
Je me sens – en plus de cela – terriblement mal. Mes mains tremblent, j'ai du mal à respirer... Il faut que je me lève.
Aussi discrètement que j'ai l'habitude de le faire, je sors de mon lit et attrape le gros pull noir accroché à ma chaise de bureau. Je m'accroupis et glisse la main sous mon lit. J'en sors mes grosses chaussettes d'hiver que j'enfile aussitôt avant de me faufiler sans bruit vers la sortie.
Il y a des surveillants à toutes heures dans les couloirs, mais avec un peu de chance je parviendrai à leur échapper. De toute manière, je ne veux pas m'enfuir, je veux simplement prendre l'air.
Après avoir jeté un rapide coup d'oeil, je me dirige à grand pas au bout du couloir et emprunte les escaliers de secours. Je monte une trentaine de marches avant d'arriver à la porte menant normalement au couloir du cycle trois. Je pousse celle-ci, mais elle ne semble pas vouloir s'ouvrir. Les dernières années ont dû la bloquer de l'intérieur. Je poursuis ma promenade nocturne en continuant de monter, arrivant à une dernière porte de secours. Étrange, je jurerais qu'elle était fermée la dernière fois que je suis montée. Peu importe, maintenant que je suis là...
À en croire l'air frais qui s'en échappe, elle devrait me mener sur le toit. Je la pousse lentement sans la faire grincer et la referme derrière moi. Je m'avance dans le noir et me laisse guider par la lumière des étoiles. Je vais pour m'approcher du rebord lorsque je remarque que quelqu'un y est appuyé. Je fais donc demi-tour sans me faire remarquer.
— Reste Sophie.
Je reconnais la voix de Romain.
— Approche, dit-il sans se retourner.
J'avance et le rejoins.
— Que fais-tu ici à une heure pareille ? me demande t-il.
— Et toi ?
— Je regarde les étoiles, répond t-il les yeux plongés dans le ciel.
Je fais de même et observe le magnifique ciel environnant.
— Tu ne m'as pas répondu. Que fais-tu ici ? insiste t-il d'une voix calme.
— Je ne me sentais pas très bien.
— Tête qui tourne, tu as mal partout et de la difficulté à respirer ?
— C'est normal alors ?
— J'ai eu les même symptômes. Nous les avons tous eu. Donc je suppose que oui.
Le silence règne.
— Romain ?
Il se tourne vers moi et me regarde maintenant intensément :
— Oui... ?
Je réfléchis un court instant, et décide de ne pas parler. Pourquoi gâcher un si beau moment ?
— Rien...
Nous sommes restés une heure sur le toit. Une heure à contempler le ciel sans même parler, à imaginer ce qu'auraient été nos vies sans tout cela. Il m'a ensuite ramenée et est parti.
— Sophie ! Debout !
Je me réveille en sautant de mon lit :
— Tu n'as pas entendu le réveil ? Dépêche toi !
Je m'habille en une fraction de seconde et nous filons en cours.
Durant toute la journée, j'évite au maximum Juliette et Romain. À tel point, que je me suis cachée derrière un mur au self, attendant que nos adversaires finissent de manger, pour aller m'assoir.
Même si Romain était d'un calme incroyable hier, il semblerait qu'il ait retrouvé toute sa tête ce matin. Un garçon très versatile sans doute. C'est peut-être Juliette qui le rend fou comme cela. C'est vrai que rester avec elle tous les jours doit être affreux. Moi aussi à sa place j'aurais disjoncté...
À dix-sept heures, à la fin des cours, je rejoins Hugo et Jade dans les jardins. Ils m'attendent assis dans l'herbe :
— Sophie ! Comment s'est passé ton cours d'astronomie ? me questionne Hugo.
— Super... J'étais à côté de Romain, et en face de Juliette. Pendant toute la durée du cours, elle n'a pas cessé de faire tomber mes affaires et renverser ma trousse. Et quand je voulais récupérer mes stylos au sol, elle les faisait avancer de plus en plus loin. Romain était littéralement mort de rire. Il en a profité pour rentrer dans ma tête lorsque que je devais passer au tableau. Je ne voyais donc absolument rien et je suis tombée, devant le regard moqueur de toute la classe...
— Il faut vraiment que tu saches te servir de tes pouvoirs Sophie... sans ça, tu subiras tous les jours les mêmes blagues.
— J'en suis consciente, mais je sais pas si j'y arriverai...
— Si nous y sommes parvenus, tu le pourras aussi. Ne t'inquiète pas, se sera dur et tu n'obtiendras pas de résultat immédiat. Mais il faudra en passer par là, me rassure Jade.
Je décide de me mettre aussitôt au travail :
— Bien, alors que dois-je faire ?
— Ferme tes yeux, commence Hugo. Concentre toi sur ce qui t'entoure : le vent, les bruits des oiseaux, l'eau de la rivière qui coule...
Je me mets aussitôt au travail, et je me concentre sur la nature environnante :
— Capte l'énergie présente aux alentours, essaye de la lier avec celle déjà présente en toi.
J'ouvre les yeux troublée par ses paroles :
— Comment veux tu que je mélange ces deux choses ! Et puis qu'est-ce-que tu appelles énergie ? Et comment je peux « récupérer » l'énergie en moi !?
Cela paraît si facile pour eux...
— Sophie ! détends toi ! C'est pas comme cela que tu y arriveras ! Les élus du bien sont censés être calmes et bienveillants. Ce n'est pas ton cas, m'explique Jade, d'ores et déjà agacée par mon comportement.
— J'ai besoin d'une explication plus claire ! Depuis combien de temps vous êtes comme cela vous !
Jade se lève et part énervée. Je pense que j'en suis la cause... Je n'aurais jamais dû dire ça ! Je ne sais pas grand chose sur elle après tout. Hugo toujours là et me voyant désolée, décide de me réconforter :
— Ne t'en veux pas Sophie... Tu es dans le cercle blanc depuis peu. Ne t'inquiète pas, elle ne t'en voudra pas.
— Que lui est-il arrivé... ?
— C'est son frère... Son grand frère a été tué par le cercle noir.
— Tu veux dire les élus du mal ? Mais pourquoi ils l'auraient tué ? Je veux bien qu'ils soient du côté obscur, mais ils ne peuvent pas tuer tout le monde.
— Je suis d'accord avec toi, mais je ne peux rien te dire. Je préférerais que tu en parles avec Jade. Mais sache Sophie, que c'est un sujet vraiment dur pour elle. Plus que pour n'importe qui. Donc si elle a vraiment confiance en toi, elle se confiera.
— Et toi alors Hugo... ?
— Il y a un peu moins d'un an, j'ai eu un accident de voiture avec ma grand mère. Elle est morte sur le coup. Elle était pour moi mon unique famille. Mes parents voyageaient tellement qu'ils m'ont laissé avec elle. Ma grand mère comptait plus que mes parents, ou le reste de ma famille...
— Je suis désolée pour toi...
J'avoue que je n'ai pas beaucoup de tact. Mais cela parait si normal pour eux que j'en oublie le fait que ça reste un sujet délicat. Puis cette histoire me paraît tellement... irréelle ! Je n'ai jamais rien demandé à personne, je suis une simple orpheline parmi tant d'autres ! Je ne comprends vraiment pas... J'ai plutôt l'impression que c'est une mauvaise blague que l'on me fait. Certainement pour savoir à quel point je peux être naïve... J'ai perdu tout ce que je possédais du jour au lendemain, et vivre à l'orphelinat durant tant d'années n'a fait naître qu'un unique vœux en moi. J'espérais simplement devenir autonome et ne plus dépendre du foyer. Ainsi je serais partie faire mes études loin d'ici, voyageant le cœur léger, et oubliant mon triste passé.
Nous repartons en direction de l'internat, pour aller travailler en étude. Romain, sans Juliette à ses côtés, s'avance droit devant moi, toujours avec son sourire charmeur, ses yeux qui brillent, et ses cheveux en bataille. Un vrai bad boy...
Alors qu'il passait à côté de moi, sans que je ne détourne le regard vers lui, il attrape violemment la anse de mon sac et me tire un peu plus loin, s'assurant de ce fait qu'Hugo n'entendrait rien de notre conversation. Lorsque ce dernier s'en rend compte, il ralentit et s'immobilise m'attendant tout en me surveillant. Ce qui en fin de compte ne me déplait pas. Cela m'évitera d'avoir une mésaventure comme tout à l'heure.
— Alors, comment se passent tes petits cours dans les jardins ? commence t-il en riant.
Je plisse les yeux et le regarde avec ironie :
— Parce que ça t'intéresse ? Ah oui, j'avais oublié ! Tu es terriblement déçu que je fasse partie du cercle blanc !
— Ma petite Sophie... dit il, baissant la tête, le sourire aux lèvres en s'appuyant sur le mur. Tu apprendras que les élus du cercle noir ne peuvent avoir de sentiments à l'égard de quiconque... Donc oui, tu n'es pas avec nous, mais j'en n'ai rien à foutre !
— Vraiment ? Tu ne ressens aucune émotion... Tu m'expliques pourquoi tu sors avec Juliette ?
— Comment dire... c'est plus une attirance physique.... Si tu vois ce que je veux dire... affirme-il fièrement, me faisant un clin d'oeil.
Je lui réponds avec dégoût :
— T'es écoeurant...
Je passe mon chemin, le bousculant. Mais il me rattrape une seconde fois, et tire mon bras si fort vers lui, qu'il ne reste bientôt plus d'espace entre nous :
— Écoeurant... ? Es-tu sûre que c'est ce que tu éprouves pour moi, du dégoût ?
Un frisson incoercible traverse mon corps et ses paroles résonnent dans ma tête comme un écho sans fin... Je ne peux détourner mon regard du sien. Mon cœur s'accélère et ma peau frissonne sous son souffle chaud. Ce ne sont pas ses mots qui m'ont tant perturbé, mais le contact de nos mains... C'est comme si une énergie se propageait en moi. Mais son énergie à lui. Je peux ressentir cette malfaisance... Et pourtant, cela ne me déplait pas... C'est même plus qu'agréable, j'ai l'impression d'avoir trouvé l'énergie complémentaire à la mienne...
♦️♦️♦️
Je n'arrive pas à lâcher sa main... Mais qu'est ce qui m'arrive merde !? Je sens l'énergie du bien, son énergie... Je ne suis pas censé ressentir d'émotions ! Mais tout se bouscule dans ma tête, j'ai l'impression que nos énergies se mêlent, pour ne former plus qu'une... Mes yeux sont perdus dans les siens. Je peux percevoir à travers eux, ses pensées les plus profonde. Comme si elle n'avait plus de secret pour moi, comme un mystère résolu... Je suis si proche d'elle... J'ai tellement envie de l'embrasser...
Avant que je ne puisse m'approcher d'autant plus de ses lèvres, Hugo intervient nous ramenant à la réalité :
— Qu'est ce qui se passe ? Romain lâche la tout de suite !
Je desserre ma main, tenant encore son poignet, et la laisse reprendre ses esprits à son tour.
— Ne t'avise plus jamais de la toucher, démon ! me crie t-il au nez.
— Qu'est ce que tu vas faire hein ! C'est pas avec tes prédictions que tu réussiras quelque chose contre moi !
— Fais le malin Cleerz... Tu verras quand le cercle sera complet et nos pouvoirs amplifiés...
Je m'approche de lui, pour lui coller mon poing dans sa gueule. Mais Sophie se met entre nous :
— Pars Romain, dit-elle calmement, comme si elle savait que j'allais l'écouter.
Je récupère mon sac tombé à terre, et je m'en vais, détachant difficilement mon regard de ses magnifiques yeux noisette.
Comment peut-elle me demander de partir, alors que je suis persuadé qu'elle aussi a senti cette connexion. Mais... mais qu'est ce que je dis moi ! Je n'en ai rien à faire d'elle !
De toute façon, je m'en doutais, c'est pour ça que j'ai crée le premier contact. Mais j'étais loin de m'imaginer qu'il serait si fort...
♦️♦️♦️
Hugo me traîne à travers les couloirs, ayant apparemment changé de direction. Il n'a pas l'air énervé, pourtant son visage est vide de toutes expressions.
— Où allons-nous ?
— Rejoindre le conseil, révèle-il continuant de marcher à une allure essoufflante.
— Le conseil ? Qu'est ce que c'est ?
— Les deux cercles ont chacun des conseils. Il est dirigé par un ancien membre du cercle blanc. Le conseil n'ouvre pas à cette heure-ci habituellement, mais là...
— Tu m'expliques Hugo, je ne comprends pas, que s'est-il passé ?
— J'ai vu vos yeux... Ils se sont illuminés d'un bleu très spécial.
— Qu'est ce que cela signifie ?
— Que le premier contact a été établi.
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