CHAPITRE 3 part 1

C'est aujourd'hui lundi que les classes ont été constituées. Ainsi Jade, Romain et moi regagnons la section deux. Chanceuse que je suis, Juliette est tombée un peu plus loin, dans la section trois. Quant à Hugo, lui est en section cinq, accompagné de Kelsey et Shana, autre fille du groupe d'amis de Romain. Je croiserai pourtant Juliette au cours d'astronomie de tout à l'heure. Elle est apparement aussi intéressée par l'astronomie que ses deux grands amis...

Je débute avec cours de maths. Les élèves étant classés d'abord par ordre alphabétique, Romain se retrouve à côté de moi malgré son mécontentement. Il ne m'a pas adressée un mot de la matinée.

Je ne sais vraiment pas ce qu'il a... Je ne lui ai jamais rien demandé  ! Il peut me sourire et la seconde d'après me cracher à la figure. Je pense que je suis en plein milieu d'une querelle entre Juliette et Romain. Espérons cependant que ce dernier ne se servira pas de moi pour se débarrasser de Juliette.

À onze heures, nous rejoignons la section trois dans le gymnase, pour le cours de tennis. J'y retrouve donc ma grande amie Juliette dans les vestiaires, qui ne cesse de me lancer de faux sourires en enfilant son jogging, « cadeau d'un célèbre couturier Américain » d'après ses propres mots. Nous nous habillons rapidement, et partons sur le terrain.

Je ne tente pas d'apaiser cette haine envers Juliette, qui crispe tous mes muscles. En effet, ce serait bien dommage. Attendez de me voir sur le terrain face à elle. Qu'elle ne vienne pas se lamenter si les balles sont trop fortes. Qui sait  ? Une balle bien envoyée pourrait peut-être l'assommer  ?

À peine sortie des vestiaires, des cris se font entendre. Nous assistons à une dispute entre le professeur et Juliette, sous les yeux attentifs de chaque élève  :

— Mademoiselle Juliette, vous ne pouvez pas faire sport avec des bijoux. C'est le règlement.

— Je ne comprends pas  ! En quoi cela vous gêne  ?!

— Je ne vous demande pas de comprendre, mais d'obéir. Si vous ne voulez pas vous débarrasser de ce bracelet durant ces deux heures, je serai dans l'obligation de vous exclure de mon cours.

— Sans aucun problème  ! rétorque t-elle grinçant des dents.

Elle tourne les talons et quitte le terrain pour se changer, balançant avec élégance ses longs cheveux roux sur son épaule.

Comment est-ce possible de posséder tant d'aisance dans une telle situation...

Le professeur animé d'une panique car il n'a su gérer cette situation comme il l'aurait voulu s'adresse à nous  :

— Je reviens d'ici cinq minutes, je dois aller prévenir la principale du comportement de Juliette.

Alors que dernier se retire du cours, Romain le suit et entre dans son bureau, fermant les rideaux derrière lui. Je ne sais pas ce qui s'y passe, mais Monsieur Mac Laren revient vers nous, ayant apparemment changé d'avis  :

— Ethna, allez chercher Juliette dans les vestiaires s'il vous plait. Dites lui que je l'accepte dans mon cours que ce soit avec ou sans bijoux.

Juliette a donc assisté au cours avec son bracelet au poignet. Un bracelet en argent, incrusté d'une pierre violette qu'elle ne quitte vraisemblablement jamais. Mais quelle gosse de riche capricieuse  !

Et puis, que s'est-il passé pour que Romain arrive à faire changer le prof d'avis...  ? Il a certainement un moyen de pression sur lui. Je me demande ce que cela pourrait-être...

Après la pause déjeuner, je me rends au cours d'astronomie, prête à engager la conversation avec Romain avant d'entrer dans la salle. Il faut dire que j'ai répété incessamment ces phrases une vingtaine de fois dans ma tête.

Sans bafouiller, je prends mon courage à deux mains  :

— Romain, pourquoi es-tu... différent ces temps-ci  ?

Il jette un coup d'oeil à Juliette avant de me répondre froidement  :

— Écoute Sophie, crois moi, c'est mieux ainsi. On n'aurait pas pu s'entendre de toute manière. Je suis pas comme tu le penses et tu finiras certainement par t'en rendre compte. Autant qu'on s'éloigne maintenant, si tu ne veux pas être déçue.

Super explication... Je préfère ne pas comprendre ce que cela signifie. Il faut dire que les garçons de cet âge ont souvent un talent fou pour rendre les choses simples, incompréhensibles.

Nous rentrons en classe, et prenons place autour de tables disposées en demi-cercle, autour du prof  :

— Bonjour à tous, et bienvenue dans ma classe. Je me présente, professeur Fitz. Je vais dans un premier temps, vous poser certaines questions, plus ou moins dures, afin d'évaluer votre niveau individuel, mais aussi de classe. Mademoiselle Anaya, le rayon du soleil, et sa distance par rapport à la Terre.

— Son rayon est de 695 700 km et la distance Terre - Soleil est d'environ 149,6 million de kilomètres.

Alors que je viens juste de répondre, Juliette lève la main et se fait interroger. Elle se tourne vers moi, et me lance  :

— La distance Terre Soleil est plus exactement 149 597 870, 700 kilomètres.

— Bien Juliette, toujours une excellente élève, lui répond monsieur Fitz.

Je n'arrive pas à y croire  ! Nous sommes quinze, elle a su fermer sa bouche pour tout le monde par la suite, sauf pour moi ! En revanche, de toute l'heure elle n'a pas parlé, et s'est contentée de dessiner le même motif sur une feuille  : un cercle contenant deux étoiles, une noire et une blanche. Tout autour, dix triangles de mêmes couleurs s'intercalent. J'ignore ce que cela signifie, mais j'avoue qu'elle a un don pour l'art.

Elle me fixe, sentant mon regard. Mais au lieu de me faire son sourire hypocrite comme elle en a la fâcheuse habitude, elle reste bouche bée m'observant étrangement. La sonnerie retentit, et je me glisse discrètement hors de la salle. J'aperçois Romain prêter attention à Juliette en panique, mais je n'arrive pas à distinguer leur conversation. De toute façon, je n'ai pas le temps d'écouter leur chamaillerie.

♦️♦️♦️

Je m'en veux tellement d'avoir dit cela à Sophie avant le cours... Mais il le fallait. Nous n'aurions jamais pu être ensemble...

Je sors de la salle, le regard dans le vide et le cœur lourd, tout en continuant de repenser à mes paroles maladroites.

J'entends vaguement la voix de Juliette m'appeler. Je ne réagis pas tout de suite, mais ses aboiements de plus en plus inquiets me perturbent  :

— Romain tu vas finir par m'écouter  !?

—   ... Qu'est ce qui t'arrive  ?

— Je l'ai vu, c'est elle  !

— De quoi parles-tu Juliette  ?

— J'ai pas le temps de t'expliquer, il faut réagir et maintenant  ! Avant que ce ne soit trop tard  !

♦️♦️♦️

La réaction de Romain tout à l'heure m'a semblée si étrange que je ne parviens pas à penser à autre chose... Les mots sortis de sa bouche ne cessent de me déstabiliser... Mais pourquoi cela me tient-il tant à cœur  ? Peut-être parce que Tom et Kevin ne sont plus là. Ils ont toujours été les deux garçons comptant le plus pour moi. Et à présent qu'ils ne sont plus ici, je me sens seule.

Une chance que Kevin doit arriver dans quelque minutes  ! Il voulait à tout prix me voir. Et même si le règlement interdit aux élèves ne suivant pas les cours à l'académie d'entrer, Kevin a quand même insisté. Espérons qu'il réussisse à passer inaperçu, parce que nous risquons tous deux d'avoir de gros problèmes... Voici le tempérament de Kevin, il est très... à fond dans tout ce qu'il fait...

Mon téléphone vibre et je décroche aussitôt  :

— Kevin  ?

— Oui Sophie, c'est moi. Comment vas-tu  ?

— Très bien et toi  ?

— Mieux que jamais. Je suis devant le lycée rejoins moi  !

— Je croyais que tu allais entrer ?

— Surprise  ! Viens  !

— Je ne peux pas sortir, il y a des surveillants de partout  !

— Je m'en charge. Il y a un petit portillon à l'ouest du grand bâtiment principal. Tu pourras l'escalader facilement  !

— Bien... Je te fais confiance.

— Ne t'inquiète pas  !

Je regagne ma chambre et pose mon sac sur mon lit. J'écris un petit mot à Jade pour qu'elle ne s'inquiète pas et je descends aussitôt.
Je ne connais pas très bien les couloirs du lycée, mais je sais quelle direction je dois prendre. Je ne peux pas sortir par l'entrée principale et traverser tous les jardins, les surveillants ne me quitteraient pas des yeux. Alors j'emprunte les plus petits corridors du bâtiment, et rejoins l'aile ouest. Je force plusieurs portes mais les verrous ne cèdent pas. Tant pis... Je monte sur un petit meuble de rangement et accède à une vielle fenêtre aux carreaux poussiéreux et décorées de toiles d'araignées. Après plusieurs essais, je parviens à l'ouvrir et m'y échappe. Je saute à l'extérieur et atterris dans le gazon. Un dernier coup d'oeil autour de moi, et je me précipite vers le portillon.

— Sophie  ! s'écrit Kevin me prenant dans ses bras.

— Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente de te voir  !

— Ne perdons pas de temps, suis moi  ! dit-il, les yeux pétillant d'excitation.

Il m'attrape la main, et me traîne à travers les rues de la ville. Il s'arrête devant une salle de danse et me sourie, attendant certainement que je devine ma surprise  :

— On va danser...  ?

— Je t'aime beaucoup Sophie, tu le sais, mais même pour toi je ne danserai pas  ! rit-il.

— Je ne sais pas ce que nous faisons ici alors...

— Entre et tu verras  !

Je pousse la porte et entre dans une des pièces. Une grande salle de danse au parquet merveilleusement bien ciré et entourée de miroir reflétant les quelques rayons solaires entrant dans le lieu. Le silence est si imposant, qu'aucun de nous n'ose le briser. Je reste là un long moment, à observer le magnifique piano à queue au milieu.

— Allons-y... chuchote t-il au dessus de mon épaule.

Nous prenons place sur le siège, et posons délicatement nos mains sur les touches. Je sourie au simple fait de me remémorer tous ces moments passés ensemble devant le piano de l'orphelinat...

Kevin commence à effleurer lentement les notes et je le rejoins à mon tour. Chacune de nos notes se mêlent pour former une mélodie mélancolique. Une mélodie qui nous rend nostalgique. Ce même air que nous avons joué des centaines de fois... C'est Kevin qui m'a appris à jouer celle-ci. Elle représente beaucoup pour nous  : À chaque fois que j'étais triste, il me tirait par le bras dans le salon et jouait ce morceau. Depuis, elle a toujours eu un sens pour moi  : sourire et rire malgré les épreuves les plus dures, savoir pardonner, mais surtout se pardonner. Et enfin, ne pas avoir peur de suivre son destin, car rien n'est le fruit du hasard. Chaque événement a un sens, une vérité, qui t'emmène un peu plus loin sur ce long chemin qui est ta destinée.

— Tu es ma meilleure élève Sophie, dit-il, une fois le morceau achevé.

Je lui sourie et nous reprenons à nouveau.
Une heure et demi plus tard, alors que le temps défilait sans que nous le remarquions, nous décidons de rendre les clefs de la salle et repartir au lycée :

— Merci beaucoup Kevin.

— Avec plaisir Sophie. Si tu as besoin de quoi que ce soit, ou juste l'envie de te changer les idées, dis le moi.

Il m'embrasse d'un tendre baiser sur la joue, et m'aide à repasser au-dessus du portillon.

Je rejoins Jade et Kelsey à la bibliothèque, plus calme que l'étude. Je ne peux cacher ce sourire sur mon visage, ce qui saute immédiatement aux yeux de Jade :

— Alors Sophie ! Raconte-nous ! s'impatiente cette dernière.

— Nous sommes allés jouer du piano.

— Il est très romantique ce petit Kevin  ! s'émerveille t-elle.

— Je ne suis pas étonnée, avoue Kelsey.

— Pourquoi  ? Demande Hugo.

— Kevin aime beaucoup Sophie... continue Kelsey.

— Nous sommes simplement amis.

— C'est ce qu'ils disent tous au début  ! ricane Jade.

Kelsey se lève de la table sans dire un mot. Je l'interpelle  :

— Où vas-tu Kelsey  ?

— J'ai oublié le manuel de maths dans mon casier. Je reviens, dit-elle d'un air inquiet quittant la pièce.

Ce genre de détail peut la mettre dans un état incroyable... C'est aussi simple  : avec elle, on ne peut pas rigoler de ce qui touche à l'école. Et gare à celui ou celle qui oserait la traiter d'élève indisciplinée  !

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